Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du mardi 5 octobre 2021 à 15h00
Interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Les thérapies de conversion, qui n'ont de thérapie que le nom, ont pour objectif de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne contre son gré. Elles sont souvent réalisées sur des enfants et imposées par leurs proches, le plus souvent pour des croyances, des motifs religieux ou encore des motifs sociétaux. Les personnes victimes sont soumises à des entretiens psychologiques dégradants ou à des pratiques douteuses comme des prières de guérison. Mais ces actes peuvent aussi aller jusqu'à des violences physiques : traitements par électrochocs, injections d'hormones ou, dans certains cas, pratiques exorcistes.

Toutes ces pratiques, dans leur déroulement, sont d'une violence sans nom ; elles laissent des séquelles psychologiques et physiques lourdes aux personnes qui les subissent. Il est totalement anormal que de telles pseudo-thérapies de conversion existent encore en France, alors qu'il est prouvé depuis des décennies qu'elles ne reposent sur aucune base scientifique – puisqu'il n'y a rien à guérir.

Le groupe indépendant d'experts de médecine légale estime que proposer des thérapies de conversion constitue une forme de tromperie, de publicité mensongère et d'escroquerie. Un rapport des Nations unies les qualifie même de tortures, et considère qu'elles entraînent des risques élevés de troubles mentaux, de dépression et de suicide. Ajoutons que, selon une étude américaine réalisée en 2019 auprès de 28 000 personnes transgenres, celles qui ont subi une thérapie de conversion dès l'enfance encourent un risque de suicide quatre fois supérieur au groupe témoin. La décision d'infliger de telles thérapies à un enfant comporte des risques graves pour sa santé, et n'est en aucun cas conforme au principe de son intérêt supérieur.

La proposition de loi vise à interdire de telles pratiques de manière explicite, en définissant juridiquement les thérapies de conversion et en créant une peine de deux ans d'emprisonnement pour ceux qui les infligent. Les médecins prétendant pouvoir modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne s'exposeront à la même peine, et pourront se voir interdits d'exercer. Il est absolument nécessaire d'inscrire ces interdictions dans la loi, pour mettre un coup d'arrêt net à la propagation de tels actes. En effet, bien qu'elles soient aussi cruelles qu'inutiles, les thérapies de conversion seraient en croissance en France – c'est ce que démontrent les journalistes Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre dans leur livre Dieu est amour. Infiltrés parmi ceux qui veulent « guérir » les homosexuels, publié en 2019 après deux ans d'enquête.

Je salue l'engagement de nos collègues Bastien Lachaud et Laurence Vanceunebrock, grâce auxquels nous examinons cette proposition de loi. En tant que corapporteurs de la mission flash sur les pratiques prétendant modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, ils ont auditionné de nombreuses personnes concernées par ces actes. Je tiens à les remercier pour la qualité de leurs travaux. Si la mission a eu des difficultés à estimer précisément l'ampleur du phénomène, elle a néanmoins relevé qu'il était en hausse, avec plus d'une centaine de cas portés à sa connaissance – mais combien d'autres restent cachés et en souffrance ?

Plusieurs institutions internationales – les Nations unies, mais aussi le Parlement européen – ont appelé les États à légiférer pour interdire ces traitements. Certains pays européens ont déjà franchi le pas – l'Allemagne et Malte ont inscrit l'interdiction dans leur loi –, tandis que d'autres, comme la Belgique, les Pays-Bas et la France, ont entamé un processus législatif en ce sens. Il convient d'aller au bout de la démarche en adoptant le présent texte. Je tiens à saluer la persévérance de Mme la rapporteure, qui a permis qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de notre Assemblée après plusieurs reports.

Cette proposition de loi envoie un signal fort et essentiel. Elle affirme une fois pour toutes une évidence qui, malheureusement, doit encore être rappelée : l'homosexualité, tout comme la transidentité, n'est pas une maladie ; l'orientation sexuelle ne se change pas et ne se guérit pas – la transidentité non plus. Chaque individu est libre de son identité de genre et de son orientation sexuelle. En aucun cas il n'est envisageable de transformer ce qu'il y a de plus profond chez un individu, pour le conformer à une quelconque morale religieuse ou sociétale. De telles actions sont stigmatisantes et violentes ; elles sont contraires aux droits humains les plus fondamentaux et aux principes mêmes de notre République. Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et territoires votera ce texte.

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