Nos collègues du groupe Les Républicains proposent au Gouvernement de réfléchir à la mise en œuvre d'une stratégie globale visant tout à la fois à relocaliser et à créer une filière de production et de recyclage des masques de protection sanitaire. Le texte aborde en réalité deux sujets distincts : celui de la pérennisation de la production industrielle de masques sanitaires sur le territoire national et celui du développement par d'autres acteurs d'une filière de recyclage.
La relance de la filière française de production de masques sanitaires est un enjeu de souveraineté industrielle, de sécurité sanitaire et de réduction de notre empreinte carbone. Il suffit pour s'en convaincre de nous souvenir des difficultés rencontrées lors des premières semaines de la pandémie, alors que, faute de stocks stratégiques, nous dépendions étroitement des commandes chinoises : des soignants privés d'équipements pendant des semaines, des ruptures d'approvisionnement, des commandes réorientées brutalement vers des acheteurs proposant un prix plus élevé, un acheminement de commandes qui aura nécessité de mars à juin 2020 pas moins de quarante-huit rotations aériennes à partir de Shanghai ou de Shenzhen.
Tout cela a entraîné des dépenses exorbitantes puisqu'ainsi que le rappelait un rapport sénatorial publié le 15 juin 2020, le total des commandes portant sur 3,82 milliards de masques, achetés principalement en Chine, aura représenté un coût de 2,78 milliards d'euros. Nous aurions pu nous épargner ces graves retards, ces surcoûts faramineux, si l'État n'avait pas fait le choix dans la période précédente de réduire drastiquement les volumes de stocks de masques et d'atrophier la production sur le sol national.
Dans les mois qui ont suivi la survenue de la pandémie, le Gouvernement a posé les jalons d'une reconstruction de la filière nationale de production en accompagnant la filière par la commande publique. La production hebdomadaire française s'élevait ainsi à 77 millions de masques en octobre 2020, puis 100 millions au premier trimestre de 2021, contre 3,5 à 4 millions d'unités en mars 2020. Le nombre d'entreprises productrices a grimpé quant à lui, passant de quatre, en janvier 2020, à une trentaine aujourd'hui.
L'enjeu est désormais de pérenniser une filière qui continue de souffrir de la concurrence asiatique et qui nous alerte sur la nécessité de mettre d'urgence à contribution la commande publique, en recentrant les critères de sélection des appels d'offres sur la qualité, la sécurité d'approvisionnement et l'aspect environnemental, loin du seul critère du prix.
Les représentants du secteur plaident encore pour le maintien à 5,5 % du taux de TVA sur les masques de protection sanitaire au-delà du 31 décembre de cette année, pour le renforcement des contrôles des masques importés et pour la responsabilisation des importateurs.
La mise en place et le développement d'une filière efficace de recyclage répondent à d'autres enjeux, au premier rang desquels la réduction de l'impact sur l'environnement des masques usagés. L'Agence pour la diffusion de l'information technologique (ADIT) évalue en effet l'utilisation annuelle de masques jetables en France entre 6,8 milliards et 13,7 milliards d'unités, soit une quantité de déchets plastiques représentant 40 000 tonnes par an, selon la direction générale de prévention des risques.
Nos collègues Danielle Brulebois et Gérard Leseul ont conduit en janvier dernier une mission flash qui a permis de faire le point sur la question. Ils ont insisté sur le coût économique très peu incitatif de la valorisation de ces déchets et recommandé, en conséquence, de privilégier pour le recyclage les circuits courts, à l'échelle d'un territoire. Ils ont également mis en relief la nécessité de développer les partenariats entre les collectivités et les entreprises de l'économie sociale et solidaire, qu'il s'agisse de coopératives d'intérêt collectif, d'entreprises d'insertion ou d'entreprises intermédiaires disposant de capitaux suffisants pour investir. Ce sont autant de projets pour lesquels il est nécessaire d'accroître, là encore, le soutien et l'accompagnement public en mobilisant le fonds « économie circulaire » de l'Agence de la transition écologique (ADEME), la Banque des territoires, et en multipliant les appels à projets.
Si nous ne pouvons évidemment que souscrire aux objectifs de cette proposition de résolution, nous regrettons que ses auteurs n'aient pas privilégié le véhicule d'une ou deux propositions de loi, ce qui nous aurait permis de débattre de dispositions concrètes, telles que les critères des appels d'offres, le taux de TVA sur les masques, les normes de production et de traçabilité, l'accompagnement public de la filière de recyclage. Le foisonnement des initiatives et des recommandations invitait en tout état de cause à ne pas en demeurer au stade des généralités. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine se prononcera néanmoins en faveur de cette proposition de résolution.