Je tiens à prendre le temps de répondre à Mme Louwagie, qui est engagée depuis longtemps sur cette question et a rappelé, avec bienveillance, que nous avions fait évoluer ensemble ce dispositif en l'améliorant et en le simplifiant, notamment lors de la loi PACTE.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cette mesure. Dans la droite ligne de ce que vient de dire le rapporteur général, je développerai plusieurs arguments.
Tout d'abord, votre mesure rendrait l'engagement collectif facultatif, dès lors que l'héritier, donataire ou légataire, respecterait un engagement individuel d'une durée allongée à six ans. Or nous rappelons que l'objectif du pacte Dutreil est d'assurer la stabilité de l'actionnariat, avant mais aussi après la transmission de l'entreprise, et sa pérennité autour du noyau dur d'actionnaires. C'est bien pourquoi le dispositif impose un engagement collectif puis individuel de conservation.
Deuxièmement, cet amendement, tel qu'il est rédigé, n'impose pas d'engagement collectif et – c'est l'objet d'un autre désaccord entre nous – ne pose plus de conditions permettant de caractériser la transmission d'une entreprise dont il s'agit d'assurer la pérennité. Il n'impose pas non plus l'exercice de fonction de direction après la transmission pour bénéficier de l'exonération. Cela dénature le pacte Dutreil en permettant la transmission de titres par des investisseurs passifs, ce qui va à rebours des objectifs poursuivis par le dispositif. L'exonération importante, 75 %, perdrait alors toute justification.
Le Conseil constitutionnel, je le rappelle, a déjà censuré une exonération de 50 % des droits d'enregistrement dus sur les donations de titres constitutifs de biens professionnels conservés pendant cinq ans par leur bénéficiaire. Il a en effet jugé qu'une telle exonération, si elle n'est pas assortie de l'exigence que les bénéficiaires exercent une fonction dirigeante au sein de l'entreprise, ne comportait pas de contrepartie cohérente avec l'objectif poursuivi. À la lumière de cette décision du Conseil constitutionnel, la mesure que vous proposez présente un fort risque d'inconstitutionnalité, pour les mêmes motifs.
Enfin – pardonnez cette argumentation détaillée, mais il me semble que la question le mérite –, le dispositif existant me semble suffisamment souple. En effet, comme vous le savez, si le chef d'entreprise n'anticipe pas la transmission, les héritiers ou légataires peuvent souscrire, entre eux ou avec d'autres associés, un engagement collectif de conservation dit post mortem dans les six mois qui suivent son décès. La suppression de cette faculté, qu'entraînerait l'adoption de votre amendement, me semblerait surprenante, car elle ne permettrait en rien de favoriser le dispositif d'exonération partielle de droits de mutation, contrairement à ce que vous indiquez – et contrairement, je le crois, à ce que vous souhaitez sincèrement.
Par ailleurs, l'engagement collectif peut être réputé acquis – vous connaissez également cette possibilité – si l'ensemble des conditions liées à cet engagement étaient de facto remplies depuis au moins deux ans.
Pour toutes ces raisons – pardon d'avoir pris un peu de temps pour répondre, mais l'enjeu le justifiait –, j'émets un avis défavorable.