La présente proposition de loi, adoptée à l'unanimité par la commission des lois, propose de corriger des malfaçons législatives risquant d'entraver le bon fonctionnement des tribunaux de commerce. Vous vous souvenez tous du contexte d'adoption de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi PACTE, des 2 687 amendements déposés en première lecture à l'Assemblée, de ses 221 articles adoptés dans le texte définitif. Dans le cadre de ce véritable marathon législatif furent adoptées des dispositions relatives aux tribunaux de commerce bienvenues mais aux conséquences concrètes mal mesurées.
Depuis 1961, les juges consulaires étaient choisis par un collège électoral comprenant les juges en exercice, les anciens juges ainsi que des délégués consulaires élus par les commerçants ; la loi PACTE a supprimé ces délégués consulaires, auxquels elle a substitué les membres des chambres de commerce et d'industrie, et des chambres de métiers et de l'artisanat. Cette réforme, dans son esprit, était tout à fait conforme au nouveau souffle que le législateur souhaitait donner à 1'institution consulaire. Elle s'inscrivait d'ailleurs dans la continuité de ce que proposaient, dès 2013, les députés Cécile Untermaier et Marcel Bonnot qui, dans un rapport d'information sur le rôle de la justice en matière commerciale, appelaient de leurs vœux la réforme d'un système électoral exsangue. Le taux d'abstention des délégués consulaires dans le cadre des élections des juges des tribunaux de commerce atteignait alors le triste record de 80 %. Il fallait donc agir, et la loi PACTE a resserré à juste raison les liens entre les tribunaux de commerce et les entreprises. Reste que ses conditions d'adoption ont conduit le législateur à commettre certaines malfaçons tout à fait dommageables pour le bon fonctionnement des tribunaux de commerce.
Le texte qui nous est soumis résulte d'une proposition de loi de la sénatrice Nathalie Goulet, dont je salue l'initiative, et qui vise à corriger la première de ces malfaçons : l'omission du principe de l'éligibilité des juges en exercice dans le même tribunal ou dans un tribunal limitrophe à celui concerné par l'élection. La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale du Sénat, sur la base des recommandations de son rapporteur, François Bonhomme, a très utilement complété ce dispositif en prévoyant également l'éligibilité des anciens juges.
Ces dispositions sont loin d'être anecdotiques pour le fonctionnement des tribunaux de commerce. En effet, les omissions précitées auraient un impact considérable sur le vivier électoral des juges puisque, sur les 793 juges consulaires dont le mandat s'achève en 2021, 450 à 500 deviendraient inéligibles. Les conséquences en seraient graves, au regard d'abord des difficultés de recrutement de nouveaux juges, mais aussi de la perte d'expérience et de compétences qui en résulterait. Je vous rappelle que ce sont souvent les membres des tribunaux de commerce les plus expérimentés qui sont appelés à en prendre la présidence.
L'article 1er du présent texte vise à écarter tout risque de tarissement du vivier des juges en rétablissant l'éligibilité des juges en exercice dans le même tribunal ou dans un tribunal de commerce limitrophe, ainsi que des anciens juges. La commission des lois du Sénat a également procédé au rétablissement de l'inéligibilité des personnes pénalement condamnées pour des agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs. Cette règle, qui n'avait pas été retranscrite par la loi PACTE, me semble tout à fait importante et nécessaire. Je constate que le Sénat a assuré son effectivité en permettant aux préfectures de contrôler l'absence de telles condamnations. La commission des lois du Sénat a également apporté une plus grande sécurité juridique à certaines dispositions relatives aux conditions d'éligibilité des membres en exercice des tribunaux de commerce et aux conditions d'appartenance des anciens membres au collège électoral participant à l'élection des juges consulaires ; sont ainsi élevées au rang législatif des dispositions réglementaires alors qu'elles relèvent bien du domaine de la loi tel que défini à l'article 34 de la Constitution.
Cette proposition de loi permet aussi de respecter l'intention du législateur s'agissant de la limitation du nombre de mandats qu'un juge consulaire peut réaliser dans un même tribunal, en indiquant plus clairement que cette limitation est valable que les cinq mandats aient été consécutifs ou non. Voilà, me semble-t-il, un article de nature à favoriser le renouvellement des juges.
Chers collègues, la réforme des élections des juges des tribunaux de commerce est une nécessité. Il apparaît néanmoins prématuré que celle-ci s'applique dès les prochaines élections, qui auront lieu du 22 novembre au 5 décembre prochain, car toute leur organisation a été pensée sur la base de l'ancien modèle. C'est pourquoi la présente proposition de loi proroge le mandat des délégués consulaires élus en 2016 jusqu'au 31 décembre 2021. Vous comprenez donc l'urgence de la situation : les opérations pré-électorales débutant le 22 octobre, il importe que ce texte soit entré en vigueur avant cette date. Cette nécessaire rapidité explique que la commission des lois de l'Assemblée ait, dans un bel esprit de concorde que je tiens à saluer, décidé d'adopter conforme le texte qui nous a été transmis par le Sénat.
Dans le contexte économique actuel, la tâche des tribunaux de commerce aux côtés de nos entreprises sera importante et je pense pouvoir affirmer que nous partageons tous la volonté de favoriser l'efficacité de leur fonctionnement. Puisque le présent texte répond à cet objectif, je vous invite donc à l'adopter.