Nous étudions aujourd'hui la proposition de loi visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs, déposée par notre collègue sénatrice du groupe Les Républicains Laure Darcos, que je tiens à remercier pour sa présence cet après-midi comme pour son engagement, depuis des années, en faveur du livre, tant par sa profession que par son mandat sénatorial.
Cette proposition de loi marque un tournant. Elle a été adoptée à l'unanimité par le Sénat, comme par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, où je veux remercier Constance Le Grip d'avoir porté la voix de notre groupe.
Proust disait : « Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. L'ouvrage de l'écrivain n'est qu'une espèce d'instrument optique qu'il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que sans ce livre, il n'eût peut-être pas vu en soi-même. » Proust avait raison. Le livre est bien plus qu'un ensemble de pages imprimées. Un livre, c'est une essence, c'est une part de l'écrivain, et à travers celui-ci une part de nous-mêmes. Les libraires ont ce goût du livre et savent le transmettre. Ils sont les gardiens du temple et il est de notre responsabilité de préserver leur savoir-faire et leur économie.
Cette proposition de loi est une nouvelle étape, dans la lignée de la loi Lang du 10 août 1981, déjà citée, qui a marqué l'économie du livre en instaurant le prix unique, avec la seule possibilité d'une application de remise de 5 % – le véritable critère de différenciation étant la qualité du service.
Force est de constater que cette équité est mise à mal par l'ubérisation de notre société, qui touche tous les secteurs. Le phénomène de l'e-commerce, avec la livraison à domicile, s'est développé et certaines plateformes ont utilisé les frais de livraison pour se distinguer des librairies indépendantes : elles ont commencé à livrer des livres sans faire payer les frais de livraison. Une concurrence déloyale s'exerce ainsi au détriment des libraires, qui ne peuvent pratiquer une telle gratuité.
Une loi de 2014, votée à l'initiative du groupe UMP, a tenté de corriger ce problème en prohibant la gratuité des livraisons, mais ce n'est pas suffisant : cette disposition est contournée par une quasi-gratuité de frais de livraison des livres que ne peuvent envisager les librairies indépendantes.
L'objectif principal de cette proposition de loi est donc d'instaurer un tarif minimum pour la livraison des livres, afin de restaurer le principe d'équité et de préserver l'attractivité de nos librairies face aux plateformes en ligne, dans une branche du commerce qui figure déjà parmi les moins rentables. C'est une cause qui fait consensus au sein du Parlement.
L'ensemble de la représentation nationale dit d'une même voix : nos librairies sont une richesse, un élément essentiel de notre modèle culturel, faisant vivre la littérature et démocratisant l'accès à la culture. Cette richesse, ce sont 3 300 librairies indépendantes, qui emploient 13 000 salariés.