S'il est nécessaire d'édicter des règles, nous voudrions éviter la stigmatisation. Or nous avons le sentiment que ces projets de loi concernent spécifiquement les parlementaires. Pourtant, moraliser et réguler la vie politique, renforcer la confiance, toutes choses qui sont pour nous une ardente obligation, exige d'aller beaucoup plus loin et de légiférer de manière plus large que ce que vous proposez. J'ajoute que nous n'avons pas découvert hier cette ardente obligation puisque, depuis 1985, elle a motivé pas moins de trente et un textes.
Je rejoins par ailleurs Cécile Untermaier au sujet des conditions dans lesquelles nous examinons ce texte. On confond vitesse et précipitation : la rapporteure évoquait un texte symbolique, mais ici nous faisons du droit, ce qui exige du temps et de la sérénité. Au contraire, il a fallu procéder à nos auditions, alors que les textes étaient déjà en discussion au Sénat, avant que nous le récupérions le 14 juillet, à la veille du week-end. Certes, nous pouvons travailler jour et nuit, mais nos collaborateurs – sur le statut desquels je reviendrai – ne sont pas nécessairement disponibles. Pour citer quelqu'un, il aurait fallu donner du temps au temps…
En ce qui concerne à présent le fond, on est loin, avec ces projets de loi, du « grand soir », tel qu'on nous l'avait annoncé pendant la campagne électorale. Ils sont partiels – pour ne pas dire partiaux – et leur définition de l'élu se limite au parlementaire. Or, il aurait fallu aller au-delà et s'intéresser aux élus locaux. Cela aurait été une bonne occasion de créer un statut des élus locaux – sujet sur lequel Philippe Doucet et moi-même avons travaillé sous la précédente législature – qui leur permettrait de concilier vie professionnelle et mandat, mais également d'attirer de jeunes talents.
Par ailleurs, la vie publique ne se limite pas à mes yeux à la vie parlementaire. Elle englobe également le syndicalisme, le mouvement associatif, les fondations, tous ces organismes qui, d'une façon ou d'une autre, et sans jeter l'opprobre sur eux, reçoivent des fonds publics, parfois sans contrôle très rigoureux. Je m'étonne donc que l'on n'en parle pas ici.
D'autre part, ces textes révèlent une méconnaissance du travail parlementaire et du métier de représentant de la Nation. Nous voulons être des élus ancrés dans leur territoire, présents sur le terrain, à Paris comme dans nos circonscriptions, ce qui suppose notamment d'être à l'écoute du monde associatif et des collectivités. Cela m'amène à la suppression de la réserve parlementaire à laquelle le Sénat a tenté de trouver un palliatif, mais qui n'est qu'un palliatif. En effet, le député se trouvera entièrement nu face aux associations ou aux collectivités qui viendront le trouver pour des conseils ou des encouragements ; il n'aura que des encouragements symboliques à leur prodiguer et devra, pour les financements, les renvoyer au préfet ou à tel ou tel organisme. Du reste, dans la formule retenue par le Sénat, je constate qu'il vaut mieux être une association dédiée à l'éducation ou à la culture en faveur des Français de l'étranger – ce qui est, par ailleurs, tout à fait respectable – plutôt qu'une association qui se consacre aux Français « de l'intérieur » – Hexagone ou outre-mer. Il y a là une rupture d'égalité, qui crée dans notre pays des citoyens de seconde zone, ce qui est regrettable et qui témoigne que vous n'avez pas compris que la réserve parlementaire n'était rien d'autre qu'une manière de mettre « un peu de beurre dans les épinards » en s'affranchissant des règles parfois un peu contraignantes qui régissent la vie des collectivités.
Il me paraît tout aussi normal que les parlementaires voient leurs moyens contrôlés, mais faut-il pour autant instaurer un contrôle tatillon ? Tous les week-ends, nous arpentons nos circonscriptions, parcourant braderies, vide-greniers ou autres comices agricoles, auxquels il est de bon ton de participer, offrant à l'occasion un apéritif. Il faudra m'expliquer comment exiger alors des factures en bonne et due forme du comité des fêtes local…
Enfin, je m'étonne que l'on ne parle pas davantage des collaborateurs. Au-delà de la question – que je ne sous-estime pas – des emplois familiaux, nos collaborateurs méritent mieux que d'être traités comme des Kleenex. Or leurs conditions de licenciement ne sont pas bien précisées et restent assez défavorables. De surcroît, nous avions l'occasion de nous saisir ici de la question du statut de ces collaborateurs, dont il n'est pourtant dit mot.
Nous sommes donc face à des projets qui, malgré leur intérêt, présentent bien trop de lacunes pour être à la hauteur de ce qui nous était promis.