Monsieur le Premier ministre, pour la deuxième fois consécutive, Pierre Alessandri, l'un des trois membres du commando dit Érignac, vient de se voir refuser une libération conditionnelle en appel. Il a effectué sa peine et a même dépassé de plus de quatre ans la période de sûreté de dix-huit ans à laquelle il avait été condamné. À chaque fois, son projet de réinsertion est validé par tous les experts et toutes les commissions locales de l'administration pénitentiaire, de même que par les juges en première instance. Le parquet national antiterroriste (PNAT) a cependant fait appel à chaque fois, pour aboutir in fine à un refus obstiné.
Le motif invoqué cette fois-ci par la cour d'appel de Paris, « trouble à l'ordre public ayant déstabilisé durablement les institutions de la République », démontre que le traitement du prisonnier Alessandri est, à l'instar de celui réservé à Alain Ferrandi et à Yvan Colonna, politique et motivé par une vengeance aujourd'hui décomplexée. Cette même logique vous avait déjà conduit en janvier dernier, monsieur le Premier ministre, à refuser la levée, pourtant fondée, du statut de détenu particulièrement signalé (DPS), empêchant ainsi tout rapprochement dans l'île et pénalisant encore les familles par la double peine.
Toute la Corse respecte profondément la douleur de la famille Érignac, mais respecter la douleur des familles endeuillées ne peut conduire en aucun cas à accepter la vengeance d'un État profond, qui fait tout pour qu'au détriment des droits les plus élémentaires de ces hommes et de leurs familles, une peine de mort déguisée se cache derrière une perpétuité réelle et à tout prix. Montesquieu écrivait qu'il n'y avait point « de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice. » Alors que nous venons de célébrer le quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort, la tyrannie et la haine manifestées dans ce dossier viennent scier les fonts baptismaux des principes démocratiques et républicains.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous permettre le transfert de ces hommes en Corse, de même que l'exercice de leur droit à la réinsertion ? Quand allez-vous tourner le dos à la vengeance et à la haine pour consolider enfin les voies de la paix construites dans l'île ?