L'État mène donc une politique paradoxale : il subventionne la filière française et, par l'intermédiaire de son administration, achète hors de France. Selon Christian Curel, président du Syndicat national des fabricants français de masques, si les entreprises nationales ont bien une capacité hebdomadaire de production de 100 millions de masques, elles ne tournent qu'au tiers de leur capacité. Il lance donc un appel aux pouvoirs publics : « Si nous continuons [à appliquer les règles actuelles en matière de marchés publics], cette filière qui a été subventionnée va devoir s'arrêter. »
Il devient donc impératif de recentrer les critères de sélection des appels d'offres sur la qualité, la sécurité de l'approvisionnement, des réapprovisionnements rapides et l'aspect environnemental, plutôt que sur l'unique critère de prix. Tant que le prix demeurera le critère le plus important, les fabricants français seront pénalisés au profit des Chinois, dont les produits sont 20 % à 30 % moins chers. À l'heure du plan climat, où l'approche écologiste est le devoir de chacun d'entre nous, il est impensable que le prix reste le premier critère d'attribution des marchés. Comment parler d'écologie tout en important du bout du monde ce que nous savons produire nous-mêmes ? Durant la seule année 2020, la France a dépensé près de 5,9 milliards pour l'achat de masques, dont 84 % provenaient directement de Chine.
La mise en place de politiques publiques entraînerait de nombreux bienfaits : contribution à la réindustrialisation de la France et à la création d'emplois ; sécurisation de nos approvisionnements en produits sanitaires stratégiques en cas de pandémie ; réduction de notre empreinte environnementale ; stabilité des prix pour les consommateurs quel que soit le contexte sanitaire. En outre, les représentants du secteur plaident pour que les masques de protection sanitaire continuent de bénéficier d'un taux de TVA de 5,5 % après le 31 décembre 2021, d'autant que, selon toute vraisemblance, la pandémie ne sera pas terminée à cette date. Enfin, ils demandent à l'État de renforcer les contrôles sur les masques importés et de responsabiliser davantage les importateurs.
Ces quelques mesures devraient retenir l'attention du Gouvernement et s'inscrire dans une démarche plus globale de réindustrialisation des secteurs stratégiques et de recyclage des déchets. En concertation avec les filières concernées, les parlementaires et les élus locaux, l'État s'engagerait alors à élaborer dans les plus brefs délais une stratégie d'ensemble visant à relocaliser et à créer une filière française de production et de recyclage des masques de protection sanitaire. C'est pourquoi je vous demande, chers collègues, de bien vouloir adopter cette proposition de résolution.