Je voudrais revenir sur deux points. En premier lieu, personne ne conteste que l'école soit, comme vous le dites, un bien, une chance. La question est de savoir comment se définissent ce bien et cette chance. Pour vous, c'est l'État qui doit orienter fermement les parents pour qu'ils mettent leurs enfants à l'école et leur donner, de manière dérogatoire, par exception, la possibilité de pratiquer l'instruction en famille après avoir levé la main pour demander l'autorisation et après acceptation de leur dossier.
Une autre conception, qui est la nôtre, repose sur la liberté des parents. Quand on leur laisse la liberté, les parents, dans leur très grande majorité, choisissent l'école, même dès 3 ans – le taux d'enfants scolarisés atteignait, me semble-t-il, 97,2 % des enfants, avant même l'obligation. Sans qu'on ne fasse rien, donc, les parents, en grande majorité, sont d'eux-mêmes convaincus que l'école est une chance. Ils ne vous ont pas attendus pour cela. Ils n'attendent pas que l'État leur dicte leur comportement : ils savent ce qui est bon pour leurs enfants et, dans une très grande majorité des cas, l'école est une chance pour ces derniers. Certains parents décident toutefois, pour diverses raisons, en fonction de besoins spécifiques, d'une organisation différente ou de choix pédagogiques, de privilégier l'instruction en famille. Il y a donc bien deux méthodes, mais personne ne conteste que l'école puisse être une chance pour une très grande majorité des enfants. La différence, c'est que vous voulez l'imposer. Laissez la liberté et, d'eux-mêmes, les parents, qui savent ce qui est bon pour leurs enfants, décideront de les y mettre.
Le deuxième point sur lequel je tiens à revenir est l'argument très dangereux, que vous avez déjà employé en commission spéciale, selon lequel un seul cas justifierait la mesure. De tels arguments sont à l'origine des dérives liberticides et dictatoriales. En effet, en matière de liberté d'expression et de manifestation, cet argument fondé sur un seul cas permettrait de passer du régime de la déclaration de manifestation à celui de l'autorisation. Au prétexte qu'il n'y aurait qu'une seule manifestation où se seraient produits des excès de violence, on basculerait ainsi vers un régime d'autorisation ? Tout cela, de surcroît, se fait bien sûr sous le coup de l'émotion.
Je pourrais retourner l'argument : s'il n'y avait qu'un seul cas d'enfant harcelé à l'école ou d'enfant sortant de notre système éducatif sans les connaissances et les compétences minimales, quelles conclusions en tirerait-t-on ? Mais vous savez bien que la vie est plus compliquée. Je ne comprends pas qu'on puisse, au niveau ministériel, recourir à cet argument du « s'il n'y avait qu'un seul cas ».