Les bibliothèques constituent le premier équipement culturel public de proximité en France, tant en nombre – 16 500 établissements – que par l'importance et la diversité des publics qu'elles accueillent – elles comptent environ 12 millions d'usagers. Près de 13 000 collectivités territoriales, communes, intercommunalités ou départements, font vivre ces lieux de culture et d'éducation sur l'ensemble du territoire, en consacrant chaque année près de 1,7 milliard d'euros à ce service public. Grâce à elles, plus de 85 % des Français ont accès à une bibliothèque dans leur commune.
L'État prend part à cet effort en faveur des bibliothèques et de la lecture publique. Outre les bibliothèques universitaires, il gère deux bibliothèques nationales que sont la Bibliothèque nationale de France (BNF) et la Bibliothèque publique d'information (BPI). Il accompagne aussi les collectivités territoriales pour les aider à moderniser leurs bibliothèques et à maintenir la vitalité de la lecture publique.
Le partenariat noué autour des bibliothèques entre les collectivités territoriales et l'État est de mon point de vue remarquable. Alors que la lecture a été déclarée « grande cause nationale », le présent quinquennat restera un moment particulièrement fort de cette relation. Sur la base du diagnostic posé par Érik Orsenna en 2018, les collectivités territoriales et l'État ont renforcé leur collaboration pour étendre les horaires d'ouverture des bibliothèques, diversifier leurs missions et accompagner la formation des professionnels. Grâce au plan pour les bibliothèques qui en est issu, l'État a accru les moyens alloués aux collectivités au moyen de la dotation générale de décentralisation (DGD), du plan de relance et d'une politique de contractualisation renforcée.
Une vraie dynamique est née et les résultats sont là : entre 2016 et aujourd'hui, plus de 710 communes ont vu leurs médiathèques étendre leurs heures d'ouverture de huit heures trente par semaine. Près de 11,5 millions de Français peuvent ainsi bénéficier d'un service accru, notamment dans les territoires les plus fragiles.
Ce « moment bibliothèque » trouve aujourd'hui sa concrétisation sur le plan législatif, par l'initiative d'une proposition de loi qui permettra enfin de consacrer le rôle essentiel de nos bibliothèques dans le code du patrimoine. Bien que le secteur des bibliothèques n'échappe pas – bien entendu – au droit, il est étonnant de relever la faiblesse de sa présence dans notre corpus législatif. Là où le code du patrimoine accorde plus de soixante articles de loi aux archives et trente aux musées, cinq seulement le sont aux bibliothèques.
La pauvreté relative de ce cadre législatif a suscité depuis des décennies nombre de débats parmi les professionnels – mais pas seulement parmi eux – quant à la nécessité ou non de légiférer sur les bibliothèques. Plusieurs tentatives ont été menées, mais elles n'ont pas abouti. Je crois qu'est venu le moment de faire pleinement entrer les bibliothèques dans le droit, grâce à un texte qui présente plusieurs avancées.
Premièrement, il permet de rappeler que les missions culturelles, éducatives, sociales et ludiques des bibliothèques s'inscrivent dans le respect des principes de pluralisme des courants d'idées et d'opinion et de neutralité du service public. Plus que jamais, les bibliothèques doivent demeurer des espaces de liberté et des lieux de respiration démocratique ; leurs professionnels doivent être protégés de la censure comme de toute pression politique, religieuse ou sociale. Leurs collections doivent refléter la diversité des opinions.
Deuxièmement, les bibliothèques doivent rester accessibles à tous, librement et gratuitement. Il est important que la loi entérine un principe qui fait consensus et qui constitue l'une des conditions cardinales du succès des bibliothèques et de leur mission.
Troisièmement, la loi accompagne la montée en puissance des collaborations entre collectivités territoriales, tout en respectant leur libre administration et en réaffirmant le rôle ô combien essentiel des bibliothèques départementales en soutien aux petites bibliothèques, notamment rurales.
L'examen du texte en commission des affaires culturelles et de l'éducation a permis de l'enrichir, notamment en complétant la mission des bibliothèques en matière de médiation culturelle et de respect du principe de mutabilité, et en autorisant les bibliothèques de l'État et des collectivités territoriales à revendre les livres dont elles n'ont plus l'usage et appartenant au domaine privé, en particulier à des fondations, à des associations philanthropiques ou à des entreprises de l'économie sociale et solidaire. De tels apports sont bienvenus. Ces avancées prennent la forme d'un texte attendu, qui est de nature à faire l'objet d'un large consensus, à l'image de celui qui existe s'agissant du rôle des bibliothèques, si chères à nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement soutient sans réserve l'esprit et la lettre de la proposition de loi de Sylvie Robert – dont je salue la présence dans les tribunes – relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique. Je m'étais engagée auprès du Sénat en juin dernier à une poursuite rapide du processus législatif d'examen du texte ; je me réjouis qu'il soit discuté cet après-midi dans votre hémicycle et j'espère qu'il fera, comme en commission il y a quelques jours, l'objet d'un soutien large sur l'ensemble de ses bancs.