Intervention de Christophe Euzet

Séance en hémicycle du mardi 5 octobre 2021 à 15h00
Interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

Je souhaite, avant toute chose, rendre grâces aux propos tenus au début de nos échanges par Mme la ministre déléguée, qui a mis l'accent avec beaucoup de force sur la gravité du texte qui nous occupe, et m'associer aux compliments adressés aux deux rapporteurs, Bastien Lachaud et Laurence Vanceunebrock, pour la mission flash qu'ils ont accomplie et qui porte à notre attention une thématique et un texte d'une importance et d'une gravité toutes particulières. En effet, l'identité de genre, l'identité transgenre et l'homosexualité seraient envisagées par certains comme une maladie curable dont on pourrait venir à bout par une intervention sur le corps ou sur l'esprit de la personne concernée : en découlent diverses théories et pratiques, pseudo-thérapies de conversion apparues aux États-Unis dans les années 1950 et qui prétendent modifier ou réprimer – ou plutôt : modifier en les réprimant – l'orientation sexuelle ou l'identité de genre de certaines personnes.

Avec le texte qui nous est proposé, il n'est nullement question de l'accompagnement bienveillant qui peut viser des personnes en souffrance psychique ou psychologique, mais il s'agit bien de dénoncer et, potentiellement, de sanctionner des pratiques d'une horreur déroutante, qui se déroulent dans un cadre religieux, pseudo-médical ou familial. En octobre 2021, nous apprenons que ces pratiques tendent à gagner en intensité dans notre pays – on a évoqué les propos infamants, les pressions psychologiques, les séances d'exorcisme ou les retraites spirituelles, les séances d'hypnose et, bien au-delà encore, les agressions physiques, les traitements hormonaux ou les séances d'électrochocs, qui doivent susciter notre horreur collective.

A également été évoquée la progression dans le monde de plusieurs dispositifs collectifs, comme ceux qui ont cours à Malte ou au Royaume-Uni, ou qui sont en cours de discussion en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Belgique. Il faut citer aussi les rapports des Nations unies et, bien évidemment, la mission flash qui nous vaut de nous réunir aujourd'hui après un processus législatif qui a donné lieu en commission à des discussions d'une teneur très positive. Il s'agit en effet de dépasser le cadre législatif existant et les difficultés que l'on rencontre aujourd'hui, malgré les dispositifs en vigueur, pour caractériser une infraction. On sait en effet que le harcèlement moral ou sexuel, l'abus de faiblesse, la violence, la discrimination et l'exercice illégal de la médecine sont des qualifications qui permettent déjà de sanctionner certaines infractions, mais elles ne permettent pas toujours aux victimes potentielles d'en faire la démonstration, ce qui les pousse parfois à renoncer à recourir à l'instrument juridictionnel.

Le dispositif qui nous est proposé présente des atouts majeurs. D'abord, il définit juridiquement la thérapie de conversion et crée une infraction spécifique. Il ajoute les thérapies de conversion aux circonstances aggravantes définies par l'article 132-77 du code pénal et interdit, sous toutes leurs formes, les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre dans le système de santé.

On pourra s'interroger sur la pertinence du retrait de l'exigence de la remise d'un rapport par le Gouvernement. Je veux croire toutefois que la sagesse de l'Assemblée que nous représentons nous permettra de recourir à des missions d'information et que les annonces faites par la ministre déléguée offrent une sécurité suffisante pour nous convaincre que cette question sera suivie de près.

Cependant, le contenu détaillé du texte n'est peut-être pas l'essentiel car, en matière de lutte contre les discriminations, la question probatoire, qui demeure toujours centrale, est une grande difficulté, et l'intérêt majeur de ce texte est qu'il définit l'infraction en vue de modifier les comportements, en faisant dire à la loi que c'est la société qui dit non. Ce combat que nous menons ensemble aujourd'hui nous honore collectivement. Il est peut-être symbolique, mais c'est une symbolique forte, l'exercice d'une liberté fondamentale, l'exigence d'une égalité de tous et la promesse d'une fraternité entre tous. C'est pourquoi le groupe Agir ensemble votera la proposition de loi.

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