Séance en hémicycle du mardi 5 octobre 2021 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • consulaire
  • conversion
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  • sexuelle
  • thérapie
  • tribunaux

Sommaire

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Conformément au premier alinéa de l'article 28 de la Constitution, j'ai pris acte de l'ouverture de la session ordinaire 2021-2022 au Journal officiel du samedi 2 octobre 2021.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, en cinq ans, vous avez réussi à mettre à bas notre politique énergétique souveraine, héritée du général de Gaulle, qui garantissait à la France son indépendance et sa compétitivité : 12 % d'augmentation du prix de l'électricité, 20 % de celui du litre de gazole, 57 % d'augmentation du prix du gaz depuis le début de l'année. Que cela vous plaise ou non, c'est le résultat de votre politique énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous le savez pertinemment : en dépit de vos mesures électoralistes, les tarifs continueront d'augmenter car il s'agit d'un problème structurel que vous avez importé en France. Vous êtes le responsable de cette situation car c'est votre programmation pluriannuelle de l'énergie qui a mis à mal les énergies peu chères et propres.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais n'écoutant que votre courage, qui ne vous dit rien, vous préférez toujours l'idéologie au pragmatisme : au moment même où nos besoins en énergie augmentent, vous persistez dans votre choix et prévoyez de fermer, après Fessenheim, douze nouvelles centrales nucléaires fiables, productrices d'une énergie bas carbone, constante et peu coûteuse !

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LR

C'est une honte !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Face à cette situation déplorable, vous tenez un discours pronucléaire à six mois d'une élection, sans jamais avoir rien fait depuis quatre ans.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'heure n'est plus aux mots d'amour mais aux preuves ! Les risques d'un black-out électrique pour l'hiver 2022 grandissent chaque jour. Votre politique énergétique, c'est la précarité, par les hausses de prix pour les Français et par le manque de production !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, agissez ! Permettez à la France de retrouver son indépendance énergétique fiable à moindre coût. Permettez simplement aux Français de pouvoir se chauffer cet hiver et ne les obligez pas à redescendre dans la rue.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Je ne sais pas si c'est une totale méconnaissance du sujet ou une totale malhonnêteté intellectuelle qui vous fait raconter des bêtises pareilles !

Vives protestations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Excusez-moi, mais la hausse des prix de l'énergie touche toute l'Europe. Elle est due à l'envolée des prix du gaz elle-même due à une demande dépassant largement l'offre du fait de la reprise mondiale. Tous les pays européens sont donc touchés et, paradoxalement, en France nous sommes plutôt préservés par notre système de tarifs réglementés.

Remettons donc les choses à leur place avant de parler de politique énergétique. Je voudrais bien que vous ne fassiez pas croire n'importe quoi aux Français : le sujet est trop important pour qu'on dise des bêtises. Nous prenons bien sûr des mesures pour protéger les Français face à cette envolée des prix. Le bénéfice du chèque énergie…

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

…a été élargi et une prime de 100 euros va être versée d'ici la fin de l'année. Nous avons aussi, à l'initiative de M. le Premier ministre, prévu un bouclier qui va permettre de protéger nos concitoyens contre de futures hausses du prix du gaz et de l'électricité.

Par ailleurs, et vous le savez très bien, notre programmation pluriannuelle de l'énergie va nous permettre de continuer à disposer d'une électricité décarbonée et de faire face à une forte hausse prévisible de la demande d'électricité due précisément au fait que nous décarbonons notre économie dans des secteurs qui aujourd'hui utilisent du pétrole comme l'automobile et d'autres secteurs industriels. Cette hausse des besoins d'électricité va nous obliger dans les dix ans à venir à accroître notre offre. Cela passera d'abord par les énergies renouvelables et il y aura des débats pour la suite.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous reconnaissez enfin, madame la ministre, que les besoins en électricité vont augmenter, ce que vous ne reconnaissiez pas jusque-là, ce qui vous a amenée notamment à fermer la centrale de Fessenheim.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse à monsieur le Premier ministre, et j'y associe notamment mes collègues Liliana Tanguy, Éric Bothorel, Bertrand Sorre, Bertrand Bouyx et Jean-Pierre Pont.

Le refus des autorités britanniques et de Jersey, le 28 septembre dernier, de délivrer à des bateaux français toutes les licences de pêche demandées est inadmissible et incompréhensible.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Inadmissible car l'accord conclu en décembre 2020 entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, d'ailleurs signé de la main de Boris Johnson, était-on ne peut plus clair ; incompréhensible car sous couvert d'une interprétation fallacieuse de l'accord, la Grande-Bretagne refuserait encore de délivrer 75 licences définitives dans la bande des 12 milles nautiques bordant la côte anglaise et Jersey refuse d'accorder 105 licences définitives pour les navires de moins de 12 mètres.

Des centaines de bateaux sont ainsi à l'arrêt et une activité majeure de nos territoires est en danger. L'exaspération des professionnels du secteur est grande et leur patience a atteint sa limite, la nôtre aussi.

C'est peu dire qu'à l'heure où je vous parle le compte n'y est pas. Depuis neuf mois les pêcheurs – je pense notamment à ceux d'Erquy et de Saint-Quay-Portrieux – ont fourni un travail colossal pour permettre une bonne application de l'accord. Depuis neuf mois, nous avons, sur tous ces bancs, alerté la Commission européenne et depuis neuf mois la ministre Annick Girardin a mené une action cohérente et résolue pour accompagner la filière et lui donner de la visibilité.

Face à cette situation, nous devons faire front, en France et au niveau européen, pour que les Britanniques reviennent sur cette décision mesquine et intolérable. En effet, au-delà de la question de la pêche, c'est une affaire de principes pour l'Union, un enjeu de solidarité pour ses États membres car il y va de la crédibilité du projet européen et de la capacité de l'Europe à protéger.

Vous le voyez – et vous le savez, car je sais votre engagement, monsieur le Premier ministre –, la situation est critique. Ma question est double. Ferez-vous du soutien aux professionnels de la pêche une priorité absolue de la future présidence de l'Union européenne ? Face aux manœuvres d'obstruction du Royaume-Uni, quelles mesures le Gouvernement français compte-t-il adopter pour défendre les pêcheurs, qui ne veulent qu'une chose : faire respecter leurs droits, tous leurs droits et rien que leurs droits ?

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – MM. Éric Bothorel et Bertrand Bouyx applaudissent debout. – M. Jean-Luc Bourgeaux applaudit également.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Ce n'est pas que nous ferons de cette question une priorité : c'est que nous avons fait de la préservation des droits de nos pêcheurs une condition centrale du bon aboutissement de la négociation sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Vous l'avez dit, l'accord signé fin 2020 et très clair : il prévoit l'octroi de licences, non seulement pour permettre à nos pêcheurs de pêcher dans la zone économique exclusive britannique, mais aussi pour permettre à ceux d'entre eux qui ont exercé par le passé cette activité de pêcher dans la zone des 6-12 milles et dans celle de Jersey et Guernesey.

Or nous constatons aujourd'hui de la façon la plus claire que la Grande-Bretagne ne respecte pas la signature qu'elle a elle-même donnée.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

De mois en mois en effet – et je vous assure que mon gouvernement, notamment la ministre de la mer ainsi que le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, suit ce dossier avec toute la précaution qu'il nécessite –, de mois en mois, le Royaume-Uni présente de nouvelles conditions d'exigibilité, refuse certaines données sans aucune argumentation et reporte l'octroi de licences définitives qu'il doit pouvoir délivrer. Sur les 175 licences auxquelles nous avons droit pour les 6-12 milles, à ce jour, seules 100 ont été accordées et 17 ont été carrément refusées. Pour Jersey, sur 216 demandes, seules 116 ont été satisfaites, 75 ayant été rejetées.

Je le dis devant la représentation nationale, de la façon la plus calme mais la plus déterminée, cette attitude est inacceptable et ces manquements au texte des accords sont intolérables.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Nous ne voulons que le respect des paroles données de part et d'autres. Je le dis aux députés ici réunis, comme aux pêcheurs avec lesquels mon gouvernement, notamment la ministre de la mer, est en contact permanent et pour lesquels nous avons déployé des mesures de d'accompagnement tout à fait significatives et aux élus des territoires concernés, que la ministre recevra à nouveau demain : j'ai déjà saisi la présidente de la Commission européenne sur ce sujet, …

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…puisque, vous le savez, c'est la Commission qui doit veiller au respect des termes de l'accord. Je le dis aussi avec clarté devant l'Assemblée nationale, la Commission bouge ; elle doit le faire davantage et veiller de manière plus ferme au respect des engagements souscrits par le Royaume-Uni.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

En conséquence, nous allons demander la convocation du Conseil de partenariat prévu à l'article 4 – soyons technique – de la décision du Conseil qui a autorisé la Commission à conclure l'accord sur le Brexit. Cette disposition de droit interne à l'Union doit permettre de mieux sanctionner ce manquement grave et répété et d'impliquer encore davantage la Commission dans la résolution de ce différend. Je le dis : si cela ne suffit pas, alors nous saisirons le panel arbitral de l'accord pour conduire les Britanniques à respecter leur parole. Nous questionnerons – je le dis solennellement devant vous – toutes les conditions d'une mise en œuvre plus globale des accords conclus sous l'égide de l'Union européenne, mais aussi, s'il le faut, les coopérations bilatérales que nous avons nouées avec le Royaume-Uni dans de multiples domaines.

Au-delà de la pêche, sujet majeur, c'est une question de principe, c'est une question symbolique : nous demandons simplement que les accords conclus soient strictement respectés, comme nous nous y astreignons nous-mêmes.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais à mon tour, monsieur le Premier ministre, revenir sur la question des récentes hausses du prix de l'énergie, en l'illustrant d'un exemple : du fait de ces hausses, notamment celle du 1er octobre, un ménage de deux adultes et deux enfants qui se chauffe au gaz et qui a une voiture à essence va voir sa facture augmenter de 806 euros sur une année pleine. Pour compenser cela, vous proposez de donner un chèque énergie de 100 euros de plus à ceux de ces ménages qui perçoivent moins de 1 700 euros par mois.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question est très simple : comment, avec 100 euros, compenserez-vous 806 euros de hausse des prix de l'énergie ?

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Madame la présidente Valérie Rabault, vous avez, involontairement sans doute, omis de présenter l'ensemble des dispositions que j'ai annoncées pour faire face à la hausse des prix de l'énergie.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

À vous entendre, le Gouvernement est responsable de tout, mais je veux d'abord rappeler que si les prix de l'énergie et du gaz augmentent, c'est à cause de la situation dans un certain nombre de pays et – vous le savez toutes et tous – pour des considérations internationales,…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LR

Ce n'est jamais de votre faute !

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…et que ces évolutions sont totalement insensibles à l'élection présidentielle en France.

Il est vrai qu'aujourd'hui le prix du gaz augmente, mais les experts prévoient qu'il devrait baisser à partir du printemps. Cela tombera à un moment particulier pour nous mais ce n'est pas calculé en fonction de cela.

Nous avons, surtout, décidé de bloquer les prix du gaz. Pour les usagers que vous avez évoqués, ce qui importe, c'est que leur facture n'augmente plus,…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe SOC

Elle ne baissera pas non plus !

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…ce qui sera le cas grâce à cette décision sur les prix réglementés.

Je vous entends déjà demander, mesdames et messieurs les députés, ce qui se passera si les cours internationaux du gaz ne redescendent pas au printemps ou ne baissent pas à due proportion de l'augmentation très forte qu'ils continuent hélas à connaître ! Je vous annonce donc que, comme nous l'avons fait pour le prix de l'électricité, nous déposerons, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2022 dont vous allez débattre, un amendement qui nous permettra d'agir sur le levier fiscal en cas de nécessité, c'est-à-dire d'abaisser les taxes spécifiques qui pèsent sur le prix du gaz, dans l'hypothèse, je le répète, où, pour toute l'année 2022, les prix du gaz ne baisseraient pas à proportion de leur hausse actuelle, afin de protéger non seulement le pouvoir d'achat des plus modestes, mais aussi celui de l'ensemble des consommateurs de ces énergies.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, vous parlez des hausses futures, alors que je vous interrogeais sur les hausses intervenues au 1er octobre. Or, vous consacrez 100 euros de plus au chèque énergie pour couvrir des hausses qui représenteront 806 euros en année pleine : voilà la baisse de pouvoir d'achat que j'évoquais.

Nous vous proposons cinq solutions.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La première consiste à créer un bouclier tarifaire énergétique, avec l'accès à un volume minimal de gaz, à l'instar de ce que testent aujourd'hui certaines collectivités locales pour l'eau, en appliquant aux premiers mètres cubes des prix préférentiels.

Nous vous avons proposé de doubler le chèque énergie et, surtout, de le verser automatiquement par virement, car on observe aujourd'hui 20 % de non-recours à ce dispositif. Nous vous proposons également d'augmenter le nombre de bénéficiaires en doublant le seuil actuel, ce qui permettrait à un ménage de deux adultes et deux enfants de pouvoir en bénéficier lorsque son revenu est inférieur à 3 500 euros par mois. Enfin, nous vous proposons d'accorder le chèque énergie à celles et ceux qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture pour aller travailler __ ils sont 14 millions dans notre pays, et 8,5 millions d'entre eux ont moins de 1 700 euros par mois.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et puisque la France présidera l'Union européenne à partir du 1er janvier 2022, nous vous proposons de nous accorder avec nos partenaires pour appliquer une baisse temporaire de TVA sur les produits énergétiques.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Une précision complémentaire : je vous ai en effet répondu essentiellement à propos des hausses à venir. Pour le passé, entre mars 2021 et mars 2022 __ puisqu'il n'y aura plus de hausse d'ici là __, les Français éligibles au chèque énergie ont reçu 150 euros, puis encore 150 euros, et 100 euros de mesures exceptionnelles, soit 400 euros.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, alors que la France accueille le Sommet mondial sur la santé mentale, les assises de la santé mentale et de la psychiatrie se sont clôturées mardi dernier par des mesures concrètes sans précédent, avec un engagement portant sur 1,9 milliard d'euros sur cinq ans dès 2022, pour sortir la psychiatrie de son sous-investissement chronique et donner aux professionnels la considération dont ils avaient tant manqué ces dernières années. Comme l'a rappelé le Président de la République, en quarante ans, le nombre de lits a chuté de 200 000 à 40 000. La covid a aussi joué un rôle de catalyseur et de facteur précipitant, nous rappelant parfois avec dureté, comme un miroir grossissant, les fragilités systémiques de l'organisation de tout notre système de soins, dont la psychiatrie ne fait pas l'économie. Citons, entre autres, le cloisonnement encore trop prégnant entre la ville et l'hôpital, entre les acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux, et entre les soins somatiques et psychiques, qui ont pour conséquence une diminution de treize à seize ans de l'espérance de vie des patients psychiatriques, l'insuffisante gradation des soins, avec un engorgement des secteurs et des services de premier recours, comme les centres médico-psychologiques, les centres médico-psychologiques pédagogiques et les centres médico-psychologiques de l'enfant et de l'adolescent, qui se traduit par un retard de diagnostic pour les patients, ou encore la stigmatisation de la psychiatrie et de la santé mentale, qui éloigne de soins adaptés près de 50 % des personnes en souffrance psychique.

Pour les patients, leurs familles, les professionnels et les citoyens, ces assises tracent avec audace des orientations claires, un engagement financier et humain inédit en matière de prévention, d'organisation, de soins et de recherche pour sortir la psychiatrie de l'état d'urgence. Elles actent, entre autres, des mesures promues dans le rapport de la mission parlementaire de 2019 que j'ai présidée, comme le remboursement des consultations chez le psychologue en ville pour l'ensemble de la population ou le développement des premiers secours en santé mentale.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les autres mesures phares prises au lendemain de ces assises pour désengorger les services, rénover les établissements, développer des équipes mobiles, améliorer les prises en charge ambulatoires et, devant la souffrance psychique en France, assurer à chacun, dans l'égalité et la dignité territoriales, l'accès aux soins.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Merci pour votre question relative aux conclusions des assises nationales de la psychiatrie et de la santé mentale, voulues et présidées par le Président de la République, et qui font suite à la crise de la covid que nous avons connue, laquelle a eu un fort impact sur un système de psychiatrie et de santé mentale qui était déjà mis à rude épreuve, ajoutant encore à sa charge et à la demande de soins.

Vous avez cité quelques annonces. D'abord, le diagnostic était partagé. De fait, les médecins et les associations de patients et de familles représentées m'ont dit que cela faisait trente ans que l'on attendait un grand discours sur la psychiatrie et la santé mentale, une prise en compte partagée des problèmes du moment et des moyens nouveaux. Cela signifie qu'il y a eu des bons plans voilà trente et soixante ans, mais qu'il n'y en avait pas eu depuis trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous auriez dû en parler à François Hollande !

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Ce plan comporte, vous l'avez dit, une mesure phare, qui permettra à tous les Français âgés de 3 ans et plus, sans restrictions imprimées en petits caractères, d'accéder gratuitement à un psychologue clinicien diplômé installé en ville, à raison d'une consultation de bilan et de sept consultations de suivi, renouvelables l'année suivante. Cette mesure, qui répond à une demande très forte dans notre pays, permet à des personnes qui traversent une mauvaise période de leur vie de se faire accompagner, alors que, jusqu'ici, ceux qui avaient de l'argent, pouvaient se le payer et ceux qui n'en avaient pas devaient rester avec leur souffrance ou en référer uniquement à leurs proches.

Huit cents postes seront créés dans les différents centres médico-psychologiques et 80 millions d'euros viendront soutenir la recherche et l'innovation en santé mentale avec de grands projets, car la psychiatrie, pour évoluer, a aussi besoin d'un développement de la recherche clinique et d'une harmonisation des pratiques. La communauté de la santé mentale a vécu un moment très fort…

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

…et ces annonces ont fait l'unanimité, notamment de la part des associations d'usagers et de leurs familles.

Comme vous l'avez rappelé, j'ai ouvert ce matin le Sommet mondial sur la santé mentale, qui se tient à Paris, où 140 pays sont représentés et qui est l'occasion non seulement de présenter le modèle français, mais aussi d'échanger sur les pratiques avec les autres pays qui font face aux mêmes difficultés que nous.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre de la santé, alors que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État s'inquiètent à nouveau du manque de contrôle des lois d'exception, votre gouvernement s'apprête à étendre le régime de l'état d'urgence jusqu'au 31 juillet prochain, ce qui reviendrait à maintenir l'état d'urgence pendant encore dix mois de plus. Ainsi, en juillet prochain, les Français auront vécu plus de trois années consécutives dans un état d'exception qui implique de fortes privations de liberté.

Une telle extension, d'une ampleur inédite, apparaît tout à fait démesurée et disproportionnée. Elle est d'autant plus incompréhensible que l'épidémie semble sous contrôle et que la quatrième vague a été évitée grâce à la mobilisation de tous, grâce notamment à l'esprit de responsabilité des Français, qui ont répondu à l'impératif de vaccination.

Une prolongation aussi longue permettrait également à votre gouvernement d'enjamber complètement les élections présidentielle et législatives en étirant l'urgence sanitaire jusqu'au prochain quinquennat, et cela sans consulter le Parlement, qui n'aurait même pas la possibilité de contrôler les mesures qui seront prises par votre gouvernement au titre de l'état d'urgence – je pense en particulier à l'application du passe sanitaire, qui pourra être étendue à votre convenance. C'est une nouvelle preuve du mépris de votre majorité pour le Parlement et pour les contre-pouvoirs en général.

Les députés du groupe Les Républicains ont toujours pris leurs responsabilités pour défendre l'intérêt général. Nous avons accepté des mesures exceptionnelles de privation de liberté, non par plaisir, mais parce qu'elles étaient justifiées par la gravité de la crise et parce qu'elles demeuraient très temporaires, mais ces mesures n'ont pas vocation à être prolongées à l'infini selon votre convenance personnelle ou vos intérêts politiques. La liberté des Français ne peut être mise sous cloche éternellement. Comment pouvez-vous justifier auprès des Français un tel dévoiement de l'état d'urgence, au mépris des libertés ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Madame la députée, je vois que vous avez de la constance. Je ne sais pas quel était votre vote personnel, mais je respecte le Parlement et nous avons déjà examiné, non pas un texte relatif à l'urgence sanitaire, mais dix – excusez du peu ! Sur cette question, aucun pays d'Europe n'a déposé devant son Parlement autant de textes que la France. Voilà pour le procès en rupture démocratique !

Je sais que votre groupe a voté très majoritairement contre l'application du passe sanitaire dans notre pays.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Vous avez voté contre, madame la députée. Vous êtes donc constante dans le vote contre.

Et lorsque vous dites que la quatrième vague a été évitée grâce à la mobilisation de tous, je vous répondrai d'abord que la quatrième vague n'a, hélas, pas été évitée – les milliers de personnes qui sont tombées malades et les centaines qui sont encore en réanimation du fait de cette quatrième vague sont bien conscientes qu'elle existe. En revanche, si nous avons évité la catastrophe, c'est notamment parce que cette majorité a pris ses responsabilités

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

et nous a permis de prendre des mesures de protection des Français.

Madame la députée, vous avez voté contre les confinements, hormis le premier, contre l'extension du couvre-feu, contre toutes les extensions des mesures dérogatoires et contre le passe sanitaire. Vous êtes donc constante, et vous nous demandez aujourd'hui de renoncer à la possibilité de déclencher un dispositif pour protéger les Français dans l'urgence si une cinquième vague devait arriver en février ou en mars, alors que le Parlement ne serait plus amené à se réunir.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a un an, vous disiez qu'il n'y avait pas besoin de masque !

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Non, madame la députée, nous ne renoncerons pas !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a un an, vous disiez que c'était une grippette !

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Les parlementaires seront souverains à le décider. Il ne s'agit pas de maintenir l'état d'urgence sanitaire jusqu'à l'été, mais de maintenir la possibilité pour le Gouvernement de déclencher, sur la base d'un décret, un état d'urgence sanitaire si la situation sanitaire devait l'exiger, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, vous le reconnaîtrez avec moi. Personne n'a envie de conserver le passe sanitaire jusqu'à l'été, et moi moins que quiconque, ni de devoir déclencher à nouveau des mesures de gestion. Cela signifie qu'au fond, personne n'a envie que le virus revienne. Mais s'il revient, ce n'est ni à vous ni à moi qu'il demandera l'autorisation, et il faudra bien réagir.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Rien ne vous interdit de sortir du régime de l'état d'urgence, quitte à convoquer à nouveau le Parlement ultérieurement si la situation se détériore et à nous imposer à nouveau des mesures d'exception. Rien…

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, la flambée mondiale des prix de l'énergie ne semble pas près de s'arrêter. L'énergie est un besoin essentiel pour les plus pauvres, qui sont les premiers touchés, et la hausse des prix une double peine pour les classes moyennes, qui n'ont pas accès au chèque énergie, ainsi qu'une charge supplémentaire pour nos PME. Après une hausse de plus de 50 % depuis le début de l'année pour le gaz, dont 12,6 % en octobre, vous réagissez dans l'urgence, de manière tardive et temporaire. Pour faire face à cette augmentation, vos mesures reviennent donc à décaler la hausse du prix du gaz pour la faire intervenir juste après l'élection présidentielle, en faisant le pari risqué que cette hausse n'est que temporaire. Pour l'électricité, vous plafonnez la hausse à 4 % – 4 % quand même !

Vos réponses sont donc conjoncturelles face à un problème structurel. Les prix des énergies fossiles connaissent une tendance d'augmentation à long terme et il est donc indispensable de rendre intégralement aux Français le surplus fiscal que vous apportera la hausse des prix de l'énergie.

Le groupe UDI-I propose des solutions simples et concrètes, par exemple la suppression de la TVA sur les taxes locales ou une baisse de 20 % à 5,5 % de la TVA sur les petites taxes énergétiques. Monsieur le Premier ministre, pourquoi ne supprimez-vous pas de manière permanente la TVA appliquée à la fiscalité énergétique, qui n'est qu'une taxe sur la taxe ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Nous devons évidemment réagir à deux niveaux face à cette hausse des prix de l'énergie. Il faut, d'abord, réagir immédiatement pour protéger nos concitoyens de ces hausses – ce sont les mesures annoncées par le Premier ministre…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe GDR

Ce n'est pas à la hauteur !

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

…et rappelées par lui aujourd'hui, qu'il s'agisse du chèque énergie ou de mesures plus structurelles, notamment des baisses de taxation. Je précise, répétant ce qu'a dit M. le Premier ministre, que toutes les hausses qui bénéficieront à l'État seront redistribuées à nos concitoyens, car nous n'allons pas faire des bénéfices sur ces hausses du prix du gaz.

Vous avez signalé vous-même une question plus structurelle : celle du marché européen de l'énergie. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain : par temps calme, ce marché nous protège, nous assure les tarifs les plus bas, nous permet de travailler avec les autres États, notamment afin de développer les réseaux et d'être approvisionnés en fonction de nos besoins. En revanche, lorsque la crise survient, il montre clairement ses limites. Il y a quinze jours, à l'occasion d'une réunion informelle des ministres européens chargés des transports et de l'énergie, nous avons alerté la Commission européenne au sujet de la nécessité de revoir le market design de ce marché, par exemple en faisant en sorte que le prix payé par les consommateurs soit lié à la décarbonation de la production nationale d'électricité. Nous travaillons également, entre autres, au stockage du gaz. Toutefois, d'une manière plus générale, puisque c'est principalement le coût des énergies fossiles qui augmentera dans les prochaines années, cette hausse des prix doit nous contraindre à décarboner massivement : c'est là toute notre politique énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, c'est bien de toujours invoquer l'Europe, mais nous tenons une possibilité d'agir : chez nous, en France, nous nous apprêtons à examiner le projet de loi de finances. Vous nous dites que l'État veut utiliser les recettes de la TVA pour faire baisser le coût de l'énergie ; prouvez-le donc en soutenant les amendements en ce sens qui seront tout à l'heure soumis au vote de la commission. Nous disposerons alors d'une solution concrète ! Bien sûr, il faut préparer l'avenir, mais nous n'en faisons pas moins face à une situation d'urgence. Lorsqu'on habite des territoires, comme le mien, où il fait relativement froid, la facture grimpe de 600 ou 700 euros. Il est insupportable que, dans ce pays, des gens n'arrivent plus à se chauffer parce que l'énergie est trop chère !

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et Agir ens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« Le plus nécessaire et le plus difficile dans la musique, c'est le tempo », écrivait Mozart. La décision de durcir dès cet été les conditions d'obtention des visas accordés aux habitants d'Afrique du Nord, au moment où la France, dans ses rapports avec le continent africain, souhaite jouer une nouvelle partition, n'est pas ce que laissait présager le discours de Ouagadougou du Président de la République.

Bien évidemment, il ne s'agit pas ici de discuter la souveraineté de notre pays. Le Gouvernement souhaite reconduire chez elles toutes les personnes entrées illégalement sur notre territoire : nos partenaires au sud de la Méditerranée doivent le comprendre et accepter de réadmettre leurs ressortissants. Néanmoins, il convient pour cela de changer de logiciel et de troquer la vexation contre la responsabilisation. Nous craignons en effet que ne soient sanctionnés des étudiants, des chercheurs, des entrepreneurs, des artistes, des sportifs, tous ceux qui devraient jeter des passerelles entre les deux continents. Nous craignons que vos mesures ne frappent les petites gens, les populations dénuées de réseaux, les classes moyennes, pour lesquelles le visa constitue une bouffée d'air, une ouverture sur le monde, voire un laissez-passer en vue de la réussite professionnelle. Ces gens côtoient les 3,5 millions de Français de l'étranger et entretiennent avec eux des relations fraternelles. La France compte bien rester la première destination touristique au monde ; elle investit dans de nombreux programmes destinés aux étudiants, comme le fameux « Bienvenue en France ».

Cette décision, appliquée indistinctement, risque d'être mal comprise. Non à la naïveté, oui à la responsabilité et à la coopération ! Comment trouver le juste équilibre entre des mesures de rétorsion fortes, afin de faire appliquer les obligations de quitter la France (OQTF), et une mobilité qui assure le rayonnement de la France à l'étranger ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Agir ens.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Je vous ai entendu ; de concert avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et sous l'autorité du Premier ministre, je voudrais vous apporter quelques explications.

Si nous avons décidé de ne pas renouveler la moitié des visas – par rapport au nombre de ceux qu'a délivrés notre administration cette année –, c'est bien parce que nous avons des difficultés grandes avec les États du Maghreb, qui ne reprennent pas volontiers leurs ressortissants identifiés comme tels et tenus par décision de justice de quitter le territoire français. Il ne s'agit pas là d'une vexation, mais du fait que, pour l'instant, nous n'entretenons pas de relations avec ces États. En 2019, par exemple, mon prédécesseur était parvenu à faire retourner dans leur pays d'origine 1 650 Algériens, parmi lesquels des individus dangereux, parfois fichés. L'année dernière, ce chiffre est tombé à 23 ! Certes, il y a eu le covid-19, la fermeture des espaces aériens, les tests PCR. Certes, nous avons accepté beaucoup moins d'étrangers sur notre sol. Néanmoins, nous ne comprenons pas pourquoi l'Algérie refuse de délivrer des laissez-passer consulaires à ses ressortissants devant quitter notre territoire, alors qu'y consentent des pays d'Europe de l'Est, par exemple, et même d'Afrique. Ainsi, bien qu'il reste beaucoup de progrès à accomplir, nos relations avec la Tunisie sont redevenues à peu près normales, notamment en ce qui concerne les vols sanitaires.

Je le répète, il ne s'agit pas de mesures vexatoires, mais de faire entendre la voix souveraine de la France, maîtresse de faire savoir qui elle souhaite laisser entrer sur son sol. Le jour où l'État algérien, notre allié, notre grand voisin et ami, renouera avec nous des relations diplomatiques normales, nous accepterons de nouveau de délivrer des visas aux Algériens !

Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, l'affaire du moment, celle des Pandora papers, succède aux LuxLeaks, SwissLeaks, Paradise papers et autres Panama papers. Les scandales à base d'évasion fiscale se suivent et s'amplifient !

Cette fois, les sommes dissimulées s'élèvent à 11 300 milliards de dollars, soit presque le PIB de l'Union européenne,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…près de quatre fois celui de la France, plus de quarante-deux fois ce qu'il faudrait pour éradiquer la faim dans le monde.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Voilà la réponse que vous font les plus riches, monsieur Le Maire, quand vous expliquez qu'il faut diminuer leurs impôts pour les convaincre de rester dans notre pays ! Non contents de profiter de vos largesses, ils y joignent la fraude. Ils volent la Nation, ils volent tous ceux qui produisent les richesses dont ils tirent l'essentiel de leurs profits ! Au lieu de les combattre, vous préférez continuer à grappiller des miettes tout en détruisant notre modèle social. Vous vous attaquez aux chômeurs afin d'économiser 2,3 ridicules milliards, à nos retraites en invoquant un déficit temporaire représentant moins de 1 % du PIB. Vous avez même supprimé en 2020 5 400 lits dans les hôpitaux, au motif que l'argent magique n'existe pas. Apparemment, ce n'est pas tout à fait vrai : les prestidigitateurs de la finance sont capables de le faire disparaître sous nos yeux !

Pourtant, des solutions existent. Le groupe La France insoumise vous en propose sans cesse. Pourquoi les ignorez-vous ? Avez-vous seulement lu le rapport de mon collègue Ugo Bernalicis dénonçant les carences de la lutte contre la délinquance économique et financière ? Qu'attendez-vous pour organiser la transparence des flux financiers, pour soumettre les entreprises à un impôt universel ,

Mêmes mouvements

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

pour ajouter à la liste des paradis fiscaux tous les pays ciblés par l'enquête, y compris au sein de l'Union européenne, comme l'Irlande et le Luxembourg ? Monsieur le Premier ministre, qu'avez-vous à nous dire au sujet des Pandora papers, puisqu'aucun de vos ministres n'a réagi ; quand mettrez-vous fin à ce vol organisé ?

Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Stéphane Peu applaudit également.

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Un consortium de 600 journalistes, à la suite d'investigations menées dans 117 pays, a mis au jour presque 12 millions de documents exploités ou exploitables. Nous n'y avons pas accès à ce stade ; nous n'en connaissons que ce qu'a divulgué la presse, mais, évidemment, ce travail est précieux et suscite notre intérêt. Aussi, nous avons donné pour consigne à la direction générale des finances publiques (DGFIP) d'analyser chaque information publiée, de vérifier si, en l'état de nos connaissances, des contribuables français sont concernés, et le cas échéant de diligenter tous les contrôles, redressements et sanctions pénales comme fiscales susceptibles de mettre un terme à ces abus.

Les dispositifs sur lesquels s'appuie notre politique de lutte contre la fraude ont tous été renforcés, ce qui est heureux. Nous obtenons des résultats. En 2019, 11 milliards d'euros ont été recouvrés à ce titre par la France ; en 2020, 8 milliards, bien que le confinement ait interrompu pendant plusieurs mois les contrôles sur pièces et sur place. Nous multiplions les échanges d'informations, nous déployons de nouveaux dispositifs, notamment en matière de politique fiscale. Monsieur le député, l'administration fiscale française est totalement mobilisée en vue de lutter contre la fraude. Nous l'avons fait à la suite de l'affaire des Panama papers, que vous avez citée ; nous le faisons, et nous continuerons de le faire, chaque fois que nous disposons de données exploitables, que l'administration en soit destinataire ou seulement en mesure de les analyser. Cette lutte constitue une priorité et nous ne manquerons pas de la renforcer, de développer de nouveaux outils. Lors de l'examen des prochains textes financiers, peut-être voterez-vous avec nous en faveur de dispositifs d'analyse qui nous permettront d'être plus efficaces.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Peut-être voterez-vous avec nous, monsieur le ministre délégué, afin de redonner des moyens à Bercy, où vous avez supprimé ces dernières années des milliers de postes de contrôleur ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Le climat se dérègle : ce sont les plus modestes qui en souffrent. Quand les gelées noires frappent en avril, les agriculteurs perdent leur récolte et l'espoir d'un revenu décent. Quand le feu dévaste les forêts en août, nos concitoyens toussent et voient leur maison partir en fumée. Quand des pluies diluviennes s'abattent, comme hier, sur les Bouches-du-Rhône, les plus vulnérables retrouvent leur logement ravagé. Quand le coût de l'énergie flambe aux approches de l'hiver, les plus précaires claquent des dents. Pendant ce temps, le monde découvre avec effarement l'existence de 13 000 milliards de dollars camouflés dans des paradis fiscaux. Et vous nous dites, monsieur le ministre, que les riches paient trop d'impôts, que l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) devenu l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) continue néanmoins de détruire l'économie ! Permettez-nous d'en douter.

Non, la suppression de l'ISF n'a pas entraîné ce fameux ruissellement de la richesse que vous nous promettiez. Les plus fortunés ont vu leur fortune s'accroître encore. En revanche, à Marseille, un ruissellement d'un autre genre et bien réel vient d'entraîner les déchets de la ville dans une Méditerranée chaque jour plus polluée. Le Président de la République aimait évoquer les premiers de cordée : ce sont les derniers de corvée qui vont devoir s'efforcer de récupérer une partie de ces déchets. Il est temps de leur redonner du souffle, des moyens d'agir, en rétablissant l'ISF, dont les recettes seraient destinées à ces urgences sociales, écologiques, climatiques ! Tel était le sens de ma proposition de loi instituant un impôt de solidarité écologique sur la fortune, déposée en février 2019 et cosignée par une vingtaine de parlementaires, certains appartenant à la majorité. Tel était le sens de mes amendements au PLF pour 2021 comme de ceux que j'ai déposés en vue de l'examen en séance publique, dès la semaine prochaine, du PLF pour 2022.

Monsieur le ministre, ce PLF sera pour vous le dernier, celui dont on se souviendra à l'heure du bilan. Vous montrerez-vous à la hauteur des enjeux en recréant un ISF afin de rétablir la justice sociale, afin d'accorder davantage de moyens à la protection de l'environnement et à la lutte contre le changement climatique ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Monsieur Lambert, vous développez l'idée de ce que l'on pourrait appeler un ISF climatique ou écologique – également soutenue, je crois, par Éric Piolle au moment de la primaire du parti écologiste. En réalité, il ne s'agirait pas exactement d'un impôt sur la fortune, mais d'une taxe sur les transactions financières, assise sur des produits considérés comme nocifs pour l'environnement. Vous conviendrez qu'il reste un peu de travail pour en fixer le périmètre et faire en sorte que cet outil puisse être efficace, lisible, compris par tous.

Vous nous dites que le prochain PLF sera le dernier de ce quinquennat ; c'est effectivement le dernier de ce que nous espérons être notre premier quinquennat, car nous souhaitons poursuivre l'œuvre qui est la nôtre, en matière budgétaire comme en matière environnementale.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Nous en avons discuté avec Barbara Pompili : ce PLF vise à ériger la transition écologique en priorité du quotidien. Le budget du ministère de la transition écologique et solidaire augmentera de 1,5 milliard d'euros hors plan de relance ; le dispositif MaPrimeRénov' sera maintenu au même niveau qu'en 2021, c'est-à-dire que plus de 2 milliards lui seront consacrés. Ces mesures s'ajouteront aux 30 milliards mobilisés au titre de la transition écologique dans le cadre du plan de relance : vous souvenez-vous qu'un gouvernement français ait jamais affecté pareilles sommes à cette cause ? En outre, avec la programmation pluriannuelle de l'énergie, 20 milliards supplémentaires seront injectés dans le système économique entre 2020 et 2028 afin de contribuer à la mixité des approvisionnements et de faire en sorte que notre énergie soit moins carbonée.

Dans les prochains jours, nous allons continuer à investir, à étudier des filières de rupture, à rechercher des énergies moins polluantes. Au lieu de prétendre que nous ne sommes pas à la hauteur, vous devriez apporter votre soutien à ces initiatives, vous féliciter que les moyens augmentent, qu'un tiers du plan de relance concerne la transition écologique, que nous tenions la barre et le cap !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre délégué, ce sont toujours les pauvres qui paieront ces milliards. L'ISF écologique que je propose est extrêmement structuré ; nous en reparlerons lors de l'examen du PLF pour 2022.

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Ma question, à laquelle j'associe mes collègues Stéphanie Rist et Éric Poulliat, s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé. La semaine dernière, à l'initiative du Président de la République, se sont tenues les assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Elles ont permis de remettre sur le devant de la scène un enjeu de santé publique majeur qui concerne 13 millions de personnes en France, soit un Français sur cinq. La crise sanitaire a fortement accentué le besoin en matière de prise en charge de la santé mentale des Français et d'offre de soins en psychiatrie. Elle a mis en exergue, vous le rappeliez monsieur le ministre, le fait que la santé mentale est l'affaire de tous. Elle a ainsi contribué à faire tomber les préjugés sur le sujet et à faire émerger la question du remboursement des séances.

Les assises, qui ont réuni de nombreux acteurs de la santé mentale et de la psychiatrie, ont permis de dresser un état des lieux partagé de l'offre de soins et d'accompagnement, dans le but d'en tracer les perspectives d'amélioration. Les participants ont reconnu la nécessité d'avoir une approche transversale de la santé mentale, reposant sur l'articulation des compétences – prévention, soin, accompagnement social. La psychiatrie doit également s'ouvrir à d'autres disciplines.

Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser les avancées envisageables en matière de prévention et les moyens qui seront engagés pour revaloriser ces professions et rendre les carrières plus attrayantes ? Enfin, comment parvenir à résorber les listes d'attente observées aujourd'hui dans les différents centres médicaux psychologiques de nos territoires, d'une part, et répondre à la demande de soins croissante de nouveaux patients, d'autre part ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Je vous remercie pour votre question. Vous m'interrogez, entre autres, sur la prévention. Les experts, notamment en pédopsychiatrie – un sujet auquel je vous sais très sensible, vous qui avez mené de nombreux travaux sur l'enfance dans le cadre de votre mandat parlementaire – nous ont indiqué que l'offre de soins en matière de psychiatrie et de santé mentale était déjà sous tension depuis des années dans notre pays ; ce n'est un secret pour personne. Ils ont souligné qu'à la faveur de la crise du covid, la demande de soins avait augmenté, parfois même fortement, pour des raisons que chacun peut comprendre : la fermeture des écoles pendant quelques semaines – heureusement moins longtemps en France que dans d'autres pays –, la peur du virus ou encore la difficulté de faire son deuil collectivement lors de la disparition d'un membre de la famille. Quoi qu'il en soit, c'est un fait : la demande de soins, de la part des plus jeunes notamment, a augmenté.

Les experts m'ont également parlé d'un second paramètre dont il faut tenir compte en matière de prévention : l'hyperexposition de notre jeunesse aux écrans. Je rappelle que l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, décommande l'exposition aux écrans avant l'âge de 3 ans. Or un enfant de cet âge, en France, passe déjà en moyenne une heure et demie devant un écran chaque jour. Nous avons donc un important travail à mener en matière de prévention, que nous ne pourrons pas mener sans l'éducation nationale. L'école est en effet un lieu où l'on doit apprendre la bienveillance, acquérir les codes, et où nous devons développer le bien-être – Jean-Michel Blanquer est sensible à ces sujets. Le Président de la République l'a dit lors de son intervention : tout comme nous avons été capables de demander à des enfants de 6 ans de porter des masques parce qu'il le fallait, nous devons être capables de leur parler de ce qui peut protéger leur santé mentale.

S'agissant des moyens enfin, nous avons porté la durée de l'internat de pédopsychiatrie de quatre à cinq ans. Nous renforçons les centres médicaux psychiatriques infanto-juvéniles et adultes grâce à 800 nouvelles créations de postes et, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous avons permis que les consultations de psychologues soient enfin remboursées. Bien d'autres mesures encore viendront enrichir l'offre de soins. Il était temps. Personne ne dit que cela suffira – soyons modestes en la matière –, mais notre système de soins en santé mentale est en train de réaliser un bond en avant.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, ils sont des centaines de milliers depuis ce matin à battre le pavé pour défendre les salaires, les emplois, les conditions de travail et d'études. Ce sont les étudiants fantômes, les retraités qui peinent à boucler les fins de mois, les salariés précarisés, les pères et mères de famille inquiets pour l'avenir. Ils sont tous unis dans leur diversité pour réclamer une chose simple : un autre partage des richesses !

C'est la France qui est dans la rue : la France du travail, la France des valeurs humanistes, la France du respect et de la dignité ,

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

la France qui souffre de votre politique au service des plus riches et que vous allez étouffer un peu plus avec votre réforme honteuse de l'assurance chômage.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SOC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette France, c'est celle qui constate qu'à part les salaires et les pensions de retraite, tout augmente : gaz, électricité, essence, assurances. Et pendant ce temps, les actionnaires continuent d'engranger des dividendes records ! Les 500 plus grandes fortunes françaises ont gagné 300 milliards depuis un an – une somme qui permettrait de financer vingt ans de déficit des retraites !

Oui, il y a bien une France qui profite : cette France du capital qui bénéficie de toutes vos attentions. Preuve en est : aujourd'hui même, l'Union européenne vient de retirer les Seychelles de sa liste des paradis fiscaux, en accord avec le ministre Bruno Le Maire – et tout cela, en plein scandale des Pandora papers ! Pas moins de 11,3 milliards de dollars sont détenus par des sociétés boîtes aux lettres n'existant que sur le papier ! C'est autant d'argent qui manque en France et ailleurs dans le monde pour soigner, pour éduquer, pour alimenter, pour loger, pour les besoins humains essentiels qui s'expriment ! Cette fraude fiscale, c'est un crime contre la nation, c'est un crime contre les peuples.

Quand allez-vous cesser la chasse aux pauvres pour faire en sorte de mettre derrière les barreaux les vrais criminels, ceux qui pratiquent l'évasion fiscale ?

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Mathilde Panot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

S'agissant de la fin de votre question et de l'affaire des Pandora papers, j'ai déjà eu l'occasion de dire – et j'y reviendrai – qu'avec Bruno Le Maire, aujourd'hui retenu au Conseil affaires économiques et financières de l'Union européenne à Luxembourg, nous avons donné consigne à la direction générale des finances publiques d'analyser et d'instruire tout élément publié par la presse : le but est de poursuivre les éventuels contrevenants et de déterminer si, comme cela a été dit, des Français sont concernés par cette fraude visiblement massive à l'échelle internationale.

Vous avez également évoqué les manifestations et les mouvements de grève de ce jour – ce sont, en ce moment même, 4 % des agents du ministère de l'économie qui sont en grève – et souligné vos revendications en matière de pouvoir d'achat.

Je voudrais d'abord vous remercier car votre verbe et vos mots m'ont donné un sentiment d'intemporalité ! Ceci étant dit, vous semblez oublier de rappeler certaines dispositions décidées par l'actuelle majorité et le Gouvernement : après le grand débat national, nous avons acté une augmentation de 90 euros de la prime d'activité ; la diminution de la taxe d'habitation permet aujourd'hui à 80 % des ménages de réaliser une économie de plus de 600 euros par an ; un mécanisme d'exonération de cotisations permet également d'augmenter le salaire de celles et ceux qui travaillent et qui gagnent le moins ; une baisse de l'impôt sur le revenu, à hauteur de 5 milliards d'euros, a été concentrée sur la première et la seconde tranches d'imposition.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Des minima sociaux ont été revalorisés, comme l'allocation aux adultes handicapés ou encore le minimum vieillesse, qui a été relevé de 100 euros par mois…

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Peut-être est-ce insuffisant, mais cela n'avait jamais été fait jusqu'alors. Notre politique en matière de pouvoir d'achat porte ses fruits : sur la durée du quinquennat, l'augmentation de pouvoir d'achat, concentrée sur les ménages les plus modestes, atteindra en moyenne 1,6 % – quatre fois plus que durant le quinquennat précédent et deux fois plus qu'au cours des dix dernières années. Voilà notre bilan. Ce sont 1 400 euros de plus par an, c'est-à-dire un treizième mois, que notre politique aura permis à un salarié célibataire rémunéré au SMIC de gagner.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse à M. le Ministre des solidarités et de la santé. La situation de notre système hospitalier est grave et elle inquiète l'élue d'un territoire rural que je suis.

Dans ma circonscription, et plus largement en Saône-et-Loire, je suis alertée par des élus, des médecins, des personnels soignants et des directions d'hôpitaux qui s'alarment d'un manque de praticiens. Celui-ci est tel que c'est l'activité même de certains services qui risque d'être supprimée à court terme. À Chalon-sur-Saône ou à Mâcon, c'est la carence en anesthésistes-réanimateurs qui oblige à déprogrammer nombre d'interventions chirurgicales, à l'instar de ce que nous avons connu au cœur de la crise sanitaire. À Bourbon-Lancy, le centre hospitalier ne fonctionne plus qu'avec un seul médecin, alors qu'il en faudrait quatre pour répondre aux besoins des malades et garantir la continuité des soins.

Hier, le maire de Paray-le-Monial et député honoraire Jean-Marc Nesme entamait une grève de la faim pour dénoncer l'entrée en vigueur d'une directive visant à plafonner la rémunération des médecins intérimaires de façon uniforme, sans tenir compte de la situation réelle des hôpitaux. Le fait de tarir délibérément des ressources médicales par un blocage de l'intérim médical est constitutif d'une non-assistance à la personne en danger qu'est le patient potentiel.

Il en résulte, pour le centre hospitalier de Paray-le-Monial, une grande difficulté à recruter des praticiens pour des missions d'intérim, qui compromet la prise en charge des patients se présentant aux urgences et risque, à terme, de remettre en cause le statut d'établissement MCO – médecine, chirurgie, obstétrique – de l'hôpital. Nous ne pouvons l'accepter.

Monsieur le ministre, il faut rapidement venir en aide aux hôpitaux intermédiaires ou de proximité qui sont au bord de l'implosion, en mettant fin au plafonnement national de la rémunération des médecins intérimaires, qui devrait être modulé en fonction des besoins médicaux de chaque établissement. Votre ministère prévoit l'instauration d'une prime de solidarité territoriale. Quelles seront les conditions et les modalités de sa mise en œuvre ? Par ailleurs, quelles mesures structurelles proposerez-vous pour lutter contre la fracture médicale territoriale qui ne cesse de s'aggraver au fil des années et interdit aux Français et Françaises d'être égaux devant l'offre et la qualité des soins ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Je suis plutôt d'accord avec le constat que vous faites. D'ailleurs, comment pourrions-nous ne pas être d'accord ? De nombreux hôpitaux manquent d'anesthésistes et d'urgentistes. Non pas qu'il y ait une carence – même si on peut considérer que si le numerus clausus supprimé par cette majorité l'avait été dix ans plus tôt, vous ne seriez pas en train de me poser cette question aujourd'hui !

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Mais peu importe, l'objet n'est pas de polémiquer, même si nous avons perdu quelques années précieuses.

Madame la députée, aujourd'hui il y a des hôpitaux…

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Pardon, monsieur le député ? Je vous ai entendu dire « Véran », en hurlant ! Expliquez-moi mais remettez votre masque avant de hurler s'il vous plaît, pour vos collègues.

Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Ma réponse n'a rien de polémique ; je sens que vous êtes un peu nerveux. La majorité parlementaire a eu la possibilité de voter, dans le cadre de la proposition de loi déposée par la députée Stéphanie Rist, une mesure plafonnant le recours à l'intérim médical en termes de pratiques tarifaires. Je fais d'ailleurs erreur en parlant de la majorité : vous avez voté cette proposition de loi, madame la députée, et aujourd'hui vous me demandez de ne pas appliquer la loi que vous avez votée. Je vous répondrai de façon très pragmatique : je vais organiser une consultation de l'ensemble des fédérations afin de déterminer les conditions dans lesquelles on peut, ou pas, appliquer le décret dans les délais impartis, compte tenu de l'obligation vaccinale et de la pression sanitaire.

Sur le fond, il convient tout de même de souligner que certains médecins demandent à un hôpital public 3 000 euros nets pour vingt-quatre heures de travail, en menaçant de ne pas venir travailler s'ils ne les obtiennent pas !

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LaREM

C'est scandaleux !

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Voilà ce dont nous sommes en train de parler ! Quant au plafonnement que vous évoquez, en fonction des réalités territoriales, je rappelle qu'il est prévu à hauteur d'un SMIC par jour – excusez du peu ! Voilà la dérive dont souffrent nos hôpitaux : certains médecins n'exercent plus que de façon intérimaire et parviennent ainsi, en trois jours et trois nuits, à gagner l'équivalent d'un mois de salaire de leurs collègues praticiens hospitaliers…

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

…qui sont à leur tour tentés par ce mode d'exercice nomade ! Tout cela nuit aux hôpitaux ! Certains hôpitaux de Bretagne – vous me pardonnerez de dépasser le temps imparti pour les évoquer, monsieur le président… – enregistrent une dette équivalente au surcoût du seul intérim médical.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Pandora papers : voilà une affaire qui porte bien son nom. Mais la boîte de Pandore est en réalité ouverte depuis 2013. Les révélations se sont succédé : Offshore Leaks, Luxleaks, Panama papers, Paradise papers… c'est la nausée ! Et qu'apprend-on ce matin ? Bruno Le Maire et les ministres des finances de l'Union européenne trouvent le moyen de réduire la liste noire des paradis fiscaux ! Franchement, on se pince ! Chaque année, la France et l'Union européenne voient ainsi s'évader 20 % de leurs recettes au titre de l'impôt sur les sociétés. Or ce que ne paient pas ces individus ou ces entreprises, ce sont tous les autres qui le paient ! Il est là, le vrai ras-le-bol fiscal des Français !

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La frontière entre fraude et optimisation fiscale agressive est bien mince. Toutes ces opérations ne sont certes pas illégales mais, je le dis avec force, elles sont immorales parce qu'elles laissent à tous les autres le soin de payer la contribution aux biens communs – hôpitaux, écoles, police, services publics. Ces pertes fiscales minent le rapport des Français à l'impôt. Pourquoi les classes populaires et les classes moyennes devraient-elles payer quand les plus riches s'exonèrent ?

Des solutions existent. Elles ont été défendues dans cet hémicycle par Boris Vallaud au nom du groupe Socialistes et apparentés. Jusqu'ici, elles ont été systématiquement repoussées par votre gouvernement. Je me limiterai à un seul exemple, sur lequel j'attends une réponse précise. Depuis plus de trois ans, nous proposons un dispositif qui ne réglerait certes pas l'ensemble de la question mais qui permettrait de progresser sur la voie de la justice fiscale : toute entreprise domiciliée à l'étranger, qui réalise des profits en France, serait taxée à proportion de ses ventes sur notre territoire. Jusqu'à maintenant, vous avez refusé cette proposition. Êtes-vous prêts à l'accepter dans le cadre du projet de loi de finances actuellement en discussion ?

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Monsieur le député, vous avez bien fait de rappeler que les premiers scandales de grande ampleur datent de 2013. Nous pouvons souligner ensemble que, depuis cette date, la France a considérablement renforcé son arsenal législatif, d'abord, sous le précédent quinquennat, avec la loi de moralisation de la vie politique votée dès 2014 et la loi Sapin 2, ensuite, sous cette législature, avec la loi du 23 octobre 2018 qui permet de mieux lutter contre l'optimisation fiscale agressive et de travailler de manière approfondie avec nos partenaires européens sur la liste des États non coopératifs. Comme vous le savez, les décisions prises dans ce cadre interviennent à l'issue de discussions extrêmement longues. Celles qui ont été annoncées aujourd'hui n'ont donc pas de lien avec l'actualité.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Nous avons aussi considérablement renforcé les échanges de renseignements au sein de l'Union européenne. En 2019, cette lutte collective contre l'optimisation et la fraude, qui a porté sur 84 millions de comptes bancaires et 4,9 milliards d'actifs, a ainsi dégagé 107 milliards d'euros de revenus complémentaires.

En application de la loi d'octobre 2018, nous avons mis en place une police fiscale dont nous avons enrichi le travail par de nombreuses initiatives. Citons la rémunération des aviseurs, que l'on doit à l'initiative de la députée Pires Beaune, et que nous avons pérennisée au vu de son efficacité.

Pour vous démontrer l'implication des services administratifs, je reviendrai sur les suites d'un précédent scandale sur lequel nous avons désormais suffisamment de recul : les Panama Papers. Certes les personnes mises en cause étaient loin d'être toutes de nationalité française mais la direction générale des finances publiques a travaillé sur 657 dossiers français qui ont fait l'objet d'un redressement ou d'une judiciarisation pour plus de 200 millions d'euros de droits et de pénalités.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Voici la preuve que l'administration fiscale et, à travers elle, le Gouvernement sont pleinement mobilisés dans la lutte contre la fraude fiscale.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, alors que la crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie de covid a creusé les inégalités sur tout le territoire de la République, et alors que nombre de nos concitoyens sont encore confrontés à des difficultés et s'inquiètent du maintien de leur pouvoir d'achat, l'augmentation des tarifs de l'énergie apparaît comme un véritable coup de massue.

Le prix du gaz, qui connaît une augmentation spectaculaire de 57 % depuis le début de l'année 2021, atteint des records pour une simple raison : la demande de gaz est bien supérieure à l'offre, ce qui provoque des tensions sur les marchés internationaux. Or la France importe 99 % du gaz qu'elle consomme.

Quant au prix de l'électricité, il évolue jusqu'à deux fois par an, et depuis dix ans, le prix du kilowattheure n'a presque subi que des augmentations faisant monter les factures des consommateurs abonnés au tarif bleu EDF et aux autres offres de marché à prix variables.

Face à l'inquiétude des Français, le Premier ministre a annoncé la mise en place d'un bouclier tarifaire destiné à protéger le pouvoir d'achat et à enrayer la flambée des prix de l'énergie. Cela permettra, sans aucun doute, d'alléger les dépenses de nombreux foyers. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, ce que fait le Gouvernement pour soutenir les ménages dans le contexte actuel des hausses de prix ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Monsieur le député, l'augmentation des prix de l'énergie s'explique par les tensions sur le marché comme par les difficultés rencontrées en matière d'approvisionnement, mais je ne reviens pas sur le diagnostic ni sur les causes de cette situation, déjà évoquées par M. le Premier ministre.

Le Gouvernement a réagi par trois mesures.

Tout d'abord, pour l'année 2021, un chèque énergie exceptionnel de 100 euros, d'ores et déjà annoncé, sera distribué dans les semaines à venir aux ménages les plus fragiles, au nombre de 5,8 millions. Il s'ajoutera à l'aide de l'État de 150 euros en moyenne qu'ils ont perçue en mars 2021 et qu'ils percevront à nouveau en mars 2022. Au total, l'aide au paiement de la facture énergétique sera donc de 400 euros. Nous proposerons au Parlement de voter les crédits correspondant à cette dépense, soit 600 millions d'euros, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative de fin de gestion entre le mois de novembre et le mois de décembre de cette année.

Par ailleurs, comme M. le Premier ministre l'a rappelé, le Gouvernement a décidé de mettre en place un bouclier tarifaire afin que tous les Français puissent gérer sans encombre l'augmentation temporaire du prix du gaz : le tarif du gaz ne dépassera pas celui d'octobre 2021 si bien que la facture de chauffage qui aurait dû augmenter de 30 % pour bien des ménages restera stable. Ce plafonnement de l'évolution des tarifs du gaz est à souligner.

Quant à la hausse des tarifs de l'électricité, elle sera limitée à 4 % début 2022, et dès la semaine prochaine, je présenterai devant votre assemblée un amendement nous autorisant à procéder à une modulation des taxes intérieures de consommation, qui constituera l'une des parties de ce bouclier tarifaire.

C'est non une réponse d'urgence ou de crise, mais une mesure qui vise avant tout à éteindre un incendie : elle prolonge et conforte l'action que nous avons entreprise depuis le début du quinquennat en matière de soutien au pouvoir d'achat et d'accompagnement des ménages les plus précaires, notamment face aux conséquences de la transition écologique. Avec le chèque énergie, avec le plafonnement des tarifs du gaz, avec les dispositions relatives à l'électricité que je vous proposerai la semaine prochaine, les ménages français sont mieux protégés.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) que vous allez nous proposer ces jours-ci n'est ni plus ni moins qu'un projet de fin de mandat, peut-être est-ce même un projet pré-électoral. Ne soyons pas dupes : vous ne vexez personne mais vous ne satisfaites pas grand-monde ; vous ne touchez pas à l'hôpital, vous ne touchez pas aux médicaments, vous fixez un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) au plus haut niveau.

La réalité est autre : la France placée sous perfusion de milliards empruntés au cours des vagues successives de la covid est convalescente. Le moment est venu de sortir du « quoi qu'il en coûte », principe commode en vertu duquel tout est financé par une dette que les nouvelles générations devront rembourser pendant au moins quinze ou vingt ans.

Je m'explique : le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s'établit à 21,4 milliards pour 2022, après avoir atteint en 2021 presque 34,8 milliards, chiffres historiques qui donnent le vertige ! Et que dire du niveau de l'ONDAM, qui diffère en fonction de la prise en compte ou non des mesures du Ségur de la santé ? Que dire de la branche famille ? La réponse est « rien ». Que dire du grand âge et de l'autonomie ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aucun financement nouveau n'est prévu et la grande loi sur l'autonomie promise par Mme Bourguignon est aux oubliettes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Que dire de la branche vieillesse et des retraites alors que la réforme a été abandonnée en rase campagne ?

Durant cinq ans, vous vous êtes contentés d'une vision court-termiste : vous n'avez pas amélioré les modes de régulation financière visant à assurer les équilibres. Ma question est donc la suivante : dites-nous quel est votre cap, quelle est votre vision d'ensemble pour l'avenir de notre système de santé et surtout celui de l'assurance maladie ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur le député, nous nous connaissons bien, vous et moi : le prochain PLFSS sera le dixième que nous examinons ensemble. Je crois pouvoir dire aussi que nous nous apprécions au-delà de nos différences. Vous ne m'en voudrez pas de rappeler votre question au Gouvernement de ce jour à chacun des amendements que votre groupe ne manquera pas de présenter, lors de l'examen de ce texte, pour augmenter les dépenses publiques. N'oublions pas que, dans le cadre du précédent PLFSS, le total de vos propositions aboutissait, excusez du peu, à 45 milliards de dépenses supplémentaires par rapport au projet de loi initial !

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Ce sera un peu comme un jingle qui scandera les jours et les nuits que nous nous apprêtons à passer ensemble dans cet hémicycle.

Vous dites, monsieur Door, que nous ne faisons rien pour l'hôpital. Vous êtes pourtant un fin connaisseur et vous savez lire les chiffres. C'est le premier PLFSS depuis 2007 qui ne prévoie pas d'économies, mêmes cachées, pour l'hôpital. Ces petites lignes que l'on glisse dans les PLFSS en pensant que personne ne verra rien – eh bien, il n'y en a pas !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Vous avez raison, nous faisons un effort important pour l'hôpital, je pense que chacun pourra comprendre pourquoi.

Vous dites qu'il n'y a rien pour le médicament. Mais, monsieur le député, c'est le plus gros budget prévu pour l'innovation industrielle pharmaceutique de notre pays ! De surcroît, vous avez été entendu sur des propositions que vous avez vous-même présentées par voie d'amendement année après année. Pour élaborer le prix d'un médicament, il sera tenu compte du fait que c'est en France que la fabrication ou l'innovation a eu lieu, point important pour vous. Nous allons permettre aux pharmacies hospitalières de fabriquer elles-mêmes des médicaments lorsqu'il y aura des ruptures dues au fait que les laboratoires ne peuvent plus les fournir. Nous allons investir plus d'un milliard d'euros dans les technologies médicamenteuses du futur comme les biothérapies qui permettent de sauver des vies et nous allons réindustrialiser notre pays.

Franchement, monsieur Door, ce PLFSS-là, je ne sais si on peut le qualifier de PLFSS de fin de mandat ou de PLFSS de campagne, mais ce dont je suis sûr, c'est de votre réaction si vous et moi examinons chacun de ses articles posément dans mon bureau ou dans le vôtre, et je vous mets au défi de voter contre !

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La réforme du chômage est entrée en vigueur le 1er octobre : 1,15 million de personnes vont voir diminuer leurs revenus jusqu'à 40 %. C'est une ignominie ! Le président des riches et son gouvernement ne savent-ils donc pas que lorsqu'on est au chômage, on peine à boucler ses fins de mois ? Oui, on est à un euro près ! Et lorsqu'on est à découvert, les banques se gavent avec les frais et on risque de tout perdre. L'angoisse et la pauvreté s'installent.

Pourquoi êtes-vous aussi violents ? Pourquoi faire souffrir les chômeurs alors que cela n'a jamais créé d'emplois ?

N'allez pas me parler d'offres d'emploi restées vacantes – à supposer qu'elles existent vraiment

Applaudissements sur les bancs du groupe FI

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

–, c'est ridicule, malhonnête et injurieux dans ce pays où pour un emploi disponible, il y a treize chômeurs.

Je suis élu d'un département, la Seine-Saint-Denis, où le taux de chômage dépasse les 10 % depuis plus de vingt ans. Aujourd'hui, il atteint 12 % et le taux de pauvreté approche les 30 %. Et vous croyez qu'il faudrait priver les plus précaires, les plus pauvres du peu de droits qu'ils ont, pour les remettre au travail ? Quelle honte ! C'est un préjugé de classe ignoble. Votre politique consiste à martyriser les chômeurs plutôt qu'à en finir avec le chômage.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous prétendez appliquer la même politique que l'Allemagne sous Schröder où la pauvreté a explosé après que des millions de chômeurs ont disparu des registres officiels.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est l'inverse qu'il faut faire, comme le propose Jean-Luc Mélenchon.

Exclamations sur divers bancs.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'État doit planifier la bifurcation écologique de l'économie, travailler à la relocalisation et à la réindustrialisation en faisant le choix du protectionnisme solidaire et écologique. Il faut passer aux 32 heures et à la semaine de quatre jours

Mêmes mouvements

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

et mettre en œuvre une véritable garantie d'emploi.

Le droit à l'emploi figure dans notre Constitution, qui affirme que notre République est sociale, c'est-à-dire qu'elle doit garantir aux citoyennes et aux citoyens de travailler dans la mesure de leurs capacités et de vivre du fruit de leur travail. Vous en êtes à mille lieues. Quand donc serez-vous de vrais Républicains ?

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Monsieur le député, je vous le confirme : nous pensons que la meilleure réponse que nous pouvons apporter à un demandeur d'emploi, c'est de l'aider à retrouver un travail.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous vous mettons au défi de le faire ! Cela fait trente ans qu'on nous répète ça !

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

C'est tout le sens de la réforme de l'assurance chômage. Depuis le 1er octobre, un nouveau mode de calcul s'applique mais uniquement aux demandeurs d'emploi inscrits depuis cette date. Pour ceux qui ont travaillé de façon continue les mois précédents, la réforme ne change rien. Pour ceux qui alternent des périodes d'activité et d'inactivité, l'allocation mensuelle sera susceptible d'être plus basse, mais si elle l'est, ils la toucheront plus longtemps.

Cette réforme répond à un double objectif : premièrement, sortir du recours excessif aux contrats courts avec le bonus-malus qui s'applique depuis le 1er juillet aux entreprises afin qu'elles proposent des contrats de travail plus longs ; deuxièmement, faire en sorte que ceux qui peuvent travailler davantage le fassent avec ce nouveau mode de calcul de l'allocation chômage.

Vous savez, monsieur le député, personne n'a protégé autant les Français que nous ne l'avons fait au cours des derniers mois.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Nous avons protégé plus de 9 millions de salariés au plus fort de la crise avec l'activité partielle ; nous avons prolongé les droits de plus de 800 000 demandeurs d'emploi pendant huit mois ; nous avons mis en place une aide exceptionnelle de 900 euros par mois qui a bénéficié à plus de 600 000 travailleurs précaires pendant dix mois et nous accompagnons les demandeurs d'emploi grâce à un investissement massif dans la formation qu'aucun gouvernement n'avait consenti avant nous, puisque nous lui consacrons 15 milliards d'euros !

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Et nous allons renforcer le financement de la formation des demandeurs d'emploi pour qu'ils puissent retrouver un emploi.

La logique que nous poursuivons dans cette réforme de l'assurance chômage, est de faire en sorte que le travail paie toujours plus que le chômage et que ceux qui ont des difficultés à trouver un emploi soient accompagnés pendant plus longtemps et que les entreprises proposent des contrats de meilleure qualité. Ce que nous voulons avant toute chose, c'est encourager le travail au moment où notre pays connaît une reprise économique très dynamique.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, combien d'emplois avez-vous créés ?

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, je souhaiterais vous interroger au sujet de la convention fiscale franco-luxembourgeoise. D'emblée, je tiens à vous féliciter d'avoir vendredi dernier repoussé son application.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alors que ce gouvernement a fait progresser le pouvoir d'achat de tous les Français durant le quinquennat en diminuant massivement les impôts, la convention négociée en 2016 et conclue en 2017 entrait en totale contradiction avec cet objectif.

Dès 2018, j'ai alerté le Gouvernement et le ministère des finances sur les risques de double imposition des revenus perçus au Luxembourg et demandé explicitement la réalisation d'une étude d'impact complète afin que nous, parlementaires, n'adoptions pas une hausse d'impôt non consentie. Laissée à la seule interprétation de l'administration fiscale, cette convention ne pouvait en effet se traduire sans l'approbation du Parlement par une augmentation de l'ordre de 400 à 5 000 euros d'impôt pour 150 000 frontaliers.

C'est pourquoi les couples dont l'un travaille au Luxembourg et l'autre en France, tout comme les retraités qui perçoivent une pension des deux côtés de la frontière, vous remercient. Je ne puis m'empêcher de souligner, monsieur le ministre délégué, que malgré la raideur – tant décriée çà et là – de la haute administration de Bercy, je suis ravi de constater qu'avec persévérance et abnégation, c'est bien le politique, et lui seul, qui a la main. Je vous en remercie.

À la suite de cette excellente nouvelle, j'aimerais vous poser deux questions auxquelles j'associe mes collègues Isabelle Rauch et Brahim Hammouche. Comment et à quelle date interviendra le remboursement des sommes déjà payées par les contribuables concernés ? Quelles garanties leur donnez-vous sur la sécurisation de cette situation fiscale pour les prochaines années ?

Soyez assuré, monsieur le ministre délégué, qu'en ma qualité d'ancien frontalier, je serai garant de cette stabilité fiscale et très attentif aux attentes des ménages. Il est indispensable que l'administration soit la plus transparente possible, afin que la nouvelle convention fiscale soit adaptée au mieux. L'ensemble des travailleurs et des retraités frontaliers du Pays Haut dont je me fais présentement le porte-voix attendent votre réponse.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Je souhaite d'abord souligner que la convention fiscale entre la France et le Luxembourg, qui a été renégociée à partir de 2016, a pour objectif d'éliminer totalement et intégralement la double imposition – elle contient les dispositions nécessaires pour ce faire –, mais aussi de se rapprocher des standards de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En matière de fiscalité, un autre principe existe, que chacun connaît : celui de la progressivité du taux d'imposition au fur et à mesure de l'augmentation du niveau des revenus. Nous devons aussi y être très attachés.

L'application de cette convention est intégrale depuis cette année et porte sur les revenus déclarés au titre de 2020. Elle s'est traduite, comme vous l'avez souligné, par une augmentation très forte de l'impôt sur le revenu demandé en France à certains frontaliers, en particulier ceux dont les revenus sont mixtes, c'est-à-dire d'origine française, d'une part, et luxembourgeoise, d'autre part.

Alertés par vos soins, ainsi que par les députés Isabelle Rauch et Brahim Hammouche, nous avons examiné cette situation et décidé vendredi dernier, avec M. le Premier ministre, de suspendre l'application non pas de la convention, mais de la clause de la convention qui conduit à cette augmentation d'impôt pour certains ménages.

Nous avons entériné cette suspension pour une durée de deux ans, ce qui nous permettra de réaliser deux choses. En premier lieu, à très court terme, les directions des finances publiques des départements concernés se rapprocheront de chacun des foyers fiscaux touchés par cette décision, afin de leur indiquer le moyen de régulariser leur situation et de bénéficier soit d'un remboursement lorsque les sommes ont été versées, soit d'une régularisation de leur montant d'imposition lorsque ce n'est pas le cas. Ensuite, à plus moyen terme, nous dresserons un état des lieux très précis relatif aux effets de la convention fiscale en vue de réaliser l'étude d'impact que vous appelez de vos vœux, afin de sécuriser la situation, comme vous le souhaitez. Nous le ferons avec la représentation nationale au cours des deux années à venir.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, après quatre années d'un combat acharné, Bernard Tapie nous a quittés dimanche dernier, emporté par le cancer. Je veux lui rendre hommage et en profiter pour adresser mes condoléances à sa famille.

Nous le savons tous, face au cancer qui bouleverse la vie de 4 millions de Français, l'égalité n'est pas de mise. Et si les progrès de la science nous ont permis d'élaborer des traitements pour soigner ces malades, ils sont désormais menacés par un autre danger, plus sournois encore : le manque de médicaments. « Cher patient, pour votre médicament, merci de patienter. » Tel est le cri d'alarme lancé par la Ligue contre le cancer face à la pénurie de médicaments anticancéreux.

Mme Valérie Rabault et M. Christian Hutin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis ces dernières années, l'augmentation préoccupante des ruptures de stock et des tensions d'approvisionnement sur les médicaments est un fléau qui ne cesse de s'aggraver en France. Les chiffres sont alarmants : nous sommes passés de 700 cas relevés de tensions d'approvisionnement en 2007 à 2 480 cas, l'année dernière. Comme vous le savez, les conséquences humaines sont dramatiques puisque l'interruption et le report d'un traitement d'intérêt vital, faute de médicaments anticancéreux, peuvent entraîner une diminution des chances de survie, voire le décès. Certains patients, démunis face à l'aggravation de leur état, sont même contraints de subir une intervention chirurgicale qui, en l'absence de pénurie, aurait pu être évitée. C'est, pour eux, la double peine !

Face à ce problème, et malgré plusieurs textes de lois venus encadrer la gestion des stocks, dans les faits, la situation ne s'améliore pas. Elle s'est même aggravée durant la crise sanitaire. La difficulté de se procurer des médicaments démontre une absence grave de souveraineté sanitaire en France et doit nous appeler à bâtir une stratégie industrielle nationale de relocalisation de la production des médicaments essentiels.

Par quelles mesures le Gouvernement entend-il faire face à ce grave enjeu de santé publique ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Votre question porte sur un sujet de préoccupation partagée. Il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de signer un décret relatif au stock de sécurité de médicaments sur le marché national : il contraint les laboratoires qui vendent des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur à conserver sur le territoire européen deux à quatre mois de stock de médicaments, à destination des patients français, afin de limiter les risques de rupture. Je vois que vous y êtes favorables : quel dommage que les députés du groupe Les Républicains aient voté contre l'article qui a conduit à ce décret il y a trois ans, lorsqu'ils en avaient l'occasion !

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Néanmoins, c'est désormais le cas.

Par ailleurs, notre majorité a voté une autre disposition qui oblige désormais les laboratoires à déclarer tous les cas de rupture : le renforcement des déclarations ainsi induit explique également l'accentuation du nombre de cas répertoriés.

Cependant, vous avez raison, des problèmes d'accès à certains médicaments existent. Je l'ai dit précédemment, vous disposerez d'une nouvelle chance puisque vous pourrez voter, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la possibilité donnée aux pharmaciens hospitaliers de fabriquer eux-mêmes des médicaments lorsqu'ils en sont capables, si les laboratoires n'en produisent plus suffisamment pour le marché français.

Au-delà de cette question, puisque vous m'en donnez l'occasion et puisque je porte l'insigne d'Octobre rose, j'invite d'abord toutes les Françaises à se faire dépister contre le cancer du sein lorsqu'elles y sont invitées.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Je voudrais également répondre à une question qui m'a été posée par de nombreux parlementaires de tous les groupes concernant le fameux cancer du sein dit « triple négatif » non différencié, pour lequel il existe enfin un traitement prometteur, produit par un laboratoire américain : le Trodelvy. La France a été le premier pays européen à en faire bénéficier quelques patientes, dans l'attente d'une production plus importante. Croyez en mon engagement personnel : je suis allé jusqu'à demander directement au patron du laboratoire de favoriser le marché français et je peux vous confirmer – ce sera un soulagement pour la représentation nationale et, au-delà, pour des milliers de femmes dans notre pays – que le Trodelvy sera autorisé en accès précoce et disponible en France à compter du 1er novembre 2021. Il s'agit d'une bonne nouvelle dont nous pouvons toutes et tous nous réjouir.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le ministre, mais pourquoi ne pas reprendre la proposition de la Ligue contre le cancer de doter la France d'un établissement du médicament qui garantirait une vraie souveraineté nationale en la matière ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR et quelques bancs du groupe SOC.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Ben non !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, alors qu'aujourd'hui est célébrée la journée mondiale des enseignants, nombre d'entre eux manifestent en France car ils refusent votre politique visant à précariser leur statut. Et ce n'est pas la prochaine loi déjà tant décriée sur la fonction de directrice ou de directeur d'école qui inversera cette tendance.

Il y a deux semaines, en commission, je vous ai interrogé sur les enseignants contractuels : pour la première fois cette année, de nombreux lauréats du concours du premier degré, inscrits sur la liste complémentaire, ont été écartés au profit d'un recrutement de contractuels. Vous aviez promis de revenir vers moi à ce sujet – vous ne l'avez pas encore fait –, je me permets donc de me rappeler à votre bon souvenir, d'autant que les témoignages reçus depuis démontrent que cette situation n'est pas spécifique au territoire de La Réunion mais se rencontre dans d'autres académies. Vous êtes en train d'installer une véritable concurrence entre contractuels et inscrits sur liste complémentaire, au détriment des uns et des autres et, surtout, des élèves. En effet, les contractuels, recrutés au niveau licence, bénéficieront d'une formation de dix jours pendant les vacances d'octobre avant d'être chargés d'une classe d'élèves aux besoins souvent multiples, comme ceux des profils « dys », pendant une année.

L'enseignement au rabais affecte également les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), chevilles ouvrières du mécanisme d'intégration des jeunes handicapés et d'une véritable école inclusive. Trop d'enfants sont encore privés de cet accompagnement indispensable ou n'en bénéficient que pendant quelques heures. Les établissements scolaires sont obligés de gérer la pénurie d'heures, au détriment des besoins réels. Le directeur d'un pôle inclusif d'accompagnement localisé (PIAL) m'a confié son désarroi face au manque d'heures qui le conduit à maltraiter les enseignants, les AESH, les parents d'élèves et, en premier lieu, les élèves eux-mêmes.

Mme Marie-George Buffet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, le monde éducatif accumule des strates de malaises. Il attend de vous des réponses appropriées, urgentes et dignes de ses missions.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Vous avez commencé votre question en évoquant un mouvement de protestation :

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

le pourcentage des grévistes aujourd'hui au sein de l'éducation nationale est de 3,8 % ; il faut donc raison garder.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Si les prévisions annoncées par votre groupe il y a cinq semaines quant aux difficultés de la rentrée semblaient très pessimistes, on constate aujourd'hui que ce pessimisme n'était heureusement pas fondé. J'espère que vous en êtes heureuse d'ailleurs, parce que ce qui est bon pour la France l'est pour nous tous : une rentrée scolaire réussie, c'est un signal positif pour nos élèves. J'espère que vous le pensez aussi.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Pour ce qui est du problème que vous soulevez – j'y viens monsieur le député –, il se trouve que Mme Nathalie Élimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, était à La Réunion récemment, où elle a travaillé sur ce sujet avec la rectrice, en qui, je l'ai dit en commission, j'ai toute confiance et je suis sûr qu'elle sera en mesure de vous apporter toutes les précisions que vous souhaiteriez.

Il n'y a pas significativement plus de contractuels en France en cette rentrée qu'à la rentrée précédente. Toute affirmation selon laquelle nous recourrions à la contractualisation n'est pas exacte.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À La Réunion, c'est la première fois que l'on recrute des contractuels dans le premier degré !

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Au niveau national, le pourcentage de contractuels est de 4,82 % en cette rentrée, contre 5,13 % à la rentrée précédente ; il y a donc un peu moins de contractuels cette année. À La Réunion, le chiffre a légèrement augmenté en revanche, puisque nous sommes passés de 5,82 % à 6,08 %. C'est, si vous me permettez l'expression, l'épaisseur du trait, mais il n'y a pas une politique spécifique en ce sens : l'éducation nationale a toujours recouru à des contractuels.

Il est vrai qu'un pic est apparu aux mois d'avril et de mai derniers parce que nous en avons recruté pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Nous nous adaptons donc de façon pragmatique, j'espère que cela vous rassure…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous ne nous rassurez pas ; vous n'écoutez pas les questions et vous répondez à côté !

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

…puisque, comme vous le souhaitez, nous ne menons pas une politique systématique de recrutement des contractuels. Par ailleurs, nous ne retenons pas toujours tous les inscrits sur les listes complémentaires : recruter une personne pour une durée de quarante ans n'équivaut pas à recruter quelqu'un pour une année, alors même que le niveau des concours nous oblige à une certaine exigence. Nous avons intégré cette année à La Réunion quatorze personnes de la liste complémentaire et quelques contractuels. Rien de plus normal.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aurais aimé que vous disposiez de chiffres distinguant le premier et le second degrés. C'est la première fois que l'on recrute des contractuels à La Réunion dans le premier degré.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre déléguée chargée des sports, il y a six ans, l'Alsace subissait le traumatisme de la loi NOTRE – loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – et son rattachement de force à la région Grand Est. Auparavant autonomes, les ligues d'Alsace ont été réorganisées en districts relevant de la gouvernance de cette région.

Il s'agit d'une catastrophe pour certains sports, pour les clubs, les sportifs, les parents, les bénévoles et les entraîneurs contraints de parcourir une région grande comme deux fois la Belgique pour participer à un match, à une compétition ou même à une simple réunion. La perte de temps et une forme de jacobinisme régional découragent même les plus motivés. Aujourd'hui, le football, le tennis, le rugby ou encore le handball veulent sortir de cette situation funeste.

Prenons le cas du football : avec 80 000 licenciés, l'Alsace est le premier district de France. Terre de football, elle est passée d'une politique de formation intensive à celle des quotas par département : les clubs se vident de leurs pépites, de leurs entraîneurs et de leurs bénévoles ; même les arbitres renoncent, puisque leurs effectifs se sont réduits d'un quart. L'Alsace, qui a été pionnière en matière de football féminin, est revenue vingt ans en arrière.

Sous l'impulsion du Président de la République et de notre majorité, la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la collectivité européenne d'Alsace (CEA) lui a redonné une part de sa souveraineté perdue. Grâce à l'article 5 de cette loi, le Parlement a ouvert la voie à la différenciation, en permettant la libre gouvernance dans le sport. L'assemblée d'Alsace vient même de voter à l'unanimité une résolution pour le rappeler.

Pourtant, certaines fédérations invoquent toujours l'article 5 pour bloquer toute réorganisation. Madame la ministre déléguée, pourriez-vous réaffirmer clairement que l'article 5 permet bien de recréer des ligues sportives alsaciennes et pourriez-vous nous confirmer que, dans la ligne de la création de la collectivité européenne d'Alsace, le Gouvernement entend la demande des acteurs du sport et de l'ensemble des élus alsaciens ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – MM. Bruno Studer, Yves Hemedinger et Philippe Meyer applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des sports.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports

Vous savez que je suis Alsacienne de cœur, cher Bruno Fuchs, mais, en ma qualité de ministre déléguée, je veille à écouter toutes les demandes de tous les acteurs du sport et à faire en sorte que le Gouvernement y réponde. C'est pourquoi j'ai échangé avec plusieurs élus et des acteurs du sport de la région pour leur expliquer l'articulation entre le code du sport et l'article 5 de la loi créant la CEA, adoptée par votre majorité en août 2019, à l'issue d'un large processus démocratique.

Cet article 5 prévoit que les fédérations culturelles et sportives peuvent créer des organes infrarégionaux à l'échelle de la CEA, c'est-à-dire des comités départementaux regroupant le Haut-Rhin et le Bas-Rhin. Ainsi, à la demande de la fédération d'équitation, nous avons entériné la création d'un comité d'Alsace pour ce sport.

Il y a la loi, mais aussi l'esprit de la loi. Les débats qui se sont déroulés ici et au Sénat éclairent les objectifs de cet article 5 : il s'agit de permettre la création à l'échelle de la CEA d'organes déconcentrés des fédérations, dotés de prérogatives de ligue régionale.

Quant au code du sport, il permet la création de ces organes déconcentrés. À l'annexe 1-5, il est mentionné spécifiquement que les fédérations ont la possibilité de solliciter auprès de mon ministère une dérogation pour que leur organisation territoriale ne suive pas celle des organes déconcentrés du ministère. Pour rappel, cette organisation, c'est le département ou la région administrative.

Il n'est donc pas besoin d'un nouveau décret ou d'une modification du code du sport. Je vous le confirme, cher Bruno Fuchs, toute demande motivée et justifiée de la part d'une fédération pourra donner lieu à une dérogation. J'y veillerai. Bien sûr, mon ministère veillera aussi à ce que cette demande ait suivi le processus démocratique et transparent qui sied à toute décision fédérale, et ce d'autant plus qu'elle devra être homologuée par mon ministère.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alors que votre majorité est au pouvoir depuis bientôt cinq ans, monsieur le Premier ministre, voici l'heure des bilans. Quel est celui du quinquennat pour La Réunion ? Députée de la nation française, je me bats pour obtenir l'égalité entre les citoyens réunionnais et les citoyens hexagonaux, notamment en matière d'accès à l'emploi, au logement, à l'éducation, aux soins et à la culture.

Pour l'éducation, qu'avez-vous fait ? À la rentrée 2021, les classes dédoublées sont de nouveau surchargées car vous refusez de recruter de nouveaux professeurs titulaires !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Contre les inégalités, qu'avez-vous fait ? Prenons un exemple parmi tant d'autres : alors que l'objectif était de construire 150 000 logements dans les outre-mer, vous peinez à en créer 10 000 par an.

Contre la vie chère, qu'avez-vous fait ? Les prix des produits de première nécessité et des denrées alimentaires augmentent plus à La Réunion que dans l'Hexagone, et cette inflation s'est encore accélérée avec la hausse récente du coût du fret.

L'urgence sociale et économique à La Réunion n'a fait que prendre de l'ampleur sous votre gouvernement. Le taux de chômage chez les jeunes reste important, et nos PME subissent la crise économique. Pire : lorsque vous agissez, c'est au détriment des Réunionnais en supprimant des dispositifs économiques ainsi que des mesures fiscales incitatives – choix politiques regrettables et mauvaise réponse à nos retards structurels.

Tout votre quinquennat a été marqué par un désintérêt progressif de l'avenir des Réunionnais. Quelles bases solides avez-vous construites pour La Réunion de demain ? Aucune. Nous ne sommes pas là pour quémander. Ce que nous voulons, c'est obtenir l'égalité. Ne sommes-nous donc qu'un vivier de voix électorales ?

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, monsieur le ministre de l'intérieur, madame la ministre de la transition écologique et, enfin, monsieur le Premier ministre, combien de fois êtes-vous venus auprès des Réunionnaises et des Réunionnais sur le terrain, sur notre île, voir cette réalité ? Trop peu, puisque vous continuez de l'ignorer.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Sur la question du dédoublement des classes, permettez-moi de vous répondre au nom de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. L'île de La Réunion compte 56 % d'écoles classées en réseau d'éducation prioritaire (REP) et le dédoublement des classes de CP et de CE1 est en œuvre dans l'intégralité des écoles où il doit se faire. Parents et enseignants plébiscitent cette mesure, l'une des meilleures qui soient pour tuer les inégalités à la racine, c'est-à-dire au moment de l'apprentissage des premiers savoirs.

Selon vous, le Gouvernement n'aurait que peu d'intérêt pour La Réunion. Je m'inscris évidemment en faux et en tout point contre cette affirmation. Nous veillons sur le territoire de La Réunion, comme sur tous les territoires de la République. Nous mettons en œuvre des politiques de développement économique et d'accompagnement social à La Réunion comme dans tous les territoires de la République.

Dans le cadre du projet de loi de finances, nous allons ainsi donner un avis favorable à un amendement proposé par le président de la délégation aux territoires et aux collectivités d'outre-mer, permettant la prorogation de la franchise de base de TVA. Pour tous les territoires d'outre-mer concernés, nous veillons à la prorogation de l'octroi de mer.

Dans le cadre du plan de relance, nous faisons en sorte que des fonds particuliers soient orientés vers les territoires d'outre-mer, notamment La Réunion. À cet égard, je peux vous assurer de la vigilance du ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu. C'est ainsi qu'en matière de rénovation du patrimoine immobilier de l'État, le nombre de bâtiments rénovés dans le cadre du plan de relance en outre-mer est deux fois supérieur à la part des bâtiments situés en outre-mer dans le total des bâtiments de l'État.

Nous veillons systématiquement à ce que ces politiques de développement et d'accompagnement soient à l'ordre du jour et respectées. Même si je ne suis pas sûr de vous convaincre, je peux vous assurer que ce gouvernement aime La Réunion comme tous les territoires de la République. Tous les ministères sont mobilisés pour répondre au plus vite aux problèmes que rencontrent les habitants de l'île.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il n'empêche, monsieur le ministre délégué, que le taux de chômage reste identique et que la hausse du prix des matières premières met nos entreprises en difficulté. Nous voulons des moyens pour le développement économique, ce qui nous permettra ensuite de créer des emplois par nous-mêmes. Il est très important que vous répondiez au moins à ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alors que nous allons adopter une proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, j'aimerais interroger le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur une mesure destinée à simplifier la vie des éleveurs : la fusion des établissements départementaux de l'élevage (EDE) et des groupements de défense sanitaire (GDS), qui coexistent dans chaque département.

Les EDE assurent la traçabilité des animaux de leur naissance à leur mort grâce à l'identification pérenne généralisée (IPG). Ils mettent à jour la base de données d'identification qui a pour objet d'identifier et d'enregistrer les mouvements d'animaux d'élevage.

Les GDS veillent au bon état sanitaire des troupeaux, étudient les risques spécifiques aux départements et aux races du secteur, et conseillent les éleveurs sur les conduites de prévention à tenir, notamment en matière de vaccination, d'hygiène et de conditions d'élevage. Les GDS rassemblent plus de 95 % des éleveurs de bovins, plus de 70 % des éleveurs de caprins ou d'ovins, près de 50 % des éleveurs de porcins.

Dans chaque département, il faudrait fusionner l'EDE et le GDS dans un organisme unique qui assurerait toutes les missions d'identification et de santé concernant l'élevage. Cette réforme simplifierait opportunément les relations entre les éleveurs et les services publics, tout en permettant de réaliser des économies de fonctionnement significatives au profit de tous les agriculteurs. La baisse des charges ainsi générée pourrait contribuer à améliorer le revenu des agriculteurs, ce que n'a pas réussi à faire la loi EGALIM – pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous – dont c'était l'objectif.

Au moment où l'exécutif promeut la simplification administrative et cherche à mieux rémunérer les agriculteurs, quelles sont les intentions du Gouvernement pour simplifier la vie des éleveurs français ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la ruralité.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud, secrétaire d'État chargé de la ruralité

Permettez-moi de vous répondre, monsieur le député, puisque Julien Denormandie participe au Sommet de l'élevage à Cournon où, précisément, il va discuter du revenu des agriculteurs, notamment de celui des éleveurs.

Le revenu des éleveurs dépend à la fois de leur rémunération et de leurs charges. À cet égard, je voudrais saluer l'adoption à l'unanimité, hier en commission mixte paritaire, de la proposition de loi de Grégory Besson-Moreau, visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Joël Giraud, secrétaire d'État chargé de la ruralité

Ce texte va permettre d'aller au bout d'un processus en consolidant la loi EGALIM, tout en imposant de nouvelles règles plus favorables aux agriculteurs lors des négociations commerciales qui vont commencer dans les prochaines semaines.

Le revenu des agriculteurs dépend aussi des charges, notamment de celles qui sont liées à la traçabilité et au suivi sanitaire des troupeaux, qui font l'objet de votre question. Le Gouvernement est très attentif à ce que les organismes travaillant à leur service puissent mettre en œuvre des actions sanitaires, techniques et d'accompagnement, sans que ces actions se recoupent ou génèrent pour eux un coût supplémentaire.

Plusieurs réformes ont été engagées dans cette perspective. Tout d'abord, il s'agit de revoir l'architecture des bases de données d'identification des animaux et de suivi de leur mouvement : la refonte technique de l'actuelle BDNI (base de données nationale de l'identification) dans le futur SINEMA (système informatique national d'enregistrement des mouvements des animaux). Dans le texte, c'est l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) qui a été désignée responsable de la base de données des élevages.

Ensuite, la rénovation de notre dispositif de gouvernance sanitaire va consolider les organismes délégataire de l'État que sont les organismes à vocation sanitaire.

Enfin, la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification), qui concerne mon ministère, va modifier l'article 34 du code général des collectivités territoriales, afin de redonner une compétence sanitaire au département. Ce dernier pourra alors accompagner les organismes à vocation sanitaire, chevilles ouvrières du sanitaire en élevage au profit des éleveurs.

L'action du Gouvernement tend donc bien à simplifier la vie des éleveurs et à clarifier les rôles des différents organismes concernés par ces chantiers.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, en Guyane, le système hospitalier a atteint un point de non-retour : chambres nettoyées tous les trois jours, draps inchangés pendant plusieurs jours, restauration hospitalière non assurée. Pire : au Centre hospitalier de l'ouest Guyanais (CHOG), la direction de l'hôpital en est arrivée à distribuer les repas aux patients.

Ces situations ubuesques sont la réalité des Guyanais hospitalisés depuis l'instauration de l'obligation vaccinale pour les soignants. Les vidéos existent, monsieur le ministre. En effet, sur les trois hôpitaux du territoire, sont vaccinés 95 % de médecins, 52 % des infirmiers et seulement 25 % des agents de services hospitaliers (ASH), un corps indispensable au fonctionnement de l'hôpital. De ce fait, le système hospitalier ne fonctionne qu'à hauteur de 25 %. Le personnel vacciné est particulièrement épuisé.

Monsieur le ministre, la prise en charge sanitaire des Guyanais est en péril. Le tissu sanitaire guyanais étant déjà fragile, nous courrons droit à la catastrophe, comme le disent les professeurs des différents services. Après la covid-19, aurions-nous affaire à la covid-21 dont les symptômes seraient la non-prise en charge de nos malades ?

Entendons-nous bien : je ne me fais pas l'avocat de ceux qui refusent de se faire vacciner. Je suis convaincu que la vaccination est tout à la fois un bienfait pour moi-même et un acte de protection collective. Je me suis fait vacciner en responsabilité depuis avril 2021. Comme beaucoup de collègues élus, j'invite et j'encourage à la vaccination.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais nous devons nous rendre à l'évidence : pour l'heure, la loi sur l'obligation vaccinale des soignants n'est pas applicable en l'état en Guyane. La situation actuelle appelle la mise en place de mesures urgentes et transitoires. Ainsi, monsieur le ministre, quelles solutions comptez-vous apporter pour pallier ce manque de personnel ? Nous saluons bien sûr l'envoi d'une réserve sanitaire pour deux semaines, mais nous craignons que cela ne suffise pas.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

La Guyane comme d'autres territoires ultramarins a été touchée au cours du mois d'août par une vague très forte de covid-19, poussée par le variant delta. Ceux qui pensent que l'épidémie a disparu se trompent : le taux d'incidence est supérieur à 500 en Guyane ; les hôpitaux y connaissent une charge sanitaire très forte, une saturation. Comme dans d'autres territoires ultramarins, cette situation résulte d'un taux de couverture vaccinale beaucoup trop faible. J'ai entendu votre appel à la vaccination. Il est important. Il serait bon que toutes les personnalités engagées pour la Guyane puissent lancer cet appel également.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Il n'y a pas de secret : tant que la vaccination ne sera pas plus importante, la Guyane s'exposera à des risques de récidive. Comme partout ailleurs sur le territoire de la République, le vaccin y est disponible depuis près d'un an.

Nous aidons évidemment la Guyane comme nous avons aidé les autres territoires ultramarins : quatre-vingt-seize soignants de métropole sont actuellement présents sur site afin d'augmenter les capacités de réanimation. Chaque fois que des besoins seront exprimés pour la Guyane, nous y enverrons des renforts sanitaires. Au total, plus de 2 500 soignants sont déjà partis de la métropole vers différents territoires ultramarins depuis le milieu du mois d'août. C'était une première dans l'histoire de notre pays. Le mouvement ne s'arrêtera pas tant que la situation sanitaire l'exigera. De la même manière, nous poursuivrons les évacuations sanitaires – certaines ont déjà eu lieu à destination des Antilles françaises – pour venir en aide.

En Guyane comme ailleurs, l'obligation vaccinale doit s'appliquer à toutes les personnes concernées. Comme en Martinique et en Guadeloupe en leur temps, il faut le faire avec le discernement nécessaire, compte tenu de la forte pression sanitaire : on ne saurait décemment se priver de soignants. Rappelons toutefois que la médecine la plus qualitative n'est pas celle-là mais celle qui consiste à protéger les personnes qui viennent à l'hôpital pour d'autres raisons et qui risquent d'y tomber malade si les soignants ne se font pas vacciner. Je lance donc un nouvel appel à la responsabilité. Tant qu'il n'y a pas une vaccination massive comme celle que nous connaissons en métropole, les risques de cinquième ou sixième vagues sont réels.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, ma question porte sur les difficultés que cause au secteur sanitaire et médico-social la gestion des personnels non vaccinés. Leur absence plonge certains établissements dans des situations intenables. C'est notamment le cas dans mon département, l'Ardèche, mais aussi dans bien d'autres. Je ne compte plus les alertes : ici, un foyer de jeunes en situation de handicap est privé d'un tiers de ses éducateurs ; là, un directeur d'EHPAD explique qu'il lui manque quatorze équivalents temps plein (ETP) et que son équipe ne va pas tenir le choc ; là encore, un autre directeur se trouve privé de son médecin coordonnateur.

Le chiffre de 3 000 suspensions que vous aviez annoncé masque une tout autre réalité : vous devriez y ajouter les arrêts maladie ou les congés de droit, dont le nombre a explosé parmi les non-vaccinés, à telle enseigne que les personnels qui manquent à l'appel se compteraient par dizaines de milliers. Je vous demande de mesurer la gravité de cette situation et le niveau de désorganisation dont souffrent certains établissements. Les solutions avancées sont parfois inacceptables, notamment lorsque l'agence régionale de santé (ARS) propose à des établissements d'hébergement pour personnes handicapées d'engager des individus condamnés à des travaux d'intérêt général pour remplacer des éducateurs qualifiés !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question ne vise pas à ouvrir le débat sur l'obligation vaccinale : le groupe Socialistes et apparentés s'est montré très clair sur ce point. Je veux simplement que vous répondiez à deux questions : quelle est la réalité des chiffres concernant les personnels manquants, et quelles réponses pouvez-vous apporter aux personnels qui souffrent et qui voient bien que la continuité du service public n'est plus garantie ?

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – MM. Jean-Paul Lecoq et Pierre Dharréville applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur le député, j'étais hier avec le directeur général de l'AP-HP – Assistance publique-hôpitaux de Paris. Ce n'est certes pas l'Ardèche, mais c'est le plus gros hôpital de France, qui édite 100 000 feuilles de paie. Hier, pour tout l'AP-HP, seize médecins sur un total de 12 500 et 100 infirmières sur 18 000 n'étaient pas vaccinées.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

L'augmentation du taux d'absentéisme observée était comprise entre 0,5 et 0,8 point.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe SOC

Et en Ardèche ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Je l'avais annoncé et je l'assume : des contrôles sont menés avec la plus grande fermeté.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Bien sûr !

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Ils seront systématiquement diligentés en cas de suspicion de contournement des règles qui régissent les arrêts maladie…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il reste une minute et vingt-deux secondes pour parler de l'Ardèche !

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

…et des sanctions exemplaires seront appliquées afin de garantir que la sécurité sociale ne soit pas détournée de l'objectif dans lequel nos prédécesseurs l'ont fondée voilà soixante-seize ans, à savoir la protection de ceux qui en ont besoin.

Ensuite, dans certains territoires – vous avez évoqué l'Ardèche, mais on aurait également pu mentionner la Drôme ou d'autres départements –,…

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

…se sont formées, historiquement, des poches de résistance à la vaccination, si je puis employer ce terme. Ce phénomène ne se limite pas au covid-19, mais s'étend à d'autres pathologies infectieuses. C'est d'ailleurs dans ces départements – pas en Ardèche, mais dans d'autres – qu'on observe l'émergence de nouveaux clusters parmi les personnes non vaccinées.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe SOC

Et l'Ardèche, alors ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Il en va des soignants comme du reste de la population : en Ardèche – département que je connais bien et que j'affectionne, monsieur Juanico – comme ailleurs, il faut continuer d'aller au contact des populations pour les convaincre. En aucun cas nous ne reviendrons sur l'obligation vaccinale pour les soignants.

En revanche, les désorganisations massives que vous dénoncez, monsieur Saulignac, ne reflètent pas les informations qui me sont parvenues à l'échelle nationale : le taux de présentation du passe sanitaire dans les établissements médico-sociaux du pays est supérieur à 96 % alors que, souvenez-vous, 60 % des Français étaient initialement opposés à la vaccination. Surtout, sur les 1 000 établissements qui ont indiqué avoir prononcé des suspensions temporaires, plus de 600 nous ont déjà fait part de réinscriptions de personnels qui, voyant que la menace était sérieuse, se sont finalement fait vacciner. C'est ainsi que nous progresserons.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les dysfonctionnements dont je fais état ne sont pas des fantasmes, mais des réalités, notamment dans les EHPAD – les quatorze équivalents temps plein auxquels j'ai fait référence, par exemple, sont bien réels. Les directeurs concernés en viennent à appeler l'ARS à l'aide, sans recevoir de réponse. Vous venez de faire la démonstration que leur ministre de tutelle n'a pas non plus de réponse à leur apporter. J'en suis vraiment désolé pour eux.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse au ministre de la justice, garde des sceaux. Les avocats qui défendent les demandeurs d'asile se sont mis en grève depuis hier et protestent devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Je m'y suis rendu ce matin pour les rencontrer et les entendre. Ils dénoncent la dégradation inacceptable de la justice rendue par la CNDA.

La justice du droit d'asile s'industrialise, par manque de moyens et par souci de gérer les stocks de demandes, en perdant de vue le fait qu'il ne s'agit pas d'un contentieux anecdotique, mais de femmes et d'hommes qui ont tout quitté et tout risqué parce qu'il ne leur était plus possible de vivre en sécurité dans leur pays d'origine. Les femmes et les hommes qui se présentent devant le prétoire de la CNDA jouent tout simplement leur vie. La France se doit de leur accorder une justice à la hauteur de cet enjeu.

Or elle ne le fait plus : de plus en plus souvent, la CNDA recourt au rejet des demandes d'asile par ordonnance, sans même auditionner le demandeur d'asile ni lui donner la parole. On demande aux rapporteurs de faire toujours plus bref, pour économiser du temps. Les audiences, lorsqu'elles ont lieu, sont raccourcies, pour économiser du temps. L'analyse de la situation géopolitique du pays d'origine du demandeur d'asile est de plus en plus superficielle, pour économiser du temps.

Mais le temps, c'est la dignité humaine. C'est la mesure de la considération que la France accorde – ou pas – à ces femmes et à ces hommes qui sont venus chercher chez nous l'asile, ce droit infiniment précieux. La crise de la dignité humaine qui se répand en France et touche durement la justice, je l'ai vue partout où je me suis rendu dans le cadre des déplacements de la commission d'enquête sur les migrations que j'ai l'honneur de présider au nom du groupe Libertés et territoires.

Acceptez-vous une telle situation en France ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – Mme Mathilde Panot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

Je vous prie d'excuser l'absence du garde des sceaux qui, comme vous le savez, a dû se rendre dans la Sarthe. Je vous répondrai en droit et en chiffres.

En droit, l'article L. 532-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les présidents des chambres de la CNDA peuvent statuer par ordonnance sur certaines demandes. Ils peuvent notamment rejeter « les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision d'irrecevabilité ou de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides », l'OFPRA. La procédure de rejet par ordonnance est encadrée : le rapporteur instruit l'affaire et propose au président son rejet par ordonnance. Celle-ci est motivée et susceptible de recours. Le choix de recourir à cette procédure revient à des magistrats indépendants. Il n'appartient pas au garde des sceaux ni à moi-même de commenter des décisions de justice. Contrairement à ce que vous prétendez, les affaires jugées par ordonnance ne sont pas bradées : elles sont jugées par un magistrat professionnel indépendant, après instruction de l'affaire. Quand un magistrat a jugé qu'il n'était pas nécessaire d'appeler l'affaire à une audience compte tenu des éléments du recours, il ne nous appartient pas de commenter une telle décision.

Pour ce qui est des chiffres, la proportion des ordonnances dans l'activité de la Cour reste stable depuis trois ans : celles-ci représentent environ un tiers des affaires jugées par la CNDA. Ce chiffre n'a pas augmenté pendant les huit premiers mois de l'année 2021, alors même que le nombre de recours devant la CNDA connaît une augmentation très sensible. Je signale en outre que, contrairement à ce que vous indiquez, les moyens de la Cour ont été continûment et très fortement renforcés – pas seulement par ce gouvernement, d'ailleurs. Étant donné que c'est moi qui m'occupe de ce dossier, je peux l'affirmer en connaissance de cause.

Enfin, vous évoquez la temporalité des jugements. Permettez-moi de dire ce qui, en la matière, me paraît relever d'un manque d'humanité : c'est le fait de laisser des personnes attendre des mois, voire des années, avant de statuer. Ce n'est pas parce que l'on statue rapidement que l'on ne respecte pas les droits, dès lors que les décisions sont prises avec professionnalisme, comme le font les magistrats de la CNDA.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Même si vous n'êtes pas ministre de la justice, votre avis m'intéresse : comment les personnes LGBTI demandeuses d'asile peuvent-elles convaincre un juge de leur orientation sexuelle sans lui parler ?

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Madame la ministre déléguée chargée de l'industrie, je souhaite une fois de plus vous interpeller sur la situation de FerroPem, filiale de FerroGlobe. Le 29 mars dernier, la direction du groupe a annoncé l'arrêt total de la production sur les sites des Clavaux, en Isère, et de Château-Feuillet, dans ma circonscription. Depuis le 13 avril, la procédure de consultation sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a débuté, plongeant dans l'incertitude et l'angoisse les 355 salariés concernés.

La direction a invoqué, pour motiver sa décision, un marché peu porteur et des prix orientés à la baisse, inférieurs aux coûts de production. Or les cours du silicium et des ferro-alliages se sont depuis fortement redressés, au point de rendre la production profitable. Ces produits revêtent d'ailleurs une importance stratégique pour notre nation et il est évident, au vu de ces éléments nouveaux et du contexte de pénurie mondiale qui touche ces matières, que le projet de fermeture des sites envisagé par une direction dont les intentions ne sont pas toujours claires doit être revu.

La consultation sur le PSE devant prendre fin dans quelques semaines, il est encore temps d'agir pour maintenir les activités sur les sites et le savoir-faire de la main-d'œuvre. Quelles actions le Gouvernement compte-t-il prendre pour que FerroPem rouvre des capacités de production ou accompagne un repreneur ? Nous sommes aux côtés des salariés depuis le début. Nous les soutiendrons jusqu'au bout. Non, l'histoire n'est pas finie !

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie

Vous avez raison : l'histoire n'est pas finie. Depuis maintenant deux ans et demi, nous accompagnons le groupe FerroGlobe dans les diverses vicissitudes qu'il a traversées et, par conséquent, les six sites français de sa filiale FerroPem, qui produisent du silicium. Je salue l'implication des députés de tous bords – je pense à Mme Battistel, à Mme Bonnivard ou à M. Cellier – qui suivent cette situation.

Vous le savez, nous sommes mobilisés et nous avons deux objectifs. Le premier consiste à préserver la filière de silicium en Europe et en France – car ces sites sont aussi essentiels à l'échelle européenne. Le deuxième est de limiter les conséquences sociales du plan de restructuration et de préserver les compétences. Cette mobilisation concerne en particulier les sites de Château-Feuillet en Savoie et des Clavaux en Isère. Je me réjouis d'ailleurs de la reprise du travail dans cette dernière usine : j'y vois une nouvelle démonstration du sens des responsabilités des représentants des salariés et de l'attachement de ces derniers à leur site.

C'est dans cet esprit que nous avons fait une série de propositions au groupe FerroGlobe. L'ensemble des élus du territoire concerné et moi-même avons reçu ses représentants à mon cabinet, la semaine dernière, pour les aider à réaliser les investissements de compétitivité nécessaires afin d'accélérer et de trouver soit des solutions de rebond – puisque, comme vous l'avez souligné, la situation du marché est actuellement favorable –, soit des pistes de reprise, plusieurs repreneurs industriels ayant marqué leur intérêt de manière tout à fait intéressante.

J'appelle maintenant l'entreprise FerroGlobe à prendre ses responsabilités : la balle est dans son camp. Nous serons à vos côtés pour trouver des solutions pour les salariés, car ils le méritent.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Avant de suspendre la séance, je rappelle que nous allons maintenant procéder à l'élection, par scrutin dans les salles voisines de la salle des séances, de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République.

Je suis saisi des candidatures de Mme Nicole Dubré-Chirat pour le premier siège de juge suppléant et de M. Xavier Breton pour le second. Le scrutin est secret et plurinominal et des bulletins imprimés sont à votre disposition. Pour que le vote soit valable, le bulletin contenu dans l'enveloppe ne doit pas comporter plus de deux noms. Les délégations de vote ne sont pas admises.

J'ouvre le scrutin, qui est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, pour une durée de trente minutes. Il sera clos à 17 heures 30.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. David Habib.

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Le 26 septembre 2021, Mme Samantha Cazebonne a été élue sénatrice. En conséquence, en application de l'article L.O. 137 du code électoral, elle a cessé d'appartenir à l'Assemblée nationale. La vacance de son siège ne sera toutefois constatée qu'à l'expiration du délai de recours contentieux ou, le cas échéant, après la décision du Conseil constitutionnel confirmant son élection.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce (4479, 4504).

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

Permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence du garde des sceaux qui, vous le savez, s'est rendu en urgence dans l'Orne, à la suite de la prise d'otages qui a eu lieu ce matin à la prison de Condé-sur-Sarthe. Vous le savez également, le détenu s'est rendu et la prise d'otage est terminée. Comme l'a déjà fait le garde des sceaux, j'ai ici une pensée chaleureuse pour les deux victimes, deux surveillants pénitentiaires, et je souhaite remercier les équipes d'intervention dont la mobilisation et l'engagement ont permis une issue positive à cette situation.

Le texte que nous examinons aujourd'hui en séance publique pourrait sembler purement technique mais s'avère en réalité indispensable pour le bon fonctionnement à venir de notre économie. Il vise en effet à garantir la tenue, dans de bonnes conditions, de l'élection des juges consulaires des tribunaux de commerce.

La justice commerciale joue un rôle essentiel dans le système judiciaire pour réguler les contentieux commerciaux et assurer le redressement des entreprises en difficulté.

C'est une justice de proximité, au contact des entreprises, des commerçants et des artisans, à laquelle les Français sont particulièrement attachés. C'est aussi une justice dont la qualité est reconnue internationalement et qui est choisie par de grands groupes, français ou non, pour régler leurs litiges. C'est enfin une justice sur laquelle le Gouvernement sait pouvoir compter, qui n'a cessé de fonctionner pendant le confinement et qui est actuellement pleinement mobilisée pour soutenir les entreprises en cette période de sortie de crise sanitaire.

Il convient ainsi, dans la perspective des prochaines élections, qui se tiendront entre le 22 novembre et le 5 décembre, de préserver le vivier de candidats aux élections consulaires.

En effet, le droit actuel ne permet plus aux juges consulaires actuellement en poste ainsi qu'aux anciens juges consulaires de se présenter aux élections s'ils ne sont pas inscrits par ailleurs sur les listes électorales des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat.

Or une grande partie des juges consulaires se consacre pleinement à cette activité et n'en a plus d'autre en parallèle. Il s'agit des juges les plus expérimentés, qui président souvent les chambres, voire les tribunaux de commerce. Si les règles ne sont pas modifiées, près de 472 juges consulaires sur l'ensemble du territoire national, soit environ 14 % des effectifs, ne pourraient pas se présenter aux prochaines élections.

La justice commerciale subirait dans ce cas une perte de compétence, d'expérience et de savoir-faire considérable. Alors que notre économie va avoir besoin plus que jamais d'une justice commerciale efficace, une telle perte n'est évidemment pas envisageable : je pense tout particulièrement à la nouvelle procédure rapide de traitement de sortie de crise lancée il y a quelques mois par Éric Dupond-Moretti et Bruno Le Maire, et qui va entrer en vigueur dans les prochains jours. Cette procédure novatrice permettra d'éviter un nombre important de faillites, et ce en intervenant le plus tôt possible auprès de l'entreprise en difficulté.

Le succès de ces nouvelles dispositions et donc le bon accompagnement de nos entreprises en difficulté reposera grandement sur les juridictions commerciales. C'est pourquoi le Gouvernement est déterminé à donner aux tribunaux de commerce les moyens de remplir leurs missions avec efficacité et diligence. Comme le montre le fait qu'un seul amendement soit en discussion, je crois pouvoir affirmer que cette proposition de loi fait l'objet d'un consensus large, ce que le Gouvernement appelait de ses vœux déjà au Sénat, tant son adoption rapide est indispensable pour que les candidatures puissent être reçues et vérifiées par les préfets en amont des opérations de vote. C'est pour cette raison que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et que la date des élections consulaires a été repoussée par décret autant qu'il était possible.

Je tiens enfin à saluer votre rapporteure, Émilie Guerel, qui, malgré des délais contraints, a accompli un travail précis et minutieux pour s'assurer que cette proposition de loi atteindrait complètement son objectif, celui de pérenniser le bon fonctionnement de nos juridictions commerciales. Je sais qu'elle a pu compter en particulier sur la députée Nicole Dubré-Chirat, qu'elles en soient ici toutes les deux remerciées.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement soutient pleinement, dans les termes de votre commission, cette proposition de loi.

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La parole est à Mme Émilie Guerel, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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La présente proposition de loi, adoptée à l'unanimité par la commission des lois, propose de corriger des malfaçons législatives risquant d'entraver le bon fonctionnement des tribunaux de commerce. Vous vous souvenez tous du contexte d'adoption de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi PACTE, des 2 687 amendements déposés en première lecture à l'Assemblée, de ses 221 articles adoptés dans le texte définitif. Dans le cadre de ce véritable marathon législatif furent adoptées des dispositions relatives aux tribunaux de commerce bienvenues mais aux conséquences concrètes mal mesurées.

Depuis 1961, les juges consulaires étaient choisis par un collège électoral comprenant les juges en exercice, les anciens juges ainsi que des délégués consulaires élus par les commerçants ; la loi PACTE a supprimé ces délégués consulaires, auxquels elle a substitué les membres des chambres de commerce et d'industrie, et des chambres de métiers et de l'artisanat. Cette réforme, dans son esprit, était tout à fait conforme au nouveau souffle que le législateur souhaitait donner à 1'institution consulaire. Elle s'inscrivait d'ailleurs dans la continuité de ce que proposaient, dès 2013, les députés Cécile Untermaier et Marcel Bonnot qui, dans un rapport d'information sur le rôle de la justice en matière commerciale, appelaient de leurs vœux la réforme d'un système électoral exsangue. Le taux d'abstention des délégués consulaires dans le cadre des élections des juges des tribunaux de commerce atteignait alors le triste record de 80 %. Il fallait donc agir, et la loi PACTE a resserré à juste raison les liens entre les tribunaux de commerce et les entreprises. Reste que ses conditions d'adoption ont conduit le législateur à commettre certaines malfaçons tout à fait dommageables pour le bon fonctionnement des tribunaux de commerce.

Le texte qui nous est soumis résulte d'une proposition de loi de la sénatrice Nathalie Goulet, dont je salue l'initiative, et qui vise à corriger la première de ces malfaçons : l'omission du principe de l'éligibilité des juges en exercice dans le même tribunal ou dans un tribunal limitrophe à celui concerné par l'élection. La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale du Sénat, sur la base des recommandations de son rapporteur, François Bonhomme, a très utilement complété ce dispositif en prévoyant également l'éligibilité des anciens juges.

Ces dispositions sont loin d'être anecdotiques pour le fonctionnement des tribunaux de commerce. En effet, les omissions précitées auraient un impact considérable sur le vivier électoral des juges puisque, sur les 793 juges consulaires dont le mandat s'achève en 2021, 450 à 500 deviendraient inéligibles. Les conséquences en seraient graves, au regard d'abord des difficultés de recrutement de nouveaux juges, mais aussi de la perte d'expérience et de compétences qui en résulterait. Je vous rappelle que ce sont souvent les membres des tribunaux de commerce les plus expérimentés qui sont appelés à en prendre la présidence.

L'article 1er du présent texte vise à écarter tout risque de tarissement du vivier des juges en rétablissant l'éligibilité des juges en exercice dans le même tribunal ou dans un tribunal de commerce limitrophe, ainsi que des anciens juges. La commission des lois du Sénat a également procédé au rétablissement de l'inéligibilité des personnes pénalement condamnées pour des agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs. Cette règle, qui n'avait pas été retranscrite par la loi PACTE, me semble tout à fait importante et nécessaire. Je constate que le Sénat a assuré son effectivité en permettant aux préfectures de contrôler l'absence de telles condamnations. La commission des lois du Sénat a également apporté une plus grande sécurité juridique à certaines dispositions relatives aux conditions d'éligibilité des membres en exercice des tribunaux de commerce et aux conditions d'appartenance des anciens membres au collège électoral participant à l'élection des juges consulaires ; sont ainsi élevées au rang législatif des dispositions réglementaires alors qu'elles relèvent bien du domaine de la loi tel que défini à l'article 34 de la Constitution.

Cette proposition de loi permet aussi de respecter l'intention du législateur s'agissant de la limitation du nombre de mandats qu'un juge consulaire peut réaliser dans un même tribunal, en indiquant plus clairement que cette limitation est valable que les cinq mandats aient été consécutifs ou non. Voilà, me semble-t-il, un article de nature à favoriser le renouvellement des juges.

Chers collègues, la réforme des élections des juges des tribunaux de commerce est une nécessité. Il apparaît néanmoins prématuré que celle-ci s'applique dès les prochaines élections, qui auront lieu du 22 novembre au 5 décembre prochain, car toute leur organisation a été pensée sur la base de l'ancien modèle. C'est pourquoi la présente proposition de loi proroge le mandat des délégués consulaires élus en 2016 jusqu'au 31 décembre 2021. Vous comprenez donc l'urgence de la situation : les opérations pré-électorales débutant le 22 octobre, il importe que ce texte soit entré en vigueur avant cette date. Cette nécessaire rapidité explique que la commission des lois de l'Assemblée ait, dans un bel esprit de concorde que je tiens à saluer, décidé d'adopter conforme le texte qui nous a été transmis par le Sénat.

Dans le contexte économique actuel, la tâche des tribunaux de commerce aux côtés de nos entreprises sera importante et je pense pouvoir affirmer que nous partageons tous la volonté de favoriser l'efficacité de leur fonctionnement. Puisque le présent texte répond à cet objectif, je vous invite donc à l'adopter.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Christophe Euzet applaudit également.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Christophe Euzet.

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Les tribunaux de commerce, cela vient d'être rappelé, dans une période compliquée dont nous sommes en train de nous extirper, ont un rôle particulièrement important. Leurs juges sont élus par un collège électoral composé de délégués consulaires, de juges consulaires en exercice et d'anciens juges des tribunaux concernés. La loi PACTE, même si elle était sous-tendue par une idéologie tout à fait louable, a été chargée de dispositions multiples au point de provoquer certaines confusions, notamment l'omission de la reconduction de l'éligibilité des membres en exercice et des anciens membres des tribunaux de commerce concernés ou limitrophes. Sans que cela ait été voulu, près de 500 juges, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre délégué, ont été ainsi exposés au péril de la non-rééligibilité, laquelle n'est bien évidemment souhaitée par personne car on serait amenés à se passer des services de juges bénévoles dont l'expérience est reconnue par tous et dont le recrutement s'avère parfois très difficile.

C'est donc très logiquement que la proposition de la sénatrice Nathalie Goulet vise à remédier à cette malfaçon de la loi PACTE promulguée le 22 mai 2019. La proposition initiale contenait un seul article rétablissant l'éligibilité des juges consulaires en exercice dans le tribunal ou dans un tribunal limitrophe. Elle s'est considérablement enrichie au cours des travaux de la commission des lois au Sénat, au terme desquels ont été ajoutés trois articles, ce que le groupe Agir ensemble trouve tout à fait louable.

Tout d'abord, au-delà du rétablissement de l'éligibilité des juges en exercice dans le même tribunal ou dans un tribunal limitrophe, celle-ci a été étendue aux anciens juges sous certaines conditions – sur lesquelles je reviendrai dans un instant. Par ailleurs, l'inéligibilité des personnes condamnées pénalement pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs a été consacrée.

L'article 2 limite à cinq le nombre de mandats susceptibles d'être effectués par les juges consulaires dans un même tribunal, ce qui devrait être de nature, dans les années à venir, à permettre le renouvellement du personnel magistral.

L'article 3 procède à un ajustement de la composition du corps électoral des juges consulaires en exigeant que les anciens juges aient au moins accompli cette mission pendant six ans.

Quant à l'article 4, Mme la rapporteure a insisté sur son intérêt tout à fait pratique : les élections devant avoir lieu avant la fin de l'année, il était indispensable qu'elles se tiennent dans les conditions les plus pragmatiques, les plus raisonnables et les plus cohérentes possible, dans le respect de l'État de droit, raison pour laquelle cet article permettra leur déroulement dans un cadre législatif inchangé.

Par oubli ou par erreur, le législateur a – sans le vouloir, donc – privé le système judiciaire d'un réseau de magistrats expérimentés, bénévoles et dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils sont très difficiles à renouveler. La présente proposition de loi vise à corriger cette malfaçon tout en apportant, au-delà du texte initial, plusieurs correctifs au droit existant. Elle permet ainsi, au sens où l'entend le groupe Agir ensemble, d'améliorer la justice, de bonifier les règles déontologiques et surtout de rendre hommage au travail de haute voltige exécuté par des magistrats bénévoles qui donnent beaucoup d'eux-mêmes. C'est la raison pour laquelle et compte tenu de l'urgence que vous avez rappelée, madame la rapporteure, notre groupe votera cette proposition de loi dans le texte de la commission.

Mme la rapporteure, Mmes Nicole Dubré-Chirat et Aina Kuric applaudissent.

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La proposition de loi permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce est indispensable. La loi PACTE a en effet privé d'éligibilité les membres en exercice et les anciens membres des tribunaux de commerce concernés ou des tribunaux limitrophes, sans que cela ait été souhaité par le législateur. De ce fait, entre 450 et 500 juges consulaires, sur les 793 juges dont le mandat expire en 2021, ne sont pas rééligibles. Il serait tout à fait dommageable pour le fonctionnement des juridictions de devoir se passer des services de ces magistrats expérimentés. Le présent texte vise à corriger cette erreur. Afin d'éviter toute entrave au bon fonctionnement des tribunaux de commerce, il est nécessaire que ce texte soit adopté rapidement.

En sus du dispositif de l'article 1er , les sénateurs ont ajouté quelques mesures : le rétablissement de l'inéligibilité des personnes condamnées pénalement pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs, frappées d'une peine complémentaire d'interdiction professionnelle ou sanctionnées civilement au titre de législations étrangères relatives à l'insolvabilité des entreprises équivalentes à la législation française ; la limitation à cinq du nombre de mandats qu'une même personne peut exercer en tant que juge consulaire dans un même tribunal ; l'ajustement de la composition du corps électoral des juges consulaires en imposant notamment aux anciens juges, pour être électeurs, d'avoir exercé leurs fonctions pendant au moins six années, de n'avoir pas été déclarés démissionnaires et bien sûr de ne pas être frappés d'inéligibilité.

Ces ajouts sont bienvenus, ce sont des mesures de bon sens, notamment au regard des obligations déontologiques.

Cette proposition de loi faisant consensus appelle en réalité peu de commentaires. Reste qu'il est important de le souligner : l'initiative de notre collègue sénatrice Nathalie Goulet est d'autant plus essentielle en cette période troublée de crise sanitaire. En effet, nos entreprises sont mises à rude épreuve et beaucoup d'entre elles ont – et auront – sûrement besoin d'un accompagnement renforcé. Nous devons donc apporter tout notre soutien aux juridictions consulaires ; la proposition de loi en est un exemple.

On ne peut tout de même s'empêcher de s'interroger sur la qualité des textes qui nous ont été soumis : une telle erreur dans une loi d'une telle importance paraît très surprenante. Le groupe UDI et indépendants souhaite donc une adoption rapide du texte et le votera conforme.

Mme Maud Petit applaudit.

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Chers collègues, je vous informe que la clôture du scrutin pour l'élection des deux juges suppléants à la Cour de justice de la République est annoncée dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Le résultat du scrutin sera proclamé à l'issue du dépouillement.

La parole est à M. Michel Castellani.

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Les juges consulaires sont des juges bénévoles, élus depuis la loi PACTE par les membres des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat, pour un mandat de deux ans. Ce sont le plus souvent des commerçants ou des chefs d'entreprise. C'est devant leur juridiction que sont portées en première instance les affaires en matière commerciale.

Leur mode d'élection – ils sont choisis par leurs pairs – et le fait qu'ils sont eux-mêmes issus du métier des affaires, permet aux juges des tribunaux de commerce de connaître parfaitement les métiers et les réalités de terrain. Ainsi, c'est grâce à eux que la justice commerciale est une véritable justice de proximité sur l'ensemble des territoires de la France.

Nous nous félicitons que les juges consulaires ne soient pas des juges professionnels nommés par une autorité centralisée. Ils sont connectés aux réalités géographiques et économiques, ils connaissent les affaires qu'ils ont à juger, de même que les dossiers de leur territoire – autant de bonnes choses. Le groupe Libertés et territoires – attentif à la reconnaissance des spécificités territoriales et défenseur de la décentralisation – est très attaché à cette spécificité, tout comme nous sommes attachés au maillage des chambres de commerce et d'industrie dont sont issus ces juges.

L'engagement de ces derniers est bénévole et souvent chronophage ; nous tenons à saluer leur implication. Ils sont très sollicités actuellement du fait des difficultés rencontrées par les entreprises avec la crise de covid-19. Il est fort à craindre que, dans les prochains mois, ils ne le soient encore davantage. Dès lors, on comprend, du fait de l'ampleur de l'engagement demandé, qu'il est assez difficile de trouver des candidats pour exercer cette fonction.

La présente proposition de loi vise à corriger une malfaçon de la loi PACTE qui empêche les juges consulaires de se représenter après avoir effectué un mandat. Avec les dispositions actuelles, 60 % des juges en exercice seraient empêchés de se présenter à un nouveau mandat. De ce fait, environ 500 juges sur les 793 dont le mandat expire en 2021 ne seront pas rééligibles.

Cette proposition de loi issue du Sénat permettra de corriger cette maladresse. En outre, le Sénat a ajouté des articles que nous approuvons également. C'est le cas de l'article 2 qui vise à limiter à cinq – qu'ils soient successifs ou non – le nombre de mandats qu'un juge consulaire peut exercer. Nous soutenons aussi le rétablissement de l'inéligibilité pour les personnes condamnées pénalement. Tout cela nous semble aller dans le bon sens.

Notre groupe votera ce texte consensuel et soutiendra son adoption conforme. En effet, au vu du calendrier restreint avant les élections consulaires, il est nécessaire de voter cette loi rapidement pour assurer le bon fonctionnement de la justice commerciale.

Mmes Nicole Dubré-Chirat et Maud Petit applaudissent.

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La proposition de loi permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce est une parfaite illustration des conditions dégradées dans lesquelles les parlementaires doivent légiférer. Elle témoigne des conséquences de l'inflation législative. On le sait, le recours massif et accéléré à la norme juridique a des conséquences fâcheuses : instabilité de la règle de droit, manque de qualité rédactionnelle de textes rédigés très vite, complexité croissante du droit, prise en compte insuffisante des conséquences concrètes de la nouvelle norme.

En l'occurrence, le texte que nous examinons est la démonstration parfaite de la précipitation dans laquelle nous avons été contraints d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, texte promulgué le 22 mai 2019. En effet, sans en avoir l'intention, la loi PACTE – composée de pas moins de 221 articles – a privé d'éligibilité les membres en exercice et les anciens membres des tribunaux de commerce – dont le collège devrait être prochainement renouvelé –, ainsi que les membres des tribunaux limitrophes. De ce fait, sur un total de 3 357 juges consulaires en exercice, entre 450 et 500 sur les 793 dont le mandat expire en 2021 ne seraient pas rééligibles.

Une telle conséquence n'avait pas été prévue, d'autant que, par tradition, les juges du tribunal de commerce sont des magistrats élus par leurs pairs parmi les commerçants ou les dirigeants des sociétés commerciales. C'est donc involontairement que la loi PACTE a exclu les juges et les anciens juges de ces tribunaux et de ceux qui sont limitrophes. Cette malfaçon aurait eu de graves répercussions, d'autant que sont concernés les magistrats les plus expérimentés, parmi lesquels de nombreux présidents de tribunaux de commerce. La présente proposition de loi corrige donc opportunément cette erreur.

En outre, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois du Sénat, diverses autres améliorations ont été apportées au régime électoral des juges consulaires. Ainsi, l'inéligibilité des personnes condamnées pénalement pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs a été rétablie, de même que celle des personnes frappées d'une peine complémentaire d'interdiction professionnelle ou sanctionnées civilement au titre de législations étrangères relatives à l'insolvabilité des entreprises équivalentes à la législation française.

La limitation à cinq du nombre de mandats, successifs ou non, qu'une même personne peut exercer en tant que juge consulaire dans un même tribunal a été introduite dans l'article 2, conformément à l'intention du législateur lors de l'adoption de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle – dite loi J21 – et de la loi PACTE. L'article 3 ajuste la composition du corps électoral des juges consulaires, en imposant notamment aux anciens juges, pour être électeurs, d'avoir exercé leurs fonctions pendant au moins six années, de n'avoir pas été déclarés démissionnaires et de ne pas être frappés d'inéligibilité. Enfin, l'article 4 proroge le mandat des délégués consulaires élus en 2016 jusqu'au 31 décembre 2021 afin que les élections des juges consulaires prévues en novembre prochain soient organisées sur la base du collège électoral existant avant l'entrée en vigueur de la loi PACTE.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront cette proposition de loi qui corrige une erreur et met en lumière les conséquences regrettables de l'inflation législative sur la qualité des normes et sur la sécurité juridique.

Mmes Marie-George Buffet et Lamia El Aaraje applaudissent.

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La proposition de loi que nous examinons a pour objectif de permettre la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce en rectifiant une disposition de la loi PACTE. Elle fait suite à une mission d'information sur les outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l'aune de la crise de la covid-19.

Depuis 1961, les juges des tribunaux de commerce sont élus par un collège électoral composé, d'une part, de délégués consulaires – eux-mêmes élus par les commerçants – et, d'autre part, des juges consulaires en exercice et des anciens juges du tribunal concerné. Toutefois, ce régime électoral à deux degrés ne donnait pas satisfaction : la participation à l'élection des délégués consulaires était faible et celle des délégués eux-mêmes à l'élection des juges l'était également. Il est apparu nécessaire de réformer ce mode d'élection pour simplifier et resserrer les liens entre les tribunaux et les entreprises. C'est pourquoi la loi PACTE de mai 2019 a prévu que les juges consulaires seraient élus par les membres de la chambre de commerce et d'industrie et ceux de la chambre de métiers et de l'artisanat. L'institution des délégués consulaires est supprimée, mais les juges consulaires en exercice et anciens juges font toujours partie du corps électoral.

Cependant, la mesure votée dans la loi PACTE a omis d'ajouter les juges consulaires en exercice à la liste des personnes éligibles. De ce fait, cela impose de recruter un grand nombre de juges, entraîne des conséquences dommageables et prive ainsi les tribunaux d'un vivier considérable de candidats. Il s'agit en général des magistrats les plus expérimentés, parmi lesquels le président du tribunal est le plus souvent choisi.

Ces juges de proximité sont des professionnels de grande qualité qui, en se consacrant exclusivement à cette activité, acquièrent une vraie expertise, laquelle s'accroît avec l'ancienneté. Ils mettent leurs compétences au service des tribunaux de commerce pour juger leurs pairs en exerçant de façon bénévole. Les tribunaux ont besoin de cette expertise, qui est une spécificité française en matière de justice commerciale.

Le texte dont nous discutons est composé de quatre articles. Le premier rétablit l'éligibilité des juges en exercice et des anciens membres des tribunaux de commerce aux fonctions de juge de tribunal de commerce. Au Sénat, un amendement du rapporteur a reprécisé l'inéligibilité liée à certaines condamnations pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs, de même que l'inéligibilité des personnes frappées d'une peine complémentaire d'interdiction professionnelle ou sanctionnées au titre de législations étrangères.

Le rapporteur du Sénat a fait adopter trois nouveaux articles qui apportent des précisions aux conditions d'élection : l'article 2 limite à cinq le nombre de mandats, successifs ou non, dans un même tribunal, conformément au souhait du législateur lors de l'adoption de la loi pour la modernisation de la justice du XXIe siècle et la loi PACTE. Cet article vise à tenir compte de la difficulté de recrutement des juges consulaires et du maintien de leur expertise. L'article 3 précise les conditions pour qu'un ancien juge consulaire puisse faire partie du collège électoral : avoir exercé ses fonctions pendant au moins six ans, ne pas avoir été réputé démissionnaire, enfin, ne pas avoir été frappé d'inéligibilité. L'article 4 proroge le mandat des juges consulaires élus en 2016 jusqu'au 31 décembre 2021, afin de reporter au 1er janvier 2022 l'entrée en vigueur des dispositions de la loi PACTE, et de permettre le maintien des règles actuellement en vigueur pour les élections qui se tiendront du 22 novembre au 5 décembre.

À la suite du « quoi qu'il en coûte » et dans un contexte de sortie de crise qui pourrait entraîner des difficultés économiques pour certaines entreprises, les tribunaux de commerce, et donc les juges consulaires, risquent d'être très sollicités : ceux-ci vont avoir un rôle déterminant et important à jouer pour accompagner les entreprises en difficulté et trouver des mesures adaptées aux différentes situations.

Pour continuer d'assurer le bon fonctionnement de la justice commerciale, le Sénat nous a proposé un texte de loi qu'il a complété et voté : c'est celui-ci que nous examinons et que nous vous proposons d'adopter conforme, afin de permettre le bon déroulement des élections et la mise en place des tribunaux de commerce dès début 2022.

Mme la rapporteure applaudit.

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Monsieur le ministre délégué, je commencerai par m'associer à vos propos et à vos pensées pour le personnel pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Bien évidemment, je les partage totalement ; nous comprenons l'absence du garde des sceaux en séance.

Nous partageons également – mais n'y voyez pas là une habitude – votre lecture du texte. Peut-être est-ce parce qu'il vient du Sénat. En tout état de cause, c'est parce qu'il corrige une erreur commise par le législateur dans le cadre de la loi PACTE et qu'il va permettre à nos tribunaux de commerce – nous n'en doutons pas – de fonctionner correctement et de pouvoir se renouveler dans les mois qui viennent, de manière que tous soient pourvus du nombre suffisant de juges consulaires.

Ce texte est d'ailleurs l'occasion pour nous de leur rendre hommage pour leur engagement bénévole quotidien au service de la justice, mais également de leurs pairs et de la vie économique du pays ; ce sont des acteurs très importants. Leurs missions ne relèvent pas que du contentieux : la prévention – que nous voyons progresser dans chaque juridiction commerciale – jouera un rôle prépondérant dans la sortie de crise ; elle a pour objectif d'accompagner l'ensemble des acteurs des services économiques et des entreprises.

Cette mission, parfois méconnue, est indispensable. Elle nécessite une expérience, laquelle ne peut évidemment que s'acquérir au fil des mandats. C'est pourquoi il nous paraissait important que l'ensemble des juges consulaires continuent, autant que faire se peut, à donner du temps à leur juridiction et à faire bénéficier l'ensemble des acteurs de leur expérience.

Au détour d'un amendement, j'ai constaté que certains voudraient réduire le nombre de mandats. C'est évidemment antinomique avec l'objectif du texte. C'est aussi méconnaître le fonctionnement des juridictions commerciales, puisque le premier mandat est en quelque sorte un mandat probatoire de seulement deux ans. Sans compter que raccourcir le nombre de mandats priverait chacun de nos concitoyens de l'expérience de ces magistrats.

Vous l'aurez compris, tous les membres du groupe Les Républicains voteront bien évidemment ce texte conforme.

Mmes Emmanuelle Anthoine et Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, applaudissent.

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La proposition de loi initiale était le fruit d'une initiative de la sénatrice Nathalie Goulet, et visait à remédier à une malfaçon de la loi PACTE du 22 mai 2019. Cette proposition comportait un seul article rétablissant l'éligibilité des juges consulaires en exercice dans un tribunal limitrophe, supprimée par erreur lors de l'adoption de la loi PACTE. Le Sénat a amendé la proposition, qui compte désormais quatre articles.

Les sénateurs ont procédé à la réécriture globale de l'article 1er . Ils ont conservé le rétablissement de l'éligibilité des juges en exercice dans un tribunal limitrophe et ont étendu cette éligibilité aux anciens juges, sous certaines conditions. Ils ont aussi et surtout rétabli l'inéligibilité des personnes condamnées pénalement pour des agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs, frappés d'une peine complémentaire d'interdiction professionnelle ou sanctionnés civilement au titre des législations étrangères relatives à l'insolvabilité des entreprises équivalentes à la législation française.

Le Sénat a ajouté trois articles au texte. L'article 2 clarifie la limitation à cinq du nombre de mandats qu'une même personne peut exercer en tant que juge consulaire dans un même tribunal, qui s'applique que les mandats soient successifs ou non. L'article 3 ajuste la composition du corps électoral des juges consulaires en imposant que pour être électeurs, les anciens juges doivent avoir exercé leur fonction pendant au moins six ans, ne pas avoir été déclarés démissionnaires et ne pas avoir été frappés d'inéligibilité. Enfin, l'article 4 proroge le mandat des délégués consulaires élus en 2016 jusqu'au 31 décembre 2021, afin que les élections des juges consulaires prévues en novembre 2021 puissent être organisées sur la base du collège électoral existant avant l'entrée en vigueur de la loi PACTE.

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés partage les finalités de ce texte, et les ajouts du Sénat nous semblent à propos – nous saluons d'ailleurs le travail des sénateurs. Souhaitant une promulgation rapide de cette proposition de loi, nous voterons le texte conforme et rejetterons tout amendement qui ne serait pas absolument nécessaire pour des questions de constitutionnalité.

Mmes Maud Petit et Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission, applaudissent.

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La présente proposition de loi a une résonance particulière puisqu'elle s'inscrit dans la continuité d'une mission d'information relative à la justice commerciale que nous avions menée avec le député Marcel Bonnot.

Je profiterai de manière incidente de l'examen de cette proposition de loi, qui n'appelle pas d'observation de notre part, pour rappeler que trente propositions avaient été formulées par cette mission d'information. Elles tendaient à conforter la légitimité des juges consulaires par leur mode d'élection, leur statut, leur formation et le renforcement de leur déontologie. Un certain nombre de ces recommandations ont été reprises par des textes essentiels, dont la loi PACTE. Cette dernière a supprimé le statut de délégué consulaire afin de directement confier l'élection des juges consulaires aux membres des chambres de commerce et d'industrie, parmi lesquels figurent désormais les artisans. Il s'agissait de la proposition n° 1 de notre mission d'information. La loi PACTE a sans doute été adoptée de manière un peu trop expéditive, et nous rattrapons ici un oubli.

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a instauré une obligation de formation initiale et continue, au sein de l'École nationale de la magistrature, et une protection fonctionnelle des juges consulaires identique à celle des magistrats professionnels. Elle a accru les exigences déontologiques afférentes aux juges consulaires que les justiciables sont en droit d'attendre. L'établissement d'une déclaration d'intérêts lors de la prise de fonction et du renouvellement du mandat, issue de la recommandation n° 8 de notre rapport, est désormais obligatoire et les juges s'y sont pliés sans aucune difficulté. Ces règles déontologiques sont fondamentales puisque le jugement par des pairs, s'il permet de garantir une compétence de terrain, impose néanmoins une attention accrue aux conflits d'intérêts qui peuvent être nombreux. L'article R. 721-11-1 du code de commerce, créé par décret en 2016, impose d'ailleurs, comme le préconisait notre proposition n° 6, que le Conseil national des tribunaux de commerce élabore un recueil des obligations déontologiques des juges des tribunaux de commerce, qui est rendu public. Ce recueil existe désormais et nous en remercions les juges consulaires.

De toute évidence, il reste à traiter un certain nombre de questions concernant la justice commerciale. Nous avions pensé à favoriser l'accès des juges consulaires au statut de magistrats professionnels au niveau des cours d'appel, après leur longue expérience en premier ressort, pour constituer un vivier de spécialistes des affaires économiques et sociales.

Dans le même temps, nous avions mis en place des formations pour les magistrats de l'École nationale de la magistrature et suggéré d'organiser un cheminement de carrière pour les magistrats professionnels dans cette voie utile et particulière que sont les affaires économiques et commerciales.

Il importe sans doute d'avancer dans l'expérimentation d'une organisation échevinée au niveau du premier ressort, c'est-à-dire composée d'un ou plusieurs magistrats professionnels et de juges consulaires issus de l'entreprise et de l'artisanat, à l'instar de ce qui est une réalité en Alsace-Moselle et dans les territoires ultramarins, où cela se passe plutôt bien.

Ce texte vient réparer une erreur commise dans le cadre de la loi PACTE en rétablissant l'éligibilité des juges consulaires en exercice et des anciens membres des tribunaux de commerce ; c'est évidemment une bonne chose. Cette erreur aurait eu pour conséquence la réduction du vivier des juges consulaires, quelque 500 parmi les plus expérimentés des 3 357 juges consulaires ayant été ainsi privés d'éligibilité.

Le nombre de mandats dans un même tribunal de commerce est désormais strictement limité à cinq, que ces mandats se succèdent ou non, c'est là aussi une très bonne chose. À ce propos, il est utile de rappeler que la mobilité des magistrats, et donc le renouvellement dans un même tribunal, est un des moyens de répondre à l'exigence d'impartialité attendue par les justiciables. Cela vaut pour la justice commerciale, d'autant que le jugement est rendu par des pairs.

Le groupe Socialistes et apparentés n'émet aucune observation négative sur ce texte qui tend à garantir un vivier de juges consulaires suffisant pour assurer le bon fonctionnement des tribunaux de commerce et renforce les conditions déontologiques entourant leur statut. Nous le voterons donc conforme.

Derrière la justice commerciale dont il est ici question, ce sont des emplois, des vies et l'impact social et économique dans nos territoires qui sont en jeu. L'arrêt progressif des mesures d'accompagnement des entreprises, prises dans le cadre de la crise sanitaire, va couper la ligne de vie de nombreux commerces, qui risquent de se retrouver devant ces tribunaux. Beaucoup de dossiers devront donc être examinés et il sera nécessaire de dissocier les entreprises structurellement faibles de celles ponctuellement affectées par la crise, mais viables sur la base de leur modèle économique. Nous avons donc besoin d'une justice en ordre de marche – c'est l'objet de ce texte.

M. Alain David et Mme Nicole Dubré-Chirat applaudissent.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

L'article 1er est adopté.

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La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement n° 1 .

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Cet amendement très simple vise à limiter à deux, au lieu de cinq, le nombre de mandats des juges des tribunaux de commerce, afin de favoriser leur renouvellement.

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Je comprends l'objectif poursuivi, mais il est important de trouver un juste équilibre pour limiter les mandats sans tarir le vivier électoral, afin de ne pas priver les tribunaux de commerce des compétences de leurs membres. De plus, la nécessité d'adopter rapidement cette proposition de loi implique d'adopter ce texte conforme. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

Comme l'a très bien dit M. Savignat, voter cet amendement irait à l'inverse de l'objectif de ce texte, qui est de permettre de faire fonctionner les tribunaux de commerce. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement car s'il était voté, un juge consulaire pourrait exercer pour une durée maximale de six ans, or le code de commerce exige une ancienneté de six ans pour être élu président d'un tribunal de commerce. Cet amendement rendrait donc l'accès à ces fonctions impossible, et nous n'aurions plus de présidents de tribunaux de commerce. Vous conviendrez que cela ne faciliterait pas leur fonctionnement.

Par ailleurs, nous avons besoin que certains membres des tribunaux de commerce aient une expérience assez longue pour faire face aux demandes variées et aux situations multiples auxquelles ils peuvent être confrontés. J'émets donc un avis défavorable.

Je saisis cette occasion pour remercier la rapporteure, la présidente de la commission des lois, ainsi que tous les députés présents pour les conditions dans lesquelles cette proposition semble devoir être adoptée. Je remercie aussi la sénatrice Goulet et l'ensemble des sénateurs pour leur travail – preuve de l'utilité du bicamérisme.

Mme Maud Petit et M. Philippe Latombe applaudissent.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Les articles 3 et 4 sont successivement adoptés.

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Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.

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Chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l'élection de deux juges suppléants à la Cour de justice de la République :

Nombre de votants : 274

Nombre de suffrages exprimés : 257

Majorité absolue : 129

Pour Mme Nicole Dubré-Chirat : 252

Pour M. Xavier Breton : 201

Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Xavier Breton ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je les proclame juges suppléants à la Cour de justice de la République. La conférence des présidents a fixé au mercredi 6 octobre à quinze heures la date à laquelle aura lieu leur prestation de serment.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Laurence Vanceunebrock et plusieurs de ses collègues interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne (4021, 4501).

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La parole est à Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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Parler de « thérapies de conversion » en France, en 2021, peut sembler surprenant tant ces pratiques moyenâgeuses sont barbares et contraires à nos valeurs et à nos droits fondamentaux. Certains de nos concitoyens en sont pourtant victimes, victimes d'être qui ils sont, victimes de leur identité. Aujourd'hui, dans notre pays, certains tentent de faire croire à nos enfants qu'ils sont malades, malades d'aimer et malades d'être. Ces bourreaux prétendent pouvoir, par des moyens divers d'une extrême violence, changer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Ici, dans cet hémicycle, par la proposition de loi que nous allons examiner, je tiens à dire à toutes et à tous qu'il n'y a rien à guérir, qu'aimer une personne du même sexe ou se sentir d'un genre différent de celui assigné à la naissance ne sont en rien des maladies. Il devrait s'agir d'une évidence et pourtant nous devons le rappeler.

Nos concitoyens subissent encore de très nombreuses injonctions : « Tu seras viril, mon kid, je ne veux voir aucune once féminine […] Tu seras viril, mon kid, tu hisseras ta puissance masculine […] Virilité abusive ». J'ai choisi ces mots du chanteur Eddy de Pretto qui dénoncent les stéréotypes de genre pesant encore sur notre société. Au-delà de la question de l'orientation sexuelle, c'est souvent la question de l'expression d'un genre qui est soulevée. Il faudrait s'habiller, se maquiller, parler ou même marcher d'une certaine façon pour correspondre à la norme binaire ; il faudrait se montrer soit féminine, soit masculin et ne surtout pas sortir des codes de notre société.

Or c'est l'acceptation de l'autre, avec ses différences, ou du moins le respect qu'on lui porte qui font de notre République un espace de liberté. Nous devons faire preuve d'humanisme et placer la personne humaine et son épanouissement au-dessus de toute autre considération. Parmi les valeurs humaines, la plus importante à mes yeux, c'est le respect, car il permet de vivre ensemble et de construire un monde harmonieux dans lequel tous les hommes et toutes les femmes sont considérés, indépendamment de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.

Mais, de nos jours, des thérapies de conversion ont cours dans notre pays, ici et maintenant. Elles prennent des formes variées : exorcisme, retraites, stages de guérison, séances d'humiliation, hypnose, traitements par électrochocs, prescription d'anxiolytiques et d'antidépresseurs, injection d'hormones, ou encore mariages forcés, séquestrations, privations de nourriture, coups et violences, viols ou même excision. Ces pratiques abjectes sont réalisées par des personnes qui utilisent la religion ou un savoir prétendument scientifique pour justifier leurs actions.

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Mais les autorités religieuses que j'ai rencontrées sont formelles : rien dans les textes sacrés ne justifie de telles horreurs. Par ailleurs, la France ayant retiré l'homosexualité et les troubles de l'identité de genre de la liste des affections psychiatriques, ces thérapies ne reposent sur aucun fondement médical ou thérapeutique. Il nous faut donc les condamner fermement.

Souvent à destination d'enfants, d'adolescents ou de jeunes adultes, ces pratiques ont des effets dramatiques sur leur santé mentale et physique. Les témoignages des victimes sont d'ailleurs édifiants. « Je me sentais détruit de l'intérieur, j'avais juste envie de ne plus exister. » « J'étais persuadé que j'étais malade. J'étais dans l'incapacité d'aimer, de vivre pleinement. C'était horrible, c'était l'enfer. » Je tiens justement à remercier les victimes passées ou récentes qui ont trouvé le courage de prendre la parole devant la représentation nationale, notamment dans le cadre de la mission flash sur le sujet, dont Bastien Lachaud et moi-même étions corapporteurs, pour expliquer les tortures qu'elles avaient subies. Je souligne aussi le travail particulièrement intense de Benoit Berthe Siward…

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…qui a constitué le collectif « Rien à guérir », et celui des associations qui soutiennent quotidiennement les victimes. Celles-ci luttent aujourd'hui pour qu'aucun autre enfant ne subisse le même sort dans le futur.

Souvent élevées dans des milieux fermés, les victimes, sous emprise mentale, ne se remettent que rarement des thérapies de conversion : on a pu leur infliger des sévices corporels, ou encore effacer leurs souvenirs d'enfant au point qu'elles n'ont plus de prise sur leur propre existence, leur propre vie, et peinent plus tard à se construire librement. Ne négligeons pas les séquelles sur leur santé : isolement, dépression ou encore, tragiquement, suicides.

Aujourd'hui, heureusement, l'évolution de notre société tend à garantir à nos concitoyens LGBT de plus grandes libertés et surtout une meilleure reconnaissance de leurs différences, mais au moment de leur construction, il faut s'assurer qu'ils sont accompagnés de façon bienveillante et respectueuse. La distinction entre les pratiques prétendant changer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne et celles ayant pour objectif l'accompagnement et le soutien des personnes ayant des questionnements est essentielle.

L'accompagnement par les familles ou par des personnes de confiance est nécessaire et même souhaitable ; mais il ne devrait jamais aboutir à la proposition d'une thérapie de conversion. Je tiens à remercier tous ceux qui se distinguent en proposant aux personnes concernées un accueil, un suivi, une écoute. Je sais que certaines autorités religieuses prennent la parole en ce sens et je les soutiens dans cette démarche. Les dérives que nous combattons ensemble ne doivent en rien nuire à l'activité, heureusement bien plus commune, visant à venir en aide à ceux qui s'interrogent. Je remercie aussi les thérapeutes, médecins, psychologues et psychiatres, qui accompagnent les personnes à la recherche d'un soutien psychologique. Leur travail non plus ne doit pas être confondu avec l'action des marginaux et des charlatans qui pratiquent des thérapies de conversion sans respecter le code de déontologie médicale.

Je suis convaincue que cette proposition de loi permettra d'aider les victimes, mais aussi de condamner les auteurs des thérapies de conversion, et ainsi d'en finir avec ces pratiques. Elle suit d'ailleurs d'autres évolutions législatives introduites par nos voisins depuis que le Parlement européen a adopté, le 1er mars 2018, une motion condamnant les thérapies de conversion et appelant les États membres de l'Union européenne à légiférer pour les interdire. Je suis certaine que ce texte, que je présente avec mes collègues des groupes La République en marche, Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés et Agir ensemble, avec le soutien du Gouvernement qui l'a inscrit à son ordre du jour, recevra un accueil positif en séance, comme cela fut le cas en commission des lois où tous les groupes politiques de notre Assemblée se sont montrés révoltés par ces pratiques. Je tiens à rappeler que la mobilisation de la France est très attendue partout dans le monde et que nous devons être fiers et honorés d'agir contre les thérapies de conversion qualifiées de tortures par les Nations unies.

Comme je l'ai rappelé en commission, après l'adoption de cette loi, dont je ne doute pas, nous devrons poursuivre notre effort pour en évaluer et en contrôler l'application. Il s'agira aussi d'accompagner le Gouvernement et particulièrement Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. Dans tous les secteurs de la société, nous devrons aider nos concitoyens et faire en sorte qu'ils puissent s'autodéterminer librement. Je pense en particulier à l'école, où chaque enfant doit se sentir libre de s'épanouir sereinement, mais aussi à l'écoute dont doivent faire preuve les autorités policières et judiciaires.

Enfin, je tiens à remercier tous ceux qui ont permis d'avancer sur ce sujet jusqu'ici : Mme la ministre déléguée, Christophe Castaner, mes collègues députés les plus impliqués et surtout tous ceux qui, en dehors de ces murs, ont participé à faire la lumière sur ces pratiques, qu'ils soient artistes, journalistes ou anonymes.

La proposition de loi comprend trois articles, que nos travaux en commission sont venus clarifier.

L'article 1er définit comme un nouveau délit autonome, dans le code pénal, le fait de chercher à modifier ou de réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Il prévoit aussi des sanctions aggravées lorsque ces faits sont commis sur des mineurs. En commission, j'ai souhaité que nous inscrivions cette disposition dans une nouvelle section parmi les infractions portant atteinte à la dignité de la personne humaine.

L'article 2 prévoit une aggravation des peines encourues lorsqu'un crime ou un délit est commis en vue de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. En commission, nous avons clarifié le dispositif pour éviter toute confusion entre les thérapies de conversion et des délits déjà existants, notamment le harcèlement sexuel.

L'article 3 crée un article dans le code de la santé publique pour sanctionner les personnes qui procèdent à des consultations ou des traitements médicaux ou prétendument médicaux pour modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Cet article permettra d'engager plus facilement la responsabilité des professionnels de santé qui abusent de leur position pour imposer des traitements dégradants et humiliants.

« Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants, mais peu d'entre elles s'en souviennent », nous dit Saint-Exupéry.

Peu se rappellent combien cette période de l'enfance, de l'adolescence peut être difficile à traverser ou, s'ils ne s'en souviennent pas, c'est que, pour eux, elle fut très certainement heureuse. Aux autres, celles et ceux qui souffrent, j'aimerais dire que je garde espoir dans le pouvoir que nous avons tous ensemble de faire changer les choses.

Plusieurs sujets nous attendent encore, je pense notamment aux circonstances aggravantes applicables à l'article 1er ou à la capacité des associations à se porter partie civile pour lutter contre les thérapies de conversion. Ensemble, agissons et soyons unis dans la diversité.

Applaudissements sur les bancs de tous les groupes.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Il y a un peu moins de quarante ans, le 20 décembre 1981, Gisèle Halimi était, madame la rapporteure, assise à votre place en tant que rapporteure de la loi dite de dépénalisation de l'homosexualité. Elle affirmait alors : « La ''norme'' sexuelle ne se définit pas. Elle se dessine à l'échelle de chaque corps, de chaque enfance, de chaque culture, de chaque plaisir, à condition de ne blesser, de n'agresser ou de ne violenter personne. » La même année, la France se décidait à rayer enfin l'homosexualité de la liste des maladies mentales. Il faudra attendre le 17 mai 1990 pour que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fasse de même et seulement 2018 pour retirer la transidentité de cette même liste.

Ces avancées nous montrent d'où l'on part, en l'occurrence de très loin, et le chemin que nous avons parcouru depuis lors. La société française s'est considérablement transformée. De la pénalisation de l'homosexualité nous sommes passés à la pénalisation de l'homophobie et de la transphobie, puis à la reconnaissance des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres.

Ces avancées n'ont pas seulement été obtenues, elles ont été conquises de haute lutte. En regardant cette histoire dans le rétroviseur, il s'est agi ni plus ni moins que de consolider notre démocratie et de la rendre plus juste et plus égalitaire, de bâtir une société nouvelle, plus humaine et plus inclusive, non pas de faire table rase du passé en remplaçant un modèle par un autre mais de réparer les injustices et d'établir une situation d'égalité.

Ce combat a conduit notre démocratie à se redéfinir, notre société à évoluer, à progresser, à s'améliorer. Ce combat nous a collectivement tirés vers le haut. Ce combat, c'est celui du pacte républicain, parce que la liberté, l'égalité et la fraternité doivent s'appliquer à toutes et tous de la même manière, car les droits fondamentaux ne se divisent pas, tout comme les êtres humains ne se hiérarchisent pas.

Ce combat n'est pourtant pas achevé. Non, il n'est pas encore derrière nous. Les progrès que nous avons accomplis ces dernières décennies ne doivent pas nous éblouir, ils n'ont pas aboli les discriminations et n'ont pas rayé d'un trait de plume les préjugés, encore moins les violences.

Les personnes homosexuelles ont un risque de suicide en moyenne quatre fois plus élevé par rapport à l'ensemble de la population française, et pour les personnes transgenres c'est sept fois plus. Derrière ces statistiques glaçantes, ce sont des vies humaines qui sont en jeu, qui sont blessées, qui sont meurtries, et qui s'achèvent parfois à jamais. Ce sont Sasha et Ivana disparues ce mois-ci et c'est Fouad qui s'est donné la mort en décembre dernier. Cette situation n'est pas acceptable en France en 2021. Cette situation doit collectivement nous interroger. Elle doit collectivement nous faire réagir. C'est la volonté de tisser les fils d'une société plus protectrice qui doit constamment guider notre engagement politique ; c'est le rôle et c'est surtout l'honneur dont peuvent s'enorgueillir à l'unisson le Parlement et le Gouvernement, celui, au demeurant si simple et pourtant si absolu, qui consiste à sauver des vies.

Oui, sauver des vies. C'est, je le crois et je le dis avec toute la gravité qui s'impose, l'enjeu qui nous réunit ce soir dans cet hémicycle : sauver des vies des griffes de la torture, sauver des vies des mains informes de la barbarie, sauver des vies face à des pratiques moyenâgeuses, sauver des vies face à l'intolérance, sauver des vies parce que, non, il n'y a rien à guérir, non, être soi n'est pas un crime, non, on ne doit pas chercher à modifier l'identité de genre ou l'orientation sexuelle d'une personne.

Pourtant, encore aujourd'hui, sur tous les continents, dans notre pays, des personnes considèrent que l'homosexualité et la transidentité sont des maladies honteuses que l'on pourrait soigner. Vous venez de nous le rappeler, madame la rapporteure, et vous l'avez constaté lors des travaux que vous avez menés avec le député Bastien Lachaud, ces pratiques barbares revêtent un caractère protéiforme : harcèlement, agressions physiques, exorcismes, retraites spirituelles, traitement hormonal, et même électrochocs.

À ce titre, elles sont sanctionnées par un ensemble d'infractions réprimant les atteintes à l'intégrité physique, psychique et psychologique. Une circulaire a ainsi été émise par le garde des sceaux le 17 mai 2021 à l'attention des magistrats afin de rappeler les pratiques visées et les instruments juridiques pour y répondre, en fonction des cas concernés : les violences volontaires, aggravées par la circonstance liée à l'orientation sexuelle de la victime, l'abus de faiblesse, le harcèlement, l'exercice illégal de la médecine, les violences volontaires ou encore les délits de discrimination et tant d'autres.

J'ai pu lire ou entendre dire que cette circulaire avait été prise au mépris du travail engagé par les associations et les victimes. Affirmer cela, c'est méconnaître le droit, c'est méconnaître la procédure, et c'est surtout méconnaître ma volonté et celle de la majorité de lutter contre toutes les formes de discrimination et de violence, en particulier lorsqu'elles touchent les plus jeunes. Je tiens à le redire avec force, cette circulaire ne visait pas à abandonner la proposition de loi de Laurence Vanceunebrock. À un moment où nous ne pouvions pas encore nous avancer sur une date d'examen, elle visait simplement à rappeler aux victimes de manière urgente qu'elles peuvent et qu'elles doivent d'ores et déjà déposer plainte, et que, oui, nous pouvons les protéger. Laisser entendre qu'elles ne pouvaient pas encore déposer plainte, c'était prendre le risque de les abandonner à leurs bourreaux le temps que le texte soit examiné.

Cela étant rappelé, il est indéniable qu'en l'absence d'infraction spécifique, le dépôt de plainte est plus difficile pour les victimes, perdues face à toutes ces notions juridiques. C'est pour cela que j'ai très vite affirmé à Mme la rapporteure mon souhait d'avancer ensemble pour trouver le moyen d'inscrire ce texte à l'ordre du jour, dans un calendrier législatif qui est, ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, particulièrement chargé. Je suis ravie qu'avec le soutien résolu de Christophe Castaner, que je remercie pour son implication exemplaire sur ce sujet, nous puissions légiférer sur la création d'un délit spécifique visant à réprimer les pratiques dites de thérapie de conversion en examinant un texte soutenu par l'ensemble du Gouvernement.

Ce texte permet une prise de conscience de l'ampleur et de la gravité de ces comportements. Cette prise de conscience dépasse nos frontières puisque d'autres pays européens, tels que l'Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas, sont également en train de légiférer en ce sens. La proposition de loi permettra aux victimes de passer plus facilement la porte des commissariats et des gendarmeries pour briser le silence et l'omerta. Elle permettra aux forces de l'ordre et aux magistrats de mieux appréhender ces infractions pour mieux les condamner. Elle permettra enfin d'envoyer un signal clair à celles et ceux qui cherchent à contraindre une personne à retirer ou à renier son identité.

Mesdames et messieurs les députés, il est important de préciser que les thérapies dites de conversion, qu'elles soient religieuses, médicales ou sociétales, sont le fait d'une minorité de personnes, mais cela n'en atténue pas la gravité. Les thérapies de conversion sont des atteintes insupportables à la dignité et à l'intégrité humaines, elles humilient, elles blessent et elles tuent.

La proposition de loi ne vise évidemment pas à stigmatiser celles et ceux qui accompagnent de manière bienveillante les personnes qui en manifestent la volonté. Le travail ou les aides apportées par les familles, les amis, les médecins, les représentants de culte ou les associations sont essentielles et doivent évidemment perdurer. Notre démarche vise en revanche à renforcer les droits et la protection des personnes LGBT+. L'écoute, le soutien et la protection leur sont indispensables. Pour autant, à aucun moment il ne faut laisser penser qu'il y aurait une quelconque pathologie, nécessitant une pseudo-guérison, parce que, je le répète une nouvelle fois, il n'y a rien à guérir.

Comme l'explique le Conseil national de l'Ordre des médecins, les thérapies de conversion ne respectent en rien les règles déontologiques qui s'imposent aux médecins. Ces derniers, qui suivent en très grande majorité ces règles, soutiennent d'ailleurs la proposition de loi.

À un moment où les droits des personnes LGBT+ sont remis en cause au sein même de l'Europe, où ces enjeux affleurent dans notre débat public, ce texte s'inscrit dans le combat mené depuis le début de notre mandat contre toutes les formes de discrimination et pour l'égalité des personnes LGBT+.

Ce combat se traduit par le plan triennal d'action du Gouvernement pour l'égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ que j'ai lancé le 14 octobre 2020. Ce combat s'est traduit notamment par l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, adoptée par l'Assemblée nationale le 29 juin dernier, par la publication il y a quelques jours d'une circulaire du ministère de l'éducation nationale pour mieux accueillir les élèves transgenres et mieux appréhender la transidentité, par la généralisation de l'accès à la PrEP – prophylaxie pré-exposition –, cet outil préventif contre le VIH, aux médecins de ville, par le renforcement de la formation des forces de l'ordre et la désignation de référents discrimination au sein du ministère des armées, ou encore par le lancement d'une campagne de communication nationale de lutte contre les discriminations liées à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre par Santé publique France.

Je veux profiter de cette tribune pour saluer le travail remarquable effectué au quotidien par les équipes de la DILCRAH – délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT – ainsi que la détermination de l'ensemble de mes collègues du Gouvernement pour mener ce combat à mes côtés, je pense en particulier à Jean-Michel Blanquer, Éric Dupond-Moretti, Olivier Véran, Gérald Darmanin et Marlène Schiappa.

Madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, il y a des batailles qui transforment toute une société et qui rehaussent une nation. Celle qui nous réunit ce soir est de celle-ci. Ce soir, nous sommes écoutés, nous sommes attendus, nous avons le devoir de protéger. D'aucuns me disent que cette loi ne concerne qu'une minorité, qu'elle n'est qu'une précision juridique, mais symboliquement il s'agit pourtant d'une très grande avancée.

Permettez-moi de conclure mon propos, madame la rapporteure, en vous remerciant pour votre détermination et votre pugnacité, depuis trois ans maintenant, qui nous conduit sur les bancs de cette assemblée pour discuter de cette proposition de loi. J'ai retrouvé la même détermination et la même pugnacité au sein du collectif « Rien à guérir » et je tiens devant vous à exprimer toute ma reconnaissance à l'ensemble des associations qui œuvrent chaque jour pour faire avancer les droits des personnes LGBT+.

Enfin, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie toutes et tous pour votre implication et votre présence sur ce texte, qui mérite que nous dépassions les clivages partisans, afin d'être voté d'une seule main. Pour reprendre les mots d'Amin Maalouf, c'est notre regard qui enferme et c'est aussi notre regard qui libère. Ce soir, c'est votre vote qui protégera nos concitoyens et nos concitoyennes.

Applaudissements sur les bancs de tous les groupes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En tant que rapporteur d'application de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, issue des travaux d'une mission d'information dont Laurence Vanceunebrock et moi-même étions corapporteurs, je veux rendre hommage au courage des personnes qui ont osé briser le silence et témoigner publiquement des violences psychologiques et parfois des tortures dont elles ont été victimes. Leur travail acharné a permis de mettre en lumière un sujet méconnu, dont de nombreuses personnes ignoraient même l'existence. C'est grâce aux associations que cette proposition de loi transpartisane, qui fait l'objet d'un large consensus au sein des groupes politiques, a été inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.

Je salue la présence dans l'hémicycle d'un représentant du collectif « Rien à guérir ». Rien à guérir : c'est la formule la plus exacte et la plus définitive que l'on puisse employer à propos de l'homosexualité, de la bisexualité et de la transidentité. Il n'y a rien à guérir.

Les « thérapies » de conversion, ces pratiques odieuses qui prétendent guérir l'homosexualité ou la transidentité, ne sont pas des pratiques qui appartiennent à un passé lointain et révolu ou propres à des pays particulièrement rétrogrades : elles existent aujourd'hui en France ; pis encore, elles sont en expansion.

De telles pratiques sont dangereuses et destructrices et touchent plus particulièrement les adolescents LGBTI, qui, comme tous ceux de leur âge, sont en pleine construction. Imaginez un instant ce que ces jeunes gens subissent : à l'âge des premières amours et des désirs naissants, ils voient leur vie intime et amoureuse réprimée. On essaie de leur faire croire qu'ils sont malades, puisqu'on veut les guérir, et qu'ils ne doivent pas être eux-mêmes, puisqu'on cherche à ce qu'ils soient différents. Les thérapies de conversion attaquent directement l'identité de la personne. Elles détruisent la confiance en soi et sabotent la vie affective et sexuelle au moment où elle se construit. Quand elles se déroulent dans un cadre familial ou sont décidées par les familles, elles sont particulièrement destructrices.

Il faut donc y mettre un point d'arrêt, ici et maintenant. Non, l'orientation sexuelle et l'identité de genre ne sont pas un choix ; ce sont des faits. Non, l'orientation sexuelle et l'identité de genre ne sont pas une maladie ; ce sont des faits. Elles ne sont pas non plus une mode née d'une prétendue propagande LGBTI. Elles constituent une partie essentielle de la personnalité que rien ne peut effacer, que rien ne peut changer, quand bien même la personne elle-même le voudrait. L'unique résultat de ces pratiques est la souffrance infinie qu'elles engendrent chez les victimes de ne pas pouvoir être elles-mêmes. Personne, jamais, ne doit subir cela.

La République n'est pas un régime neutre : elle offre la possibilité aux êtres humains de construire leur vie comme bon leur semble et comme ils l'entendent. La République permet à chacun de s'émanciper et de s'arracher aux déterminismes. C'est donc à elle de protéger les personnes LGBTI, en particulier les jeunes, des tentatives abjectes de les empêcher de vivre leur vie affective ou leur identité de genre.

La loi punit les discriminations et les propos LGBTQIphobes, mais ils sont encore insuffisamment réprimés. Deux cent trente années après l'abolition du crime de sodomie par la Révolution française, il est temps, enfin, d'interdire les thérapies de conversion. En cette matière comme en tout autre, la République doit assurer la liberté, l'égalité et la fraternité qui fondent notre devise républicaine, si justement formulée par Maximilien Robespierre.

Liberté, évidemment, car chacun doit être libre de vivre sa vie comme il l'entend, avec qui il l'entend.

Égalité, bien sûr, car il faut l'égalité des droits, indépendamment de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre. Or cette égalité n'est pas encore garantie totalement par la loi car le Gouvernement a maintenu une discrimination à l'égard des personnes LGBTI dans l'accès à la PMA (procréation médicalement assistée) et dans l'établissement de la filiation. D'autres discriminations insidieuses perdurent pour ces personnes, qu'il s'agisse de l'adoption, de l'embauche ou de l'accès au logement.

Fraternité, enfin, grâce à cette proposition de loi visant à punir les personnes qui voudraient empêcher la liberté et l'égalité. Il n'y a pas de fraternité possible quand on essaie d'empêcher les uns d'aimer les autres et quand on veut les « guérir » de leur amour. Il n'y a pas de fraternité possible quand des couples n'osent pas se tenir la main dans la rue de peur d'être agressés et adoptent toute leur vie des stratégies d'évitement. Seule une application rapide, ferme et résolue de la proposition de loi permettra de renforcer la fraternité dans notre pays.

En tant que rapporteur d'application de la proposition de loi, je serai particulièrement vigilant quant à la mise en œuvre de ce texte. Évitons que le vote de l'Assemblée ne soit pas suivi d'une lecture au Sénat et que le texte s'enlise dans une navette de fin de mandat. Soyez assurés que je serai particulièrement attentif à l'application effective de la proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs de tous les groupes.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Zumkeller.

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La mission flash de nos collègues Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud sur les pratiques prétendant modifier l'orientation sexuelle et l'identité de genre d'une personne a abouti à un constat clair : il est nécessaire de légiférer sur le sujet. Le groupe UDI et indépendants se félicite donc de la présente proposition de loi. Issue d'un travail parlementaire transpartisan, ce texte vise à lutter contre un phénomène grave dont il faut prendre pleinement conscience pour mieux le combattre.

Ce phénomène est difficile à appréhender puisqu'il recouvre des pratiques diverses et insidieuses. De plus, l'absence de statistiques et d'enquêtes contribue à en dissimuler l'ampleur. Toutefois, cela ne doit pas empêcher le législateur de les condamner fermement, tout d'abord parce qu'elles portent atteinte à l'intégrité de la personne humaine, mais aussi parce qu'elles sont souvent le prolongement de l'homophobie, de la transphobie ou d'appels à la haine et à la discrimination.

Ces pratiques, dites thérapies de conversion, sont inadmissibles et scandaleuses sur tous les plans. Elles sont contraires à l'éthique et à la dignité humaine. Elles s'appuient sur de faux fondements scientifiques pour faire croire à leur efficacité et s'apparentent parfois à un exercice illégal de la médecine. Enfin, certaines d'entre elles sont constitutives de véritables violences physiques et psychologiques pouvant aller jusqu'à la torture.

Sur le plan du droit, les actes de torture, les violences et les viols sont déjà qualifiés d'infractions et pénalisés, mais il est nécessaire de pénaliser spécifiquement les pratiques visant à modifier et à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Comme l'a démontré la mission d'information conduite par nos collègues, la création d'un délit spécifique permettrait d'adresser un signe clair aux auteurs de ces pratiques et à leurs victimes.

Le groupe UDI et indépendants partage bien entendu les objectifs du texte, mais il souhaite soulever plusieurs questions quant à la rédaction de la nouvelle infraction créée par la proposition de loi.

Étant donné la méconnaissance actuelle sur ces pratiques et la difficulté de les appréhender, il est probable que la caractérisation des faits sera difficile en pratique. Est-il opportun, dans ces conditions, d'exiger que les actes incriminés aient obligatoirement pour effet une altération de la santé physique ou mentale ? Nous pensons, quant à nous, que ces pratiques méritent d'être condamnées en elles-mêmes. Personne ne doit les subir et elles doivent tout autant être condamnées si elles n'ont pas eu de conséquences physiques ou psychologiques.

De même, pourquoi considérer que les faits doivent être répétés ? Un seul fait doit suffire pour engager des poursuites. Il reviendra ensuite au juge de moduler éventuellement la peine en fonction de la gravité et de la réitération de ces faits.

Peut-être la saisine du Conseil d'État nous aurait-elle éclairés sur ces différents points, qui conditionnent l'applicabilité de l'infraction. En tout état de cause, notre groupe soutiendra le texte. Je tiens cependant à rappeler, comme souvent, que le droit pénal ne résout pas tout. La lutte contre ces pratiques doit aussi passer par une action globale afin d'améliorer l'information de tous et de sensibiliser le grand public.

Nous notons, par ailleurs, que l'article prévoyant la remise d'un rapport au Parlement a été supprimé en commission. Si nous ne sommes pas favorables à l'empilement des rapports et à leur inscription dans la loi, nous estimons que, sur ce sujet, le Gouvernement doit s'engager à fournir une meilleure information.

M. Bastien Lachaud applaudit.

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Celle-ci est particulièrement importante pour les mineurs, des adolescents souvent vulnérables, et leurs parents.

Chers collègues, la proposition de loi nous permet de condamner clairement des pratiques moyenâgeuses, mais elle va plus loin encore : elle a une portée symbolique forte car elle réaffirme le respect de chacun tel qu'il est et le respect des droits de tous.

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Kailey a 7 ans. Alors qu'ils chahutent devant la télévision, il échange un bisou avec l'un de ses copains. Sa mère, effondrée, l'emmène voir le pasteur, qui annonce qu'il est possédé par les démons de l'homosexualité. Commence alors pour l'enfant un véritable calvaire. Après de nombreuses prières et veillées religieuses sans effet, le pasteur et ses parents le soumettent à des exorcismes au cours desquels il subit des traitements inhumains et dégradants. Il décide alors de jouer la comédie pour que cessent ces maltraitances. Kailey est contraint de simuler des transes lors des exorcismes, il gomme sa personnalité et nie sa sexualité jusqu'à sa majorité pour que sa famille le laisse en paix.

Jade : « J'ai survécu à presque quatre ans de thérapie de conversion entre mes 8 et 12 ans. J'ai mis presque vingt ans à me reconstruire avant d'oser être moi-même. Les thérapies de conversion sont des pratiques abusives et cruelles. Laissez-nous exister. »

Alex : « Parce que nous ne sommes pas une idéologie, nous sommes des êtres humains. Parce que nous sommes qui nous sommes dans notre diversité de genre ou d'orientation sexuelle et que nous sommes des millions. Parce qu'il n'y a rien à guérir. »

L'association ACCEPTESS-T – actions concrètes conciliant éducation, prévention, travail, équité, santé et sport pour les transgenres – : « Nous ne sommes pas malades et il n'y a rien à guérir. Aucune maladie, handicap ou expression de la diversité humaine ne justifie les soins sans consentement, la privation des libertés, les inégalités en droit et en dignité. »

Lucie : « L'amour ne se guérit pas, ni ne se soigne. L'amour se propage et nos amours sont magnifiques. »

Mélanie : « Être soi-même ne se guérit pas, ça se célèbre. »

La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui tend à lutter contre le développement des pratiques visant à réprimer et à modifier l'orientation sexuelle et l'identité de genre d'une personne. Par la création d'une nouvelle infraction réprimant ces pseudo-thérapies de conversion et l'introduction de circonstances aggravantes pour les crimes et les délits, il s'agit de faire condamner plus fermement et systématiquement ces activités qui se rapprochent de l'exercice illégal de la médecine et du charlatanisme.

Plus symboliquement, ce texte s'adresse à l'ensemble de la société pour affirmer, comme l'ont rappelé il y a quelques jours sur un réseau social des centaines de personnes concernées, qu'il n'y a rien à guérir.

L'homosexualité n'est pas une maladie, comme l'ont reconnu la France en 1982 et l'OMS le 17 mai 1990.

La transidentité n'est pas une maladie. Il a fallu du temps, trop de temps, mais la France l'a reconnu en 2010 et l'OMS en 2018.

Il n'y a rien à guérir car la sexualité et l'identité de genre ne sont pas des problèmes ou des pathologies, mais relèvent du for intérieur de chacun et de chacune, dans lequel aucune autorité légale ou morale n'est en droit de s'immiscer. Voilà pourquoi cette proposition de loi était urgente et nécessaire. Elle est bienvenue : il est plus que temps de mettre un terme aux pratiques et aux comportements qui tendent à faire croire le contraire.

Le groupe La France insoumise, en la personne de Bastien Lachaud, corapporteur de la mission d'information sur les pratiques prétendant modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, a activement participé à l'élaboration de ce texte, que nous soutiendrons. Nous saluons l'engagement de notre collègue Laurence Vanceunebrock, rapporteure de la proposition de loi.

Nous regrettons cependant, avec d'autres, les circonstances de ce débat et ses manques. Dans une tribune parue en septembre dernier dans le journal Têtu, l'association HES (homosexualité et socialisme) LGBTI dénonçait « un art de gouverner avec désinvolture », « à la lisière du clientélisme électoral, de la triangulation politique et du boniment », sept mois avant l'élection présidentielle.

Sur le fond, nous pensons qu'il faut aller plus loin que la répression des comportements définis dans la proposition de loi. De trop nombreuses pratiques institutionnalisées et légales continuent de porter atteinte à l'intégrité physique et psychique des personnes LGBT+, sans que le texte les remette en cause.

Je prendrai deux exemples. Le premier est la psychiatrisation des parcours de transition des personnes transgenres, contraintes de passer devant une équipe médicale pour pouvoir engager leur processus de transition et bénéficier du remboursement de la sécurité sociale s'agissant de leur traitement et de leur opération. L'effectivité du droit à opérer une transition est ainsi remise en cause.

Deuxième exemple : les mutilations sexuelles des personnes intersexes. Il est urgent de garantir l'application du droit en rappelant que les opérations chirurgicales nécessaires pour les personnes intersexes ne peuvent se faire sans le consentement exprès de la personne intéressée, sauf en cas d'urgence vitale.

Plus généralement, il manque un aspect essentiel à ce texte : la prévention, qui passe par la formation des professionnels de santé et l'éducation à la sexualité, à l'identité de genre, aux droits fondamentaux et aux discriminations. La prévention exige des moyens humains et financiers, qui ne sont pas suffisamment au rendez-vous. Il faudra donc, et nous nous engageons à le faire, remettre l'ouvrage sur le métier pour combler ces lacunes.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC et GDR.

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Les thérapies de conversion, qui n'ont de thérapie que le nom, ont pour objectif de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne contre son gré. Elles sont souvent réalisées sur des enfants et imposées par leurs proches, le plus souvent pour des croyances, des motifs religieux ou encore des motifs sociétaux. Les personnes victimes sont soumises à des entretiens psychologiques dégradants ou à des pratiques douteuses comme des prières de guérison. Mais ces actes peuvent aussi aller jusqu'à des violences physiques : traitements par électrochocs, injections d'hormones ou, dans certains cas, pratiques exorcistes.

Toutes ces pratiques, dans leur déroulement, sont d'une violence sans nom ; elles laissent des séquelles psychologiques et physiques lourdes aux personnes qui les subissent. Il est totalement anormal que de telles pseudo-thérapies de conversion existent encore en France, alors qu'il est prouvé depuis des décennies qu'elles ne reposent sur aucune base scientifique – puisqu'il n'y a rien à guérir.

Le groupe indépendant d'experts de médecine légale estime que proposer des thérapies de conversion constitue une forme de tromperie, de publicité mensongère et d'escroquerie. Un rapport des Nations unies les qualifie même de tortures, et considère qu'elles entraînent des risques élevés de troubles mentaux, de dépression et de suicide. Ajoutons que, selon une étude américaine réalisée en 2019 auprès de 28 000 personnes transgenres, celles qui ont subi une thérapie de conversion dès l'enfance encourent un risque de suicide quatre fois supérieur au groupe témoin. La décision d'infliger de telles thérapies à un enfant comporte des risques graves pour sa santé, et n'est en aucun cas conforme au principe de son intérêt supérieur.

La proposition de loi vise à interdire de telles pratiques de manière explicite, en définissant juridiquement les thérapies de conversion et en créant une peine de deux ans d'emprisonnement pour ceux qui les infligent. Les médecins prétendant pouvoir modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne s'exposeront à la même peine, et pourront se voir interdits d'exercer. Il est absolument nécessaire d'inscrire ces interdictions dans la loi, pour mettre un coup d'arrêt net à la propagation de tels actes. En effet, bien qu'elles soient aussi cruelles qu'inutiles, les thérapies de conversion seraient en croissance en France – c'est ce que démontrent les journalistes Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre dans leur livre Dieu est amour. Infiltrés parmi ceux qui veulent « guérir » les homosexuels, publié en 2019 après deux ans d'enquête.

Je salue l'engagement de nos collègues Bastien Lachaud et Laurence Vanceunebrock, grâce auxquels nous examinons cette proposition de loi. En tant que corapporteurs de la mission flash sur les pratiques prétendant modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, ils ont auditionné de nombreuses personnes concernées par ces actes. Je tiens à les remercier pour la qualité de leurs travaux. Si la mission a eu des difficultés à estimer précisément l'ampleur du phénomène, elle a néanmoins relevé qu'il était en hausse, avec plus d'une centaine de cas portés à sa connaissance – mais combien d'autres restent cachés et en souffrance ?

Plusieurs institutions internationales – les Nations unies, mais aussi le Parlement européen – ont appelé les États à légiférer pour interdire ces traitements. Certains pays européens ont déjà franchi le pas – l'Allemagne et Malte ont inscrit l'interdiction dans leur loi –, tandis que d'autres, comme la Belgique, les Pays-Bas et la France, ont entamé un processus législatif en ce sens. Il convient d'aller au bout de la démarche en adoptant le présent texte. Je tiens à saluer la persévérance de Mme la rapporteure, qui a permis qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de notre Assemblée après plusieurs reports.

Cette proposition de loi envoie un signal fort et essentiel. Elle affirme une fois pour toutes une évidence qui, malheureusement, doit encore être rappelée : l'homosexualité, tout comme la transidentité, n'est pas une maladie ; l'orientation sexuelle ne se change pas et ne se guérit pas – la transidentité non plus. Chaque individu est libre de son identité de genre et de son orientation sexuelle. En aucun cas il n'est envisageable de transformer ce qu'il y a de plus profond chez un individu, pour le conformer à une quelconque morale religieuse ou sociétale. De telles actions sont stigmatisantes et violentes ; elles sont contraires aux droits humains les plus fondamentaux et aux principes mêmes de notre République. Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et territoires votera ce texte.

Applaudissements sur les bancs de tous les groupes.

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Je veux tout d'abord remercier Mme la rapporteure et M. le rapporteur d'application pour leur travail, ainsi que tous ceux qui ont participé aux travaux débouchant sur cette belle et forte proposition de loi. Dès à présent, j'affirme le soutien total des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine envers ce texte qui interdit les thérapies de conversion, véritables atteintes à la dignité humaine. Ces pratiques ont pour point commun de considérer l'homosexualité et la transidentité comme des maladies qu'il faudrait guérir – alors qu'il n'y a rien à guérir. Elles sont attentatoires aux droits des personnes et à leur libre choix. Il était nécessaire de créer un délit spécifique pour mieux les combattre et quantifier le nombre de leurs victimes.

Je profite de cette tribune pour saluer les prises de parole de ceux qui ont subi ces traitements, actes dégradants commis par des pseudo-thérapeutes et des personnes souvent liées à des sectes religieuses qui, au nom d'une idéologie mortifère, torturent psychologiquement, voire physiquement. Je salue également les associations qui se battent contre ces pratiques. Notre pays doit lutter fermement contre de telles dérives sectaires. La liberté religieuse, liée au principe de laïcité, ne peut être un outil pour déroger aux lois et aux valeurs de la République. Derrière des mots et de belles brochures promettant un accompagnement et un soutien, se cachent les actes les plus immondes – le livre Dieu est amour. Infiltrés parmi ceux qui veulent « guérir » les homosexuels, des journalistes Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, met en lumière leur nature et leur ampleur. La proposition de loi est une adresse directe aux victimes : « Vous n'êtes pas seules ! » Elle est aussi une adresse à leurs bourreaux : « Vous n'échapperez pas à la justice ! »

Certains, ici ou ailleurs, craignent qu'une telle loi empêche d'accompagner les personnes qui se posent des questions sur leur identité ou leur sexualité. Qu'ils se rassurent : en définissant les thérapies de conversion par la loi, nous évitons justement toute confusion – l'article 1er est très précis sur ce qui doit être entendu comme une thérapie de conversion.

Quant à ceux qui réfutent la notion d'identité de genre, et qui refusent de sortir d'une vision binaire et purement biologique du sexe, je ne peux que les enjoindre à rencontrer les associations qui travaillent sur ces sujets, à écouter leur parole et à entendre l'expression multiple des identités. Loin de séparer les uns et les autres, de mettre les gens dans des cases bien définies, la reconnaissance de ces identités, avec le respect qui en découle, permet de créer du commun dans une société où chacun et chacune peut pleinement s'épanouir. La République et ses valeurs gagneront à respecter chacun et chacune dans leur diversité. Je suis heureuse de constater que cette vision est très largement partagée sur tous les bancs de l'Assemblée nationale.

Comme je le soulignais précédemment, l'absence de délit spécifique concernant les pratiques de conversion ne permet pas de bénéficier de statistiques précises sur le nombre de victimes.

L'article 4 de la proposition de loi préconisait initialement d'établir un rapport dans un délai de douze mois, afin de dresser un état des lieux des pratiques, comportements ou propos répétés prétendant modifier ou réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre revendiquée des victimes. Il aurait comporté des éléments chiffrés concernant le nombre de victimes chaque année, et aurait évoqué les moyens de mieux prévenir le phénomène. Malheureusement, ce rapport a été supprimé en commission ; je proposerai de le rétablir par voie d'amendement, car il me paraît utile.

Nous avons besoin de quantifier l'ampleur de ces thérapies et le nombre de victimes, et, surtout, d'évaluer l'application de la loi – c'est indispensable. Voyez la loi de 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées : elle n'est que peu appliquée, faute de mobilisation des institutions chargées de protéger les êtres humains et de combattre la commercialisation des corps.

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Je proposerai aussi de revenir sur la suppression des dispositions relatives à l'autorité parentale : il me paraît nécessaire d'expliciter le fait que l'autorité parentale peut être retirée aux parents qui soumettent leur enfant à ces actes illégaux.

La commission a évoqué l'école et le rôle des professeurs, notamment pour répondre aux questionnements légitimes des élèves. Les professeurs ont évidemment une importance considérable dans l'accompagnement des enfants et des adolescents, mais on ne peut, continuellement, leur en demander davantage. Je veux rappeler l'importance des psychologues de l'éducation nationale, qui sont trop peu nombreux et insuffisamment reconnus : ils ont un rôle essentiel à jouer dans l'accompagnement des enfants et des adolescents. Dans la partie plus médicale, la médecine scolaire a aussi un intérêt pour répondre aux questions liées au sexe et au genre – voilà un argument supplémentaire pour reconstruire une médecine scolaire digne de ce nom.

C'est donc sans réserve, et avec détermination, que le groupe GDR votera la proposition de loi. Nous demandons au Gouvernement et aux deux assemblées de l'inscrire rapidement à leur ordre du jour, afin qu'elle soit définitivement adoptée avant la fin de la législature.

Applaudissements quasi unanimes.

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Il est des évidences qu'on aimerait s'épargner : non, une orientation sexuelle n'est pas une maladie ; non, une identité de genre n'est pas une maladie. Il n'y a rien à guérir – ou alors, la seule chose qu'il faut peut-être soigner, c'est l'homophobie et la transphobie de certains. Pourtant, depuis quelques années, les témoignages sont de plus en plus nombreux à nous alerter, de la part de femmes et d'hommes dont l'entourage familial, médical ou spirituel voudrait, contre leur gré, les convertir à une autre orientation sexuelle ou à une autre identité de genre – comme si cela relevait d'un choix, d'une volonté ou d'une opinion, alors qu'on touche ici à la nature la plus profonde et la plus intime de l'être. S'il n'y a rien à guérir, il n'y a rien non plus à convertir.

Rappelons-le : ni les brimades, ni les insultes, ni les coups, ni les électrochocs, ni les exorcismes, ni les mariages forcés n'ont d'utilité ou d'efficacité pour faire entrer des gens dans des cases déterminées. Ce ne sont que des violences intolérables, aux effets dévastateurs, qui brisent des vies. Nous avons décidé de nous y attaquer avec cette proposition de loi.

Au nom du groupe La République en marche, je tiens à remercier notre rapporteure. Chère Laurence Vanceunebrock, merci d'avoir lancé l'alerte, dès le début de la législature, sur un phénomène qui commençait à peine à être connu ; merci de l'avoir étudié avec sérieux, dans le cadre d'une mission d'information menée avec Bastien Lachaud ; merci d'avoir partagé avec nous vos analyses et vos conclusions, toujours avec tact et pédagogie concernant un sujet si sensible.

L'ONU avait lancé le mouvement en 2015, et le Parlement européen avait suivi en 2018. Grâce à ce travail, c'est aujourd'hui au tour de la France : nous serons l'un des premiers pays européens, avec l'Allemagne, Malte et la Belgique, à nous attaquer sans détour à ces méthodes barbares. En créant un délit spécifique pour ces dernières, nous envoyons un double message. À ceux qui ont subi ces pratiques d'un autre âge, nous disons : « Oui, vous êtes victimes ; oui, nous sommes avec vous ; oui, nous vous protégerons. » À ceux qui leur infligent ce qui relève parfois de la torture physique ou psychologique, nous disons : « Vous n'êtes pas des thérapeutes ; vous n'êtes pas des guides spirituels ; vous êtes des charlatans ; vous êtes des délinquants. Vous serez poursuivis et sanctionnés pour les âmes et les corps que vous avez abîmés. »

Nous nous réjouissons que ce texte, défendu par le groupe La République en marche, ait été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée. Cela témoigne de la mobilisation du Gouvernement, et nous vous remercions, madame la ministre déléguée, chère Elisabeth Moreno, pour votre engagement grâce auquel cette proposition de loi se concrétise.

Nous proposerons de compléter le dispositif, tout d'abord en répondant à une forte attente exprimée par la majorité en commission : il s'agira de renforcer les sanctions lorsque les actes incriminés touchent des mineurs ou des personnes particulièrement fragiles en raison de leur état de santé. On sait le rôle de la contrainte et de l'emprise dans ces mécanismes. Il est notre devoir d'en protéger les plus vulnérables.

Nous proposerons ensuite de reconnaître aux associations la capacité d'agir en justice, car elles se mobilisent toujours aux côtés des victimes. Il faut un effort immense à ces dernières pour briser le silence, et le soutien des associations est essentiel dans leur parcours de résilience et de reconstruction. Comme pour les autres discriminations, les associations ont toute leur place pour porter la voix des victimes – nous proposerons un amendement en ce sens.

La proposition de loi constitue un outil supplémentaire pour les forces de l'ordre et la justice, afin de lutter plus efficacement contre les violences visant les LGBT. Elle s'inscrit dans un cadre plus large, celui du combat que nous menons depuis le début de la législature contre les discriminations et pour l'égalité réelle des droits. Elle succède à l'ouverture de la PMA aux couples de femmes, ainsi qu'à notre lutte contre les mariages forcés ; elle s'accompagne évidemment d'une hausse des moyens de la DILCRAH pour ses missions d'éducation et de sensibilisation.

Avec gravité face aux souffrances éprouvées, mais aussi avec la fierté de faire avancer la dignité, le groupe La République en marche soutiendra l'adoption de la proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce n'est pas sans une certaine émotion que je m'adresse à vous, à cette tribune, au nom du groupe Les Républicains, pour aborder l'interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Vous le savez, la lutte contre les discriminations me tient particulièrement à cœur et derrière ces thérapies dites de conversion, se trouve la honte d'assumer qui nous aimons, qui nous sommes.

À l'Assemblée nationale, la droite évolue et travaille sur le sujet dans un climat de dialogue, sous l'impulsion de notre président de groupe Damien Abad, que je tiens à remercier, mais également grâce à des collègues de qualité qui acceptent le débat. Je salue à ce propos Xavier Breton avec qui, malgré nos désaccords, j'apprécie d'échanger…

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…car pouvoir ouvrir ces discussions et en débattre sereinement, c'est aussi ça qui fait la qualité d'un travail parlementaire abouti, et je suis fier de pouvoir porter cette parole au nom de ma famille politique aujourd'hui.

Au sein même de notre famille politique tout comme au sein de la société française, j'ai bien conscience que ce travail prend du temps, trop pour certains ; mais s'accepter tel que l'on est, tel que l'on naît, tel qu'on se construit, étonnamment ne va pas de soi. S'accepter et accepter le regard des autres sur soi est forcément lié.

Cela a été rappelé durant nos débats, la France n'a officiellement retiré l'homosexualité de la liste des affections psychiatriques qu'en 1981, et il a fallu attendre 2010 pour que les troubles de l'identité de genre le soient également.

Qu'on ne s'y trompe pas : qu'on habite en ville ou à la campagne, personne n'a le même vécu en la matière. Ce serait d'ailleurs une erreur de penser qu'assumer qui l'on est, est plus facile selon le lieu ou le milieu social dans lequel on vit.

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Cela peut commencer par la gêne d'aborder le sujet, jusqu'à en craindre les répercussions personnelles ou professionnelles pour les personnes concernées. Ne nous cachons pas derrière une quelconque pudeur pour ignorer la réalité. Insultes, violences, demande de quitter le domicile familial, c'est cela la réalité de nombreux jeunes. Assumer qui nous sommes n'est pas un acte anodin, je peux en témoigner.

Disons les choses clairement : les thérapies de conversion existent encore chez nous en France. Elles ne sont pas qu'un phénomène venu de l'étranger. Ici aussi, certains persistent à vouloir marginaliser celles et ceux qui ne seraient pas comme eux. Pour eux, l'homosexualité et la transidentité sont des maladies dont on pourrait guérir. C'est pourtant peine perdue car il n'y a rien à guérir – j'en profite pour saluer et remercier le collectif « Rien à guérir » et son fondateur Benoit Berthe Siward, présent ce soir dans les tribunes du public.

Ces groupes extrémistes, voire sectaires, considèrent qu'il est possible de changer la nature profonde des personnes homosexuelles, quitte à utiliser la violence psychologique ou physique, quel que soit le moyen d'y parvenir : exorcismes, électrochocs, séances d'humiliations psychologiques, prières de guérison, ou encore administration d'hormones, autant de pratiques barbares plus traumatisantes les unes que les autres.

Aujourd'hui, la représentation nationale envoie un message clair à toutes ces personnes qui ne peuvent exprimer ce qu'elles sont. Que nous soyons de droite ou de gauche, que nous soyons blacks, blancs, beurs, gays, bi, trans ou hétéros, ce combat nous concerne tous. Il est de l'honneur de l'Assemblée de légiférer sur ce sujet, d'affirmer que personne ne peut modifier l'orientation sexuelle ou la transidentité d'une personne. Nous devons continuer à lutter contre les stéréotypes qui cherchent à catégoriser, à enfermer les couples homosexuels dans une posture, alors qu'il ne viendrait à personne l'idée d'en faire autant pour un couple hétérosexuel.

Si cette loi ne permettait de sauver ne serait-ce qu'une seule victime de ces pratiques, elle aura été utile. Il n'y a pas d'autres choix que d'accepter qui l'on est, il n'y a pas d'autre choix que d'accepter l'autre tel qu'il est.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains, que je représente ce soir, votera pour cette proposition de loi.

Applaudissements quasi unanimes.

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C'est parce qu'il n'y a rien à guérir et parce que certains ne le comprennent pas, qu'il était indispensable que le Parlement légifère sur l'interdiction des thérapies de conversion. Trop de gens souffrent de ne pouvoir être tout simplement eux-mêmes. Nous le constatons tous les jours, les différences engendrent parfois la peur et dans une spirale infernale souvent l'agressivité. Mais l'autre n'est jamais seulement différent. Il a aussi quelque chose de commun avec moi, avec chacun de vous, avec nous, quels que soient son langage, sa culture, son comportement, son apparence physique, ses valeurs morales, son orientation sexuelle, son genre ou son absence de genre.

C'est pourquoi le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés salue et soutient, madame la rapporteure, votre combat contre les thérapies de conversion. J'y associe notre collègue Jean-Luc Lagleize, qui s'investit depuis très longtemps dans ces sujets.

Votre proposition de loi, madame la rapporteure, découle de la mission flash de la commission des lois, que vous avez conduite avec notre collègue Bastien Lachaud sur les pratiques prétendant modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Ce texte va contribuer à apaiser notre société, à la renforcer, en posant l'interdiction claire et sans ambiguïté des thérapies de conversion, ces pratiques d'un autre âge, intolérables, inacceptables dans un État de droit.

Certes, le droit pénal permet déjà de réprimer un certain nombre de faits qui constituent ces thérapies, comme le harcèlement ou les violences physiques. Mais cette proposition de loi va plus loin : elle est un message fort, indispensable, envoyé aux victimes, aux acteurs de terrain, aux pseudo-thérapeutes qui s'autoproclament experts en la matière, et à certains représentants ou fidèles de cultes ou de croyances qui veulent guérir là où il n'y a rien à guérir. Aujourd'hui, la société tout entière, par le biais de la représentation nationale, va pouvoir clairement et efficacement donner à la loi les moyens de prévenir et sanctionner les thérapies de conversion afin que les bourreaux ne restent plus impunis.

Chers collègues, nous allons voter la création de deux nouveaux délits réprimant les pratiques visant à la « conversion » ainsi que l'exercice illégal de la médecine. Nous allons permettre de guider et faciliter la démarche des victimes, qui sont encore trop souvent entravées par l'absence d'infraction spécifique.

Ce dispositif est ainsi renforcé par la création de circonstances aggravantes relatives à ces pratiques pour certains délits déjà existants, comme les violences ou les actes de torture. Toutefois, le nouveau délit autonome ne comporte, pour sa part, qu'une aggravation : si la victime est mineure. Or, il existe d'autres situations que la loi doit prendre en compte, notamment la vulnérabilité de la victime ou lorsque l'auteur des faits exerce une autorité sur celle-ci. Le groupe Dem et nos collègues du groupe La République en marche ont ainsi déposé un amendement visant à ajouter de nouvelles circonstances aggravantes pour mieux tenir compte de la réalité.

Par ailleurs, un autre de nos amendements propose de rehausser le quantum des peines applicables. Les faits qui entrent dans le champ de la nouvelle infraction peuvent aller jusqu'à des pratiques aux conséquences nécessitant, selon notre groupe, un quantum de peine plus adapté.

Nous défendrons également un amendement donnant la possibilité aux associations luttant contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre de porter plainte au nom des victimes de thérapies de conversion. Cela permettra de consacrer dans la loi le rôle des acteurs associatifs, essentiels dans la prise en charge des victimes.

Je tiens ensuite à rappeler combien il est nécessaire de mettre en place un véritable suivi des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Comme j'ai pu le dire en commission, il n'existe pas de statistiques précises sur ce phénomène. Certes, nous savons qu'il est ancien et nous constatons une augmentation inquiétante des signalements ces dernières années, ce qui tend à prouver que le phénomène prend de l'ampleur. Un amendement adopté en commission a supprimé le rapport prévu sur ce sujet parce que le Gouvernement a, semble-t-il, déjà prévu un dispositif. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre déléguée, de quel type de suivi il s'agit précisément ? Qu'avez-vous prévu en ce sens ?

Enfin, des associations ont exprimé la crainte que le texte ne conduise à confondre les thérapies de conversion avec les pratiques nécessaires et bénéfiques qui permettent un soutien psychologique en vue d'une libre affirmation de son identité de genre ou de son orientation sexuelle. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point aussi, madame la ministre déléguée ? Tout le monde l'a dit sur ces bancs, il est essentiel qu'il n'y ait pas de confusion dans l'esprit de ceux qui seraient amenés à appliquer ou à se prévaloir de cette loi.

Chers collègues, le groupe Dem votera cette proposition de loi parce que toutes les identités de genre et toutes les orientations sexuelles ont leur place dans notre société, parce que nous sommes riches de nos diversités.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.

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La discussion que nous entamons est de celles qui engagent une vision de la société et de la dignité humaine. Si nous regrettons l'arrivée tardive et à marche forcée de ce texte dans notre hémicycle, nous tenons à saluer le travail engagé depuis trois ans par Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud. Nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, nous nous réjouissons de pouvoir examiner aujourd'hui cette proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Je tiens également à saluer votre engagement, madame la ministre déléguée, en faveur de ce texte essentiel pour nos enfants et pour la société que nous voulons pour eux, qui a permis son inscription à l'ordre du jour de nos travaux, déjà si chargé.

Nous nous en réjouissons tout d'abord parce que cette proposition de loi correspond à un besoin, que nous n'avons longtemps pas su voir, celui de ces hommes et de ces femmes qui ont dû souvent, dans leur enfance et leur jeunesse, affronter des traitements inhumains et dégradants visant le cœur de leur intimité, au moment même où ils affrontaient leur propre prise de conscience et leurs questionnements. Ces atteintes leur ont été infligées le plus souvent par ceux-là mêmes qui auraient dû en premier lieu les écouter et les soutenir : les parents, la famille bien sûr, mais aussi des personnes réputées exercer des fonctions spirituelles, voire des soignants de toutes sortes, véhiculant du haut de leur savoir-pouvoir une haine homophobe et transphobe tout ce qu'il y a de moins scientifique et de plus en décalage avec les recommandations de l'OMS et plus globalement avec l'essence de notre humanité même.

Ce que dit cette proposition de loi, c'est que, dans notre République, nul ne peut s'arroger le droit de décréter qu'une personne serait « à guérir », au motif de son orientation sexuelle ou de son identité de genre et de prétendre l'accompagner en ce sens. De telles pratiques, qui relèvent du charlatanisme le plus avéré ou des dérives sectaires les plus hallucinées, exploitent par ailleurs le mal-être et la haine intériorisée que produit l'exposition à la discrimination et aux stéréotypes. Elles reposent sur les déterminismes et injonctions de tous ordres qui sous-tendent une vision inégalitaire, déshumanisante et puissamment rétrograde de la société.

Même si nous ne souhaitons en aucune manière forcer les consciences ou brider la liberté de parole, il nous semble important d'exclure du champ de l'acceptable dans notre République les traitements qui prétendent possible ou souhaitable de modifier l'identité de quelqu'un. En effet, si la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 précise bien que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », force est de constater que les personnes LGBTI ont bien longtemps vu leurs libertés niées frontalement au nom d'atteintes sociales imaginaires.

Les vendeurs de haine de soi se nourrissent des scories de cette histoire, qui relève aussi de notre responsabilité collective. Si nous avons mis un terme à la discrimination d'État à l'encontre de l'homosexualité en 1981, si nous avons ensuite très lentement fait place à l'égalité des couples par le pacs puis l'ouverture du mariage aux couples de même sexe en 2013, et si nous commençons de manière très circonspecte, voire frileuse, à supprimer les discriminations dans l'accès à la PMA et à la filiation, nous nous devons aussi, comme législateur, de ne plus fermer les yeux sur les pratiques humiliantes, traumatisantes et indignes qui continuent de proliférer sur les rebuts de croyances dépassées et inacceptables.

Oui, agir contre les discriminations qui appesantissent encore la marche des personnes LGBTI et obèrent leur santé, c'est aussi expliciter qu'il n'y a « rien à guérir ». Je remercie à ce propos les acteurs associatifs qui ont su porter cette parole avec force et courage et nous faire voir cette violence.

Si nous nous félicitons donc de la possibilité de voter cette proposition de loi, nous serons également vigilants quant à la teneur de nos débats et proposerons des amendements pour améliorer ce texte, dont les diverses modifications nous semblent un peu trop promptes à en limiter la portée. Nous agirons autour de trois axes.

Tout d'abord, autant il nous semble essentiel d'interdire les prétendues thérapies de conversion, autant nous ne saurions accepter que soient rognés l'accompagnement par l'écoute positive et l'affirmation du genre des personnes en quête de leur identité, notamment mineures.

Ensuite, il nous semble important, en particulier, de veiller à renforcer l'interdiction ainsi posée en revenant sur les moyens accordés à la prévention et au repérage de ces pratiques. C'est pourquoi nous souhaitons rétablir la nécessité de rédiger un rapport annuel, comme cela a été évoqué, et renforcer la sensibilisation à ces pratiques dans le cadre de l'école, en particulier en direction de la médecine scolaire. Il nous semble donc intéressant d'expliciter que les peines confiscatoires prévues par l'article 131-2 du code pénal sont aussi encourues, afin de responsabiliser plus particulièrement les personnes morales sur les errements de leurs personnels.

Enfin, il nous semble pertinent d'associer à ce débat sur les traitements, en particulier lorsqu'ils sont à prétention thérapeutique ou prennent la forme d'interventions physiquement invasives, d'autres traitements dont la pertinence est inexistante en l'absence d'un consentement éclairé des personnes concernées : ceux qui portent atteinte, hors nécessité vitale, aux caractéristiques sexuées des personnes, c'est-à-dire les opérations visant en particulier les enfants intersexes.

Voilà quelle sera notre logique au fil des amendements que nous vous proposerons, et l'esprit des valeurs que nous défendrons. L'occasion nous est donnée de pallier un vide juridique et de disqualifier par la loi les conséquences les plus indignes d'un ordre des représentations inégalitaire que notre droit a tant de fois consacré par le passé.

M. Alain David et Mmes Maud Petit et Laurence Vanceunebrock, rapporteure, applaudissent.

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Je souhaite, avant toute chose, rendre grâces aux propos tenus au début de nos échanges par Mme la ministre déléguée, qui a mis l'accent avec beaucoup de force sur la gravité du texte qui nous occupe, et m'associer aux compliments adressés aux deux rapporteurs, Bastien Lachaud et Laurence Vanceunebrock, pour la mission flash qu'ils ont accomplie et qui porte à notre attention une thématique et un texte d'une importance et d'une gravité toutes particulières. En effet, l'identité de genre, l'identité transgenre et l'homosexualité seraient envisagées par certains comme une maladie curable dont on pourrait venir à bout par une intervention sur le corps ou sur l'esprit de la personne concernée : en découlent diverses théories et pratiques, pseudo-thérapies de conversion apparues aux États-Unis dans les années 1950 et qui prétendent modifier ou réprimer – ou plutôt : modifier en les réprimant – l'orientation sexuelle ou l'identité de genre de certaines personnes.

Avec le texte qui nous est proposé, il n'est nullement question de l'accompagnement bienveillant qui peut viser des personnes en souffrance psychique ou psychologique, mais il s'agit bien de dénoncer et, potentiellement, de sanctionner des pratiques d'une horreur déroutante, qui se déroulent dans un cadre religieux, pseudo-médical ou familial. En octobre 2021, nous apprenons que ces pratiques tendent à gagner en intensité dans notre pays – on a évoqué les propos infamants, les pressions psychologiques, les séances d'exorcisme ou les retraites spirituelles, les séances d'hypnose et, bien au-delà encore, les agressions physiques, les traitements hormonaux ou les séances d'électrochocs, qui doivent susciter notre horreur collective.

A également été évoquée la progression dans le monde de plusieurs dispositifs collectifs, comme ceux qui ont cours à Malte ou au Royaume-Uni, ou qui sont en cours de discussion en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique. Il faut citer aussi les rapports des Nations unies et, bien évidemment, la mission flash qui nous vaut de nous réunir aujourd'hui après un processus législatif qui a donné lieu en commission à des discussions d'une teneur très positive. Il s'agit en effet de dépasser le cadre législatif existant et les difficultés que l'on rencontre aujourd'hui, malgré les dispositifs en vigueur, pour caractériser une infraction. On sait en effet que le harcèlement moral ou sexuel, l'abus de faiblesse, la violence, la discrimination et l'exercice illégal de la médecine sont des qualifications qui permettent déjà de sanctionner certaines infractions, mais elles ne permettent pas toujours aux victimes potentielles d'en faire la démonstration, ce qui les pousse parfois à renoncer à recourir à l'instrument juridictionnel.

Le dispositif qui nous est proposé présente des atouts majeurs. D'abord, il définit juridiquement la thérapie de conversion et crée une infraction spécifique. Il ajoute les thérapies de conversion aux circonstances aggravantes définies par l'article 132-77 du code pénal et interdit, sous toutes leurs formes, les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre dans le système de santé.

On pourra s'interroger sur la pertinence du retrait de l'exigence de la remise d'un rapport par le Gouvernement. Je veux croire toutefois que la sagesse de l'Assemblée que nous représentons nous permettra de recourir à des missions d'information et que les annonces faites par la ministre déléguée offrent une sécurité suffisante pour nous convaincre que cette question sera suivie de près.

Cependant, le contenu détaillé du texte n'est peut-être pas l'essentiel car, en matière de lutte contre les discriminations, la question probatoire, qui demeure toujours centrale, est une grande difficulté, et l'intérêt majeur de ce texte est qu'il définit l'infraction en vue de modifier les comportements, en faisant dire à la loi que c'est la société qui dit non. Ce combat que nous menons ensemble aujourd'hui nous honore collectivement. Il est peut-être symbolique, mais c'est une symbolique forte, l'exercice d'une liberté fondamentale, l'exigence d'une égalité de tous et la promesse d'une fraternité entre tous. C'est pourquoi le groupe Agir ensemble votera la proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LaREM et Dem.

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Être libre, libre de vivre comme on l'entend, et pas dans un placard, libre de vivre avec qui l'on veut, libre de donner une reconnaissance officielle à tout engagement de vie, être libre et respecté : c'est finalement notre rôle de législateur, défenseur des libertés, que nous allons exercer. La liberté, c'est exactement le contraire de : « Ça marche tout seul. » C'est l'obligation de choisir et d'aménager, disait Marcel Gauchet. Alors, nous allons choisir et aménager le droit, en nous penchant sur ce que sont les thérapies de conversion, ce qu'elles provoquent, leurs conséquences et, finalement, montrer en quoi, dans un État respectueux des libertés individuelles, elles sont inacceptables.

Entendons-nous : l'homosexualité, si elle est fort heureusement une liberté, n'est en aucun cas un choix, et n'a pas à être corrigée. Le choix, c'est simplement celui de la vivre, de l'assumer, mais pas de se déterminer en fonction d'aléas extérieurs, comme on choisirait le menu dans un restaurant. Cette liberté doit donc être protégée et nulle part en France il ne devrait être possible de la nier ou de la négocier.

Bien entendu, cette liberté est remise en cause par la hausse du nombre d'actes homophobes visant à lui porter atteinte, mais elle est aussi percutée, chers collègues – et peut-être cela nous différenciera-t-il des propos que j'ai entendus –, à l'autre bout du spectre, par les fameuses « théories du genre » qui, il faut bien le dire, constituent un biais antibiologique, comme l'explique l'anthropologue Frank Salter, pourtant acquis à cette idée. La biologie détermine qu'une personne a des organes reproductifs, mâles ou femelles, ce qui correspond habituellement à sa sexualité, à la structure de son cerveau et à ses préférences. Aucun changement de coutume, de loi, de croyances, d'endoctrinement ou de pratiques n'a ces effets. Pour le biologiste Ulrich Kutschera, de l'université de Kassel, les études de genre sont une pseudo-science universitaire, comparable au créationnisme, et n'auront pour conséquence que d'instaurer des politiques communautaires, rejetant l'approche universaliste à laquelle je suis attaché. Force est de constater que les tenants de cette idéologie rendent un bien mauvais service aux millions d'hommes et de femmes qui souhaitent vivre libres et sans cultiver de droit à la différence.

Dans notre pays, je le disais, les actes homophobes sont eux aussi de véritables atteintes aux libertés. Il est des quartiers dans lesquels il n'est plus permis aujourd'hui d'être juif, homosexuel ou femme, disait voilà déjà quelques années Marine Le Pen. En 2019, une augmentation de 36 % du nombre d'actes homophobes faisait suite à une hausse qui était déjà de 33 % l'année précédente, sans compter les nombreux cas où les victimes renonçaient à porter plainte. Ce chiffre n'est corrigé que par le chiffre de 2020, en baisse de 15 %, mais qui est un chiffre en trompe-l'œil à cause du confinement. Ces atteintes touchent principalement des victimes de moins de 35 ans, beaucoup se concentrant dans des aires urbaines de plus de 200 000 habitants, c'est-à-dire dans de grandes villes. Je saisis d'ailleurs cette occasion pour rendre hommage à l'ensemble des structures d'écoute et d'accueil qui recensent les actes homophobes ou épaulent les victimes, comme l'association FLAG!, qui travaille avec la police et la gendarmerie.

Parler des victimes devrait aussi vouloir dire que l'on parle des auteurs, des agresseurs, sans se cacher derrière son petit doigt. Je lis chaque année, avec une belle constance, le rapport de SOS homophobie, nous fournissant un panégyrique du profil des victimes, sans malheureusement analyser le profil des auteurs. Pourtant, une telle analyse – sur leur âge, leurs origines, leurs motivations – nous indiquerait d'une manière intéressante les sources mêmes de cette homophobie qui traverse notre société. Sans faire nécessairement de lien avec d'autres types de délinquance, j'invite ces structures à mener ce travail sur les auteurs sans œillères et sans tabous.

Les thérapies de conversion qui nous intéressent ici font assurément partie de ces violences. Elles constituent toujours une atteinte à la dignité, et souvent à l'intégrité. Les témoignages sont glaçants, vous l'avez dit – exorcisme, électrochocs, harcèlement, privations… Il nous semble presque anachronique, en réalité, de devoir légiférer sur ces pratiques, tant elles nous semblent incroyables. J'avais d'ailleurs souhaité moi-même intégrer ce délit lors de l'examen du projet de loi confortant les principes de la République. Il demeure donc essentiel de créer un délit pénal spécifique pour sanctionner ce type de tortures physiques et psychiatriques, et je salue, comme vous l'avez fait avant moi, chers collègues, le courage de Benoit Berthe Siward, véritable lanceur d'alerte, dont l'incroyable maturité tranche avec le jeune âge, et qui a été, il faut bien le dire, l'un des premiers à porter ce sujet sur la place publique.

Non, comme le dit la structure qu'il anime, il n'y a « rien à guérir », faisant écho à la belle citation de René Char : « Ils m'aimeront tel que je suis. » Rien à guérir, mais il faut désormais combattre ces thérapies, bien souvent d'importation évangélique, avec un système de sanctions adaptées et durcies qui feront l'objet d'amendements que je vais défendre, et encore plus lorsqu'il s'agit d'agissements sur des mineurs. Les sanctions devront donc aussi aller jusqu'à l'expulsion de délinquants étrangers condamnés sur notre sol pour ce type d'agissements, car ils expriment, à travers de tels actes, le refus d'adhérer à nos valeurs.

Oui, nous demandons à la société d'en finir avec ce laxisme judiciaire face à des atteintes à nos valeurs, et donc avec ces thérapies sordides. Une société qui se tient debout, une société qui aide ses enfants à se tenir debout, doit refuser ces pratiques. Être libre, c'est savoir danser avec ses chaînes, disait Nietzsche. Elles sont parfois bien lourdes, bien pesantes et multiples. Notre boulot est aujourd'hui d'en couper une.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 7 et 70 .

La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 7 .

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Plusieurs de mes amendements visent à supprimer la mention d'« identité de genre », qui provoque un débat légitime entre nous. L'immixtion de cette mention dans ce texte soulève des difficultés car elle ne reflète aucune réalité naturelle. Elle soulève aussi des ambiguïtés, car des enfants qui, sous influence, aspireraient brusquement à changer de sexe alors qu'ils n'ont même pas atteint leur maturité sexuelle, contraindraient potentiellement le médecin à autoriser une telle entreprise. En effet, le soignant qui refuserait de s'exécuter serait accusé de réprimer l'identité de genre de la personne concernée.

Dans une tribune récente, des médecins et psychiatres, ainsi que quelques intellectuels, ont dénoncé l'inflation du nombre de demandes de changement de sexe chez les enfants. Alors même que les enfants se construisent, cette modification irréversible bouleversera à jamais leur vie. N'ouvrons pas la brèche à cette dérive dangereuse.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 70 .

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Nous aurons à plusieurs reprises l'occasion de débattre sur l'introduction de l'identité de genre dans cette proposition de loi qui concerne les thérapies de conversion. On sait que, dans la pratique, il s'agit de thérapies de conversion relatives à l'orientation sexuelle et que celles qui concernent l'identité de genre ont été ajoutées, ce qui pose certains problèmes dont nous allons discuter. Cet ajout est malheureux car il crée une confusion et des conflits commencent à se manifester entre ceux qui pensent que cette proposition de loi aurait dû s'en tenir aux orientations sexuelles, avec des pratiques qui peuvent être objectivement reconnues, et les défenseurs de la notion d'identité de genre, notion militante qui s'accompagne d'une notion de « transaffirmation » consistant à aller de plus en plus loin dans cette logique de transition de genre.

Nous vous proposons donc de clarifier les choses d'emblée en nous en tenant aux thérapies de conversion portant sur les orientations sexuelles, qui sont condamnables et qui étaient déjà condamnées, mais qui peuvent être encore mieux cernées juridiquement. En revanche, nous proposons de supprimer du texte la notion d'identité de genre, qui apportera dans notre droit, comme on le verra à l'occasion des amendements suivants, beaucoup plus de confusion que de clarté.

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

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En somme, vous soulevez la question suivante : l'identité de genre constitue-t-elle un concept juridique solide ? Le genre est un concept juridiquement fondé, à partir d'une définition qui n'est pas idéologique mais scientifique, par exemple celle de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique : « les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits qu'une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes. » De la notion de genre découle celle d'identité de genre, elle aussi fondée juridiquement. Comme Laetitia Avia le rappelait en commission, le Conseil constitutionnel lui-même a estimé en 2017 que l'expression « identité de genre » était suffisamment claire et précise pour figurer dans la loi.

Je souhaite également rebondir sur l'expression « dysphorie de genre », qui figure dans l'exposé sommaire de l'amendement de M. Breton. Cette notion de nature psychiatrique est utilisée par nos détracteurs pour laisser percevoir la transidentité, ou l'inadéquation entre identité de genre et genre de naissance, comme pathologique, de telle sorte qu'il faudrait l'éradiquer. On peut qualifier les pratiques en ce sens de thérapies de conversion, visant à supprimer un symptôme trans perçu comme une conséquence malsaine du parcours de vie. Les arguments employés par leurs promoteurs sont d'ailleurs exactement ceux qui avaient été avancés en 1982 contre la dépénalisation de l'homosexualité, dont débattait alors le Parlement. Par conséquent, avis défavorable.

Mme Laetitia Avia et M. Erwan Balanant applaudissent.

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Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Même avis. Madame Lorho, monsieur Breton, sans doute n'ignorez-vous pas que la notion d'identité de genre figure déjà dans le code pénal. L'article 132-77, notamment, alourdit la sanction de tout crime ou délit commis en raison de l'identité de genre de la victime. Or son application ne pose pas de difficulté particulière. Par ailleurs, je rappelle à mon tour que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 janvier 2017, a jugé l'expression suffisamment claire et précise pour respecter le principe de légalité. Ces explications devraient apaiser vos craintes ; par ailleurs, supprimer cette notion de la proposition de loi limiterait sa portée en en excluant les personnes transgenres.

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Chers collègues, il nous reste une centaine d'amendements à discuter : si nous voulons achever ce soir l'examen du texte, le calcul est facile à faire. Je propose donc que nous nous en tenions au minimum de deux orateurs prévu par le règlement. J'invite également ceux d'entre nous qui s'inscrivent sur les articles à ne pas renouveler la discussion générale : ce n'est pas dans un tel but que nous disposons de cette possibilité.

La parole est à M. Bastien Lachaud.

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De toute manière, monsieur le président, le débat va se poursuivre au sujet de l'identité de genre, puisque M. Breton et Mme Lorho viennent d'en nier l'existence. Or celle-ci est un fait : il y a autant d'identités de genre que d'êtres humains sur cette planète, autant que d'origines ou d'orientations sexuelles. Ce critère de discrimination est donc tout aussi valable, si je puis dire, que les autres, comme le prouve sa présence dans le code pénal.

Par ailleurs, madame Lorho, vous évoquiez le risque d'opérations irréversibles pratiquées sur des mineurs : la législation française les interdit et n'autorise, avant la majorité, que des traitements hormonaux destinés à freiner la puberté afin de faciliter ces opérations par la suite. Arrêtons donc de dire n'importe quoi et finissons-en une bonne fois pour toutes avec la remise en cause de l'identité de genre, qui a toute sa place au sein de cette proposition de loi.

Les amendements identiques n° 7 et 70 ne sont pas adoptés.

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Avant que nous n'examinions cet article, je tiens à féliciter pour la qualité de leur travail les membres des missions flash, ainsi que notre collègue Laurence Vanceunebrock, qui a dû user de toute sa combativité pour que ce texte parvienne jusque dans l'hémicycle. L'article 1er est l'âme de la proposition de loi. Il prévoit une avancée, enfin, face au rejet et à des pratiques dignes des chasses aux sorcières. Nous luttons contre des pratiques discriminatoires, car où l'on prétend guérir, il n'y a rien à guérir : l'amour, quel qu'il soit, n'est pas une maladie. Nous apportons à notre jeunesse une protection supplémentaire contre ces dérives. Personne n'imposera jamais une sexualité ni un genre en recourant à la violence physique ou psychologique, ce cancer de notre civilisation.

C'est donc avec honneur, fierté et humilité que nous soutiendrons cet article. Ce texte ne vise ni à dispenser une leçon de morale, ni à changer les mœurs, mais à garantir des valeurs fondamentales : une égalité véritable et la liberté de s'aimer.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

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C'est un honneur de me trouver ce soir parmi vous et de contribuer à une telle avancée législative. Parallèlement à celle du droit, je constate d'ailleurs une réelle évolution de la société au sujet des LGBTQIA+. Chez moi, à La Réunion, j'ai assisté il y a dix jours à « Parey pas parey », le premier festival LGBTQIA+ organisé dans l'île. L'année 2021 restera dans les annales comme celle où malgré la pandémie, malgré les restrictions dues à la crise sanitaire, nous aurons connu à la fois ce festival, la première marche des visibilités réunionnaise et l'ouverture du premier centre LGBT dans l'océan Indien. Enfin, nous pouvons dire que les choses avancent.

Cependant, si nous discutons de ce texte, c'est malheureusement parce qu'il se trouve nécessaire. Le travail se poursuit ; il faut que chacun apporte sa pierre à l'édifice. Face aux discriminations, nous devons nous rassembler et parler d'une même voix. L'objet de l'article 1er – interdire les thérapies de conversion et créer un délit spécifique – constitue, je le répète, une grande avancée, ces pratiques ayant pour point commun de considérer l'homosexualité ou la transidentité comme des maladies qu'il faudrait guérir. Elles attentent aux droits des personnes et doivent par conséquent être combattues avec la plus grande fermeté. Nous sommes en train de bâtir ensemble, en cet instant, une société nouvelle, plus humaine, plus inclusive. La visibilité des LGBTQIA+ fait son chemin : pour la rendre complète et effective, notre première bataille portera sur l'éducation. Nous devons participer à la déconstruction de ces stéréotypes tenaces qui enferment et inhibent. Un mot puissant, universel, doit guider nos actes, nos politiques : amour – quelle que soit notre identité de genre, quelle que soit la personne que l'on aime.

Mme Laetitia Avia applaudit, ainsi que MM. Bastien Lachaud et Maxime Minot.

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Je profite de cette occasion pour souligner que même au sujet d'une question de société, renvoyant aux convictions personnelles, au parcours, aux besoins, aux attentes de chacun d'entre nous, nous n'en sommes pas moins là afin d'écrire la loi. Amour et droit ne font pas toujours bon ménage : nous nous apprêtons à légiférer sous le coup de l'émotion,…

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…et c'est ainsi qu'on légifère mal.

Cette proposition de loi vise à créer un délit autonome portant sur les thérapies de conversion, alors qu'existent déjà des dispositions permettant de sanctionner les excès. Vous voulez aller plus loin : dont acte. Le texte devrait donc s'attacher à cibler ces méthodes et à améliorer les moyens dont nous disposons pour les combattre. Or sa rédaction pose deux problèmes. Le premier est celui de sa solidité juridique, alors qu'il a été quelque peu bâclé. Nous avons été témoins, en commission, de changements de place des futures dispositions au sein du code pénal, de risques de conflits de qualification, de difficultés avec l'échelle des peines ; le Gouvernement étant absent, l'avis officiel du garde des sceaux nous a particulièrement manqué, puisque ce texte touche au droit pénal.

Le second problème, déjà abordé, réside dans l'introduction de la notion d'identité de genre dans le texte.

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Nous ne l'y introduisons pas puisque cette notion s'y trouve déjà !

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Celle-ci s'inscrit clairement dans une logique militante et pose beaucoup de questions – non seulement à ceux qui s'interrogent au sujet de l'introduction de la théorie du genre dans la société, dans le droit, mais aussi à des associations féministes ou de personnes homosexuelles, dont certaines dénoncent ce concept. L'intention, qui est bonne, n'exclut pas les risques de confusion ou de dérives.

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L'article 1er vise à inclure dans le code pénal une infraction spécifique visant des pratiques moyenâgeuses, comme l'ont dit Mme la rapporteure et mon collègue Erwan Balanant. Il s'agit de clarifier la loi, de la rendre plus accessible et plus efficace. Le droit doit protéger les victimes et sanctionner ceux qui leur portent atteinte. Avec cette proposition de loi, nous signifions aux auteurs d'actes attentatoires à la dignité humaine qu'ils ne sont plus à l'abri, que leurs agissements intolérables, condamnables, leur vaudront demain d'être condamnés en fonction de la gravité des faits commis. C'est là un message fort : nul ne peut dire à une personne qu'elle n'est pas normale, qu'elle doit changer parce que son orientation sexuelle ou la conscience qu'elle a de son identité de genre dérange. Nul ne peut imposer à autrui une pseudo-thérapie pour une maladie qui n'existe pas, avec toutes les conséquences physiques ou psychologiques dévastatrices qui peuvent en résulter.

Madame la rapporteure, votre texte est salvateur. Il permet un pas supplémentaire vers l'acceptation des différences, du choix de son orientation, du sentiment que l'on peut avoir de son identité de genre ; encore une fois, ce ne sont pas des maladies qu'il faut guérir. Il n'y a rien à guérir. Il n'y a que des êtres humains qui veulent être heureux, vivre, s'aimer, au sein d'une société bienveillante que les différences enrichissent. Légiférer en vue d'interdire des pratiques barbares, libérer ceux qui ne peuvent être eux-mêmes, constitue une nécessité. C'est ma conviction profonde, ma conviction de législateur et de citoyen, ma conviction de père ; c'est également celle des membres du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés. Nous affirmons de nouveau qu'il n'y a rien à guérir, qu'il n'y a que des actes à condamner.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.

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La discussion préliminaire à l'examen de l'article 1er me fournit l'occasion de revenir sur la notion d'identité de genre, qui obsède apparemment un certain nombre de nos collègues, à en juger par leur expression publique et par leurs propos en commission. Il importe de rappeler qu'au regard des droits humains, l'identité de genre d'une personne ne peut reposer que sur son autodétermination. Je dois exprimer ici notre attachement collectif, en tant que législateurs, à ce que chaque enfant de la République puisse exprimer son identité, quelles que soient les conditions de départ de son existence. Au-delà de l'évidence qu'il n'y a rien à guérir, nous devons affirmer le droit de chacun au cheminement personnel vers son identité, à ses interrogations. L'identité de genre, distincte du sexe biologique, ne figure pas seulement dans des textes internationaux concernant les questions LGBT : elle constitue un fait anthropologique immémorial qu'il convient de ne pas oublier en cet instant. Le groupe Socialistes et apparentés veillera à ce qu'il n'y ait aucun recul en matière de droits fondamentaux.

Mme Karine Lebon applaudit.

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Avant d'en venir au fond, permettez-moi d'exprimer toute ma solidarité et tout mon soutien à Laetitia Avia, qui s'est trouvée aujourd'hui confrontée à une violence raciste inacceptable. Ce n'est pas la première fois qu'elle ou d'autres de nos collègues – je pense à Mme Obono – sont victimes de ce racisme ignoble, que la représentation nationale se doit de dénoncer.

Applaudissements quasi unanimes.

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Je souhaite tout d'abord remercier Mme la rapporteure dont l'engagement et la détermination nous permettent à présent d'examiner ce texte. Merci à toutes celles et à tous ceux qui, comme M. Lachaud, dans la diversité de leur sensibilité, ont œuvré à cette proposition de loi, à ce progrès ; merci à Mme la ministre déléguée et au Gouvernement de leur détermination à agir dans ce domaine. Je salue l'engagement exemplaire, la mobilisation, des associations dont nous allons satisfaire une demande bien légitime, et qui réalisent un travail formidable. Elles nous ont éclairés ; nous soutenons ici leur juste cause. Il était temps d'interdire ces pratiques de torture qui marquent dramatiquement et durablement leurs victimes. Il était temps de s'attaquer à ces violences LGBTQIA+phobes, d'en finir avec ces atteintes inacceptables à la dignité et à l'intégrité humaines.

Lutter contre l'inacceptable, c'est bien l'objet de l'article que nous nous apprêtons à examiner puis à voter. Il permettra de fixer une définition claire, de combler un vide juridique et d'infliger des condamnations fermes à celles et ceux qui s'adonnent à ces pratiques rétrogrades. Demain, grâce à la loi, les victimes pourront porter plainte et agir en justice. Il sera de notre devoir de les accompagner, de les aider au mieux, afin que ce fléau soit rapidement enrayé. Il s'agit bien d'un enjeu de civilisation, d'un choix crucial pour déterminer la société dans laquelle nous voulons vivre. Je le réaffirme ici : il n'y a rien à guérir. Nous l'inscrivons aujourd'hui dans le marbre de la loi car chacun a le droit de vivre sa vie comme il ou elle l'entend.

Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et FI, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 71 .

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La question consiste à déterminer ce qu'il est possible de faire, ou de ne pas faire, face à un adolescent ou une adolescente dont le ressenti est en désaccord avec sa réalité corporelle, sexuée. Ses parents, sa famille peuvent-ils l'accompagner face à ce trouble, cette dysphorie de genre, et l'aider à y travailler ? On sait que le temps de l'adolescence est un temps de questionnement ; nous l'avons tous connu.

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Certains ne l'ont pas connu ; tant mieux pour eux, mais c'est un choix…

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Ai-je dit que l'on choisissait d'être en questionnement ?

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Ce type de questionnement prend parfois beaucoup de temps !

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Je vous prie de laisser M. Breton s'exprimer, chers collègues.

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Je crois que nous passons tous par un questionnement à un moment. Doit-il être laissé à la seule appréciation de l'enfant qui, dans une attitude d'autodétermination – pour reprendre votre terme, chers collègues – décidera de lui-même ce qu'il est ou croit être, ou peut-il y avoir un accompagnement ? Oui ou non, cet accompagnement peut-il être réalisé ? Jusqu'où peut-il aller ? Telles sont mes questions. Avec cette proposition de loi, sera-t-il toujours permis aux parents d'accompagner l'enfant en le conduisant par exemple à consulter un psychothérapeute afin de déterminer ensemble ce vers quoi il veut aller ?

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Vous proposez de supprimer les mots « ou l'identité de genre » ; c'est un sujet dont nous avons déjà parlé tout à l'heure. Quant à l'accompagnement auquel vous faites référence, il est effectivement important. L'objet du texte n'est pas d'empêcher l'accompagnement des jeunes qui découvrent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Au contraire, la commission prône et le texte prévoit l'accompagnement bienveillant d'un psychiatre, d'un psychologue, d'un médecin, d'un prêtre, d'un rabbin ou encore d'un imam pour accompagner le jeune dans l'acceptation de ce qu'il est. Le but est de l'accepter tel qu'il est et non de l'emmener sur le chemin des thérapies de conversion. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Avant d'émettre un avis sur votre amendement, monsieur le député, je reviendrai sur ce que vous avez dit au sujet de la présence du Gouvernement. Je vous rappelle qu'en tant que ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des questions LGBT+ et de la lutte contre les discriminations, je suis ici pour représenter l'ensemble du Gouvernement. Il est de tradition que le Gouvernement ne soit pas présent en commission lors de l'examen des propositions de loi – sauf si les parlementaires en font la demande, ce qui n'était en l'occurrence pas le cas. Je sais que, fort heureusement, vos débats se sont très bien déroulés en commission et je me tiens évidemment à votre disposition pour répondre, au nom du Gouvernement, à toutes les questions que vous pourriez vous poser.

Pour ce qui est de votre amendement, il revient sur un débat que nous avons déjà eu tout à l'heure. Je vais donc m'efforcer d'exprimer différemment mon point de vue : la notion d'identité de genre est déjà reconnue par le droit français et nous n'innovons donc pas en la matière. Comme tout à l'heure, je suis totalement opposée à ce que la proposition de loi soit limitée aux orientations sexuelles. Plusieurs d'entre vous l'ont rappelé lors de la discussion générale : jusqu'à récemment, les personnes transgenres étaient considérées comme des personnes malades par l'Organisation mondiale de la santé mais ce n'est heureusement plus le cas. Avis défavorable.

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Vos propos apportent une plus-value par rapport à nos débats antérieurs, madame la rapporteure. Qu'entendez-vous par un accompagnement bienveillant ? Quand des parents accompagnement leur enfant, je considère par principe qu'ils le font de façon bienveillante.

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Je pense que les parents savent ce qui est bon pour leurs enfants. Je sais que vous êtes méfiants à l'égard des parents et des familles.

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Nous pensons pour notre part que dans leur grande majorité, les familles savent ce qui est bon pour leurs enfants, même s'il peut y avoir des exceptions. Les violences intrafamiliales par exemple doivent être sanctionnées et condamnées, mais ce sont des exceptions.

Que recouvre donc la notion d'accompagnement bienveillant ? Je me méfie de ce genre d'expression car c'est l'arbitraire qui distinguera ce qui est bienveillant de ce qui ne l'est pas. Madame la rapporteure, qu'entendez-vous donc par accompagnement bienveillant des enfants en situation de dysphorie ou de questionnement de genre ? Il est important que vous le précisiez car il sera fait référence à nos débats dans la pratique. Or la notion de bienveillance peut se révéler très subjective. Je ne pense pas que ce soit à la société de juger du caractère bienveillant d'un comportement. La société est là pour éviter les excès, les violences morales et physiques ; il est tout à fait normal qu'elle le fasse. Mais elle n'a pas à qualifier les relations entre les parents et leurs enfants.

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Ce débat provoque en moi une certaine lassitude, monsieur Breton. Depuis le début de la législature, dès qu'ils figuraient dans un texte, vous avez en effet essayé de supprimer les termes « identité de genre ». Vous rejetez l'identité de genre : vous nous avez dit qu'elle n'était pas une notion juridique puis en avez demandé la définition juridique, que nous vous avons exposée. Vous nous avez ensuite énuméré toutes les catégories mentionnées sur Facebook ; mais nous sommes là pour faire la loi, pas pour remplir un profil Facebook. Vous en venez désormais aux notions d'accompagnement et de bienveillance… En somme, vous rejetez l'existence de l'identité de genre que, pour notre part, nous reconnaissons, et nous souhaitons protéger les personnes transgenres. Nous ne sommes pas d'accord : prenons-en acte et avançons.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Pierre-Yves Bournazel applaudit également.

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Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Je profite de cette prise de parole, madame la députée Avia, pour à mon tour vous assurer du soutien du Gouvernement face aux ignobles propos racistes dont vous avez été la victime. La justice fera évidemment son travail. Il faut, sur ces questions, ne rien laisser passer.

Applaudissements sur plusieurs bancs.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Le travail des parlementaires est éminemment précieux, monsieur le député Breton, mais il ne faut pas compter sur la loi pour tout, en particulier s'agissant des relations entre les parents et les enfants. Si nous mentionnons la bienveillance, c'est parce que nous pensons que dans les moments de doute et de questionnement, il est essentiel que les parents continuent à avoir avec leur enfant les échanges qu'ont habituellement les parents avec un enfant en difficulté. Mais accompagner ne signifie pas soigner. N'importe quel parent sait faire la différence entre accompagner son enfant, le faire suivre par un psychologue ou un psychothérapeute, et lui faire subir des thérapies dites de conversion. Je le répète : il est évident, en particulier dans les moments dont nous parlons, que l'accompagnement est essentiel. La sensibilisation, la formation et toutes les démarches évoquées depuis tout à l'heure doivent être mises en œuvre, mais accompagnement ne signifie pas recherche de guérison inutile puisque – nous ne le répéterons jamais assez – il n'y a rien à guérir.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et FI. – M. Erwan Balanant applaudit également.

L'amendement n° 71 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 35 .

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Il vise à mieux caractériser les agissements visés à l'article 1er , pour protéger d'abord les patients qui pourraient subir des thérapies de conversion mais aussi le corps médical qui accompagne lesdits patients. En effet, alors qu'il a pour objet affiché la lutte contre les thérapies de conversion, décrites comme des pratiques pouvant prendre la forme d'entretiens, de stages, d'exorcisme ou encore de traitements par électrochocs ou injection d'hormones, le texte sanctionne en réalité des actes bien plus vagues et bien plus larges que ceux qui sont décrits. Aussi, par cet amendement de clarification, je propose de substituer aux mots « pratiques, les comportements ou les propos répétés » les mots « actes de pression, contraintes ou violences » qui me semblent plus précis pour caractériser l'infraction.

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Votre amendement est satisfait dans la mesure où les actes de pression, de contraintes et de violences sont compris dans la définition actuelle. Je suis cependant en désaccord avec vous quant à la restriction des thérapies de conversion à cette seule définition. Nous avons volontairement retenu la définition la plus large possible pour que certaines pratiques ne soient pas exclues, notamment les plus perverses, qui reposent sur la manipulation mentale. J'émets donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Vous proposez de restreindre les comportements incriminés aux seuls actes de pression, de contraintes ou de violences. Votre amendement laisse de côté une grande partie de la réalité des phénomènes de thérapies dites de conversion. Vous dites souhaiter exclure les actes médicaux. Or en l'état actuel, les éléments constitutifs du délit garantissent déjà une exclusion des actes médicaux librement consentis. En effet, n'entrent dans le champ de la répression que les actes ou propos répétés ayant pour effet d'altérer la santé physique ou mentale de la personne. J'émets par conséquent un avis défavorable.

L'amendement n° 35 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 72 .

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On sait ce que désigne le terme de pratiques. Ce sont des actes qui peuvent être considérés de façon objective ; tout comme les propos : c'est ce qu'on entend ou ce qu'on peut lire. La notion de comportement est plus problématique : soit le comportement désigne un acte, et peut donc être visé par le terme de « pratique », soit il désigne autre chose et pourrait servir de prétexte à des procès d'intention. Peut-être est-ce le but dans la mesure où vous dites, madame la rapporteure, vouloir une définition la plus large possible.

Vous défendez une logique totalisante de la notion de genre, que vous souhaitez introduire partout et par le biais de laquelle vous souhaitez instaurer un contrôle social le plus large possible. Mais cela inquiète ! N'oublions pas en effet la liberté d'opinion, la liberté de conscience et la liberté d'expression. Je sais bien que le Gouvernement s'en prend régulièrement aux libertés, comme nous l'avons constaté durant tout le mandat, mais cela soulève tout de même des questions. Qu'entendez-vous, par le terme « comportement », qui soit différent d'une pratique ou d'un propos ? Ces deux derniers termes me semblent en effet suffisants. Une meilleure définition de la notion de comportement est nécessaire ; elle permettra d'éclairer les possibles contentieux que l'application du texte pourrait susciter.

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La notion de comportement est bien moins imprécise que vous l'imaginez. Elle existe déjà dans notre droit, notamment pour définir le harcèlement. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

J'entends bien sûr vos inquiétudes et votre besoin de clarification et je vais essayer d'y répondre. Vous affirmez que la notion de comportement n'est pas très claire et qu'elle est trop large. Or elle est parfaitement connue en droit pénal. Elle est par exemple utilisée pour définir les éléments constitutifs de l'infraction d'outrage sexiste. Vous pourrez vous référer aux articles correspondants pour éclaircir cette question. Avis défavorable.

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Revenons aux débats que nous avons eus en commission, madame la rapporteure. Je vous cite : « Quant aux comportements, il peut s'agir de la discrimination en famille » – encore faut-il savoir comment la constater – « ou à l'école, ou du simple fait d'emmener ses enfants consulter un religieux ou un thérapeute dans le but de modifier leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. » Le simple fait d'emmener l'un de ses enfants, qui s'interroge sur son identité de genre, voir un thérapeute tombera donc sous le coup du délit que vous créez. Dans ces conditions, nous pouvons légitimement nous inquiéter.

L'amendement n° 72 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 30 .

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Il s'agit ici de ne pas faire entrer dans le champ d'application de cette nouvelle infraction les cas où la personne en questionnement sur sa sexualité sollicite librement l'avis d'une personne qui lui recommanderait d'attendre avant de s'engager dans un changement de sexe ou de ne pas suivre cette voie. Ces conseils seraient-ils assimilés à une thérapie de conversion ou un comportement relevant pénalement de l'infraction visée ici ? La question se pose.

Comme j'ai eu l'occasion de le rappeler en commission, les thérapeutes n'ont pas tous le même avis sur ces pratiques, notamment le changement de sexe. Elles donnent lieu à beaucoup de discussions en ce moment et certains pays jusqu'alors très ouverts à la possibilité de changer de sexe, y compris pour les mineurs, modifient leurs façons de faire, reviennent en arrière, se montrent davantage prudents. On invoque de plus en plus le principe de précaution s'agissant des mineurs et notamment les plus jeunes parmi eux parce que ceux dont nous parlons ont parfois moins de 14 ans.

Mon amendement de clarification va dans le même sens que celui que vient de défendre M. Breton même s'il est tourné un peu différemment. Ces recommandations seront-elles ou non assimilées à une thérapie de conversion ou à un comportement relevant pénalement de l'infraction créée à cet article ?

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Votre amendement, si j'ai bien compris, vise le cas des personnes s'interrogeant sur leur orientation sexuelle ou leur identité de genre qui iraient solliciter un avis. On ne peut ni ne doit les empêcher d'aller chercher des réponses à ce qui semble leur causer des troubles, auprès de psychiatres, de médecins, ou même de religieux. Reste que les personnes qu'elles consultent ne sauraient en aucun cas leur proposer de thérapies de conversion, au risque d'être condamnées. Avis défavorable.

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Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances

Madame Ménard, ce délit suppose la répétition de pratiques, d'actes ou de comportements ayant pour effet une altération de la santé physique ou mentale de la personne concernée. Par conséquent, il s'agit de sanctionner non pas les échanges sollicités par la personne qui demanderait à être accompagnée, suivie ou aidée mais uniquement les comportements imposés par son entourage « pour son bien ». Autrement dit, si la personne sollicite elle-même un avis, cela ne rentrera évidemment pas dans le champ de cette infraction. Avis défavorable.

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Je donne la parole à M. Lachaud, ensuite à Mme Ménard, puis nous arrêterons.

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Oui, monsieur le président, arrêtons, s'il vous plaît, de parler de cela.

Madame Ménard, vous affirmez que certains pays autorisant les changements de genre reviennent sur leurs décisions au nom du principe de précaution. Allez donc jusqu'au bout et dites-nous de quoi il s'agit exactement. Cela concerne un hôpital en Suède, qui pratiquait des opérations sur des mineurs aujourd'hui interdites en France. Ne faites pas peur inutilement !

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Je ne veux pas faire peur inutilement mais simplement appeler votre attention sur les cas, certes peu fréquents, de patients souhaitant pratiquer une « détransition ». Les médecins et psychologues qui les accompagnent peuvent-ils être empêchés de le faire si leur activité est interprétée comme une volonté de modifier l'identité de genre ? On ne peut pas écarter cette objection en faisant valoir que dans le cadre d'une « détransition », le médecin ne risque rien puisque le patient est consentant. Si le comportement est défini comme un délit, le consentement de la victime ne change en effet rien à la qualification de l'acte.

Il y a bel et bien un vide juridique. Il existe une zone grise : certains prescripteurs, qui ne sont pas forcément médecins même si c'est souvent le cas, risquent d'être condamnés parce que leur comportement sera considéré comme un délit alors que le patient aura lui-même demandé qu'ils donnent leur avis ou procèdent à un geste médical.

L'amendement n° 30 n'est pas adopté.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures cinq.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra