Intervention de Laurence Vanceunebrock

Séance en hémicycle du mardi 5 octobre 2021 à 15h00
Interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vanceunebrock, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

…qui a constitué le collectif « Rien à guérir », et celui des associations qui soutiennent quotidiennement les victimes. Celles-ci luttent aujourd'hui pour qu'aucun autre enfant ne subisse le même sort dans le futur.

Souvent élevées dans des milieux fermés, les victimes, sous emprise mentale, ne se remettent que rarement des thérapies de conversion : on a pu leur infliger des sévices corporels, ou encore effacer leurs souvenirs d'enfant au point qu'elles n'ont plus de prise sur leur propre existence, leur propre vie, et peinent plus tard à se construire librement. Ne négligeons pas les séquelles sur leur santé : isolement, dépression ou encore, tragiquement, suicides.

Aujourd'hui, heureusement, l'évolution de notre société tend à garantir à nos concitoyens LGBT de plus grandes libertés et surtout une meilleure reconnaissance de leurs différences, mais au moment de leur construction, il faut s'assurer qu'ils sont accompagnés de façon bienveillante et respectueuse. La distinction entre les pratiques prétendant changer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne et celles ayant pour objectif l'accompagnement et le soutien des personnes ayant des questionnements est essentielle.

L'accompagnement par les familles ou par des personnes de confiance est nécessaire et même souhaitable ; mais il ne devrait jamais aboutir à la proposition d'une thérapie de conversion. Je tiens à remercier tous ceux qui se distinguent en proposant aux personnes concernées un accueil, un suivi, une écoute. Je sais que certaines autorités religieuses prennent la parole en ce sens et je les soutiens dans cette démarche. Les dérives que nous combattons ensemble ne doivent en rien nuire à l'activité, heureusement bien plus commune, visant à venir en aide à ceux qui s'interrogent. Je remercie aussi les thérapeutes, médecins, psychologues et psychiatres, qui accompagnent les personnes à la recherche d'un soutien psychologique. Leur travail non plus ne doit pas être confondu avec l'action des marginaux et des charlatans qui pratiquent des thérapies de conversion sans respecter le code de déontologie médicale.

Je suis convaincue que cette proposition de loi permettra d'aider les victimes, mais aussi de condamner les auteurs des thérapies de conversion, et ainsi d'en finir avec ces pratiques. Elle suit d'ailleurs d'autres évolutions législatives introduites par nos voisins depuis que le Parlement européen a adopté, le 1er mars 2018, une motion condamnant les thérapies de conversion et appelant les États membres de l'Union européenne à légiférer pour les interdire. Je suis certaine que ce texte, que je présente avec mes collègues des groupes La République en marche, Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés et Agir ensemble, avec le soutien du Gouvernement qui l'a inscrit à son ordre du jour, recevra un accueil positif en séance, comme cela fut le cas en commission des lois où tous les groupes politiques de notre Assemblée se sont montrés révoltés par ces pratiques. Je tiens à rappeler que la mobilisation de la France est très attendue partout dans le monde et que nous devons être fiers et honorés d'agir contre les thérapies de conversion qualifiées de tortures par les Nations unies.

Comme je l'ai rappelé en commission, après l'adoption de cette loi, dont je ne doute pas, nous devrons poursuivre notre effort pour en évaluer et en contrôler l'application. Il s'agira aussi d'accompagner le Gouvernement et particulièrement Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. Dans tous les secteurs de la société, nous devrons aider nos concitoyens et faire en sorte qu'ils puissent s'autodéterminer librement. Je pense en particulier à l'école, où chaque enfant doit se sentir libre de s'épanouir sereinement, mais aussi à l'écoute dont doivent faire preuve les autorités policières et judiciaires.

Enfin, je tiens à remercier tous ceux qui ont permis d'avancer sur ce sujet jusqu'ici : Mme la ministre déléguée, Christophe Castaner, mes collègues députés les plus impliqués et surtout tous ceux qui, en dehors de ces murs, ont participé à faire la lumière sur ces pratiques, qu'ils soient artistes, journalistes ou anonymes.

La proposition de loi comprend trois articles, que nos travaux en commission sont venus clarifier.

L'article 1er définit comme un nouveau délit autonome, dans le code pénal, le fait de chercher à modifier ou de réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Il prévoit aussi des sanctions aggravées lorsque ces faits sont commis sur des mineurs. En commission, j'ai souhaité que nous inscrivions cette disposition dans une nouvelle section parmi les infractions portant atteinte à la dignité de la personne humaine.

L'article 2 prévoit une aggravation des peines encourues lorsqu'un crime ou un délit est commis en vue de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. En commission, nous avons clarifié le dispositif pour éviter toute confusion entre les thérapies de conversion et des délits déjà existants, notamment le harcèlement sexuel.

L'article 3 crée un article dans le code de la santé publique pour sanctionner les personnes qui procèdent à des consultations ou des traitements médicaux ou prétendument médicaux pour modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Cet article permettra d'engager plus facilement la responsabilité des professionnels de santé qui abusent de leur position pour imposer des traitements dégradants et humiliants.

« Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants, mais peu d'entre elles s'en souviennent », nous dit Saint-Exupéry.

Peu se rappellent combien cette période de l'enfance, de l'adolescence peut être difficile à traverser ou, s'ils ne s'en souviennent pas, c'est que, pour eux, elle fut très certainement heureuse. Aux autres, celles et ceux qui souffrent, j'aimerais dire que je garde espoir dans le pouvoir que nous avons tous ensemble de faire changer les choses.

Plusieurs sujets nous attendent encore, je pense notamment aux circonstances aggravantes applicables à l'article 1er ou à la capacité des associations à se porter partie civile pour lutter contre les thérapies de conversion. Ensemble, agissons et soyons unis dans la diversité.

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