Kailey a 7 ans. Alors qu'ils chahutent devant la télévision, il échange un bisou avec l'un de ses copains. Sa mère, effondrée, l'emmène voir le pasteur, qui annonce qu'il est possédé par les démons de l'homosexualité. Commence alors pour l'enfant un véritable calvaire. Après de nombreuses prières et veillées religieuses sans effet, le pasteur et ses parents le soumettent à des exorcismes au cours desquels il subit des traitements inhumains et dégradants. Il décide alors de jouer la comédie pour que cessent ces maltraitances. Kailey est contraint de simuler des transes lors des exorcismes, il gomme sa personnalité et nie sa sexualité jusqu'à sa majorité pour que sa famille le laisse en paix.
Jade : « J'ai survécu à presque quatre ans de thérapie de conversion entre mes 8 et 12 ans. J'ai mis presque vingt ans à me reconstruire avant d'oser être moi-même. Les thérapies de conversion sont des pratiques abusives et cruelles. Laissez-nous exister. »
Alex : « Parce que nous ne sommes pas une idéologie, nous sommes des êtres humains. Parce que nous sommes qui nous sommes dans notre diversité de genre ou d'orientation sexuelle et que nous sommes des millions. Parce qu'il n'y a rien à guérir. »
L'association ACCEPTESS-T – actions concrètes conciliant éducation, prévention, travail, équité, santé et sport pour les transgenres – : « Nous ne sommes pas malades et il n'y a rien à guérir. Aucune maladie, handicap ou expression de la diversité humaine ne justifie les soins sans consentement, la privation des libertés, les inégalités en droit et en dignité. »
Lucie : « L'amour ne se guérit pas, ni ne se soigne. L'amour se propage et nos amours sont magnifiques. »
Mélanie : « Être soi-même ne se guérit pas, ça se célèbre. »
La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui tend à lutter contre le développement des pratiques visant à réprimer et à modifier l'orientation sexuelle et l'identité de genre d'une personne. Par la création d'une nouvelle infraction réprimant ces pseudo-thérapies de conversion et l'introduction de circonstances aggravantes pour les crimes et les délits, il s'agit de faire condamner plus fermement et systématiquement ces activités qui se rapprochent de l'exercice illégal de la médecine et du charlatanisme.
Plus symboliquement, ce texte s'adresse à l'ensemble de la société pour affirmer, comme l'ont rappelé il y a quelques jours sur un réseau social des centaines de personnes concernées, qu'il n'y a rien à guérir.
L'homosexualité n'est pas une maladie, comme l'ont reconnu la France en 1982 et l'OMS le 17 mai 1990.
La transidentité n'est pas une maladie. Il a fallu du temps, trop de temps, mais la France l'a reconnu en 2010 et l'OMS en 2018.
Il n'y a rien à guérir car la sexualité et l'identité de genre ne sont pas des problèmes ou des pathologies, mais relèvent du for intérieur de chacun et de chacune, dans lequel aucune autorité légale ou morale n'est en droit de s'immiscer. Voilà pourquoi cette proposition de loi était urgente et nécessaire. Elle est bienvenue : il est plus que temps de mettre un terme aux pratiques et aux comportements qui tendent à faire croire le contraire.
Le groupe La France insoumise, en la personne de Bastien Lachaud, corapporteur de la mission d'information sur les pratiques prétendant modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, a activement participé à l'élaboration de ce texte, que nous soutiendrons. Nous saluons l'engagement de notre collègue Laurence Vanceunebrock, rapporteure de la proposition de loi.
Nous regrettons cependant, avec d'autres, les circonstances de ce débat et ses manques. Dans une tribune parue en septembre dernier dans le journal Têtu, l'association HES (homosexualité et socialisme) LGBTI dénonçait « un art de gouverner avec désinvolture », « à la lisière du clientélisme électoral, de la triangulation politique et du boniment », sept mois avant l'élection présidentielle.
Sur le fond, nous pensons qu'il faut aller plus loin que la répression des comportements définis dans la proposition de loi. De trop nombreuses pratiques institutionnalisées et légales continuent de porter atteinte à l'intégrité physique et psychique des personnes LGBT+, sans que le texte les remette en cause.
Je prendrai deux exemples. Le premier est la psychiatrisation des parcours de transition des personnes transgenres, contraintes de passer devant une équipe médicale pour pouvoir engager leur processus de transition et bénéficier du remboursement de la sécurité sociale s'agissant de leur traitement et de leur opération. L'effectivité du droit à opérer une transition est ainsi remise en cause.
Deuxième exemple : les mutilations sexuelles des personnes intersexes. Il est urgent de garantir l'application du droit en rappelant que les opérations chirurgicales nécessaires pour les personnes intersexes ne peuvent se faire sans le consentement exprès de la personne intéressée, sauf en cas d'urgence vitale.
Plus généralement, il manque un aspect essentiel à ce texte : la prévention, qui passe par la formation des professionnels de santé et l'éducation à la sexualité, à l'identité de genre, aux droits fondamentaux et aux discriminations. La prévention exige des moyens humains et financiers, qui ne sont pas suffisamment au rendez-vous. Il faudra donc, et nous nous engageons à le faire, remettre l'ouvrage sur le métier pour combler ces lacunes.