En tant que rapporteur d'application de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, issue des travaux d'une mission d'information dont Laurence Vanceunebrock et moi-même étions corapporteurs, je veux rendre hommage au courage des personnes qui ont osé briser le silence et témoigner publiquement des violences psychologiques et parfois des tortures dont elles ont été victimes. Leur travail acharné a permis de mettre en lumière un sujet méconnu, dont de nombreuses personnes ignoraient même l'existence. C'est grâce aux associations que cette proposition de loi transpartisane, qui fait l'objet d'un large consensus au sein des groupes politiques, a été inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.
Je salue la présence dans l'hémicycle d'un représentant du collectif « Rien à guérir ». Rien à guérir : c'est la formule la plus exacte et la plus définitive que l'on puisse employer à propos de l'homosexualité, de la bisexualité et de la transidentité. Il n'y a rien à guérir.
Les « thérapies » de conversion, ces pratiques odieuses qui prétendent guérir l'homosexualité ou la transidentité, ne sont pas des pratiques qui appartiennent à un passé lointain et révolu ou propres à des pays particulièrement rétrogrades : elles existent aujourd'hui en France ; pis encore, elles sont en expansion.
De telles pratiques sont dangereuses et destructrices et touchent plus particulièrement les adolescents LGBTI, qui, comme tous ceux de leur âge, sont en pleine construction. Imaginez un instant ce que ces jeunes gens subissent : à l'âge des premières amours et des désirs naissants, ils voient leur vie intime et amoureuse réprimée. On essaie de leur faire croire qu'ils sont malades, puisqu'on veut les guérir, et qu'ils ne doivent pas être eux-mêmes, puisqu'on cherche à ce qu'ils soient différents. Les thérapies de conversion attaquent directement l'identité de la personne. Elles détruisent la confiance en soi et sabotent la vie affective et sexuelle au moment où elle se construit. Quand elles se déroulent dans un cadre familial ou sont décidées par les familles, elles sont particulièrement destructrices.
Il faut donc y mettre un point d'arrêt, ici et maintenant. Non, l'orientation sexuelle et l'identité de genre ne sont pas un choix ; ce sont des faits. Non, l'orientation sexuelle et l'identité de genre ne sont pas une maladie ; ce sont des faits. Elles ne sont pas non plus une mode née d'une prétendue propagande LGBTI. Elles constituent une partie essentielle de la personnalité que rien ne peut effacer, que rien ne peut changer, quand bien même la personne elle-même le voudrait. L'unique résultat de ces pratiques est la souffrance infinie qu'elles engendrent chez les victimes de ne pas pouvoir être elles-mêmes. Personne, jamais, ne doit subir cela.
La République n'est pas un régime neutre : elle offre la possibilité aux êtres humains de construire leur vie comme bon leur semble et comme ils l'entendent. La République permet à chacun de s'émanciper et de s'arracher aux déterminismes. C'est donc à elle de protéger les personnes LGBTI, en particulier les jeunes, des tentatives abjectes de les empêcher de vivre leur vie affective ou leur identité de genre.
La loi punit les discriminations et les propos LGBTQIphobes, mais ils sont encore insuffisamment réprimés. Deux cent trente années après l'abolition du crime de sodomie par la Révolution française, il est temps, enfin, d'interdire les thérapies de conversion. En cette matière comme en tout autre, la République doit assurer la liberté, l'égalité et la fraternité qui fondent notre devise républicaine, si justement formulée par Maximilien Robespierre.
Liberté, évidemment, car chacun doit être libre de vivre sa vie comme il l'entend, avec qui il l'entend.
Égalité, bien sûr, car il faut l'égalité des droits, indépendamment de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre. Or cette égalité n'est pas encore garantie totalement par la loi car le Gouvernement a maintenu une discrimination à l'égard des personnes LGBTI dans l'accès à la PMA (procréation médicalement assistée) et dans l'établissement de la filiation. D'autres discriminations insidieuses perdurent pour ces personnes, qu'il s'agisse de l'adoption, de l'embauche ou de l'accès au logement.
Fraternité, enfin, grâce à cette proposition de loi visant à punir les personnes qui voudraient empêcher la liberté et l'égalité. Il n'y a pas de fraternité possible quand on essaie d'empêcher les uns d'aimer les autres et quand on veut les « guérir » de leur amour. Il n'y a pas de fraternité possible quand des couples n'osent pas se tenir la main dans la rue de peur d'être agressés et adoptent toute leur vie des stratégies d'évitement. Seule une application rapide, ferme et résolue de la proposition de loi permettra de renforcer la fraternité dans notre pays.
En tant que rapporteur d'application de la proposition de loi, je serai particulièrement vigilant quant à la mise en œuvre de ce texte. Évitons que le vote de l'Assemblée ne soit pas suivi d'une lecture au Sénat et que le texte s'enlise dans une navette de fin de mandat. Soyez assurés que je serai particulièrement attentif à l'application effective de la proposition de loi.