La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mardi dernier, Adrien Quélin, maréchal des logis du 4
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.
C'est avec une profonde tristesse que nous avons appris cette douloureuse nouvelle qui, une fois encore, vient endeuiller l'armée française.
J'adresse, au nom de la représentation nationale, mes plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches, ainsi qu'à ses camarades militaires. Je vous invite à observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
Avant d'aborder les questions au Gouvernement, je souhaite exprimer l'émotion de l'Assemblée nationale à la suite du décès de David Amess, membre de la Chambre des communes britannique, assassiné vendredi alors qu'il tenait une permanence, dans sa circonscription. En cette circonstance dramatique, j'ai adressé de notre part à tous un message de condoléances et de solidarité au président Lindsay Hoyle et à nos collègues britanniques.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.
Ma question, à laquelle j'associe ma collègue Isabelle Santiago, s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
L'inclusion systématique des élèves en situation de handicap en milieu ordinaire, la dégradation des conditions de travail des accompagnants d'élèves en situation de handicap – AESH –, avec la création des pôles inclusifs d'accompagnement localisé – PIAL –, et la diminution des places en milieu spécialisé ont des répercussions sur le travail des AESH, mais aussi des professeurs des écoles et des élèves.
Nous vous avions déjà alertés sur la crise des unités localisées pour l'inclusion scolaire – ULIS –, qui n'a guère été résolue alors qu'une nouvelle rentrée scolaire vient de se dérouler. La preuve a encore été faite que les moyens alloués ne permettent pas de respecter vos engagements en matière d'école inclusive dans les ULIS et dans bon nombre d'établissements scolaires.
L'inclusion des enfants souffrant de handicap ne peut passer que par la prise en considération des conditions de travail de ceux qui les accompagnent, les AESH, sans qui la scolarisation des enfants porteurs de handicap ne serait pas possible au quotidien. Pourtant, ces accompagnants sont dans une situation de précarité inacceptable : contrats à temps partiel, contrats courts, salaires de misère. Si je prends le cas de l'académie de La Réunion, la majorité des contrats prévoient une durée de travail hebdomadaire entre dix-huit et vingt et une heures. Les contrats prévoyant vingt-quatre à trente-cinq heures de travail hebdomadaire sont très rares. Il faut aussi souligner un manque cruel de formation, des affectations de dernière minute ; bref, leur statut est incertain.
Monsieur le ministre, vous le savez mieux que quiconque, l'école inclusive, c'est de reconnaître que tous les enfants, sans aucune distinction, partagent la capacité d'apprendre et de progresser. Alors, qu'attendez-vous pour donner accès aux AESH à des formations qualifiantes à la hauteur de leur mission ? Qu'attendez-vous pour recruter les AESH qui font défaut ? Qu'attendez-vous pour les soumettre véritablement au statut de la fonction publique ? Enfin, qu'attendez-vous pour abandonner les PIAL et les politiques de mutualisation des moyens ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR. – Mmes Delphine Batho et Émilie Cariou applaudissent également.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Merci de poser une question sur ce sujet si important et que, d'ailleurs, le Président de la République avait considéré comme sa priorité entre les deux tours de l'élection présidentielle.
Dans les années 2000, il y a pu avoir unanimité autour de la question de la situation des AESH, à laquelle des améliorations devaient être apportées. En 2017, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, ceux que nous appelons aujourd'hui les AESH représentaient 70 000 contrats aidés, voire un peu moins. Au moment où je vous parle, on dénombre 125 000 CDD et CDI, les CDD de trois ans renouvelables une fois pouvant, une fois arrivés à ce terme, se transformer en CDI. Nous avons créé une véritable carrière des AESH. Quand on analyse les chiffres, on constate qu'on est passé de 70 000 contrats aidés à 125 000 CDD voire CDI ; davantage de chemin a été parcouru en quatre ans qu'en dix ans. Nous avons scolarisé 100 000 élèves de plus, nous avons créé des ULIS, des unités d'enseignement externalisé pour l'autisme.
Bien entendu, la situation n'est pas parfaite et je suis très sensible aux problèmes que vous avez soulevés et qui sont bien réels. En vous répondant, je veux parler aussi à tous les AESH de France. D'abord, que chacun regarde les progrès accomplis depuis quatre ans, qu'il s'agisse de la stabilité de la situation des AESH ou de la préparation de la rentrée, puisque désormais, nous nous efforçons de recruter en amont de celle-ci et que nous offrons aux AESH soixante heures de formation par an, dont nous avons amélioré la qualité.
La situation est-elle pour autant idéale ? Non, d'abord parce que la demande est toujours plus forte : il y a 100 000 élèves handicapés supplémentaires dans le système scolaire par rapport à 2017.
De plus, nous sommes plus exigeants sur la qualité du recrutement. Nous avons réussi non seulement à offrir une meilleure stabilité mais aussi à garantir une meilleure organisation.
En revanche, je suis en désaccord avec vous lorsque vous critiquez ce que l'on appelle les PIAL. C'est une organisation au plus près du terrain, qui permet d'affecter les AESH en fonction des besoins et donc de répondre le plus précisément possible aux demandes des familles. Ces dernières sont beaucoup plus écoutées puisqu'elles peuvent aujourd'hui appeler une commission départementale lorsqu'elles ont un problème.
Il y a donc eu de très nettes améliorations et les plus fortes augmentations budgétaires ont été consenties dans ce domaine. Mais pour obtenir de nouveaux progrès, il faut rester à l'écoute des AESH.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le 9 octobre dernier, nous étions près de 4 000 personnes dans les rues de Mayenne, dans ma circonscription, soit l'équivalent de près d'un tiers de la population de la ville, parmi lesquels des élus, des patients, des professionnels de santé et de simples citoyens ; un véritable raz-de-marée humain pour vous dire que quand c'est non, c'est non !
Non au démantèlement de notre hôpital, le centre hospitalier du Nord-Mayenne, qui rayonne sur un bassin de vie de plus de 100 000 habitants. Non à la fermeture programmée de certains services parmi les plus vitaux, tels que les soins critiques ou la chirurgie conventionnelle. Non à une agence régionale de santé – ARS – aux méthodes toujours plus technocratiques et comptables. Non aux déserts médicaux qui ne cessent de croître partout en France.
Quand c'est non, c'est non, monsieur le ministre. Les Mayennais et d'autres, issus de tout le pays, viendront vous le dire dans votre ministère le 4 décembre prochain. Ce jour-là, ils attendront, en réponse, un « oui » franc et massif de votre part : oui à un égal accès aux soins sur tout le territoire, qu'il soit rural ou urbain ; oui à un véritable parcours de soins qui ne crée pas de discrimination entre les patients : oui à une installation régulée des médecins, là où nous en avons besoin : oui à un hôpital public auquel vous êtes prêt à donner les moyens financiers et humains à la hauteur de ses missions : oui à la suppression des ARS, ces agences déconnectées de la réalité du terrain et des élus locaux : oui à l'application de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, à la condition qu'elle soit adaptée pour ne pas mettre en péril certains services dans les petits hôpitaux.
Êtes-vous prêt à répondre « oui » aux attentes des Mayennais et, plus généralement, au droit universel à une santé égalitaire pour tous, comme le prévoit notre Constitution, et à nous expliquer comment y parvenir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs des groupes LT et GDR. – M. Matthieu Orphelin applaudit aussi.
Je pourrais presque vous répondre par une autre question : comment ?
Oui à l'égal accès des soins pour tous sur le territoire, évidemment. Oui à la lutte acharnée contre les déserts médicaux. Oui au développement des hôpitaux ; je reviens d'un déplacement à Dijon avec le Premier ministre qui vient d'annoncer le plus grand plan d'investissement de tous les temps pour les hôpitaux et les EHPAD de notre pays : 19 milliards d'euros afin d'aider 3 000 établissements.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Oui à une plus grande attractivité des hôpitaux, c'était l'objet du Ségur de la santé. À cet égard, vous aurez la possibilité de voter, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les 10 milliards d'euros de hausse de salaire par an. Oui aux coopérations professionnelles à travers les communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS. Oui à la meilleure médecine non programmée, grâce au développement des services d'accès aux soins sur les territoires…
…et la Mayenne, évidemment, en bénéficiera. Oui à la suppression du numerus clausus que nous avons décidée au début de cette législature.
Mais un grand non aux solutions qui ne fonctionnent pas, qui pourraient même nuire à l'organisation des soins. Non, le centre hospitalier du Nord-Mayenne ne fermera pas, le projet régional de santé prévoit son développement. Il est demandé, comme c'est le cas dans tous les territoires, qu'il coopère davantage avec le centre hospitalier de Laval, mais pas pour qu'il soit absorbé ou englouti.
Demandez à tous vos collègues qui, désormais, se satisfont d'avoir des hôpitaux de plus petite taille adossés à des hôpitaux plus gros.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
C'est dans ce cadre que nous développons la coopération, en proposant des consultations avancées ; il s'agit d'un outil d'attractivité. En effet, l'enjeu, c'est la question démographique, qui sera résolue dans quelques années grâce à la suppression du numerus clausus. Cette année, pour la première fois, plus de 10 000 médecins sont formés et plus de 6 000 places supplémentaires sont créées dans les écoles d'infirmières et d'aides-soignants ; il était temps.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Si cela avait été fait il y a dix ans, nous ne serions pas confrontés à ce problème aujourd'hui. Mais nous avançons et la Mayenne pourra compter sur le soutien du Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le quinquennat s'est ouvert sur le chantier de la justice. Jamais les efforts dans ce domaine n'ont été aussi importants que depuis quatre ans,…
…notamment par les moyens alloués, avec 33 % d'augmentation du budget, la création nette de 7 400 emplois, le lancement des programmes de numérisation, la rénovation des locaux…
…et, bien sûr, la poursuite du plan prison visant à créer 15 000 places.
Jamais la justice, sous l'impulsion de Nicole Belloubet puis d'Éric Dupond-Moretti, n'a, à ce point, voulu saisir le pouls de la société, se rapprocher du quotidien des Français, accélérer son rythme de fonctionnement.
Nous y avons largement pris notre part en votant de très nombreux textes qui vont de la lutte contre le terrorisme et la délinquance organisée à la justice du quotidien, en passant par une redéfinition du sens et de l'efficacité de la peine ou encore en faisant des violences faites aux femmes ou de la réforme de la justice des mineurs des causes centrales de notre action.
Pourtant, notre système judiciaire subit encore de nombreuses critiques de la part de nos concitoyens qui la trouvent généralement laxiste, trop lente, inadaptée, en un mot qui ne lui accordent pas le niveau de confiance sur lequel notre État républicain doit pouvoir s'appuyer.
Le Président de la République est conscient de ce constat et désireux de rendre la justice plus effective, lisible et cohérente. C'est la raison pour laquelle il a lancé, hier, à Poitiers, les états généraux de la justice.
Ils permettront, bien sûr, de questionner l'écosystème juridique, mais aussi de poursuivre, dans une approche totalement transpartisane, au plus près des réalités et des attentes des Français, le travail d'adaptation et de mutation déjà engagé. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, donner à la représentation nationale les éléments de cadrage et de méthode destinés à traduire cette grande ambition pour la France,…
…afin que les parlementaires que nous sommes puissent y prendre pleinement leur part ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Merci pour votre question, qui – je le rappelle à la représentation nationale – concerne l'un des sujets essentiels que j'avais érigé parmi les priorités lors de ma déclaration de politique générale, suite à ma nomination en qualité de Premier ministre. Vous n'ignorez pas la situation, mesdames et messieurs les députés : notre justice – la justice de la France – a été trop longtemps délaissée.
Vous connaissez les chiffres. Nous avons fait – vous avez fait – des efforts considérables pour les forces de sécurité intérieure, avec la création de 10 000 postes pendant le quinquennat.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Pierre-Yves Bournazel applaudit également.
Mais, nos concitoyens le savent très bien, si la réponse pénale ne suit pas, si le service public de la justice n'est pas efficient…
…dans le cadre de l'État de droit démocratique, alors nous ne serons pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens. C'est pourquoi je vous remercie d'avoir rappelé, monsieur le député, que notre majorité a pris ses responsabilités. Je suis fier d'être le Premier ministre qui a proposé au Parlement, pour deux années consécutives – dans la loi de finances pour 2021 et dans le projet de loi de finances pour 2022 –, la plus forte augmentation qu'ait connu le budget du ministère de la justice ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem
avec une hausse de 8 % à chaque fois : il fallait prendre le taureau par les cornes !
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – M. Loïc Prud'homme proteste.
Il fallait impérativement donner de plus grands moyens à la justice. Nous avons institué la justice de proximité ; nous allons accélérer le chantier de numérisation et la création de places de prison : tout cela, nous le faisons !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Et nous voulons aller plus loin : le Président de la République a lancé, hier, les états généraux de la justice, qui nous donneront une vision encore plus globale, encore plus complète, et nous permettront de consulter nos concitoyens. Vous m'interrogiez sur la méthode, monsieur le député. Elle est totalement innovante : sur ce sujet essentiel pour l'avenir de la nation, les citoyens seront consultés partout dans les territoires.
Bien entendu, le Parlement sera associé à l'exercice, ne serait-ce que par la présence des deux présidents des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Pierre Cordier proteste.
Les conclusions de ces travaux seront rendues à la fin du mois de février. C'est un chantier majeur pour notre pays ! Sur ce sujet, comme sur les autres, nous travaillerons jusqu'au bout.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la ministre déléguée chargée du logement, vous avez déclaré que les « pavillons avec jardin » étaient un « non-sens écologique, économique et social ».
Huées sur les bancs du groupe LR.
Je vous remercie d'avoir ainsi exprimé tout haut ce que la majorité à laquelle vous appartenez pense tout bas ! Depuis le début de la législature, je me heurte à un mur : les différents ministres ne pensent qu'en termes d'immeubles collectifs et de métropoles. Votre déclaration montre le total déphasage du Gouvernement avec ce que veulent les Français.
En effet, plus des trois quarts d'entre eux plébiscitent la maison, et la crise sanitaire n'a fait qu'amplifier leur souhait. Nous savions que le Gouvernement n'aimait pas les propriétaires : vous pointez aujourd'hui du doigt ceux qui font le choix d'habiter une maison à la campagne. Quelle vision condescendante !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Vous faites fausse route. La maison individuelle peut être écologique : les constructeurs ne vous ont pas attendu pour recourir à des matériaux biosourcés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La maison individuelle peut aussi être économiquement accessible – encore faut-il éviter de raboter les dispositifs d'accession à la propriété, comme le Gouvernement le fait depuis le début du quinquennat pour 95 % du territoire !
Huées sur les bancs du groupe LR.
La maison individuelle peut être socialement bénéfique pour ceux qui la choisissent. Comment ne pas comprendre qu'elle peut correspondre à l'équilibre des familles et des enfants ? Il est vrai que la famille n'est pas non plus une priorité de ce gouvernement !
« Oh ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Une fois de plus, le Gouvernement veut choisir à la place des Français, leur imposer un mode de vie. Madame la ministre déléguée, je vous le demande, et j'associe à ma question mon collègue Philippe Benassaya : quel est, selon vous, l'avenir de la maison individuelle, puisque vous la méprisez ainsi ? Quel est, selon vous, l'avenir de nos campagnes, puisqu'il ne faut pas, selon vous, y habiter demain ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Agir ens. – Exclamations et huées sur les bancs du groupe LR.
Mes chers collègues, veuillez faire cesser ce brouhaha afin que chacun puisse entendre les questions ainsi que les réponses du Gouvernement !
Non, le Gouvernement ne veut pas mettre fin au modèle de la maison individuelle, que je soutiens !
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
Si vous aviez écouté mes propos, monsieur le député, au lieu de vous référer à une déclaration tronquée, vous le sauriez. Ils portaient en effet sur l'urbanisme des années 1960 et des années 1970.
M. Michel Herbillon s'exclame vivement.
Qui peut dire que ce modèle, avec des lotissements en périphérie, toujours plus éloignés des villes, correspond au rêve des Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il a contribué à la désertification des centres-villes, contre laquelle vous n'avez d'ailleurs rien fait !
M. Maxime Minot proteste vivement.
Il a fallu attendre ce gouvernement et le plan national Action cœur de ville pour que les centres-villes reçoivent un soutien !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ces lotissements des années 1960 et des années 1970 ont mené à l'isolement social, nous l'avions également constaté lors des crises précédentes. De plus, ils font perdre des terres naturelles et agricoles : 25 % de la surface agricole a ainsi disparu depuis 1960. La maison individuelle a donc toute sa place dans le logement des Français, aujourd'hui comme demain.
M. Michel Herbillon s'exclame.
La question est : où et comment les construire, et comment les rénover ? D'ailleurs, en matière de rénovation vous n'avez rien fait non plus : il a fallu attendre le dispositif « MaPrimeRénov' » pour que l'habitat individuel soit rénové. Vous n'avez donc pas de leçons à nous donner !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Veuillez laisser parler votre collègue Bazin. Si vous continuez cette bronca, on n'entendra rien !
Vous avez la parole, monsieur Bazin. Bon courage !
Madame la ministre déléguée, vous criez à la caricature mais c'est votre vision de la maison dans nos campagnes qui est caricaturale ! On peut obtenir des densités heureuses avec des maisons groupées.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
On peut éviter la consommation d'espaces naturels avec des maisons construites sur des dents creuses ou en optimisant des friches en cœur de village.
Mêmes mouvements.
Il ne faut pas opposer collectif et maison, métropoles et campagnes, rénovation et construction. Nous aurons besoin de tout cela pour relever le défi de la construction de logements de qualité, pour habiter la France de demain et, surtout, pour répondre aux aspirations des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez raison : nous aurons besoin de tous ces modes d'habitat pour habiter la France de demain. Pas de caricature, donc : inutile de crier au soviétisme et au communisme alors que nous débattons d'un sujet de société !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Benoit Potterie applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
En clôture du grand débat, suite à la saine révolte des gilets jaunes, le monarque présidentiel, Emmanuel Macron, alors président des riches,…
…s'était engagé à revenir sur la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune si les évaluations démontraient son inutilité. « Elle sera évaluée en 2020 » avait-il en effet déclaré ; « nous regarderons son efficacité ; si elle n'est pas efficace, nous la corrigeons ». C'est fait ! Le rapport de France Stratégie est tombé ! Il n'y a aucune corrélation entre la suppression de l'ISF et toutes les promesses que vous aviez faites !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous pourrions même plutôt supputer le contraire… La question est donc simple : quand allez-vous rétablir l'ISF ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Monsieur le député, quand allez-vous en finir avec les caricatures ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens. – M. Erwan Balanant applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Trois milliards d'euros pour l'ISF, 2 milliards pour la flat tax : c'est donc une caricature à 5 milliards d'euros ! Votre réponse vient mal à propos le jour où se mobilisent les AESH, les accompagnants d'élèves en situation de handicap. Le montant annoncé en leur faveur – 2,2 milliards d'euros – pourrait être doublé, pour les titulariser afin d'en finir avec les CDD, pour les faire passer du temps partiel subi au temps complet, pour que leur rémunération ne les maintienne pas en dessous du seuil de pauvreté – comme c'est actuellement le cas, avec des salaires entre 700 et 800 euros –, pour leur donner une formation de qualité. Arrêtez vos trucs de mutualisation ,
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
qui vous conduisent à mégoter et à écarteler les enfants entre plusieurs accompagnants ! Voilà à quoi pourraient habilement servir ces 3 milliards plus 2 milliards d'euros, monsieur le ministre délégué !
Je vous repose la question : êtes-vous certain de ne pas vouloir corriger ce qui n'a pas fonctionné ? Car les accompagnants des élèves en situation de handicap sauraient quoi faire de ces milliards… Il ne s'agit même pas de favoriser les AESH en tant que tels, mais nos enfants, que nous nous devons d'accompagner.
Enfin, il faut veiller aux conditions de travail des accompagnants, sans quoi ils vont baisser les bras et démissionner. Cela devrait être le cœur de la politique du pays !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR. – M. Alain David applaudit également.
Je crains que vous n'ayez, dans la seconde partie de votre question, mélangé quelques sujets. Je vous répondrai sur deux points. Tout d'abord, le rapport de France Stratégie est éclairant, parce qu'il démontre que notre pays est devenu le plus attractif pour les investissements étrangers ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations sur les bancs du groupe FI
ce qui favorise la croissance. Il montre aussi que la politique fiscale que nous avons menée profite plus fortement aux 10 % de Français les plus défavorisés qu'aux Français les plus riches.
Mêmes mouvements.
Il montre que nous avons rendu du pouvoir d'achat aux Français.
Ensuite, s'agissant des AESH, Jean-Michel Blanquer le dirait mieux que moi : nous en avons recruté des dizaines de milliers, et le projet de loi de finances pour 2022 – peut-être voterez-vous en sa faveur – permettra d'en recruter 4 000 de plus. J'ai l'immense honneur d'avoir présenté la loi de transformation de la fonction publique,…
…qui permet de proposer des contrats de trois ans aux AESH, et même des CDI, alors qu'ils étaient auparavant embauchés avec un contrat aidé de six mois renouvelable quatre fois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La précarité c'est vous, la stabilité de l'emploi, c'est nous !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem. – Huées sur les bancs du groupe FI.
J'associe à ma question les députés du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés, notamment Max Mathiasin, ainsi que les députés de Guadeloupe Olivier Serva et Hélène Vainqueur-Christophe. Dans ma circonscription – où j'étais encore la semaine dernière –, mais aussi sur l'ensemble du territoire de la Guadeloupe, je vois chaque jour la peur, l'angoisse, les tensions des femmes et des hommes, des jeunes, des moins jeunes face à l'obligation vaccinale.
Mme Mathilde Panot applaudit.
La réalité du taux de vaccination dans notre territoire est inquiétante : 30 % à 40 % du personnel soignant est vacciné, ce qui ne permet pas d'assurer la continuité des soins, d'autant que l'on manque de remplaçants vaccinés. Dès lors, comment continuer à prendre soin d'une population qui subit particulièrement l'épidémie de covid-19, avec une quatrième vague violente, meurtrière, et une cinquième vague qui se profile ?
Dans les établissements de santé, les personnels soignants, les éducateurs spécialisés, les directeurs des établissements – le directeur de la clinique du Moule dans ma circonscription, comme tous les autres –, mais aussi les représentants de l'Alliance nationale Guadeloupe, que j'ai rencontrés : tous veulent pouvoir assurer la continuité des soins. Aussi, monsieur le ministre de la solidarité et de la santé, nous souhaitons que vous nous indiquiez comment gérer la situation avec souplesse pour éviter le chaos, à l'exemple de la Guyane.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ne nous voilons pas la face, la question que vous posez est éminemment complexe.
D'un côté, nous avons une loi applicable sur tout le territoire de la République et qui est appliquée presque partout avec succès, avec un taux de couverture vaccinale des soignants qui crève le plafond et des suspensions qui deviennent de plus en plus rares du fait que de plus en plus de soignants se laissent convaincre, ce qui produit un effet sur la santé et la sécurité des malades dans les hôpitaux et des personnes âgées dans les EHPAD.
De l'autre côté, nous avons plusieurs territoires, notamment ultramarins, et parmi lesquels la Guadeloupe, qui font face à une vague épidémique très violente, très intense, du fait de l'insuffisance de la couverture vaccinale de la population et où les soignants, dont plusieurs milliers sont venus depuis la métropole apporter leur aide, s'efforcent de sauver la vie de beaucoup de malades ; or nombreux, parmi les soignants, sont ceux qui ne se font pas vacciner.
Devons-nous baisser les bras et considérer qu'en Guadeloupe ou en Martinique, l'obligation vaccinale des soignants, et donc la protection indispensable des personnes malades et des personnes fragiles, ne serait pas aussi importante que sur le reste du territoire de la République ? La réponse est non…
…et, évidemment, l'obligation vaccinale des soignants doit s'y appliquer.
Doit-on, comme le laisse penser votre question, et je partage votre interrogation, prendre le risque de ne plus assurer la continuité des soins si une très grande majorité de soignants décidaient de ne pas se faire vacciner ? Il n'est bien sûr pas question de fermer un hôpital ou un EHPAD et de mettre la vie des gens en danger. Aussi ai-je demandé que l'obligation vaccinale des soignants soit appliquée, en Guadeloupe comme sur tout le reste du territoire de la République, avec discernement, progressivité – à mesure que la pression sanitaire diminue –, en m'appuyant, pour convaincre, sur les directeurs d'hôpitaux, les commissions médicales d'établissement (CMER), les médecins et les soignants eux-mêmes vaccinés.
À la fin des fins, en Guadeloupe comme sur le reste du territoire national, les soignants devront être protégés pour protéger leurs patients.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, en juillet dernier, l'Assemblée adoptait l'article 10 du projet de loi de finances rectificative pour 2021, devenu article 26 de la LFR, qui instaurait notamment pour 2020 une dotation au profit des régies exploitant un service public à caractère industriel et commercial ayant subi, du fait de la crise de covid-19, une diminution de leurs recettes réelles de fonctionnement et de leur épargne brute.
Avec les députés du groupe d'études sur le thermalisme, nous vous avons alerté sur la situation des établissements thermaux exploités en régie, qui n'ont pu bénéficier des mesures d'aides aux entreprises privées. Leur fermeture prolongée en 2020 a entraîné une baisse de près de 70 % de leur activité, ces établissements n'ayant fonctionné que quatre mois, de juillet à octobre. Par ailleurs, l'activité au cours de l'année 2021, du fait d'une réouverture totale des établissements thermaux le 9 juin 2021, est largement amputée avec des pertes de recettes tarifaires correspondantes.
Le décret d'application de l'article 26 n'est toujours pas paru, alors que le montant des dotations doit être notifié au plus tard le 31 décembre 2021 afin de compenser l'exercice 2020. Le 12 octobre dernier, vous avez publié un dossier de presse intitulé « Soutien aux équipements locaux », présentant les chiffres clés de ce nouveau dispositif et la répartition par région d'une enveloppe de 211 millions d'euros. Dans le cadre de la déclinaison sectorielle du dispositif, il n'est pas fait état d'un soutien aux équipements relatifs au thermalisme. Ils ne sont cités ni en ce qui concerne le soutien aux équipements touristiques ni en ce qui concerne le soutien aux équipements de la vie économique locale.
J'ai donc trois questions : pouvez-vous confirmer que les régies exploitant un établissement thermal sont bien éligibles à ce dispositif ? Comment seront traitées les subventions d'équilibre versées depuis le budget principal vers le budget annexe ? Enfin, quand les régies connaîtront-elles le montant de la dotation qu'elles doivent percevoir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs du groupe UDI-I.
Conformément à l'engagement du Premier ministre pris le 1er février dernier, Jacqueline Gourault et moi-même avons proposé cette disposition au Parlement qui l'a votée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Je tiens à vous rassurer : toutes les activités industrielles et commerciales gérées en régie y sont éligibles, y compris le thermalisme. Je tiens à préciser également que nous allons prendre en compte la perte de recettes des services publics industriels et commerciaux gérés en régie. Nous allons en outre accompagner les communes, dans le cadre de l'exploitation de services publics industriels et commerciaux, parfois même en délégation de service public, dont l'épargne brute a diminué de façon très importante.
Il faut en effet prendre un décret d'application. Or ce dernier va être publié dans les prochains jours. Pourquoi seulement maintenant ? C'est que, dans le cadre d'une concertation, nous devions d'abord le présenter aux associations d'élus puis au Comité des finances locales. Pour une raison qui m'échappe, ce dernier, présidé par André Laignel, a donné ce matin un avis défavorable au projet de décret, alors que nous évoquons ici une aide de 211 millions d'euros au profit des régies départementales, communales et intercommunales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cette aide sera malgré tout attribuée et l'arrêté énumérant les 1 200 régies bénéficiaires publié avant la fin du mois d'octobre – pour un total, donc, de 211 millions d'euros. Je vous assure à nouveau que l'ensemble des activités seront concernées. Ainsi, dans un département comme les Hautes-Pyrénées, auquel vous êtes attachée, seront distribués 2,8 millions d'euros d'aides, dont 900 000 euros pour les activités thermales, ce que j'aurai l'occasion de confirmer à l'occasion d'une visite sur place lundi prochain. L'engagement du Premier ministre est tenu : les régies seront aidées, les sommes seront versées avant la fin de l'exercice dans les conditions que je viens de décrire à la fois pour les SPIC gérés en régie mais aussi pour les communes qui ont perdu plus de 6,5 % de leur épargne brute l'année dernière.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le Premier ministre, j'ai reçu le week-end dernier une lettre dont voici un extrait :
« Monsieur le député,
« Habitante de votre circonscription, je travaille comme auxiliaire de vie auprès de personnes âgées et, chaque jour, j'effectue près de quatre-vingts kilomètres avec mon véhicule diesel. Quand je vois la facture de mon plein hebdomadaire, quasiment 60 euros, je suis démoralisée. Avec mon mari, qui doit se rendre également en voiture sur son lieu de travail, nous sommes de plus en plus obligés de réduire nos dépenses, en particulier de loisirs, pour payer notre facture énergétique qui ne cesse de grimper.
« Pourriez-vous interpeller le Premier ministre, qui m'apparaît comme un homme de bon sens ,
« Ah ! » sur divers bancs
sur notre situation ? »
Que puis-je donc lui répondre, monsieur le Premier ministre ? Que le Gouvernement, au lieu d'envisager la solution la plus simple et la plus rapide, va proposer un chèque carburant dont l'attribution sera particulièrement complexe et différée ? Ou bien que les 2,5 milliards d'euros de TVA supplémentaires sur les carburants serviront à payer les dispositifs du bouclier tarifaire sur le gaz et du chèque énergie, mis en place pour tenter d'effacer l'échec de votre politique énergétique ?
Ou encore dois-je lui rappeler que certains ministres se sont réjouis dans les médias qu'une marque de grande distribution fasse une opération à prix coûtant sur le carburant ? Confions donc le ministère de l'écologie à Michel-Édouard Leclerc !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le Premier ministre, votre ministre de la transition écologique, hier sur France 2, regrettait « qu'il n'existe pas une base de données des gens qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler ». Mais dans quel monde vivez-vous ?
En tout cas pas dans celui de la France qui travaille. Trois quarts des Français utilisent leur voiture pour aller travailler et leur pouvoir d'achat ne cesse de diminuer, si bien qu'on risque de les retrouver sur les ronds-points.
Monsieur le Premier ministre, je ne peux qu'en appeler à l'homme de bon sens que vous êtes : baissez la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Cher Claude de Ganay ,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
permettez à la femme de bon sens que je suis de vous répondre. Une femme de bon sens qui connaît très bien ces territoires, qui sait ce que c'est que d'être dépendant d'une voiture pour aller travailler, et qui travaille avec un homme de bon sens, le Premier ministre, pour apporter la meilleure réponse à des personnes qui, comme la dame dont vous venez de citer la lettre, vivent concrètement la hausse des prix de l'énergie, évidemment due à la hausse – internationale – des prix du pétrole,…
…et liée, aussi, au combat que nous sommes en train de mener tous ensemble pour faire face aux effets du réchauffement climatique.
Les 2,5 milliards d'euros que vous évoquez sont déjà plus que compensés par les 5 milliards que nous consacrons par ailleurs au bouclier énergétique mis en place consécutivement à la hausse du prix du gaz et à la hausse prochaine du prix de l'électricité. Bien sûr, nous n'allons pas nous arrêter là puisque nous avons dit que nous ne laisserions personne sans solution.
D'ici à la fin de la semaine, la dame qui vous a écrit ainsi que tous nos concitoyens qui auront besoin d'une réponse sur la manière dont nous allons les aider, l'auront. Nous allons les aider à passer ce cap difficile au moment où ils ont besoin que l'État soit à leurs côtés – et ce sera le cas. C'est un combat que nous devons mener tous ensemble. Nous voyons bien, en effet, que nous devons apporter des réponses dans l'urgence.
Nous voyons bien que cette situation est imputable à notre dépendance au pétrole, au gaz mais aussi aux composants qui font défaut à notre industrie, et que nous achetons à l'étranger.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Donc, tous ensemble, nous devons nous battre pour qu'à moyen et à long termes, nous ne soyons plus dépendants, ce qui passe en particulier par l'électrification de nos besoins. Je sais que nous serons tous au rendez-vous.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, les accords du Ségur ont permis une revalorisation inédite des salaires des personnels des établissements de santé et des EHPAD. Cette reconnaissance importante et méritée de l'engagement exemplaire de ces personnels était attendue depuis très longtemps. Vous avez d'ailleurs étendu la mesure à d'autres secteurs.
Dans le Jura, le conseil départemental a voté la revalorisation des services d'aide à domicile, financée à 70 % par l'État.
Vous avez présenté les conclusions du Ségur de la santé le 21 juillet 2020 : 19 milliards d'euros d'investissements doivent être dédiés à la santé. Depuis plus d'un an, le programme d'investissement se déploie dans les territoires. En région Bourgogne-Franche-Comté, ce sont ainsi 741 millions d'euros qui sont investis dans le système de santé.
En outre, 472 millions d'euros seront consacrés au désendettement, 201 millions aux projets à long terme, 63 millions aux investissements du quotidien. Pour une santé de proximité – au plus proche, donc, du citoyen et du patient –, ce plan massif doit se poursuivre.
Depuis 2017, je vous alerte sur la situation du groupement hospitalier Jura Sud et sur celle de l'hôpital de Lons-le-Saunier, lourdement endetté. Je vous sollicite régulièrement…
…sur le mauvais état des locaux, le manque de place pour la pharmacie, le besoin de rénovation et de modernisation de ces services.
Le dévouement du personnel est exemplaire et les soins prodigués sont de haute qualité. Alors qu'une dizaine de jeunes internes arrivent, alors qu'une excellente coopération s'est établie avec la médecine de ville et la communauté professionnelle territoriale de santé, notre hôpital mérite mieux.
Pouvez-vous nous indiquer les prochaines étapes du déploiement du Ségur de la santé, tant attendu par nos concitoyens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci pour votre question. Nous n'allons pas nous mentir : les hôpitaux et les EHPAD, pour un très grand nombre, sont dans un état de vieillissement avancé qui ne donne pas forcément envie aux professionnels d'y exercer dans la durée. De grands plans ont été lancés, par la droite comme par la gauche, il faut le reconnaître, qui ont permis d'investir dans les hôpitaux et les EHPAD. Mais voilà longtemps qu'il n'y en avait pas eu et, ici, il n'est pas question d'un plan classique,…
Sourires sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
…mais d'un plan qui représente l'équivalent, financièrement, des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, qui étaient de très gros plans, le tout majoré de 50 %, à savoir l'équivalent au total de vingt ans de politique d'établissements en un seul plan – c'est le Ségur de l'investissement à l'hôpital, annoncé ce matin par le Premier ministre à Dijon.
Qu'est-ce que cela signifie, madame la députée ? Nous n'allons pas aider 200 ou 300 établissements, comme lors des plans précédents, ce sont 3 000 établissements sanitaires et médico-sociaux qui vont bénéficier d'une remise de dette très importante, et d'investissements structurels et structurants.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Nous avons commencé par la région Bourgogne-Franche-Comté. Vous avez rappelé le montant des enveloppes et donc je n'y reviens pas. Je connais depuis un certain nombre d'années l'établissement que vous avez évoqué et pour lequel vous vous êtes engagée sans réserve. J'ai le plaisir de vous annoncer qu'évidemment il va être aidé, comme d'ailleurs l'ensemble des établissements. Ainsi, dans le cadre du Ségur, 30 millions d'euros seront investis en faveur du centre hospitalier Jura Sud, afin de rénover l'hôpital de Lons-le-Saunier, de sécuriser les bâtiments, de moderniser l'offre de réanimation et de soins continus – nous avons pu nous rendre compte, à l'occasion de la crise de covid-19, de son importance. Ce soutien permettra en outre de créer un service de psychiatrie sur le site du centre hospitalier de Lons-le-Saunier, au sein de la clinique Val Jura.
Nous aidons le secteur public et le secteur privé, en fait toutes les structures qui offrent des soins de qualité, ce qui était l'engagement du Ségur. Le présent engagement aussi sera tenu.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La désertification médicale s'aggrave dans de nombreux territoires de notre pays. Chaque jour, des médecins partent à la retraite et ferment leur cabinet sans être remplacés. Chaque jour, des patients se retrouvent sans solution et se tournent en désespoir de cause vers les urgences de nos hôpitaux, qui sont au bord de la rupture, avec des soignants épuisés. C'est la réalité que vivent des millions de Français ; ils en subissent les conséquences : injustice dans l'accès aux soins et perte de chances face à la maladie.
C'est la situation que nous vivons en Mayenne – M. Yannick Favennec-Bécot a fait référence à l'hôpital du Nord Mayenne – dans la Sarthe, dans l'Aisne, en Ardèche ou dans les Landes, quand, dans d'autres départements et dans d'autres villes, il suffit d'un appel au hasard dans l'annuaire médical pour obtenir un rendez-vous dans les deux heures.
Quand les médecins viennent à manquer, quand les urgences viennent à craquer, nous lançons un SOS : monsieur le ministre des solidarités et de la santé, nos territoires, nos hôpitaux, nos urgences ont un besoin absolu de médecins. Ils n'en ont pas besoin dans cinq ans, dans deux ans, mais maintenant.
M. Boris Vallaud applaudit.
Monsieur le ministre, quand le Gouvernement prendra-t-il enfin à bras-le-corps cette situation qui crée une inégalité majeure entre les citoyens face à la santé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Quand le Gouvernement prendra-t-il enfin les mesures pour assurer la présence des médecins là où on a besoin d'eux, et d'abord là où ils manquent ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et UDI-I.
Personne ne nie la désertification médicale dans notre pays. C'est une réalité, mais ce n'est pas une réalité nouvelle : elle date du début des années 2000. Pour mettre en œuvre des solutions structurelles, telles la suppression de cette ineptie qu'est le numerus clausus, qui empêchait des jeunes Français d'étudier la médecine en France pour exercer en France, il a fallu attendre 2017 !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et Agir ens. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il aura fallu attendre 2017, c'est-à-dire dix-sept ans après les premiers articles nous alertant au sujet d'un sérieux risque de désertification médicale dans notre pays !
De même, il aura fallu attendre 2017 pour voir augmenter très fortement le nombre de maisons de santé, de centres de santé, de coopérations interprofessionnelles.
Il ne faut pas mentir aux Français ; il faut du temps pour que ces solutions deviennent effectives.
Toutefois, dans l'intervalle, il est faux de dire que nous restions inactifs : on est passé de 10 000 téléconsultations par semaine à 1 million de téléconsultations par semaine.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai signé un arrêté autorisant les téléconsultations par Skype, par WhatsApp, par FaceTime, avec des infirmiers, des kinésithérapeutes, des médecins, pour tenir compte de la réalité et de la souffrance des territoires en manque de médecins.
La vieille antienne qui consiste à dire qu'il y aurait des endroits gavés de médecins, où il suffit de prendre son téléphone pour obtenir un rendez-vous dans les deux heures ne correspond pas à la réalité française.
Je pose une question à l'Assemblée nationale, à tous les députés, quel que soit leur bord politique :…
…quel parlementaire estime qu'il y a trop de médecins dans sa circonscription et qu'on peut, demain, y empêcher l'installation d'un praticien ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'attends encore qu'un député me dise : « Chez moi, il y a trop de médecins, mettez-en dans la Mayenne ! » J'ai été élu dans la circonscription de Grenoble, qui héberge un centre hospitalier universitaire et je peux vous dire que l'Isère manque de médecins ; en périphérie de Grenoble, on manque de médecins.
Monsieur le député, retroussons-nous les manches, soyons solidaires ! Nous allons trouver des solutions dès à présent pour les Français et, bientôt, la fin du numerus clausus permettra à des milliers de jeunes médecins de réinvestir les campagnes qu'ils ont désertées faute de combattants !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Benoit Potterie applaudit également.
Monsieur le ministre, l'ouverture du numerus clausus aura des effets dans dix ans. Que faites-vous maintenant ?
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Il existe une solution que vous n'avez pas éprouvée : la régulation de l'installation des médecins. Il faut fixer de nouvelles règles pour que les jeunes médecins ne s'installent plus là où on n'en a pas besoin !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Nos forces de l'ordre font un travail admirable qui est reconnu par tous. Elles le font avec de moins en moins de moyens, dans un climat social qui se tend de plus en plus. La criminalité augmente dans les villes comme dans les campagnes, les black blocs sont présents dans les manifestations des gilets jaunes, les réponses pénales insuffisantes minent leur travail, l'inexécution des peines sonne comme un désaveu… Les policiers et les gendarmes sont déconsidérés, stigmatisés, attaqués verbalement et physiquement ; on va jusqu'à incendier la voiture où ils sont enfermés. Leur identité, leurs photos, leur adresse sont affichées dans les halls d'immeubles de certaines cités et leurs familles sont menacées.
Pas une semaine ne se passe sans que des violences soient commises contre les forces de l'ordre par des voyous que les stages de citoyenneté n'impressionnent guère.
Ceux qui s'attaquent à nos forces de l'ordre, qu'il s'agisse des policiers, des gendarmes ou des pompiers, doivent être condamnés à des peines exemplaires. Stop à la culture de l'excuse !
M. Marc Le Fur applaudit.
Suite aux scandaleuses provocations d'un lamentable candidat à l'élection présidentielle que je ne nommerai même pas, le ministre de l'intérieur a porté plainte, tout comme je l'ai fait, pour diffamation envers une personne dépositaire de l'autorité publique.
Non, la police ne tue pas : elle sauve ; elle protège ; elle soutient !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LT.
Monsieur le Premier ministre, entendez-vous la colère de nos forces de l'ordre ? Avec l'ensemble de nos collègues du groupe Les Républicains, nous vous demandons de prendre des mesures fortes pour leur rendre justice suite aux déclarations inacceptables de ce candidat à l'élection présidentielle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes Dem et Agir ens.
Monsieur le député, comme vous et comme la quasi-totalité des Français, j'ai été choqué par les propos de M. Poutou. J'ai donc décidé de porter plainte contre lui, comme je porte plainte contre tous ceux qui diffament les policiers et les gendarmes depuis que je suis ministre de l'intérieur, comme l'ont fait Christophe Castaner et Gérard Collomb avant moi.
Non seulement les policiers ne tuent pas, mais ils sont tués ! Le jour même où j'ai pris mes fonctions, j'ai constaté la tristesse et le désarroi des gendarmes de Lot-et-Garonne lorsque cette jeune gendarme, Mélanie Lemée, a été attaquée, écrasée, tuée par un chauffard. Le dernier meurtre que nous ayons à déplorer est celui du policier Éric Masson ; je me rendrai dans le Vaucluse jeudi prochain pour rencontrer de nouveau ses camarades qui font un travail extraordinaire.
Vous avez raison, monsieur le député : la police doit être protégée par la République, et j'espère que la plainte que nous déposerons aboutira à la condamnation de cette personne.
Nous devons donner des preuves d'amour à nos policiers et à nos gendarmes. Depuis quatre ans, vous avez eu l'occasion de constater que nous mettons des moyens à leur disposition, en augmentant leurs effectifs ainsi que leurs moyens matériels, et en les appuyant par notre travail législatif. Grâce au Premier ministre et au garde des sceaux, nous sommes le gouvernement qui a mis fin aux remises de peine pour ceux qui attaquent les policiers et les gendarmes. Nous sommes le gouvernement qui donne les moyens aux policiers et aux gendarmes de travailler.
J'entends qu'on supprimera beaucoup de postes de la fonction publique ; j'espère que, quoi qu'il arrive, les policiers et les gendarmes ne seront, cette fois, pas concernés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Cet appel à la haine contre nos forces de police doit être sévèrement puni. J'espère que mon message sera entendu et qu'il sera suivi d'effets.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
« Maman, je suis un problème, ils n'en ont rien à faire de moi. » Voilà les propos d'un jeune garçon en situation de handicap de ma circonscription. Sa maman est venue la semaine dernière m'expliquer combien sa situation est épuisante, estimant que « rien n'est fait correctement » et demandant tout simplement que cet enfant ait son accompagnant.
Ce témoignage est loin d'être isolé. C'est d'ailleurs pour cela que les accompagnants d'élèves en situation de handicap, les AESH, sont aujourd'hui mobilisés dans tout le pays. Ces femmes et ces hommes veulent que leur métier soit reconnu. Ils veulent la reconnaissance, tout simplement.
« On est vraiment en colère », explique une accompagnante. Ils en ont assez des temps partiels imposés, des salaires qui flottent entre 700 et 800 euros, bien au-dessous du seuil de pauvreté ; ils en ont assez de la précarité, de l'obligation de se démultiplier encore augmentée par les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL), ces pôles de gestion de la pénurie qui contournent le droit individuel. Cela débouche sur une ambition rabotée pour des enfants qui, comme les autres, ont droit à toute l'école. Eux et leurs familles en souffrent, mais en réalité, c'est aussi le cas de toute la communauté éducative, enseignantes et enseignants compris.
Les mobilisations répétées vous ont conduit à prendre quelques mesures, mais elles demeurent largement insuffisantes.
Les AESH demandent à exercer leur mission dans des conditions dignes et respectueuses des enfants. Ils demandent un véritable statut dans la fonction publique, avec des formations qualifiantes, de vrais salaires, des recrutements en nombre suffisant.
Les AESH sont incontournables pour progresser vers une inclusion plus ambitieuse, pour une école qui s'adapte et accompagne chaque élève vers son meilleur développement, vers son meilleur épanouissement. Ce serait le signe fort d'une société solidaire, d'une République mobilisée pour l'égalité.
J'ai dit à cette maman que j'allais continuer à me battre à ses côtés. Et vous, qu'allez-vous répondre à ce jeune garçon ? Qu'allez-vous répondre à ces femmes et à ces hommes, dont la colère digne cherche à se faire entendre ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Bien entendu, cette maman doit recevoir une réponse.
Nous sommes d'accord sur les principes. Depuis 2017, nous avons renforcé le droit des élèves à avoir un accompagnant. Ces accompagnants étaient au nombre de 70 000 en 2017 ; ils sont 125 000 cette année. Dans le même temps, on a scolarisé 100 000 enfants de plus, ce qui est considérable. Le taux de satisfaction des familles est beaucoup plus élevé.
Il est vrai qu'existent encore des exceptions…
…– c'est probablement le cas de la famille que vous citez. Je vous rappelle que, chaque fois que c'est le cas, un recours est possible auprès du rectorat. En général, une solution est trouvée au bout de quelques jours ou de quelques semaines. Reconnaissons qu'il arrive parfois que, dans les grandes agglomérations, il y ait des difficultés de recrutement.
Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas les postes ni le budget. Vous me répondrez qu'il faut rendre le métier plus attractif.
C'est vrai, et c'est ce que nous avons fait : il s'agissait de contrats aidés, tandis que les AESH sont aujourd'hui recrutés en CDD ou en CDI. Une grille indiciaire a été créée, de sorte qu'il est aujourd'hui possible de faire carrière dans ce métier.
Est-ce entièrement satisfaisant ? Non, bien sûr, des progrès sont encore à réaliser, mais regardez ce qui a été fait : ces postes ont fait l'objet d'une augmentation budgétaire de 60 % en quatre ans ; je ne connais aucun autre budget qui ait augmenté autant. Bien sûr, on peut citer des cas difficiles, qui sont restés jusqu'à présent sans solution. Mais de grands progrès ont été accomplis et les familles sont écoutées.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
La maman dont vous parlez peut téléphoner à la commission départementale.
Exclamations sur quelques bancs du groupe GDR.
Je m'engage à ce qu'elle obtienne une solution prochainement. Nous nous sommes organisés pour que ce soit possible.
Oui, des progrès ont été accomplis ; ne regardons pas seulement les difficultés ; continuons à progresser.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Pas moins de 113 530 oiseaux sauvages, alouettes des champs, vanneaux, pluviers dorés, grives, merles noirs : voilà ce que le Président de la République a décidé de sacrifier pour une poignée de voix.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
La biodiversité s'effondre pourtant à une vitesse foudroyante. C'est la sixième extinction de masse du vivant, résultat de la course folle à la croissance et d'un modèle agricole destructeur. On compte les victimes : dans nos campagnes, 30 % des populations d'oiseaux et 80 % des populations d'insectes se sont effondrées en seulement une génération !
Mais en dépit de ces faits et des cris d'alarme des scientifiques, huit arrêtés ont été publiés vendredi dernier autorisant à tuer ces 113 530 oiseaux – bien davantage, en réalité, puisque les chasses autorisées ne sont pas sélectives et tueront aussi des espèces protégées comme le chardonneret, l'ortolan ou le pinson.
Voilà un nouveau symbole du tournant anti-écologique du Président. Après le retour des néonicotinoïdes, le maintien du glyphosate, le torpillage de la Convention citoyenne pour le climat, la condamnation de l'État par la justice jeudi 14 octobre 2021 dans le cadre de l'« affaire du siècle », désormais il ne peut plus prétendre à la politique du « en même temps ». Dès qu'une voix se lève pour exiger une capitulation en matière d'écologie, le Président cède et jette tout par-dessus bord.
Pour les oiseaux, la décision a une caractéristique supplémentaire : elle bafoue l'État de droit. Elle viole et la décision du Conseil d'État et le droit européen. Chers collègues de la majorité, quand on veut donner des leçons de respect du droit européen à la Pologne, on commence par balayer devant sa porte !
Je vous pose la question : comment regarderez-vous les oiseaux dans le ciel dans les prochaines semaines ?
Exclamations sur les bancs de groupes LaREM et LR.
Pourrez-vous penser sans honte qu'il valait le coup, pour des raisons électorales, d'aggraver la souffrance animale et la destruction de la vie sauvage ?
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Vous le savez, nous n'avons de cesse de travailler à un équilibre. Nous cherchons un équilibre entre le bon état des populations, le cadre européen, qui nous oblige– la directive « oiseaux », en l'occurrence –, et des pratiques que la France reconnaît comme un patrimoine culturel, qui ne concernent aujourd'hui qu'un très petit nombre de chasseurs. Nous observons chaque pratique, ce qui nous a conduits par exemple à interdire la chasse à la glu. Nous avons pris des décisions très fortes en ce sens.
Le Conseil d'État ne s'est pas prononcé sur la nature de ces quatre pratiques de chasse traditionnelle mais sur les motifs permettant de justifier leur autorisation.
Nous avons donc objectivé ces pratiques, leur degré de sélectivité, ainsi que l'état des populations d'oiseaux visées. Nous avons communiqué ces informations supplémentaires au Conseil d'État, afin que sa décision porte sur le fond de la question et soit parfaitement éclairée.
J'estime, et vous aussi vu que vous soulevez cette question aujourd'hui, qu'il s'agit d'un débat sociétal dont nous avons besoin et qui va bien au-delà de ces quelques pratiques traditionnelles auxquelles vous faites référence.
Nous avons besoin d'éclairer ce débat, en commençant, pour ce qui me concerne – je crois que vous me rejoindrez sur ce point – par évaluer l'état de la biodiversité et de ces populations d'oiseaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le 19 octobre est la Journée mondiale contre les cancers du sein et les manifestations d'Octobre rose sont l'occasion de mettre en lumière la sensibilisation au dépistage du cancer du sein, ainsi que l'avancée des traitements.
Je souhaite d'abord saluer la mobilisation massive et exemplaire des associations et des bénévoles à travers toute la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Ce sont d'ailleurs eux qui sont à l'origine de la campagne Octobre rose.
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme : près de 60 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués et 12 000 décès enregistrés en 2018. Malheureusement, la crise sanitaire a fortement freiné le dépistage gratuit par mammographie. Or, nous le savons désormais, le dépistage est efficace pour augmenter les chances de survie.
Je tiens aussi à saluer votre action, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, auprès du laboratoire Gilead pour la mise à disposition du Trodelvy. Ce médicament a démontré son efficacité contre le cancer du sein métastatique triple négatif, jusqu'ici dépourvu de traitement reconnu. Il est désormais à la disposition des médecins et des patientes.
En l'associant à une augmentation importante de budget, le Président de la République a annoncé, en février 2021, le lancement de la stratégie décennale de lutte contre les cancers, votée par les parlementaires et élaborée par l'Institut national du cancer : le dépistage et la prévention constituent l'un de ses quatre axes majeurs.
Où en est la politique de dépistage et comment a-t-elle été relancée, notamment en lien avec les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers ? Comment faciliterez-vous l'accès aux thérapeutiques innovantes ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Trois cancers font l'objet d'un programme national de dépistage systématique. Ces programmes ont été suspendus pendant un peu moins de trois mois au cours de l'année 2020. Premier point de nature à vous rassurer : la littérature scientifique indique clairement que, jusqu'à trois mois, on ne constate pas de perte de chances pour les patientes.
Cela étant, il convenait de ne surtout pas perdre de temps, si bien que les programmes de dépistage ont repris dès que cela fut possible, à l'aide de grandes campagnes de communication. Et les chiffres sont plutôt moins catastrophiques que ce que nous craignions : l'effritement du dépistage est resté marginal. La participation au programme de dépistage du cancer du sein est passée de 52 à 49 %, diminution plus faible que ce que nous redoutions.
Néanmoins, c'est un effort permanent que de promouvoir et d'organiser le dépistage du cancer du sein. Il est absolument indispensable de rappeler son importance en toute occasion – votre question permet d'ailleurs de le faire – et de sensibiliser les femmes à cet enjeu.
Quant à l'accès précoce aux traitements, j'ai eu l'occasion d'annoncer ici même, il y a quelques semaines, la mise à disposition du Trodelvy, un traitement très prometteur contre les cancers indifférenciés du sein. À la suite de grandes négociations avec les laboratoires, la France est l'un des premiers pays à en bénéficier, et ce en quantité.
Cela étant, les enjeux sont connus : si l'on veut avoir un accès précoce aux traitements, il faut avant tout rechercher et innover en France. La stratégie 2030 présentée par le Président de la République et les mesures portant sur les industries du médicament, sur lesquelles vous aurez l'occasion de vous prononcer dans quelques jours lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sont autant d'initiatives qui doivent nous permettre de réindustrialiser notre pays pour qu'il accueille l'innovation. J'ajoute que vous pourrez également adopter un dispositif totalement innovant d'accès ultra-précoce à tout nouveau médicament sur le territoire français, dès lors que la Haute Autorité de santé aura reconnu son intérêt.
Bref, nous progressons rapidement – sans doute pas assez – et nous progresserons encore plus vite demain.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le 16 octobre 2020, Samuel Paty perdait la vie. Professeur d'histoire-géographie, il a été assassiné par un terroriste islamiste. Enseignant depuis des années, il aimait son métier et était investi, soucieux de la réussite de ses élèves. Il est mort au service d'un idéal : celui d'une société éclairée et instruite. Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à lui rendre hommage et à saluer son engagement.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.
Je tiens également à exprimer notre reconnaissance aux 900 000 enseignants qui, jour après jour, transmettent et forment les générations futures. Ils sont le pilier de la République, un rempart face à l'obscurantisme.
Beaucoup de chemin reste encore à parcourir. Un an plus tard, lors de l'hommage à Samuel Paty, quatre-vingt-dix-huit incidents ont été recensés dans les établissements scolaires. De nombreux enseignants subissent des pressions ; notre laïcité et notre République reculent encore.
À Marseille, un couple d'enseignants a reçu plusieurs menaces de mort, accompagnées d'une photo de Samuel Paty. Le 16 octobre, jour de l'hommage rendu à l'enseignant assassiné, ces professeurs ont de nouveau été menacés.
La République a trop reculé, elle ne peut plus le faire davantage : il y va de notre école, de notre société, de notre liberté. Nous devons en finir avec la politique du « pas de vague » et de l'accommodement. Nos enseignants doivent se sentir pleinement soutenus. Notre école doit être un sanctuaire et nos professeurs doivent travailler sereinement.
Que comptez-vous faire pour que nos enseignants puissent travailler en sécurité, à l'abri des menaces islamistes ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I, ainsi que parmi les députés non inscrits.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous remercie pour votre question, tout comme je salue la dignité du ton que vous avez employé et de l'hommage que vous avez rendu à très juste titre à Samuel Paty.
Vendredi dernier, c'est la nation unie, à l'image de l'Assemblée lors de votre question, qui s'est inclinée devant son décès et qui a réagi afin de construire l'avenir et de réaffirmer la force de la République face à tous les phénomènes qui la mettent à mal et qui menacent la laïcité et nos valeurs.
Avant d'évoquer les incidents, je souhaite ainsi noter combien, vendredi, les choses se sont déroulées d'une manière qui démontre la force de la République. À la quasi-unanimité, élèves et professeurs ont rendu cet hommage, avec beaucoup moins de cas problématiques que lors des précédentes cérémonies de ce type. Au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo comme au lendemain des attentats du Bataclan, les choses ont été beaucoup plus difficiles. Vous avez dit que la République ne doit pas être en recul : vous avez raison, mais je ne crois qu'elle l'ait été vendredi dernier ; au contraire, elle a remonté la pente.
Oui, il y a eu des incidents. Nous savions qu'il y en aurait, mais le chiffre de quatre-vingt-dix-huit est nettement inférieur à celui des hommages précédents. Tous ont été signalés, c'est pourquoi je tiens vraiment à affirmer clairement, comme je le fais depuis 2017, que le « pas de vague » n'est pas notre doctrine. Tout est signalé et tout est suivi. Chacun des quatre-vingt-dix-huit incidents a évidemment été signalé et chacun sera suivi.
Par ailleurs, vous avez fait référence à des menaces contre des enseignants. Avec le ministre de l'intérieur, nous y avons été immédiatement attentifs. Il y a eu un signalement et une plainte a, bien entendu, été déposée. L'enquête étant en cours, je ne peux rien dire, mais au moment où je vous parle, il n'est pas certain que les menaces dont ils font l'objet soient liées à leur fonction.
Comme vous le savez, nous avons renforcé par la loi la protection des enseignants. Une série de dispositifs a été instaurée pour les protéger. Ce matin même, j'étais devant les 1 000 formateurs de l'éducation nationale sur la laïcité et les valeurs de la République et je puis vous dire que l'institution est désormais forte et unie pour lutter contre les phénomènes que vous dénoncez à juste titre.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Comme de nombreux députés, j'ai été interpellée à plusieurs reprises par des habitants de ma circonscription sur le droit à l'oubli en matière d'assurance emprunteur pour les personnes ayant été atteintes d'une pathologie cancéreuse. Nous avons démarré l'examen du PLFSS mais je n'ai malheureusement pas pu m'exprimer en commission des affaires sociales sur cette question, mes amendements ayant été jugés irrecevables.
Actuellement, pour pouvoir demander un crédit, les personnes ayant été atteintes d'un cancer doivent toujours attendre dix ans après la fin du protocole de guérison pour accéder à l'assurance emprunteur – dix ans pour les adultes de plus de 21 ans, cinq ans pour les plus jeunes.
En juillet dernier, l'Institut national du cancer a publié une étude démontrant une amélioration de la survie nette à cinq ans pour une majorité de tumeurs solides et d'hémopathies malignes, et indiquant que les bénéfices obtenus se maintiennent globalement jusqu'à dix ans.
Les personnes dont nous parlons souhaitent regarder vers l'avenir, construire des projets, acheter un logement ou un véhicule, ou encore créer ou développer une entreprise. Permettons-leur, comme tout un chacun, de souscrire un crédit sans attendre ce délai si long de dix ans qui, à la lecture de cette étude, ne paraît plus nécessaire. Seriez-vous favorable à avancer de dix à cinq ans le délai d'accès au droit à l'oubli pour les personnes ayant été atteintes d'un cancer ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR.
Vous avez rappelé les avancées que nous avons connues depuis maintenant quelques années en matière de droit à l'oubli. Il s'agit de permettre à des personnes qui, à un moment donné, ont été atteintes d'une maladie, ou qui sont atteintes d'une maladie chronique mais dont le traitement a fondamentalement amélioré le pronostic – je pense à certains malades atteints du VIH qui ont bénéficié d'avancées en la matière – de pouvoir accéder à un emprunt dans des conditions normales et ainsi de pouvoir investir dans l'avenir.
Je l'ai dit, il y a eu une avancée avec l'instauration d'un droit à l'oubli au bout de dix ans pour certains cancers dits « de bon pronostic ». Cela étant, nous avions pris l'engagement, il y a un peu plus de quatre ans, de ramener ce délai à cinq ans dans ce type de situations.
Certaines conventions s'appliquent, comme la convention AERAS – s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé –, et ont permis des avancées – vous avez parlé des 18-21 ans –, mais j'estime que nous devons aller plus loin afin de tenir notre engagement.
Très concrètement, il y a deux façons d'y arriver. La première consisterait effectivement à examiner les amendements déposés dans le cadre du PLF ou du PLFSS pour 2022, mais ceux-ci ont été déclarés irrecevables. Je vous confirme qu'ils le sont sur le plan juridique, mais j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un rejet politique.
Notons par ailleurs qu'il y a des initiatives parlementaires : je pense notamment à celle de l'une de vos collègues du groupe Agir ensemble, qui pourrait être examinée dans le cadre d'une niche pour amender le délai s'il s'avérait nécessaire d'aborder cette question par voie législative.
Je vous le répète donc, je suis tout à fait favorable à la réduction du délai pour le droit à l'oubli et ma porte est ouverte pour que nous construisions un consensus national autour de cet objectif, certes complexe du point de vue des logiques assurantielles, mais profondément humain et en phase avec la réalité que vivent des milliers de nos concitoyens et de nos concitoyennes.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et UDI-I.
En cette journée nationale de mobilisation des AESH, plusieurs députés ont déjà interrogé le Gouvernement sur les difficultés que ces personnels rencontrent à chaque rentrée scolaire – ce qui démontre l'importance du sujet.
Trente ! Trente enfants en situation de handicap sont actuellement sans AESH dans ma seule commune d'Aulnay-sous-Bois. Cette situation n'est pas acceptable, que ce soit pour les enfants, pour les parents ou pour les enseignants, qui pallient bien trop souvent l'absence d'AESH.
Je sais que vous m'opposerez les créations de postes depuis cinq ans et les 4 000 à venir. Malgré ces efforts, qu'il faut souligner, cela reste encore très insuffisant. Car si les ressources consacrées aux AESH ont augmenté, les effectifs des élèves notifiés ne cessent, eux aussi, de croître : vous l'avez confirmé tout à l'heure.
Il y a urgence ! Vous avez fait le choix de l'école inclusive ; il faut l'assumer et permettre à tous les enfants ayant une notification de bénéficier d'un accompagnement humain et non d'un accompagnement au rabais de quelques heures par semaine, faute de ressources humaines.
En cette journée nationale de mobilisation des AESH, dont je tiens à saluer le travail indispensable pour nos enfants, entendez le cri de détresse de ces femmes et de ces hommes particulièrement inquiets face à une situation de plus en plus compliquée ! Entendez aussi la souffrance des parents qui se sentent abandonnés et ne savent plus quoi faire.
En février 2020, le président Macron promettait que « plus aucun enfant ne serait laissé sans solution de scolarisation à la rentrée de septembre », mais ce n'est pas le cas ! Je pense en particulier à cette maman qui a craqué vendredi soir lors d'un conseil d'école. Elle n'est pas la seule !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
La Seine-Saint-Denis fait l'objet de toute notre attention.
J'ai signé avec le président du conseil départemental, Stéphane Troussel, une convention d'appui prévoyant plus de 900 000 euros pour rattraper tous les retards et évaluer les besoins des enfants et des adultes au sein de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Nous devons indéniablement mieux accompagner les familles et apporter une réponse croisée grâce, notamment, à la coopération du secteur médico-social. Voilà tout l'enjeu du partenariat que nous mettons en place avec les agences régionales de santé (ARS) et le ministère de l'éducation nationale.
La Seine-Saint-Denis connaît en effet une explosion des demandes d'allocations, d'AESH, de places et de solutions. Nous agissons en partenariat avec le président du conseil départemental sur ces sujets qui relèvent d'une responsabilité partagée. Nous devons élaborer des réponses adaptées aux familles.
J'irai demain, si vous le souhaitez, dans votre mairie…
…pour que nous examinions ensemble les cas de ces enfants qui ont besoin d'être accompagnés. Je suis en constante liaison avec le président Troussel et l'ensemble des équipes pluridisciplinaires – la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a mis une équipe de dix-sept personnes à la disposition du conseil départemental pour évaluer les besoins, mobiliser les moyens et trouver des solutions.
Nous serons aux côtés des familles – ensemble si vous le souhaitez ! –, en lien avec le président du département avec lequel nous sommes coresponsables des parcours de vie des enfants et des adultes en situation de handicap.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Depuis 2017, le Gouvernement et sa majorité agissent pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap et construire des politiques publiques plus inclusives. L'inclusion, ce n'est pas la même chose que l'intégration, c'est la société qui doit s'adapter à la différence et au handicap quels qu'ils soient. Agir sur le quotidien des personnes en situation de handicap, c'est aussi et surtout agir sur le regard que nous portons sur elles.
Rappelons quelques chiffres : 35 % des Français estiment qu'une personne en situation de handicap n'est pas capable de travailler ; 31 % d'entre eux pensent qu'il vaudrait mieux éviter qu'elle ait des enfants. Ces chiffres montrent que les préjugés demeurent. Il nous faut agir pour les 12 millions de personnes, un Français sur cinq, qui vivent avec un handicap. Il est fondamental que les personnes handicapées puissent accéder aux dispositifs de droit commun, aller à l'école, être formées, s'insérer dans le monde du travail mais aussi avoir accès au logement, au sport, à la culture et aux loisirs. Les discriminations sont ancrées et constituent la première cause de saisine de la Défenseure des droits.
Nous sous-estimons trop souvent la richesse et les compétences des personnes en situation de handicap pour notre société. Les Français se sont émus devant les prouesses des athlètes aux derniers Jeux paralympiques de Tokyo : ils ont vu leurs performances avant leur handicap. Il est temps de sortir des discours qui vulnérabilisent et de regarder la personne pour ce qu'elle est plutôt que de la regarder comme handicapée.
Madame la secrétaire d'État, vous avez lancé hier la campagne nationale de communication « Voyons les personnes avant le handicap », qui porte un message fort et attendu. Depuis la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, aucune campagne gouvernementale sur le handicap n'avait été déployée pour mobiliser les citoyens, alors qu'il s'agit de l'une des recommandations de l'ONU, formulée dans un rapport de 2016. Quelles actions concrètes sont envisagées pour changer définitivement le regard de la population sur le handicap ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Nous avons effectivement lancé hier une grande campagne dans l'ensemble des médias – télévision, radio, presse, affichage, numérique et réseaux sociaux – : elle durera jusqu'au 4 janvier prochain et sera évidemment totalement accessible. Il s'agit d'un investissement fort du Gouvernement. Il était temps de communiquer sur le changement de regard sur les personnes en situation de handicap, car aucune campagne d'ampleur n'avait en effet été menée depuis plus de quinze ans.
Cette campagne enverra des messages simples, positifs et bienveillants, ni compassionnels, ni empathiques. Elle a vocation à jouer un rôle moteur dans le changement de regard. Elle sera marquée par des temps forts comme la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées avec le Duoday le 18 novembre, ou la Journée internationale des personnes handicapées le 3 décembre. Les messages seront diffusés dans les cinémas pendant les vacances scolaires car nous devons toucher les jeunes et les familles, piliers du changement de regard : ils se composent de trois films, réalisés par Yvan Attal, conçus pour interpeller le grand public sur ce qu'il connaît ou croit connaître ; chacun de ces films met en scène des situations de la vie quotidienne dans lesquelles la relation à la personne se concentre sur ce qui importe vraiment, à savoir la personnalité. La campagne s'accompagne de photographies de Sylvie Lancrenon destinées à parler du handicap visible et invisible. Elle fait feu de tout bois avec sept interviews en format web et télévisé, qui seront mises à la disposition des associations et des personnes elles-mêmes pour nourrir les échanges dans tout le pays.
Vous le voyez, notre objectif est d'aller vers tous les Français, de les interpeller et de les mobiliser pour qu'ils deviennent des acteurs à part entière du changement du regard porté sur les personnes handicapées. Voyons la personne avant le handicap ! Je suis convaincue que cette campagne constituera un important levier pour faire tomber les préjugés. Vous l'avez rappelé, le handicap est souvent la première cause de discrimination, alors voyons les personnalités des individus avant tout !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, pour la deuxième fois consécutive, Pierre Alessandri, l'un des trois membres du commando dit Érignac, vient de se voir refuser une libération conditionnelle en appel. Il a effectué sa peine et a même dépassé de plus de quatre ans la période de sûreté de dix-huit ans à laquelle il avait été condamné. À chaque fois, son projet de réinsertion est validé par tous les experts et toutes les commissions locales de l'administration pénitentiaire, de même que par les juges en première instance. Le parquet national antiterroriste (PNAT) a cependant fait appel à chaque fois, pour aboutir in fine à un refus obstiné.
Le motif invoqué cette fois-ci par la cour d'appel de Paris, « trouble à l'ordre public ayant déstabilisé durablement les institutions de la République », démontre que le traitement du prisonnier Alessandri est, à l'instar de celui réservé à Alain Ferrandi et à Yvan Colonna, politique et motivé par une vengeance aujourd'hui décomplexée. Cette même logique vous avait déjà conduit en janvier dernier, monsieur le Premier ministre, à refuser la levée, pourtant fondée, du statut de détenu particulièrement signalé (DPS), empêchant ainsi tout rapprochement dans l'île et pénalisant encore les familles par la double peine.
Toute la Corse respecte profondément la douleur de la famille Érignac, mais respecter la douleur des familles endeuillées ne peut conduire en aucun cas à accepter la vengeance d'un État profond, qui fait tout pour qu'au détriment des droits les plus élémentaires de ces hommes et de leurs familles, une peine de mort déguisée se cache derrière une perpétuité réelle et à tout prix. Montesquieu écrivait qu'il n'y avait point « de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice. » Alors que nous venons de célébrer le quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort, la tyrannie et la haine manifestées dans ce dossier viennent scier les fonts baptismaux des principes démocratiques et républicains.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous permettre le transfert de ces hommes en Corse, de même que l'exercice de leur droit à la réinsertion ? Quand allez-vous tourner le dos à la vengeance et à la haine pour consolider enfin les voies de la paix construites dans l'île ?
MM. Michel Castellani et Jean Lassalle applaudissent.
Tous les représentants de la République doivent respecter les décisions de justice : c'est ce que je fais ! Vous avez évoqué devant la représentation nationale l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 7 octobre, qui a confirmé le jugement rendu en première instance le 27 juillet par le tribunal d'application des peines de Paris. Vous l'avez dit, la cour d'appel a refusé de faire droit à la demande d'aménagement de peine formulée par M. Pierre Alessandri, condamné en 2003 à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Érignac. Il ne m'appartient pas, vous le savez parfaitement, de commenter les décisions de justice, qui s'appliquent à moi comme à vous. Je ne peux pas laisser dire que cet arrêt serait, en quoi que ce soit, l'instrument d'une vengeance de l'État, celui-ci n'étant pas ici pour se venger.
Vous avez également abordé la question du maintien du statut de DPS : je voudrais, là aussi, rappeler à la représentation nationale que le registre de ces détenus particulièrement signalés est un répertoire national qui regroupe les détenus « appartenant à la criminalité organisée ou reliés aux mouvances terroristes. » L'inscription sur cette liste a pour effet de maintenir le détenu dans une maison centrale, c'est-à-dire un établissement comportant une organisation et un régime de sécurité renforcés, ce qui n'est pas le cas, comme vous le savez également, du centre pénitentiaire de Borgo ou de la maison d'arrêt d'Ajaccio en Corse.
Nous verrons bien ce que proposera la commission composée de magistrats et de représentants des forces de l'ordre et des fonctionnaires, qui, là encore vous le savez, doit réviser, dans quelques semaines, la liste des DPS, laquelle compte actuellement quelque 300 personnes. Comme nous l'avons toujours fait, nous prendrons en toute objectivité et impartialité les décisions qui s'imposent.
Je veux dire à la représentation nationale que je ne suis animé vis-à-vis de la Corse, où j'entends bien me rendre dans quelques semaines, d'aucun esprit de vengeance. L'État conservera à l'égard de la Corse sa totale impartialité ; il souhaite d'ailleurs s'engager avec les élus de l'île sur le chemin d'un développement, comme il le fait avec l'ensemble des territoires de la République, auxquels, vous le savez, je suis particulièrement attaché.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
J'associe à ma question ma collègue Blandine Brocard. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, tous les groupes de cette assemblée vous ont interrogé sur la situation des AESH, mais tous n'ont pas relevé les efforts consentis par notre majorité, par vous-même et par la secrétaire d'État Sophie Cluzel.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR, FI et GDR.
Nous, nous savons que vous avez travaillé pour une société plus inclusive, dans les actes et pas seulement dans les paroles ! Vous œuvrez pour permettre aux enfants concernés d'être scolarisés, de faire des études et de prendre ainsi toute leur place dans la société. Pour ce faire, le milieu scolaire a connu de nombreuses évolutions. Avec un investissement supplémentaire de près de 2 milliards d'euros par an, vous avez facilité la scolarisation des élèves handicapés grâce à la création d'unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) – j'en ai visité une à Vierzon – et au doublement du nombre d'AESH. Cette année, 400 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés, soit une progression de 19 % en cinq ans ; ils sont accompagnés par 125 000 AESH, dont le nombre a augmenté de 35 % en cinq ans.
La nouvelle grille indiciaire, publiée le 24 août, a encore revalorisé le statut des AESH, lequel dépend à présent de l'éducation nationale : les contrats sont plus longs et mieux rémunérés, même si des insatisfactions récurrentes persistent. Les accompagnants ne sont pas assez nombreux, les emplois du temps sont fragmentés et parfois répartis entre établissements et entre enfants, et le nombre d'heures peut se révéler insuffisant, tout comme l'insertion de ces personnels dans la communauté éducative.
Monsieur le ministre, quelles évolutions envisagez-vous, avec la secrétaire d'État Sophie Cluzel, pour ces nombreux accompagnants dont la présence auprès des élèves en situation de handicap est indispensable ? Comment peut-on mieux accompagner les familles ? Celles-ci bénéficient depuis 2019 du complément de mode de garde majoré de 30 % jusqu'au sixième anniversaire de l'enfant non scolarisé : quelle solution peut-on leur apporter lorsque l'enfant grandit et que la scolarisation semble impossible ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous remercie d'avoir récapitulé notre action. Cette majorité est en effet celle qui a fait le plus – et de très loin ! – pour la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Mme Danielle Brulebois applaudit ; M. Adrien Quatennens s'exclame.
Les chiffres, notamment budgétaires, que vous avez rappelés en attestent. Il importe de le redire, car le choix que nous avons opéré est évidemment le bon et devrait recueillir un soutien unanime.
Cette politique repose sur une philosophie qu'avait édictée le président Jacques Chirac dès les années 2000 à l'occasion des premiers progrès accomplis en la matière : les élèves en situation de handicap ont toute leur place à l'école, sauf exception justifiée qui relève des structures spécialisées. Comme l'a rappelé Sophie Cluzel, les administrations sociales, le secteur médico-social et l'éducation nationale coopèrent étroitement ; ainsi, les personnels sociaux et éducatifs agissent ensemble dans les établissements grâce aux pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).
Nous progressons, avec la création d'ULIS et de classes spécialisées pour élèves autistes. Tous ces progrès s'accompagnent d'une progression de la formation des AESH, pour lesquels soixante heures par an de formation sont prévues. Les progrès ont donc été importants : outre que ces agents sont plus nombreux, ils sont mieux payés et leur place est stabilisée dans l'éducation nationale.
Pour les familles, la procédure a été simplifiée : comme je l'ai dit, elles peuvent appeler le numéro vert ou contacter la commission départementale ; à chaque fois qu'un problème se présente, nous étudions ainsi les solutions possibles.
Quant aux élèves en situation de handicap, ils peuvent désormais se sentir pleinement à l'école, pleinement élèves. Je rappelle que cette année, pour la première fois, le second degré en compte davantage que le premier degré. C'est le signe d'une normalisation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Macron a décidé ; Véran fait appliquer – il s'agit bien de la fin de la gratuité des tests de détection du covid. La réponse ne s'est pas fait attendre : la mesure fait déjà scandale dans plusieurs médias français. La conséquence immédiate en est la baisse de 45 % du nombre de personnes testées en une semaine. En bref, contrairement à ce que vous laissez entendre, ce n'est pas une mesure de prévention, mais bel et bien un énième moyen de pression sur la population, car les plus pauvres n'ont pas les moyens financiers pour payer ces tests.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Et si les Français ne peuvent pas effectuer leurs tests, attendez-vous prochainement à une nouvelle vague. Cette décision absurde mettra encore une fois en danger la population, notre économie et notre cohésion sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Cela nous pend au nez puisqu'une nouvelle vague menace les pays européens ; la Lettonie et le Royaume-Uni constatent ainsi une forte reprise épidémique. Quelque 700 000 personnes étaient testées chaque jour avant la fin de la gratuité, elles ne sont plus que 400 000 une semaine après.
Face à ce constat, dans l'intérêt de la France et des plus pauvres, il est urgent de remettre en cause cette mauvaise décision et d'agir avec responsabilité. Allez-vous le faire, monsieur le ministre ?
La situation est pire encore en outre-mer, où le taux de pauvreté est plus élevé que dans l'Hexagone et le taux de vaccination plus bas. Vous décidez pourtant d'y mettre fin à la gratuité du test, en le facturant plus cher qu'ici. Sachant que les plus pauvres sont les plus éloignés du système de santé, vous condamnez de nombreux malheureux.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Karine Lebon applaudit également.
Nous savons tous, et vous le premier, que le nombre de personnes testées baissera considérablement. C'est la double peine pour les outre-mer mais cela vous laisse indifférent car vos intérêts et ceux des populations s'opposent.
Dans un tel climat, vous décidez en outre de supprimer l'obligation, pour les personnes vaccinées, de présenter un test négatif pour se rendre dans les territoires ultramarins. Votre tempérament sectaire gagnerait-il du terrain sur votre responsabilité de ministre des solidarités et de la santé ? Quelles sont vos véritables intentions ? Comptez-vous revenir aux tests gratuits sur l'ensemble du territoire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur Ratenon, je ne partage pas votre sens de l'invective et de la mise en cause personnelle.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Je ne vous ferai donc pas l'injure de préjuger de vos intentions – c'est cela la démocratie et le refus du sectarisme, contrairement à vos affirmations à l'instant.
Mon intention est d'assurer l'accès aux soins, d'éviter des vagues épidémiques et, si celles-ci frappent, de protéger les populations sans distinction.
Mon intention est celle de la majorité écrasante des Français et de l'ensemble de la communauté médicale. C'est une intention courageuse, celle de demander à nos concitoyens de se protéger, de se faire vacciner, de ne pas avoir peur.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mon intention n'est pas de jouer à la fois en faveur de la vaccination et contre elle, ni de jouer à la fois avec la peur et la confiance.
« Non, non ! » sur les bancs du groupe FI.
Mon intention est d'enjoindre les Français à se vacciner, car sinon, ils s'exposent à de nouvelles vagues épidémiques.
Pour ceux qui sont vaccinés, les tests sont gratuits dans toutes les situations ; il en va de même pour les mineurs. Pour les cas contacts ayant reçu un message de l'assurance maladie ou d'une ARS, les tests sont gratuits. Pour les participants aux campagnes de dépistage collectif, comme pour ceux qui ne sont pas vaccinés mais présentent des symptômes et disposent d'une recommandation médicale, les tests sont aussi gratuits.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Oui, dans les autres cas, les tests sont payants sur le territoire de la République française, comme ils le sont dans la totalité des pays qui nous entourent depuis le début de la crise sanitaire. À l'inverse d'eux, la France avait d'abord décidé d'instaurer la gratuité sans condition des tests. Mais, désormais que 90 % de la population adulte de notre pays est vaccinée et protégée, nous ne continuons d'assurer la gratuité des tests que dans les situations qui le nécessitent d'un point de vue sanitaire.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Avec 300 000 ou 400 000 tests réalisés par jour, nous sommes aujourd'hui largement au-dessus de la moyenne européenne.
Non, monsieur le député, nous continuons de combattre l'épidémie ; nous combattons également pour la vaccination.
Notre intention n'est pas politicienne, elle est sanitaire, humaniste et nous la revendiquons comme telle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
La crise sanitaire a mis en exergue le rôle primordial des salariés du secteur de l'aide à domicile au sein de notre société. Je les remercie ici pour leur implication sans faille pendant cette crise sanitaire ; ils ont parfois apporté le seul lien social de certains de nos concitoyens les plus isolés.
Cette crise a aussi mis en lumière leurs difficultés, puisque seulement 43 % des aides à domicile accèdent à une rémunération conventionnelle supérieure au SMIC après dix-sept ans d'ancienneté.
Ce constat démontre l'obsolescence de la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010, pour ce secteur trop longtemps oublié.
Nous apprécions donc à leur juste valeur les avancées salariales de l'avenant 43 à cette convention, qui permettra une véritable revalorisation pour ces salariés qui assistent quotidiennement nos proches en difficulté.
En outre, l'instauration d'un tarif plancher de 22 euros dans tous les départements permettra d'éviter certaines iniquités territoriales. Nous saluons l'accompagnement financier proposé par l'État et son engagement à compenser cette évolution tarifaire. Pour autant, ce tarif pourrait ne pas être suffisant pour certaines structures et les départements seuls ne pourront pas compenser le déficit financier induit.
Aussi, pouvez-vous nous donner des précisions sur le mécanisme de compensation qu'envisage le Gouvernement pour rassurer les départements et les structures afférentes sur la soutenabilité financière de la revalorisation salariale des aides à domicile ?
Il s'agit également d'améliorer la qualité du service rendu à l'usager, quels que soient son profil, ses besoins et son lieu de vie, tout en améliorant la vie des aidants. Quelle stratégie entendez-vous encourager pour accompagner les départements et les structures concernées ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
L'action du Gouvernement pour revaloriser les aides à domicile est à tiroirs, ou à fragmentation, car nous avons pris à de multiples reprises des mesures fortes en leur faveur.
Elles jouent un rôle irremplaçable auprès des personnes les plus vulnérables, comme l'a montré la crise sanitaire. Depuis des années, des décennies, il était question d'une revalorisation sérieuse, à la hauteur de leur engagement.
Si Mme Brigitte Bourguignon a donné son accord à l'avenant 43, au nom du Gouvernement, c'est à la condition que l'État puisse aider les départements, dont c'est la compétence, à assumer financièrement un saut qualitatif.
Sur tous les bancs de l'Assemblée, vous avez voté en faveur d'une enveloppe supplémentaire de 200 millions d'euros, afin de prendre en charge la moitié du coût.
Elle est reconductible chaque année et permet des hausses de salaire historiques, de l'ordre de 13 à 15 %.
Au cours de la prochaine décennie, 200 000 personnes supplémentaires perdront leur autonomie ; les besoins sont donc très importants. Il faut en outre des viviers de proximité.
Mesdames et messieurs les députés, vous pouvez être fiers de la revalorisation de ces métiers, votée sur tous les bancs – c'était historique. Toutefois, nous ne nous arrêtons pas là.
Dans le cadre du PLFSS pour 2022, vous voterez sur l'augmentation salariale des autres aides à domicile, grâce à l'instauration par l'État d'un tarif minimum, qui accroîtra les marges de manœuvre de l'ensemble des structures. La différence de tarifs sera intégralement compensée par la CNSA.
En outre, le Gouvernement a travaillé avec la majorité à un amendement visant à introduire dans le PLFSS une dotation qualité, afin d'accroître de 3 euros par heure le financement des structures contractantes ; le coût sera intégralement compensé, là aussi, par la CNSA. Cette dotation s'ajouterait aux 22 euros par heure du tarif de référence et au financement conjoint du coût de l'avenant 43, dans tous les départements.
C'est une très belle avancée pour les aides à domicile.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Depuis de nombreuses années, nous demandons un changement du modèle agricole français. Nous voulons une agriculture plus respectueuse de l'environnement, sans OGM – organismes génétiquement modifiés –, sans pesticides et ainsi de suite. Nous voulons le bien-être animal dans des élevages à taille humaine, avec des animaux qui pâturent et ne sont pas traités aux antibiotiques. Nous voulons surtout que toutes les exploitations bénéficient du label HVE – haute valeur environnementale.
Certains agriculteurs engagent donc leur entreprise dans des évolutions structurelles qui nécessitent des investissements importants et impliquent davantage de risques. Pourtant, que constatons-nous aujourd'hui ? De l'amertume et du découragement ! En effet, les prix des produits ne sont pas à la hauteur des efforts demandés et les écarts de compétitivité se creusent avec nos principaux concurrents, qu'ils soient européens ou mondiaux. Force est de constater que la montée en gamme est bien là, mais la valorisation des prix pour rémunérer les contraintes, non !
Une telle situation est devenue insupportable pour les agriculteurs français. Comment ne pas s'inquiéter de l'exemple des producteurs de lait biologique ? Ceux-ci ont répondu à l'ambition politique de développement de l'agriculture biologique mais se heurtent à la loi du marché, la demande n'étant plus en adéquation avec l'offre. Les conséquences sont multiples : baisse du prix, baisse des volumes, déclassement de produits et même arrêt de la reconversion pour des agriculteurs qui souhaitaient s'engager dans cette démarche.
Cette situation m'interpelle et me fait penser aux petits commerces des territoires ruraux ; tout le monde les réclame, mais presque personne n'y va ! Que comptez-vous faire pour que le sort de nos produits agricoles d'excellence soit différent et pour redonner espoir aux agriculteurs français qui se sont engagés dans ce changement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je vous remercie pour la qualité de votre question, à laquelle je souscris en tous points. S'agissant du peuple français, un philosophe suisse parle de « cohabitation des contraires » – mais l'expression s'applique aussi à de nombreux peuples européens. Quant à moi, j'ai coutume de dire ceci : citoyen de bon matin, consommateur passé le quart d'heure – ce qui veut peu ou prou dire la même chose.
C'est vrai, à cause de la cohabitation des contraires que vous avez très bien résumée, nous avons demandé au monde agricole d'accomplir de nombreuses transitions, alors que cette injonction n'était pas forcément reprise par le donneur d'ordre final, le consommateur. Cela nous enseigne que l'agriculture ne peut pas répondre à des injonctions. Il faut le dire, le marteler : cela ne fonctionne pas comme ça.
L'agriculture doit plutôt répondre aux demandes du consommateur, qui doit rémunérer les transitions qu'il souhaite. Et quand l'agriculture n'en a pas la possibilité, l'État doit l'accompagner avec des politiques sociales.
L'État doit également garantir que la rémunération de l'agriculteur est assurée et non captée par les industriels ou la grande distribution ; la transition doit ainsi être menée grâce à une sorte de contrat avec l'ensemble de la société. C'est ce que nous faisons grâce à la proposition de loi de Grégory Besson-Moreau dite « EGALIM 2 », que vous avez adoptée à l'unanimité.
Par ailleurs, j'entends souvent, comme vous, dont je connais l'attachement aux terres agricoles, que les transitions n'iraient pas assez vite. L'exemple du lait bio est pourtant parlant. En France, depuis 2017, la surface consacrée au bio a doublé, ce qui fait de notre pays le premier en la matière en Europe. Soyons-en fiers, arrêtons de caricaturer notre agriculture et avançons vers des solutions de marché, défendues fièrement et de manière pragmatique.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens et sur quelques bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie, et à vous aussi, monsieur le Premier ministre, car le dossier est sur votre bureau.
Chapelle-Darblay, seule entreprise en France capable de produire du papier recyclé, fait l'objet d'une décision de vente par le groupe UPM, qui exclut l'offre papetière de Veolia et Fibre Excellence. Cette décision implique le démantèlement de l'outil industriel. En réaction, la métropole de Rouen a fait connaître son intention de préempter le site, comme le proposaient les élus communistes. Vous-même, madame la ministre déléguée, tout comme M. Bruno Le Maire, considérez encore aujourd'hui que l'offre papetière mérite d'être examinée dans le détail.
Vous avez annoncé une concertation d'urgence avec les élus du bassin d'emploi de Rouen pour décider des prochaines actions à mener conjointement. À cette heure, pouvez-vous nous indiquer précisément si vous donnez une appréciation favorable à la préemption du site décidée par la métropole – je vous demande une appréciation politique – et si vous comptez accompagner sous toutes les formes nécessaires la collectivité dans sa démarche ainsi que dans la revente du site industriel ?
« Garantir que la démarche sera couronnée de succès serait malhonnête »,…
…disait et dit encore à ce jour le président de la métropole de Rouen. Qu'allez-vous faire pour qu'elle le soit ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Comme vous le savez, Bruno Le Maire – dont je vous prie d'excuser l'absence – et moi-même suivons la situation avec la plus grande attention, aux côtés des élus du territoire.
Depuis deux ans maintenant, le site a arrêté sa production et les 228 salariés ont cessé d'y travailler. Durant deux ans, nous avons travaillé avec le propriétaire, l'industriel UPM, pour trouver un avenir industriel à ce site, et nous avons obtenu qu'il soit maintenu en l'état, permettant de faire émerger deux solutions défendues par de grands groupes français – ce qui est une très bonne nouvelle. La première a été déposée cet été par Paprec et Samfi ; Veolia a remis la sienne la semaine dernière. UPM a examiné ces offres vendredi dernier et a choisi Samfi-Paprec. Bruno Le Maire et moi-même avons regretté qu'UPM n'ait pas retardé sa décision pour examiner ces offres plus en détail. Nous rappelons qu'il est de la responsabilité d'UPM de mener à bien une analyse approfondie de toutes les options disponibles pour trouver la meilleure solution de réindustrialisation.
Le droit de préemption que la métropole de Rouen souhaite exercer relève bien de sa compétence et je vous confirme que nous serons au rendez-vous pour accompagner toute solution permettant de maximiser le nombre d'emplois industriels créés dans les activités au service de la transformation environnementale. C'est ce que nous avons fait dans le secteur papier-carton il y a quelques mois en trouvant une solution pour le site Fibre Excellence à Tarascon et pour celui de Norske Skog à Golbey ainsi qu'en sécurisant le site papetier d'Alizay, qui fabriquera du papier et du carton à partir d'une énergie tirée de la biomasse et de papier recyclé à une vingtaine de kilomètres de la Chapelle-Darblay. C'est ce que nous ferons pour recréer de l'emploi industriel.
Comprenez que, quand une métropole prend une décision de préemption – qui est une décision foncière technique, mais également une décision politique –, ce n'est pas la même chose si elle dispose du soutien plein et entier de l'État. Pour sauver le site et lui donner sa vocation papetière, il faudra que tout le monde soit au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
J'associe à ma question le président de mon groupe, Christophe Castaner, qui, je le sais, a beaucoup œuvré en faveur de la simplification du titre emploi service entreprise (TESE) sous la précédente législature.
Lors de mes déambulations en circonscription, de nombreux restaurateurs m'ont fait part de leurs difficultés pour déclarer du personnel en remplacement inopiné. En effet, il est très courant qu'un de leurs salariés les appelle pour les prévenir de leur absence pour la journée. Au dernier moment, en plein coup de feu, le restaurateur est obligé de trouver un remplaçant pour pallier cette absence. S'ensuit alors une procédure administrative très lourde : le gérant doit remplir la DPAE – déclaration préalable à l'embauche –, faire éditer via son expert-comptable un contrat de travail qui lui sera facturé entre 20 et 70 euros et envoyer une déclaration à la caisse de prévoyance. Cette procédure est coûteuse et chronophage. Elle incite même fortement le commerçant à ne pas déclarer le salarié et à le payer au noir.
Or, depuis 2009, il existe un dispositif méconnu, le titre emploi service entreprise, qui devrait permettre aux chefs d'entreprise de déclarer rapidement et gratuitement les salariés en remplacement. Cependant, pour pouvoir l'utiliser, ils doivent déclarer par ce biais l'ensemble de leurs salariés permanents.
Monsieur le ministre délégué, je vous ai interpellé en vous proposant de lever cette clause pour permettre aux restaurateurs et aux chefs d'entreprises du BTP d'avoir recours au TESE même si les salariés permanents ne sont pas déclarés ainsi. Ma proposition a été entendue et figure dans le PLFSS pour 2022.
Pouvez-vous nous préciser les modalités d'application de cette mesure ? Quelle publicité entendez-vous donner au TESE ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Comme vous l'avez dit, le titre emploi service entreprise existe depuis 2009. Ce service est mis par les URSSAF à la disposition des entreprises pour leur permettre d'éditer leurs fiches de paie. Le calcul des cotisations est réalisé par les URSSAF, ce qui permet aux entreprises de petite ou moyenne taille de gérer directement leurs fiches de paie. Nous avons utilisé le TESE pour permettre à ces mêmes entreprises d'appliquer le prélèvement à la source.
Depuis 2017, en raison de contraintes purement techniques, les chefs d'entreprise qui ont recours à un logiciel de paie ou à une expertise comptable pour la réalisation de leurs fiches de paie ne peuvent plus recourir au TESE pour les salariés occasionnels. Ces contraintes impliquent que les entreprises aient recours à la même modalité de déclaration pour tous les salariés, ce qui est pénalisant pour les entreprises dotées d'un personnel permanent qui souhaitent embaucher du personnel occasionnel – saisonniers ou remplaçants –, en raison des obligations que vous avez décrites.
Ces contraintes sont importantes mais, à la suite de votre interpellation et de celle du président Castaner, j'ai demandé aux URSSAF de travailler à la résolution des blocages techniques ; ceux-ci sont désormais levés. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, une nouvelle disposition permettra aux entreprises de recourir au TESE pour le personnel occasionnel ou saisonnier y compris quand le reste du personnel dépend d'un logiciel de gestion de paie. Cette disposition sera opérante dès le 1er janvier 2022. L'objectif est de permettre aux chefs d'entreprise de bénéficier d'un système simple, identique à celui dont bénéficient les particuliers employeurs avec le CESU – chèque emploi service universel. Sans vouloir préjuger du vote du Parlement, j'ai également demandé aux URSSAF de lancer une communication proactive avant le 1er janvier, afin de faire connaître cette disposition qui est un excellent moyen de lutter contre la fraude et de faciliter la vie des chefs d'entreprise.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
À Marseille, le deuxième épisode du grand jeu « Qui veut gagner des milliards ? » s'est déroulé la semaine dernière. Alors que le Président de la République avait quatre ans pour aider notre ville, il a fallu attendre la campagne présidentielle pour qu'il revienne jouer son rôle de supporter de l'Olympique de Marseille. Si l'élu marseillais que je suis ne peut que se satisfaire de le voir se pencher enfin sur le berceau marseillais, je constate que les promesses du président en campagne sont toutes conditionnées, ce qui génère incertitude et doute.
Pour le chantier des écoles, l'aide financière de l'État est conditionnée à la création d'une société publique pilotée par un nouveau préfet. On frôle la mise sous tutelle de la ville de Marseille et la remise en cause du principe de libre administration des collectivités territoriales ! Côté transports, l'aide financière est conditionnée à une réforme législative de la gouvernance de la métropole – en réalité une réforme des compétences – réalisée dans la précipitation par voie d'amendement gouvernemental dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit 3DS, alors qu'il y a deux ans, le rapport du préfet Dartout, issu d'un long travail avec les élus locaux, proposait au Premier ministre la fusion de la métropole et du département.
En ce qui concerne le montant de l'aide, il y a les annonces et la réalité. On nous annonçait 1 milliard d'euros pour les transports ; en fait, ce sont 250 millions d'aides et 750 millions d'avance remboursable. Pour les écoles, on nous fait miroiter 1 milliard d'euros, mais le maire de Marseille ne connaît ni le montant précis, ni même la répartition entre dotation et avance remboursable.
Les Marseillais attendent beaucoup plus qu'une opération de communication d'un président en campagne, ils attendent des actes. Monsieur le Premier ministre, mes questions sont simples : y aura-t-il des crédits pour Marseille dans le projet de loi de finances pour 2022, ou l'aide est-elle conditionnée à la réélection d'Emmanuel Macron ? Quels seront le montant et la forme du financement du chantier des écoles ? Enfin, le maire de Marseille a-t-il toujours compétence sur les écoles, ou celle-ci revient-elle désormais au Président de la République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Le 2 septembre, le Président de la République a proposé aux habitants et aux élus de Marseille et de sa métropole un projet à la hauteur des défis du territoire et de son potentiel basé sur leurs attentes.
Il a proposé de voir ensemble Marseille en grand – j'insiste sur le mot « ensemble » –, car la métropole marseillaise concentre des enjeux d'envergure nationale et mérite par conséquent une mobilisation très forte de l'État aux côtés des acteurs du territoire – et je dis bien « aux côtés ». Le Président de la République a formulé des engagements très clairs et inédits dans beaucoup de domaines : la sécurité, la santé, le logement, la culture, les écoles, les transports, le développement économique et l'insertion.
C'est pour s'assurer que ses engagements soient suivis d'effets que le Président de la République est retourné à Marseille vendredi dernier pour travailler avec la présidente de la métropole et le maire de Marseille. L'État intervient d'abord, et c'est normal, sur les compétences qui sont les siennes, notamment en matière de sécurité, domaine dans lequel des investissements humains et matériels massifs ont été annoncés et chiffrés. La ville de Marseille se mobilise pleinement sur les écoles et la métropole s'engage sur le développement des transports publics. L'État n'interviendra pas à leur place mais à leurs côtés grâce à des organes de pilotage communs.
Il faut aussi construire une métropole plus efficace tout en répondant aux besoins de proximité.
Nous souhaitons que la réflexion sur la gouvernance soit menée en parallèle des autres dossiers et qu'elle trouve une concrétisation dans la loi 3DS que vous examinerez dans quelques semaines. Je vous remercie d'avoir participé à une réunion de travail dans mon cabinet et je vous retrouverai moi-même lundi prochain à Marseille pour poursuivre les échanges.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
S'agissant du montant de l'aide financière, c'est le flou le plus total. Les Marseillais attendent que les promesses soient réalisées concrètement !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai récemment été alerté par les syndicats de l'entreprise ArianeGroup qui compte plusieurs sites près de Bordeaux, notamment au Haillan et à Saint-Médard-en-Jalles, ainsi qu'à Vernon, dans l'Eure, car la direction a pour projet de supprimer 600 emplois d'ici à la fin de l'année 2022. La justification apportée par l'entreprise, qui construit les fusées Ariane, est la supposée nécessité de retrouver de la compétitivité, notamment par rapport aux nouveaux acteurs, et de faire face aux conséquences de la crise sanitaire.
La filière spatiale a été une vitrine de la coopération et de l'excellence européennes ; un tel coup d'arrêt est préoccupant et en dit long sur son cruel manque d'ambition. Encore récemment, nous examinions en commission des affaires étrangères le projet de loi autorisant l'approbation de la déclaration relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais. À cette occasion, nous déplorions que le principe de préférence européenne pour les missions institutionnelles soit peu contraignant et que de trop nombreux programmes européens négligent la chance que constituent l'existence du Centre spatial guyanais et la filière spatiale européenne.
Ce manque d'ambition se retrouve également chez ArianeGroup où les syndicats, appuyés par un cabinet d'expertise, préconisent d'explorer toutes les pistes en termes de réduction du temps de travail, de transfert des charges aux maisons mères Safran et Airbus, de diversification ou de baisse des exigences de rentabilité et de dividendes ; tout cela afin de maintenir le savoir-faire en matière de recherche, de construction de lanceurs et de satellites et d'exploitation des données.
La maîtrise de ce savoir-faire et l'excellence de la filière sont en partie dues à un demi-siècle d'investissements publics et de volontarisme de la France en la matière. Que comptez-vous faire pour ne pas abandonner ArianeGroup à son sort et pour élaborer un véritable plan de relance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.
Vous avez raison de souligner l'excellence de nos compétences dans le domaine spatial et le fait qu'elle est le résultat d'un investissement constant, durable, dans la recherche et développement, ainsi que dans l'innovation, au service de cette industrie.
Grâce au plan France 2030 annoncé par le Président de la République, nous retrouvons enfin, oserai-je dire, l'esprit de conquête qui a permis de construire des filières d'excellence : la filière spatiale, mais aussi les filières aéronautique et nucléaire. En outre, nous donnons une ambition à notre politique d'innovation, de recherche fondamentale, de recherche appliquée et d'industrialisation.
Pour répondre très précisément à votre question, l'accord conclu avec l'Allemagne, l'Italie et l'Agence spatiale européenne (ESA) est un bon accord ; il permet de garantir une préférence européenne et une charge de travail à Vernon, avec sept lancements Ariane 6 par an. C'est important, car la concurrence est très forte, avec SpaceX notamment.
Cet accord donne aussi à ArianeGroup les moyens d'être plus compétitif à l'international, puisque l'ESA prendra en charge 140 millions d'euros de frais de structure. On est loin d'une approche orientée uniquement par une prétendue recherche de rentabilité : il s'agit plutôt de faire en sorte qu'ArianeGroup continue à lancer et à fabriquer.
Un investissement de 40 millions d'euros dans les activités du site de Vernon préparera la production du moteur Prometheus, futur moteur lourd des lanceurs européens. Vernon restera le centre européen d'excellence pour les moteurs de fusée.
Enfin, par le biais de France 2030, 1,5 milliard d'euros seront investis dans un nouveau lanceur réutilisable, mais également dans la construction de petits satellites et de nanosatellites.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.
Nous sommes réunis pour la dernière fois au cours de cette législature, afin de statuer sur la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2022. Ce dernier budget s'inscrit pleinement dans la droite ligne des cinq années de politique libérale que nous subissons : vous confirmez donc que vous êtes bien la majorité des riches. À l'issue d'un examen à marche forcée, durant lequel nos amendements pour plus de solidarité ont été rejetés par une majorité et un Gouvernement figés dans leurs certitudes et leurs dogmes, notre vote ne laisse aucun doute.
Depuis le début du quinquennat, nous assistons à une pratique solitaire du pouvoir en faveur des plus riches. Nous avons malgré tout été surpris par l'autosatisfaction et la suffisance qui ont pu transparaître durant les discussions, alors même que nous nous trouvons dans un moment singulier. À l'issue d'une crise importante qui a vu les inégalités s'accroître, le nombre de pauvres grandir et le pouvoir d'achat s'éroder, le Gouvernement continuera cette année, comme prévu, de réduire les impôts des grandes entreprises avec le passage de l'impôt sur les sociétés (IS) de 26,5 % à 25 %, et poursuivra le dégrèvement de la taxe d'habitation pour les 20 % les plus aisés.
Ces baisses s'ajoutent à celles décidées précédemment, qui atteignent désormais 50 milliards d'euros. Personne ne sera dupe, monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, des communications massives diffusées depuis quelques semaines, ni même de certains documents émanant de Bercy laissant croire que ces 50 milliards constituent une restitution de pouvoir d'achat aux Français. Non, tout le monde le sait, vous êtes la majorité des riches et ces baisses d'impôts ont très massivement profité au 1 % – voire au 0,1 % – des Français les plus riches, dans des proportions indécentes.
L'ouverture du quinquennat ne laissait guère présager autre chose : la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l'instauration du plafonnement de la fiscalité des revenus du capital devaient instituer une politique de ruissellement, où les impôts rendus aux plus riches permettraient d'accroître les investissements. Quatre ans après, le compte n'y est pas et les trois rapports de France Stratégie le confirment : non, la baisse de la fiscalité sur le capital n'a pas eu d'effet sur l'investissement ou sur l'emploi. Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, vous pourrez prendre la chose sous tous les angles, en nous ressortant la fable habituelle du climat économique propice, vous êtes démenti par les études que vous avez vous-même demandées pour asseoir votre politique inégalitaire et injuste. Ces résultats ne constituent en rien une surprise, tant ces politiques de l'offre ont été écumées depuis trente ans, sans résultat. Mais vous persistez, seul contre tous avec vos œillères, sourd aux aspirations de nos concitoyens à plus de justice et de solidarité, et aveugle aux évaluations d'experts.
Je n'oublie pas que vous avez refusé d'augmenter la contribution exceptionnelle des hauts revenus. Faut-il rappeler qu'elle n'est payée que par les foyers gagnant plus de 250 000 euros pour un célibataire ou 500 000 euros pour un couple – il y a de quoi voir venir !
Faut-il rappeler qu'elle n'est payée que par 41 000 foyers, c'est-à-dire 0,1 % des Français ? Il n'était proposé de l'augmenter que de trois petits points.
Oui, une politique pour les zézés. Où est la solidarité des plus aisés dans ce moment si particulier de notre histoire ? Cette politique est d'autant plus délétère qu'elle prive l'État de ressources pourtant essentielles au profit de la dette, qu'on brandira pour justifier des politiques de rigueur à venir. Or on sait très bien, à la fin, comment seront payées ces baisses d'impôts : par une diminution des allocations chômage et par une réforme des retraites qui ne laisse augurer rien de bon.
Vous en avez pourtant tous les attributs et vous ne cessez d'agir en ce sens. Ce budget était la dernière occasion de gommer en partie cette marque qui vous colle à la peau. Vous n'en avez rien fait, confirmant que la hausse des inégalités n'était pas un sujet pour vous. En fait, vous avez deux lignes budgétaires : celle pour les riches, à guichets ouverts, et celle pour les moins nantis, à guichets fermés.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Ce n'est pas la société à laquelle nous aspirons. Le groupe GDR votera contre ce projet de budget.
Mêmes mouvements.
L'examen de la première partie du projet de loi de finances a été instructif et a permis d'enrichir le texte proposé par le Gouvernement. Je tiens d'ailleurs à souligner que les délais, moins contraignants que l'année dernière, ainsi que le nombre raisonnable d'amendements déposés, nous ont autorisés à avoir des débats de qualité tout au long de la semaine dernière. Au total, 124 amendements ont été adoptés : certains rédactionnels et d'autres techniques. D'autres encore auront des conséquences tout à fait sensibles sur le quotidien de nos concitoyens.
Je mentionnerai en premier lieu l'amendement gouvernemental relatif au bouclier tarifaire en matière d'énergie. Conformément à ce qu'avait annoncé le Premier ministre, les tarifs réglementés du gaz seront gelés jusqu'à ce que les prix baissent sur le marché et la hausse des tarifs réglementés de l'électricité ne pourra excéder 4 % en février prochain, alors qu'elle aurait été de plus de 10 % sans l'intervention de l'État. Ajoutées au chèque énergie supplémentaire pour 6 millions de ménages les plus modestes, ces mesures forment un bouclier tarifaire indispensable pour préserver autant que faire se peut le pouvoir d'achat des Français. Elles impliquent a contrario un effort budgétaire conséquent, évalué à plus de 5 milliards d'euros – même si cela reste tributaire des évolutions du marché mondial. La flambée des prix de l'énergie et du carburant oblige le Gouvernement à être réactif pour continuer à protéger les Français en cette sortie de crise. La question d'un chèque carburant est désormais également évoquée.
Nous tenons à vous alerter, monsieur le ministre délégué, sur le nécessaire accompagnement des classes moyennes. Elles aussi vont subir ces hausses, notamment celle des prix du carburant ; elles ne doivent donc pas être oubliées. En tout état de cause, nous sommes convaincus que cela doit surtout nous obliger à poursuivre tous les efforts réalisés depuis le début du quinquennat pour améliorer encore le pouvoir d'achat de tous les Français ; travail de fond, travail pérenne, pour permettre à tous nos concitoyens de faire face aux hausses temporaires de tarifs.
D'autres avancées importantes ont été réalisées par voie d'amendement au cours de l'examen de la première partie du PLF pour 2022. Nous saluons la défiscalisation des pourboires, défendue par nos collègues du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, qui vient accompagner l'évolution des modes de consommation et de paiement. Je pense également à la prorogation du taux réduit de TVA applicable aux masques et autres produits d'hygiène destinés à lutter contre le virus. Je pense enfin à la suppression de la contribution de solidarité territoriale à compter du 1er janvier 2022, puis de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires à compter du 1er janvier 2023, conformément aux engagements du Président de la République. Cet amendement, défendu par le groupe La République en marche, s'inscrit dans la volonté de la majorité d'encourager le secteur ferroviaire.
Le groupe Agir ensemble, fidèle à sa ligne constructive…
…a été force de proposition. Ainsi, les deux amendements de groupe relatifs à l'adaptation de la fiscalité des actifs numériques ont été adoptés grâce à l'engagement de M. le ministre sur ce sujet, qui exige un travail précis. Nous avons également concrétisé dans la loi notre engagement en faveur des biocarburants, en confirmant l'exclusion de l'huile de soja. C'était un amendement de bon sens, dans la lignée des avancées réalisées dans la loi de finances pour 2021. Enfin, notre groupe avait à cœur de mettre les territoires ultramarins au centre de ses préoccupations. Nous nous réjouissons donc de l'adoption de l'amendement défendu par Maina Sage, précisant les modalités d'application de la réduction d'impôt sur les investissements productifs et sur ceux réalisés dans les secteurs du logement social et du logement intermédiaire dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.
Voilà un balayage rapide, mais non exhaustif, des apports parlementaires que nous voulions mettre en valeur avant le vote solennel qui aura lieu dans quelques minutes. À notre sens, il en ressort un texte solide, qui répond aux enjeux du moment. Consacrant la stabilité fiscale, cette première partie fait également la part belle aux travailleurs indépendants qui verront leur régime simplifié. Mes chers collègues, le groupe Agir ensemble salue la qualité des échanges que nous avons eus et continuera à être force de proposition pour la suite de l'examen du PLF. En conclusion, vous l'aurez compris, nous voterons sans hésiter en faveur de la première partie du projet de loi de finances pour 2022.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous ne pouvons pas voter pour un budget aussi incomplet et probablement aussi insincère.
Plus de 6 milliards d'euros de dépenses manquent. C'est tellement gros que même le Haut Conseil des finances publiques dénonce ces impasses et refuse, pour la première fois de son histoire, de se prononcer sur les prévisions de déficit du Gouvernement.
Avant même d'être voté, votre projet de budget, hélas, est déjà caduc. Toutes les estimations de dépenses, de déficits et de dettes sont volontairement minorées. Nous avons examiné et nous devrons encore examiner des amendements de dernière minute, qui viendront ajouter des milliards par-ci par-là, des milliards encore et toujours. Quelle drôle de façon de considérer le travail parlementaire, quel manque de sérieux d'ailleurs, quand, dans le même temps, vous nous donnez matin, midi et soir, des leçons de responsabilité budgétaire !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous ne pouvons pas non plus voter un budget qui empile à ce point les dépenses publiques, des dépenses qui pleuvent, qui pleuvent sans limite à mesure que se rapprochent les échéances électorales.
En 2017, votre majorité n'avait pas de mots assez durs pour dénoncer la dérive budgétaire de la fin du quinquennat socialiste. Cinq ans plus tard, vous tombez dans les mêmes errements en ouvrant tout aussi massivement les vannes de la dépense. Vous faites croire aux Français qu'il s'agit d'argent magique, mais toutes ces dépenses sont financées par la dette, donc à crédit. Par pitié, ne vous servez pas de la crise comme d'un alibi pour justifier toutes vos dépenses électoralistes ,
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
qui n'ont aucun rapport avec le covid.
Ces trois dernières années, les dépenses ordinaires, c'est-à-dire la dépense sans lien avec la crise, excluant toutes les dépenses de relance et de soutien, ont augmenté de 100 milliards d'euros : c'est le record de ces quinze dernières années.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Et le plus grave, ce n'est pas le court terme de 2022, mais tous ces engagements de plusieurs dizaines de milliards de dollars qui vont peser sur les budgets ultérieurs de manière quasi irréversible.
Nous ne pouvons pas voter ce budget de la fuite en avant vers toujours plus de dettes et toujours moins de réformes.
Exclamations sur quelques bancs du groupe Dem.
En cinq ans, pas une seule réforme de structure n'a été menée pour redresser nos comptes publics, pas une seule.
C'est la première fois depuis trente ans que rien n'aura été fait pour sauver les retraites. Lors des trois années de croissance – 2017, 2018 et 2019 –, vous avez renoncé, par manque de courage politique, à désendetter notre pays.
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe LR.
Vingt-trois des vingt-huit pays de l'Union européenne se sont désendettées pendant cette période, mais la France, en a été incapable.
Au total, durant cette législature notre dette publique aura progressé de 680 milliards d'euros. Triste record ! Avec une dette aussi vertigineuse, la France n'est plus à l'abri d'une crise financière qui remettrait en cause sa souveraineté mais aussi son modèle social. Lorsque l'on regarde en arrière après près de cinq ans de cette législature, le bilan est accablant. La France étant devenue le maillon faible de la zone euro, elle sera donc la plus vulnérable.
Nous avons aujourd'hui le taux de dépenses publiques le plus élevé de l'Union européenne, nous avons le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l'Union européenne, nous avons le pire déficit commercial de l'Union européenne.
Notre pays est le seul dont le budget est encore en déficit primaire. L'Espagne et l'Italie font mieux que nous. La réalité de votre bien piètre bilan, c'est que sous le quinquennat d'Emmanuel Macron, la France n'a pas gagné un rang dans les classements européens en ce qui concerne le niveau de dépenses publiques, le taux d'endettement, le solde commercial ou le taux de prélèvements obligatoires. Pas un rang de gagné en cinq ans ! Pire, l'écart n'a cessé de se creuser avec les pays de tête.
Murmures sur quelques bancs du groupe Dem.
Enfin, vous vous présentez de manière indécente comme les champions du pouvoir d'achat au moment où les Français n'ont jamais été aussi inquiets pour leur pouvoir d'achat. Les cours du gaz et de l'électricité flambent et les prix à la pompe battent tous les records. Face à cela, vous sortez un bouclier tarifaire qui ne réglera rien et vous invoquez les cours internationaux pour justifier votre impuissance.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est oublier un peu vite que les taxes engrangées par l'État représentent 60 % du prix à la pompe ; c'est oublier, surtout, que vous n'êtes jamais revenus sur la hausse massive des taxes sur les carburants au 1er janvier 2018, et ce sont alors 3,8 milliards de hausses de taxes que vous pourriez rendre aux Français, à un moment où ils en ont cruellement besoin.
Monsieur le ministre délégué, comment pourrions-nous approuver un budget qui ne règle en rien ces problèmes de pouvoir d'achat des classes moyennes ? Comment pourrions-nous approuver la dérive dépensière de ce dernier budget de la législature ? Le groupe Les Républicains votera contre ce budget dangereux et ce budget paresseux, contre votre gestion irresponsable de l'argent public, contre votre incapacité à réformer notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est honteux que le ministre du budget ne soit pas là pour écouter les orateurs au moment du vote ! C'est du jamais vu et c'est une honte pour notre assemblée !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Avant voter solennellement la partie recettes de ce dernier budget de la législature, je voudrais revenir un instant sur les grandes orientations qu'il fixe et sur les points de vigilance du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés.
Nous avons consacré la précédente loi de finances pour 2021 et de nombreuses lois de finances rectificatives au sauvetage de notre économie face à la crise sanitaire. Cela aura coûté plus de 170 milliards d'euros, 170 milliards qui ont évité la fermeture massive des entreprises avec le plan de relance qui, adopté l'an dernier, porte déjà ses fruits et que nous complétons utilement.
Mme Dominique David applaudit.
Avec ce projet de loi de finances pour 2022, nous retrouvons pourtant la trajectoire de normalisation et de contrôle des finances publiques après deux années marquées par l'urgence de la relance.
Approbations sur quelques bancs du groupe LaREM.
La relance fonctionne, et l'hypothèse de croissance de 4 % sur laquelle est construit ce budget semble crédible à la Banque de France et à l'INSEE. Avec la reprise de l'activité, nous pourrons commencer à réduire le déficit qui dépassera, c'est vrai, 220 milliards cette année, de 8,4 % à 4,8 % du PIB, ainsi que la dette de 116 % à 114 % du PIB. Vous savez combien le groupe Dem est attentif à ce déficit.
Ce budget de retour au taux ordinaire budgétaire est aussi un budget de poursuite de la relance et du soutien aux plus fragiles face à la crise. C'est tout le sens des amendements que nous avons adoptés, au premier rang desquels le bouclier tarifaire visant à protéger les ménages de la hausse des prix de l'énergie. C'est tout le sens, aussi, de l'amendement sur la défiscalisation temporaire des pourboires : adopté à l'initiative de notre groupe, il permettra de rendre plus attractifs les métiers de la restauration aujourd'hui sous tension.
Avec ce budget pour 2022, la majorité finalise les engagements pris au début de ce quinquennat en matière de réduction des impôts qui pèsent sur l'économie : une trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés à 25 %, qui se poursuit dans un environnement fiscal assaini par la flat tax, et l'élargissement du bénéfice du taux réduit pour les petites entreprises, dont le seuil est passé de 7,6 millions à 10 millions d'euros. En outre, la taxe d'habitation a pu être totalement supprimée pour les ménages, réduisant ainsi les inégalités territoriales.
Ce projet de loi de finances est ainsi la dernière étape du train de réformes proposé il y a cinq ans par Emmanuel Macron et que nous avons défendu au sein de la majorité présidentielle durant ce quinquennat.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Il s'agit d'un budget ambitieux, avec le plan pour les indépendants, lequel inclut plusieurs mesures que nous soutenons depuis plusieurs années et qui facilitera la mise en société, sans oublier le statut du conjoint collaborateur ou la question de la reconversion des indépendants. L'amendement du Gouvernement facilitera les démarches administratives des indépendants, en permettant aux entrepreneurs individuels d'opter pour l'impôt sur les sociétés à travers leur assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité, à l'instar des dispositions actuellement applicables aux entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL), sans avoir à modifier leur statut juridique. Même s'il aurait été possible d'aller encore plus loin dans la simplification administrative et fiscale, comme y tendaient plusieurs amendements du groupe Dem, cette réforme constitue d'ores et déjà une véritable avancée. N'en déplaise à certains, nous continuerons à réformer la France jusqu'aux dernières heures de cette législature.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Au cours de ce mandat, nous avons fait vivre cette ambition transformatrice de la société et de l'économie afin de préparer et d'adapter la France aux défis nombreux qui l'attendent dans les prochaines années.
Cela ne nous interdit pas d'être, dans les mois et les années qui viennent, force de proposition pour une fiscalité plus juste et plus solidaire,…
…notamment en favorisant la participation et l'intéressement au profit de tous les salariés, avec le seul souci d'encourager tous les talents. Nous devons également nous pencher sur la fiscalité du patrimoine et de l'immobilier afin de faciliter les transactions et d'encourager les investisseurs engagés dans des démarches vertueuses.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe MODEM et démocrates apparentés voteront résolument en faveur de la première partie du projet de loi de finances pour 2022.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Le projet de loi de finances pour 2022 étant votre dernier budget, il est l'occasion de tirer un premier bilan de votre politique économique depuis cinq ans. Ce bilan, c'est d'abord l'article liminaire du projet de loi qui vous le donne en fixant le niveau de déficit public et, évidemment, le niveau de déficit structurel. J'ai bien conscience du caractère un peu « techno » de la notion de déficit structurel mais, en réalité, elle est très utile car elle fixe la ligne de partage avec le déficit conjoncturel, celui qui découle de la crise. Le déficit structurel, lui, traduit les faiblesses de notre économie.
Par un tour de passe-passe dont vous avez le secret, vous vous êtes arrangés pour considérer que les deux tiers du déficit total sont dus à la conjoncture. Cela aurait pu paraître presque inaperçu si la Commission européenne n'avait refait elle-même le calcul, appliquant la même méthode aux vingt-sept pays de l'Union. Elle estime que les deux tiers du déficit public sont structurels, autrement dit que les politiques que vous avez mises en place depuis 2017 n'ont pas été utiles pour relancer notre économie.
Approbations sur quelques bancs du groupe Soc.
Je le répète, ce n'est pas nous qui avons fait le calcul mais la Commission européenne, qui applique la même méthode à l'ensemble des pays.
Une autre alerte aurait dû vous interpeller, celle de France Stratégie et de l'Institut des politiques publiques (IPP) qui, dans leur rapport remis la semaine dernière, ont écrit : « Les entreprises dont les actionnaires payaient beaucoup d'ISF n'ont pas eu un comportement d'investissement distinct du reste des entreprises après 2017. » Tout est dit.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Soc.
Ces deux analyses reflètent l'échec de votre politique économique et, surtout, l'inefficacité de l'argent public que vous avez injecté.
Elles reflètent aussi le manque d'effet de votre premier plan de relance, tout simplement parce que ce dernier avait pour fil conducteur le saupoudrage. Et si ce plan avait été si efficace que cela, vous n'auriez pas eu besoin d'en faire un deuxième, comme cela a été annoncé la semaine dernière.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ce projet de loi de finances pour 2022 aurait dû être l'occasion de répondre vraiment à la préoccupation des Français, celle de la hausse récente du prix de l'énergie. Concrètement, ces hausses sont vertigineuses et terribles pour le pouvoir d'achat. Ainsi, pour un ménage de deux adultes et deux enfants qui se chauffe au gaz et qui a une voiture à essence, la perte de pouvoir d'achat sur une année entière sera de plus de 800 euros. Si ce ménage se chauffe au fioul, elle sera de 580 euros.
Face à l'ampleur des hausses, notre groupe a formulé cinq propositions – vous n'en avez retenu aucune – lors d'une séance de questions au Gouvernement : créer un bouclier tarifaire, c'est-à-dire qui donne l'accès à un volume minimal de gaz ou de fioul ; doubler le chèque énergie et le verser par virement de manière automatique ; augmenter le nombre de ses bénéficiaires ; accorder le chèque énergie à ceux qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur véhicule pour aller travailler – ils sont 14 millions dans notre pays, et parmi eux 8,5 millions ont moins de 1 700 euros par mois. Enfin, la France, qui va présider l'Union européenne à partir du mois de janvier, gagnerait à s'inspirer des propositions de la Commission européenne sur la baisse momentanée de la TVA applicable aux produits énergétiques.
Au final, cette première partie du projet de loi de finances risque de ne pas rester dans les annales, au regard de la faiblesse des dispositifs que vous proposez. Permettez-moi, chers collègues de la majorité, de rappeler quelques-uns des amendements que nous avons proposés et qui ont été adoptés – je rappellerai ensuite ceux qui ne l'ont pas été : d'abord, le maintien de la TVA réduite à 5,5 % pour les masques et le gel hydroalcoolique ; ensuite, l'allongement de huit à onze ans de la durée du statut de jeune entreprise innovante, lequel permet à une PME réalisant des dépenses de recherche et développement à hauteur d'au moins 15 % de ses charges fiscalement déductibles de bénéficier d'avantages et d'exonérations ; enfin, l'éligibilité au crédit d'impôt consenti pour l'usage d'équipements alimentés par des carburants écologiques conditionné à la présentation, pour ces produits, d'un bilan environnemental favorable.
En revanche, vous avez refusé toutes les avancées que nous avons proposées. Pour les collectivités locales, vous avez refusé de revenir sur la baisse de 50 millions d'euros des variables d'ajustement supportées par les régions. Vous avez également refusé d'assurer, pour les régions, la neutralité budgétaire de la baisse des impôts de production que vous avez adoptée dans le budget 2021, ce qui représente quand même 107 millions d'euros. Pour le logement, vous avez refusé d'augmenter la dotation globale de fonctionnement de 10 millions d'euros, en vue de financer les dépenses de domiciliation des personnes sans domicile fixe. Enfin, vous avez également refusé de réduire la TVA sur les modes de déplacement alternatif, comme vous avez refusé notre proposition, défendue par notre collègue Dominique Potier, visant à inciter fiscalement une limitation des écarts de rémunération de 1 à 12.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la première partie du projet de loi de finances pour 2022.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Ce budget est un budget de cohérence qui, comme tous les textes présentés par cette majorité depuis le début du quinquennat, a pour vocation de redonner des moyens d'action aux Français et à leurs entreprises, avec 50 milliards d'euros de baisse de prélèvements obligatoires en cinq ans – 25 milliards sur les foyers et 25 autres milliards sur les entreprises.
Cet allégement fiscal pour nos entreprises est un moyen de retrouver une compétitivité française capable de financer notre modèle social.
C'est pour cela qu'on favorise l'investissement avec la réforme fiscale, qu'on favorise la participation et l'intéressement avec la loi PACTE – la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises – et qu'on simplifie, à travers le droit à l'erreur, les relations avec l'administration.
Cette politique porte ses fruits, malgré la crise d'une violence inouïe que nous avons traversée. Grâce aux réformes engagées depuis 2017 et à notre gestion de la crise, nous abordons ce budget dans une meilleure situation que l'année dernière. Notre économie se redresse, avec 6,3 % de croissance en 2021,…
…500 000 créations d'emplois salariés, le taux de chômage le plus bas depuis 2008 et le rang de premier pays en termes d'investissements industriels étrangers en Europe depuis 2018.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cohérence pour les entreprises, mais également pour les foyers, avec 25 milliards de baisse d'impôt sur les foyers français, la suppression de la taxe d'habitation ,
Approbations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
5 milliards d'impôt sur le revenu en moins pour les classes moyennes de notre pays et une panoplie de mesures visant à s'assurer que le travail paye plus.
Cette volonté de redonner aux Français ce qui leur appartient a sous-tendu quatre ans d'action publique. Nous la perpétuons dans ce dernier budget.
Il s'agit de baisser la pression fiscale, bien sûr, mais aussi de protéger nos concitoyens. Les protéger, d'abord, dans leur quotidien, en renforçant les moyens de nos forces de l'ordre, avec 10 000 gendarmes et policiers de plus dans nos rues en cinq ans – du concret, du réel, du tangible ! –,…
…et en investissant dans notre justice qui, délaissée depuis tant d'années, voit enfin ses moyens augmenter – chaque année, et de 30 % en cinq ans.
Nous avons aussi voulu protéger les Français face aux aléas du monde interconnecté et mondialisé dans lequel nous vivons. Lorsque nous mettons en place le bouclier tarifaire, nous protégeons les ménages les plus fragiles face à une flambée des prix de l'énergie, pour permettre à tous de se chauffer cet hiver.
Enfin, ce budget est aussi l'architecture d'une politique pour l'avenir de notre pays. Il soutient notre jeunesse et notre capacité d'innovation avec des investissements massifs dans l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche.
Il finance, enfin, la transition écologique : en 2021 et en 2022, l'écologie représente un tiers des dépenses engagées dans le cadre de France relance, soit 30 milliards d'euros. Avec MaPrimeRénov', qui prévoit 2 milliards d'euros en 2022, ce seront 475 000 ménages qui rénoveront leur logement.
Ce budget prévoit aussi 4,7 milliards d'euros pour le ferroviaire, afin de favoriser les mobilités douces.
Il prépare également l'avenir, avec la traduction du plan d'investissement France 2030 que le Président de la République a dévoilé la semaine dernière et qui compte dix objectifs ambitieux que nous nous sommes donnés pour les dix prochaines années, de la conquête spatiale à la recherche en santé, en passant par la production du premier avion bas carbone.
Comme vous l'aurez compris mes chers collègues, le groupe La République en marche votera ce budget, et le votera avec fierté ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem
au nom de la cohérence de notre action politique, de la solidarité dans notre pays et de la compétitivité de notre économie, et pour construire un avenir digne de ce nom pour les générations qui nous suivent.
Mêmes mouvements.
Sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances, le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Zumkeller.
Alors que l'automne budgétaire bat son plein, nous sommes amenés à nous positionner sur le dernier PLF de la législature. Alors qu'il est annoncé comme un budget de sortie de crise, son examen, tant en commission qu'en séance, nous laisse un goût amer. Bien que la croissance semble être meilleure que prévu, ce budget se révèle être davantage un budget de campagne qu'un outil pour préparer l'avenir, et nous le déplorons. Il pourrait ainsi être qualifié de budget de la dépense publique. Le défi auquel nous sommes confrontés consiste à apporter des réponses claires et des solutions concrètes à nos concitoyens, tout en ayant à l'esprit les enjeux à long terme qui se proposeront à nous.
Les dépenses d'investissement sont utiles pour réformer notre pays, mais nous devons aussi être vigilants afin de ne pas sacrifier les générations futures en leur faisant porter le poids démesuré de la dette. En ce sens, ce PLF peut s'apparenter à un cadeau empoisonné. Rappelons tout de même que la dette n'en finit pas de croître en valeur, avec près de 3 000 milliards d'euros attendus pour 2022.
Alors que les taux restent bas, le poids de la dette publique est de plus en plus corrélé au niveau d'endettement, ce qui n'augure rien de bon pour notre avenir. En voulant allier de manière inédite dépense publique et investissement, ce budget pour 2022 a perdu une partie de sa substance et de sa lisibilité. En effet, il devient littéralement caduc et les prévisions financières qui le sous-tendent anachroniques. Le débat sur les mesures annoncées par le Gouvernement pour limiter les hausses des prix de l'énergie en est le révélateur. Ce gouvernement a même inventé un nouveau concept : celui de budget sans chiffres. En effet, comment peut-on imaginer un instant que les services de Bercy, et même M. le rapporteur général, toujours si prompt à repousser les amendements des parlementaires, aient pu valider ce plan gouvernemental sans pouvoir en fixer le coût : 3 milliards d'euros ? 5 milliards ? 8 milliards ? Nous n'en savons toujours rien.
Nous sommes convaincus que relancer la France d'aujourd'hui ne peut se faire sans un positionnement clair sur des secteurs d'avenir pour recréer de la valeur. Le plan de relance présenté par le Président de la République reste, à ce jour, trop flou et sans véritable proposition de financement.
Le groupe UDI et indépendants, tout au long de l'étude de ce budget, a fait des propositions en termes d'environnement, de soutien aux associations, de fiscalité des successions et des donations, de fiscalité énergétique, d'accompagnement des entreprises et – question qui vous est chère, monsieur le ministre délégué – d'accompagnement des PME et des indépendants. Hélas, comme depuis quatre ans, alors que notre groupe a toujours adopté une attitude constructive, la majorité, quant à elle, s'est caractérisée par son manque d'ouverture. Nous regrettons que nos propositions n'aient pas trouvé d'écho favorable au Gouvernement et regrettons aussi le caractère superficiel du débat sur l'énergie. Il est vraiment dommage que, sous prétexte d'aller vite, nous n'ayons pas pu avoir un débat sérieux sur un sujet aussi important pour nos concitoyens.
Il existe pourtant une solution simple, que nous avons été nombreux à vous proposer : supprimer la TVA sur les taxes annexes, laquelle n'est jamais qu'une taxe sur la taxe.
En conclusion, parce que ce projet de loi de finances pour 2022 aggrave la dépense publique et demeure incomplet et irresponsable, notre groupe UDI et indépendant votera en majorité contre sa première partie.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.
Nous sommes face au dernier budget du mandat macronien. En pleine et interminable crise sociale et sanitaire, on aurait pu s'attendre à du nouveau. Or il n'en est rien : ce budget s'inscrit dans la même veine que les précédents. Certes, vous dépensez un peu plus, mais si peu par rapport à la crise que nous traversons et aux besoins en matière de tout ! Vous avez compté les sous, vous en avez surtout distribué au privé, souvent sans contrepartie, et vous avez poursuivi cette politique de l'offre qui consiste à réduire les recettes fiscales, surtout au profit des plus riches.
Conciliabules.
Chers collègues, veuillez écouter les orateurs. Si vous avez des conversations privées, allez les tenir hors de l'hémicycle.
Nous l'avons déjà dit et démontré au cours ce débat. Je tiens surtout à insister sur les coûts de com' bidon dont vous enrobez pour tout ça et sur les esquives qui se répètent tant qu'elles confinent à l'arnaque intellectuelle. Il y a eu trois actes.
Acte I : le tableau exceptionnel que vous faites de la situation économique. Je vous en rappelle les couplets. Sonnez, hautbois : la croissance est revenue ! Qu'importe qu'elle ne soit qu'un rebond mécanique après la chute vertigineuse de 2020 et que, dès 2023, la Banque de France, plus optimiste pourtant que l'INSEE, la voie se réduire à 1,9 %, pour fléchir ensuite. Résonnez, musettes : les entreprises créent de l'emploi, le chômage est au plus bas ! Et qu'importe qu'il y ait eu 284 000 suppressions d'emplois en un an, 1 100 plans de licenciement et 5 % d'inscrits de plus à Pôle emploi.
Acte II : la propagande sur le pouvoir d'achat, qui transforme Macron en Président du pouvoir d'achat et des pauvres. J'ai également déjà démonté l'entourloupe qui s'appuie sur un graphique de l'augmentation du niveau de vie en pourcentage des revenus disponibles : non seulement vous avez omis les avantages pour les plus riches que prévoit ce PLF pour 2022, l'apport des cadeaux au capital et aux entreprises et le fait que les cadeaux aux plus riches sont pérennes tandis que les miettes aux plus pauvres ponctuelles ; non seulement vous avez omis le graphique qui montre l'augmentation en revenu net et révèle une progression himalayesque des revenus des plus riches ,…
Les conciliabules se poursuivent sur de nombreux bancs
…mais vous n'avez pas hésité à mentir en assimilant cela au pouvoir d'achat. Selon la simulation réalisée à ce propos par le journal Libération, qui a étudié la question, 22 % des 24 milliards d'euros de mesures gouvernementales ont profité aux 10 % les plus riches du pays.
Acte III : le déni des arguments, des chiffres et des analyses qui détricotent votre politique du ruissellement, sans même vous donner la peine de leur en opposer d'autres. Monsieur le rapporteur général, bien secondé par le ministre, vous avez excellé, tout au long des débats, au jeu de celui qui parviendra à nier le plus longtemps les réalités du pays et de vos recettes budgétaires catastrophiques, et alors que ces arguments proviennent pour ainsi dire de vos services ou, à tout le moins, de gens qui vous sont plutôt proches. Nous vous avons en effet démontré ici depuis des années en quoi vos exonérations, vos rabais fiscaux et votre bouclier du capital enrichissaient bien les plus riches, et plus particulièrement les bénéficiaires de dividendes, sans traces d'effets positifs pour l'investissement et pour l'emploi.
Cette fois, après les rapports de l'IPP, nous sommes revenus à la charge, munis du troisième rapport du Comité d'évaluation des réformes de la fiscalité, composé de proches du Gouvernement et piloté par France Stratégie – autant dire : Matignon. Nous pensions que vous devriez, cette fois, creuser un peu vos réponses. Eh bien, non ! Lorsque nous vous citons ce rapport, selon lequel « on ne détecte là encore aucun impact sur l'investissement et les salaires parmi les entreprises » après l'instauration de la flat tax, vous nous répondez qu'il faut regarder grand angle : emploi, santé économique et records d'investissement !
Lorsque nous vous citons à nouveau ce rapport qui indique que, sur l'ensemble de ces mesures, suppression de l'ISF comprise, « l'absence d'effets identifiés sur l'investissement des entreprises […] s'inscrit en fait dans la lignée de nombreuses études académiques disponibles au niveau international qui échouent à mettre en évidence qu'une modification de la fiscalité du capital pesant sur les ménages puisse avoir un effet notable sur le comportement réel des entreprises, tant en termes d'investissements que de demande de travail », vous nous répondez de nouveau qu'il faut regarder grand angle : emploi, santé économique et records d'investissement !
Lorsque nous vous citons le même rapport, qui évoque l'explosion des dividendes avec une augmentation de 60 à 70 % par an, et le lien de causalité avec la flat tax, vous nous répondez de nouveau qu'il faut regarder grand angle : emploi, bonne santé économique et records d'investissement. Bref : tout va très bien, madame la marquise !
J'ai déjà dit ce que je pensais de votre entourloupe à propos de l'emploi et de la bonne santé économique. Je finirai donc sur vos sornettes à propos de l'investissement. Alors que la secrétaire d'État au Trésor des États-Unis elle-même estime que c'est d'investissements que l'économie a besoin pour être compétitive et déplore « le moins-disant fiscal au nom de la compétitivité », il ne reste que vous pour défendre cette vision archaïque. Résultat : en France, depuis 2017, selon l'enquête annuelle du think tank patronal Rexecode, la France compte plus d'investissements sortants que de capitaux entrants. Sa compétitivité s'est fortement dégradée. Le résultat, c'est ça !
Bref, la propagande que vous développez pour accompagner ce budget, c'est du pipeau, davantage conçu pour la campagne du candidat Macron que pour décrire la réalité économique du pays
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe Soc. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
et, a fortiori, pour prendre les mesures adéquates pour y faire face – tout ce qu'il nous revient de faire dans quelques mois. Pour le moment, nous voterons contre ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Le groupe Libertés et territoires considère tout d'abord que l'absence du ministre de l'économie et des finances ainsi que du ministre délégué chargé des comptes publics pour le vote de la première partie du projet de loi de finances traduit un profond mépris à l'égard du Parlement.
Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs des groupes LT, LR, SOC, FI et GDR. – Huées sur divers bancs.
Notre groupe adresse quatre critiques fondamentales à ce texte.
Première critique : ce projet de loi de finances est incomplet et, à certains égards, insincère au sens de l'article 32 de la loi organique relative aux lois de finances.
Il est insincère car le Gouvernement nous a remis un texte à trous. Alors que vous connaissiez déjà le coût du revenu d'engagement pour les jeunes, qui s'établit à près de 2 milliards d'euros en année pleine, on ne retrouve nulle part les crédits correspondants. Rien non plus s'agissant du nouveau plan d'investissement doté de 30 milliards d'euros. Certes, ce plan est prévu pour 2030, mais, aux dernières nouvelles, il s'étalerait sur cinq ans plutôt que sur dix, ce qui pourrait représenter 6 milliards dès 2022. C'est peu de chose, 6 milliards, n'est-ce pas, monsieur le ministre délégué ?
Mais peut-être souhaitez-vous inscrire ces crédits dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année et les reporter de 2021 à 2022 pour soulager, au moins en apparence, le projet de loi de finances initiale.
Le caractère lacunaire de ce texte a d'ailleurs conduit l'Assemblée nationale à adopter un article liminaire en trompe-l'œil, que le Gouvernement lui-même estimait insincère et qui devra être révisé à la fin de la discussion de la deuxième partie. C'est original !
Compte tenu des incertitudes, le Haut Conseil des finances publiques lui-même s'est déclaré incapable de se prononcer sur vos prévisions de déficit public. Comment pourrait-il en être autrement alors que des annonces de dépenses nouvelles pleuvent chaque jour ?
Deuxième critique : ce budget traduit pleinement l'open bar budgétaire qui se poursuit jusqu'au bout, jusqu'à l'élection présidentielle, monsieur le ministre délégué. Avec ce dernier budget, nous avons la confirmation que vous n'étiez pas de bons gestionnaires de l'argent public.
Un chiffre le prouve : en 2022, le déficit structurel, établi une fois les effets de la crise neutralisés, se situerait, d'après le Haut Conseil, à 4,7 points de PIB alors qu'il n'était que de 2,3 points de PIB en 2017. C'est bien peu de chose que ce léger écart, monsieur le ministre délégué : seulement 60 milliards !
« Eh oui ! » et rires sur les bancs du groupe LR.
Voici le bilan de vos cinq années de dépenses incontrôlées et de gestion erratique.
Troisième critique : ce budget met une fois de plus les territoires de côté. Le plan de relance s'est déployé de manière uniforme, sans prendre en compte les caractéristiques de chaque territoire. Vous avez fortement mobilisé les régions et leurs dépenses d'investissement ont augmenté de 15 %. Eu égard à leurs compétences, celles-ci auraient dû être des partenaires stratégiques, mais elles n'ont eu qu'un rôle d'investisseurs passifs.
Chose encore plus grave, monsieur le ministre délégué, les décisions du Gouvernement mènent à une poursuite de l'érosion progressive de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Voilà qui distend encore un peu plus le lien entre le citoyen contribuable et l'électeur. En un mot, vous êtes en fait des thatchériens qui veulent faire vivre les collectivités territoriales sous perfusion de dotations d'un État ruiné pour mieux les étrangler.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, UDI-I, SOC, FI et GDR.
Quatrième et, je vous rassure, dernière critique : ce budget ne contient pas de mesures de justice fiscale. Pour accomplir un redressement des finances publiques, dont vous êtes bien loin, l'effort doit se faire dans la justice. Les temps sont difficiles pour les Français. Les recommandations du Fonds monétaire international (FMI) et de l'OCDE visant à mettre à contribution les plus aisés,…
…dans un effort de solidarité nationale, sont restées lettre morte.
Citons un exemple d'injustice fiscale : vous prenez des mesures pour le gaz et l'électricité, mais rien n'est prévu pour le carburant et pour le fioul, alors même qu'un tiers des Français se chauffent au fioul et que l'essentiel d'entre eux utilisent leurs automobiles.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LR.
Rires et exclamations sur divers bancs
…j'ai appris que le porte-parole du Gouvernement annonçait pour la fin de la semaine des mesures concernant le carburant. C'est formidable !
Quant aux mesures relatives au gaz et à l'électricité, elles ont été intégrées dans un amendement gouvernemental déposé tardivement, qui n'a pas pu être examiné en commission des finances et qui ne présentait aucune évaluation. Jeudi, vous vous déclariez incapables de chiffrer le coût du volet relatif à l'électricité de votre bouclier tarifaire mais, hier, vous avez soudain pu l'évaluer à 5,1 milliards d'euros au moment du vote de l'article d'équilibre – lequel devrait plutôt être nommé « article de déséquilibre ».
« Eh oui » sur les bancs du groupe LR.
Pour le gaz, on ne sait toujours pas combien le bouclier tarifaire coûtera. Le gel des tarifs n'est en réalité qu'un lissage. Tout cela est surréaliste !
J'ajoute que ces mesures restent insuffisantes. Il aurait fallu réformer la fiscalité énergétique en profondeur plutôt que de proposer des mesures temporaires avant les élections.
En conclusion, monsieur le ministre délégué ,…
Protestations sur les bancs du groupe LaREM
…parce que votre budget est incomplet, voire insincère, parce qu'il caractérise une politique d'open bar budgétaire qui conduit le pays au désastre, parce qu'il poursuit la destruction de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et, enfin, parce qu'il ne traduit pas une volonté de meilleure justice fiscale, le groupe Libertés et territoires ne votera pas la première partie de ce projet de loi de finances.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, UDI-I, SOC, FI et GDR. – M. Jean-Paul Dufrègne se lève.
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2022.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 559
Nombre de suffrages exprimés 554
Majorité absolue 278
Pour l'adoption 349
Contre 205
L'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2022 est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix, sous la présidence de M. David Habib.
C'est la onzième fois que je me tiens devant votre assemblée pour vous présenter, au nom du Gouvernement, un projet de loi portant sur la gestion de la pandémie de covid-19. Ce onzième texte est cependant différent de ceux qui l'ont précédé, qu'il s'agisse de l'esprit qui le guide, nous le verrons au fil des débats, ou de son titre qui comporte les mots de « vigilance sanitaire » et non plus d'« état d'urgence ». En effet, il s'agit de ne pas nous désarmer, quand bien même le virus montrerait des signes de faiblesse. Il s'agit de rester vigilants, acteurs, actifs dans la continuité de ce que nous avons entrepris auparavant pour empêcher de laisser la moindre prise au virus et éviter qu'il ne déclenche une nouvelle vague épidémique dans notre pays.
Malgré la lassitude que chacun peut légitimement éprouver face à cette crise qui, faut-il le rappeler, n'épargne aucun pays du globe, nous devons rester toujours autant mobilisés pour lutter contre un virus toujours présent dans notre quotidien.
Nous pouvons prendre un instant pour nous retourner et mesurer le chemin parcouru depuis le début de cette crise ainsi que les immenses progrès réalisés pour mieux gérer cette épidémie dans la durée, en France comme dans le monde, et pour limiter ses conséquences sanitaires et son impact sur notre vie quotidienne. Ainsi, en métropole, la vague épidémique liée à la propagation du variant delta a pu être contenue, sans restriction généralisée de la circulation des personnes ni des rassemblements et en maintenant ouverts l'ensemble des établissements, grâce à la vaccination massive de la population et grâce à des outils comme le passe sanitaire.
À l'heure où je vous parle, le variant delta, très contagieux, circule en France comme ailleurs dans le monde. Environ 5 000 diagnostics sont réalisés chaque jour dans notre pays, ce qui n'est pas rien mais ne correspond pas non plus à une vague épidémique. Si l'on relève çà et là des signes qui imposent la plus grande vigilance et l'action déterminée des forces sanitaires au sein des territoires afin d'empêcher une nouvelle reprise épidémique, la situation de la France est loin d'être aussi grave que celles d'autres pays – non loin de nous, en Europe – qui sont obligés de mettre en place des mesures de couvre-feu, de fermeture des commerces, voire de confinement. C'est le cas de la Lettonie, qui a dû prononcer un confinement dur pour quatre semaines après s'être trouvée dans l'impossibilité de vacciner suffisamment sa population ; de la Roumanie, qui présente un nombre de cas important ; du Royaume-Uni, qui affiche un taux de vaccination bien moins élevé que le nôtre et doit faire face à 40 000 à 50 000 diagnostics par jour, situation qui implique son lot de malades, une pression sanitaire extrême et, demain, des cas de covid long.
Le virus n'a donc pas disparu et, il y a encore quelques jours, nous étions obligés d'envoyer d'importants renforts sanitaires par avion en urgence dans les territoires ultramarins, afin d'aider les soignants présents sur place à faire face à une vague épidémique extrêmement violente – là encore, en raison d'un taux de vaccination insuffisant.
Si le virus n'est pas mort, s'il circule encore, nous avons cependant les moyens de faire en sorte qu'il n'ait pas les conséquences qu'il a pu avoir par le passé et qu'il ne donne pas lieu à de nouvelles vagues épidémiques, avec leur cortège d'hospitalisations massives, de services de réanimation saturés et de nombreux décès.
Nous savons que la vaccination protège, ce qui est une bonne nouvelle. Je rappelle que la plus grande étude dans le monde, une étude française, publiée la semaine dernière, a comparé 11 millions de Français vaccinés à 11 millions de Français non vaccinés, et affiche des résultats implacables : la vaccination réduit de plus de 90 % le risque de formes graves chez ceux qui sont susceptibles d'en présenter, c'est-à-dire les personnes âgées de 50 ans et plus.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous faisons actuellement face à au moins deux enjeux en matière de vaccination. Le premier est celui du nombre important de Français – plus de 1 million – qui n'ont pas reçu la moindre dose de vaccin, alors même qu'ils présentent une fragilité particulière en raison du fait qu'ils sont âgés ou malades, ou que leur système immunitaire est déficient. Nous continuons d'aller les chercher au moyen du dispositif Aller vers ; nous transformons les centres en équipes mobiles ; nous nous rendons au pied des tours dans les quartiers ; dans les territoires ruraux, nous allons chercher les personnes chez elles, en nous faisant pour cela accompagner des élus locaux ; les médecins et les pharmaciens les appellent. Nous n'abandonnerons jamais ce combat.
Le second défi est celui des rappels de vaccination. Le rappel est fondamental chez les personnes fragiles, y compris chez celles ne se considérant pas comme telles. C'est un fait, au-delà de 65 ans, le système immunitaire n'a pas la même mémoire que chez une personne plus jeune. Le vaccin apprend au système immunitaire à reconnaître le virus et, le moment venu, à le combattre pour empêcher l'infection. C'est particulièrement utile après 65 ans, quand le système immunitaire a besoin qu'on le réactive, qu'on l'oblige à travailler à nouveau afin qu'il se souvienne dans la durée que le coronavirus ne doit pas entrer dans l'organisme.
Les personnes atteintes de maladies chroniques, qui fatiguent le système immunitaire, ont elles aussi besoin d'un rappel de vaccination. À terme, 22 millions de nos concitoyens auront vocation à recevoir ce rappel : les personnes âgées de 65 ans et plus, les personnes malades, mais aussi l'ensemble des soignants et de ceux qui vivent au quotidien auprès de personnes ayant un système immunitaire fragile, car toutes ces personnes se trouvent particulièrement exposées au virus.
Vous le savez, la vaccination de rappel s'effectue six mois après la dernière injection, c'est-à-dire six mois après l'injection de la dose unique de Janssen, ou six mois après l'injection de la deuxième dose pour les autres vaccins. Il est fondamental d'effectuer ce rappel, auquel 6 millions de Français sont actuellement éligibles. Un peu plus du tiers d'entre eux ont déjà reçu le rappel : c'est un bon début, dont on ne saurait cependant se satisfaire. Nous devons inciter notamment les personnes âgées à effectuer ce rappel car, à défaut, nous exposerions les personnes concernées – et, par suite, le pays entier – au risque de développer des formes graves si elles contractent le virus.
Nous avons développé les moyens d'éviter les vagues épidémiques et les vagues sanitaires que nous avons connues précédemment. Nous en connaissons la méthode, elle est éprouvée, nous disposons du recul et des études scientifiques nécessaires, et nous devons faire en sorte de continuer à nous protéger dans la durée. Nous en sommes à plus de 51 millions de Français vaccinés, dont près de 50 millions totalement vaccinés. Qui l'eût cru il y a encore quelques mois, lorsque je me suis présenté devant vous pour le dernier projet de loi relatif à l'état d'urgence sanitaire ? Pourtant nous l'avons fait – les Français l'ont fait –, avec l'aide et la responsabilité de tous, et c'est cet esprit de responsabilité qui doit, à mon sens, présider aux débats qui viennent de s'ouvrir devant le Parlement, à l'heure de demander à nouveau la confiance des parlementaires, afin de nous permettre de prendre, si la situation l'impose, toutes les mesures nécessaires pour protéger la population.
Nous entrons dans une période particulière, celle de l'automne, plus humide et plus froide, et que suivra celle de l'hiver. Comme nous le savions déjà pour la grippe, ces conditions climatiques sont de nature à favoriser la propagation du virus, dont la circulation s'accroît de près de 30 %. Le moment n'est donc certainement pas venu de nous désarmer face au virus : nous ne devons pas lui donner la possibilité de se faufiler dans le moindre interstice, afin qu'il ne puisse en profiter pour provoquer une nouvelle vague épidémique – nous avons payé suffisamment cher pour savoir les dégâts que cela peut occasionner dans notre pays.
Très schématiquement, le Gouvernement demande donc aux parlementaires de lui permettre de prendre des mesures si la situation l'exige, jusqu'au 31 juillet 2022.
Nous demandons d'abord la possibilité de prolonger l'état transitoire que constitue l'état de sortie de l'état d'urgence sanitaire – je le rappelle, nous ne sommes pas en état d'urgence sanitaire, sauf dans les territoires ultramarins – et celle d'actionner des leviers si la situation sanitaire devait l'exiger, comme nous sommes en train de le faire avec des jauges, avec des règles relatives au port du masque, des mesures dont nous savons d'ores et déjà avoir besoin jusqu'à l'été prochain. Il est inutile de se poser la même question dans trois mois : à la mi-janvier, le virus n'aura pas disparu de la France ni de la planète…
…et nous devons donc, si nécessaire, être en mesure d'activer ces mesures.
De la même manière, nous ne sommes plus en état d'urgence sanitaire depuis plusieurs mois – nous n'avons pas eu à y recourir en métropole, y compris durant la quatrième vague, lors de laquelle a sévi le variant delta, particulièrement contagieux – et espérons ne plus devoir le déclencher à nouveau, mais nous souhaitons disposer de la possibilité de le faire à tout moment si la situation sanitaire l'exigeait : si tel était le cas, il nous faudrait en effet agir le plus rapidement possible.
Je rappelle d'ailleurs qu'en cas de prononciation de l'état d'urgence sanitaire, il faudrait que le Gouvernement se présente dans un délai d'un mois devant le Parlement afin de répondre aux questions, d'expliquer les raisons pour lesquelles l'état d'urgence sanitaire a été prononcé…
…et de recueillir à nouveau la confiance du Parlement pour pouvoir le proroger.
Un décret en Conseil des ministres restera nécessaire à cette fin et sa prorogation au-delà d'une durée d'un mois ne pourrait être autorisée que par le Parlement : il ne s'agit donc pas seulement d'informer le Parlement, qui conserve sa fonction décisionnelle.
Pour le seul territoire de la Guyane, confronté à une circulation virale toujours inquiétante et élevée, l'état d'urgence sanitaire en vigueur sera prorogé jusqu'au 31 décembre. Les autres territoires ultramarins en sortiront au plus tard au 15 novembre prochain, étant précisé que le Gouvernement peut, par décret pris après avis du Conseil scientifique, décider d'y mettre un terme anticipé si la situation le permet, comme nous l'avons décidé la semaine dernière à La Réunion.
Le projet de loi proroge également jusqu'au 31 juillet 2021 le régime de gestion de la sortie de la crise sanitaire, ainsi que la possibilité de déclencher l'état d'urgence sanitaire si la situation l'exigeait. Il proroge jusqu'à la même échéance la possibilité de mobiliser par voie réglementaire le passe sanitaire, qui a fait ses preuves pour concilier le maintien de nombreuses activités avec une maîtrise de la circulation du virus.
Je le répète avec force, si nous n'avions pas eu le passe sanitaire, en raison de la quatrième vague épidémique que nous avons vécue cet été et de la virulence du virus, nous aurions probablement été conduits à refermer les établissements recevant du public, notamment les commerces, et à restreindre davantage les libertés publiques afin de sauver des vies.
M. Jacques Marilossian applaudit.
Si nous n'avons pas eu besoin de le faire, c'est bien parce que le Parlement nous a permis d'activer le passe sanitaire.
Il s'agit bien d'une possibilité de prendre tout ou partie des mesures permises par le régime de sortie et d'activer ou de maintenir le passe, dans les conditions fixées par le Parlement par la loi du 31 mai, puis par la loi du 5 août, et non d'une prolongation automatique de ce dispositif. N'allons pas faire croire que nous serions en train d'annoncer aux Français qu'il y aurait, jusqu'au 31 juillet, ou l'état d'urgence ou les mesures de sortie de l'état d'urgence comprenant des jauges, ou le passe sanitaire. Je veux être très clair sur ce point, car j'entends beaucoup de contrevérités depuis quelque temps : il ne s'agit que de possibilités d'activer des dispositifs si la situation sanitaire l'exigeait.
Comme l'a indiqué le Gouvernement, la perspective d'un allégement du passe sanitaire sera examinée à la mi-novembre, avec l'éclairage des autorités scientifiques.
En outre, le Gouvernement partage l'objectif d'un encadrement du recours au passe sanitaire, tel qu'il ressort des débats en commission des lois. Le Gouvernement sera favorable aux propositions visant substituer au seul seuil d'incidence adopté en commission un encadrement du recours au passe sanitaire reposant sur plusieurs autres critères supplémentaires parmi lesquels, sans doute, la charge sanitaire, la dynamique épidémique, mais aussi le taux de vaccination de rappel – car si le virus repartait dans un territoire présentant un taux de rappel insuffisant, cela nous placerait collectivement dans une situation périlleuse. Tout cela se ferait, je le rappelle, sous le contrôle du juge.
Pendant la période visée par ces prorogations, nous avons prévu un dispositif renforcé d'information du Parlement, avec la remise, d'ici à la mi-février, d'un rapport qui exposera les mesures prises pour freiner l'épidémie et qui justifiera, le cas échéant, la nécessité de les maintenir pour la période restante. La remise de ce rapport permettra de disposer d'une clause de revoyure, qui viendra en complément de l'ensemble des initiatives prises depuis le début de la crise afin d'assurer l'information du Parlement sur la gestion de crise. Je pense en particulier aux dossiers transmis chaque semaine à l'Assemblée nationale et au Sénat, ainsi qu'aux réunions du comité de liaison organisées régulièrement par le Premier ministre.
Le Gouvernement est, par ailleurs, tout à fait favorable aux compléments et précisions qui ont été apportés sur ce sujet en commission, à l'initiative conjointe du rapporteur et de la majorité. Je pense à l'enrichissement du rapport par des indicateurs sanitaires, à la remise d'un second rapport d'ici à la mi-mai, ou encore à la production d'informations mensuelles sur les mesures prises et leur impact sur la situation sanitaire.
Cet exercice de transparence vient bien sûr en complément des prérogatives dont vous disposez, mesdames et messieurs les députés, pour contrôler l'action du Gouvernement.
Par ailleurs, le texte améliore plusieurs outils importants pour garantir l'efficacité de la gestion de l'épidémie dans les prochains mois. Ainsi, nous proposons de renforcer la lutte contre la fraude au passe sanitaire en augmentant les sanctions encourues pour l'établissement, la proposition ou l'utilisation d'un faux passe, et en permettant à l'assurance maladie de contrôler les certificats de contre-indication à la vaccination.
S'agissant de l'obligation vaccinale pour les soignants, le texte prévoit d'améliorer son contrôle et son effectivité, notamment en autorisant les écoles de santé à contrôler son respect par les étudiants en santé.
Par ailleurs, nous proposons – vous en avez désormais l'habitude – de prolonger jusqu'à fin juillet les systèmes d'information SI-DEP – Système d'information de dépistage – et Contact-Covid, qui sont, comme vous le savez, des outils absolument indispensables pour suivre la situation sanitaire et casser les chaînes de contamination.
Sur ce sujet, le Gouvernement présentera un amendement permettant aux directeurs d'établissement scolaire d'accéder aux informations nécessaires concernant leurs élèves, pour renforcer la campagne de vaccination et de dépistage dans les écoles, les collèges et les lycées.
Comme vous le savez, le protocole sanitaire dans les établissements scolaires a été changé et ne donne plus lieu systématiquement à la fermeture d'une classe – ce protocole était en expérimentation, nous souhaitons désormais le généraliser. Or, pour éviter la fermeture d'une classe, il faut permettre au directeur d'établissement de savoir si les élèves sont protégés contre la covid.
Enfin, le texte proroge un nombre ciblé de mesures d'accompagnement, qui permettront de faire face en tant que de besoin aux conséquences de la crise sanitaire, en matière d'activité partielle, de fonctionnement des organes délibérants des collectivités territoriales ou de durée de validité de certaines décisions administratives individuelles.
Vous l'aurez compris, le projet de loi qui vous est soumis ne bouleverse pas l'économie générale de la gestion de la crise sanitaire, mais vise à renforcer la vigilance nécessaire dans la durée face au virus et à conforter les différents outils dont nous disposons pour y répondre.
Dans un contexte toujours incertain, et face au risque de voir émerger de nouveaux variants plus transmissibles ou plus pathogènes, une grande vigilance s'impose. Anticipation et réactivité sont les fils conducteurs de notre réponse à l'épidémie de covid-19, et ce sont bien ces principes essentiels qui irriguent le texte que le Gouvernement vous présente.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Vincent Bru applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Jean-Pierre Pont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Le bilan estival de la lutte contre la covid-19 est nuancé, la quatrième vague n'ayant pas affecté de la même manière la métropole et les outre-mer. Malgré tout, nous pouvons d'ores et déjà tirer une leçon de cette période : notre stratégie sanitaire reposant sur la vaccination et le passe sanitaire a prouvé son efficacité pour combattre le virus et éviter tout nouveau confinement, répondant ainsi aux attentes légitimes de nos concitoyens.
Cet été, le déploiement massif de la vaccination et la mise en œuvre réussie du passe sanitaires ont permis, en métropole, de réduire drastiquement la portée de la quatrième vague tout en préservant la reprise des activités. Dans les outre-mer, en revanche, la situation demeure délicate, qu'il s'agisse des Antilles, où une mission de la commission des lois s'est récemment rendue, de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie ou encore de la Guyane. La virulence du variant delta, et surtout le trop faible taux de vaccination de la population ont conduit à une situation catastrophique frappant sévèrement nos compatriotes ultramarins.
C'est dans ce contexte que nous examinons ce projet de loi, le dixième texte contre l'épidémie à être examiné par le Parlement depuis le 18 mars 2020. Ce texte vise à proroger, dans le contexte particulier du changement de législature, les deux outils juridiques de la stratégie de lutte contre l'épidémie : le régime de l'état d'urgence sanitaire et celui de la loi du 31 mai 2021 – c'est l'objet des articles 1 et 2. Cette double prorogation demeure indispensable, l'épidémie n'ayant malheureusement pas disparu et constituant toujours une menace sanitaire.
Le Conseil scientifique souscrit à ces deux mesures et appelle les pouvoirs publics à anticiper certains aspects susceptibles de provoquer un rebond épidémique : je pense notamment à la progression constante du variant delta, qui présente un risque accru de contagiosité, au ralentissement de la protection offerte par les vaccins pendant ce temps où se déploie la campagne de rappel pour l'injection de la troisième dose, ou encore à l'arrivée de l'automne et de l'hiver, propices à la circulation virale. Si la situation s'est nettement améliorée, certains frémissements se font sentir localement sur le territoire, tandis que la situation outre-mer reste préoccupante. Cette situation milite pour la plus grande vigilance, donc pour les mesures prévues dans ce projet de loi.
En ce qui concerne l'article 1er , l'utilité du cadre juridique d'un état d'urgence sanitaire activable en cas de catastrophe sanitaire demeure incontestable. Nous en avons eu la preuve en commission mercredi dernier, lorsque notre présidente a expliqué que le contexte de faible vaccination de la population en Martinique et en Guadeloupe nécessite d'anticiper la survenue d'une possible cinquième vague. Si cette éventualité venait à se concrétiser, il serait irresponsable d'avoir renoncé au seul outil juridique adapté qui permette d'y faire face et de protéger la santé de la population. En effet, en dehors de la vaccination, seules les mesures d'interdiction de sortie du domicile permettent de freiner brutalement et efficacement l'épidémie.
Je rappelle au demeurant que l'article 1er n'a pas pour effet de permettre l'instauration sans condition de l'état d'urgence sanitaire : son application dans le temps restera soumise au régime de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, qui conditionne sa prorogation au-delà de quatre semaines à un vote du Parlement.
Le fait de disposer d'un cadre facilement et immédiatement activable pour faire face de manière réactive à un retour en force de l'épidémie ne signifie pas qu'il soit utilisé n'importe comment. La gestion efficace de la quatrième vague cet été en métropole en témoigne : elle n'a pas conduit au déclenchement de l'état d'urgence sanitaire, ni à la prise des mesures les plus contraignantes pour les Français.
L'article 2 a pour objet de proroger jusqu'au 31 juillet 2022 le régime de gestion de la crise sanitaire mis en œuvre par la loi du 31 mai 2021. Il sera applicable sur l'ensemble du territoire national, sauf en Guyane, où l'état d'urgence perdurera jusqu'au 31 décembre de cette année, en raison d'une situation qui demeure très fragile dans ce territoire. La loi du 31 mai 2021 doit être appréhendée comme une boîte à outils utile au Gouvernement pour gérer la crise avec réactivité et efficacité dans un contexte national qui ne saurait se réduire à la situation en métropole, mais aussi mondial, où le virus continue de circuler et de muter. Rassurez-vous, cette prorogation n'entraînera pas l'application générale et automatique du passe sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022.
Même si nous ne pouvons nous satisfaire du bilan de cette mise en œuvre, le déploiement du passe sans heurts et sans difficulté, ainsi que la formidable accélération de la vaccination au cours de l'été ont permis de dissiper les craintes, parfois légitimes, et les vives critiques, pas toujours fondées, émises à l'encontre du passe lors de la discussion de la loi du 5 août 2021. Les Français se sont incontestablement approprié facilement cet outil précieux, sésame de leur liberté retrouvée. Permettez-moi, chers collègues, une mise en garde : si nous supprimons toute possibilité de recourir au passe sanitaire ou si nous le rendons inapplicable, comme certains semblent le souhaiter, la seule alternative face à une résurgence épidémique serait la fermeture des établissements ou le retour au confinement, ce dont personne ne veut.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Notre commission des lois a adopté vendredi un amendement encadrant l'utilisation du passe sanitaire. Si je partage la volonté d'encadrer cet outil, cela ne doit compromettre ni sa mise en œuvre, ni son efficacité. Or l'encadrement proposé me semble présenter deux écueils. D'abord, il obéit à une logique de territorialisation généralisée qui ne correspond pas aux réalités pandémique locale. Il s'appuie sur un indicateur fixe et intangible, pas toujours le plus approprié. Je propose donc, avec les groupes de la majorité parlementaire, un amendement de compromis afin d'ajuster le contrôle de l'utilisation du passe pour lui conserver une plus grande précision d'application.
Notre commission a également renforcé le volet du dispositif consacré au contrôle parlementaire en avançant au 15 février 2022 la date limite de remise d'un premier rapport du Gouvernement,…
…et en prévoyant la remise d'un autre rapport en mai, ainsi que de rapports mensuels d'étape. Dans le même registre, nous avons prolongé et adapté le rapport sur l'impact économique et sanitaire du passe au travers d'un nouvel article 2 bis .
L'article 2 modifie également le régime de sanctions de la fraude sanitaire afin de garantir la réussite de la sortie de crise, créant deux nouvelles incriminations. La première concerne le cas d'utilisation frauduleuse du passe sanitaire, puni d'une contravention de quatrième classe. La seconde réprime la création ou l'usage de faux documents, sanctionnés d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, sanctions proportionnées selon l'avis du Conseil d'État.
Le même article permet en outre aux médecins-conseils de contrôler le certificat médical de contre-indication vaccinale dans le cadre du passe sanitaire, comme la loi du 5 août 2021 le prévoit déjà pour les personnes concernées par l'obligation vaccinale.
Par coordination avec les articles 1 et 2, l'article 4 proroge jusqu'au 31 juillet 2022 les systèmes d'information mis en œuvre aux fins de lutter contre l'épidémie de covid 19, Contact-Covid et SI-DEP. Ces dispositifs, que vous connaissez tous, contribuent également à la lutte contre l'épidémie. Il est donc absolument nécessaire que leur utilisation soit prolongée.
L'article 3 clarifie et précise les modalités de contrôle du respect de l'obligation vaccinale afin de renforcer sa mise en œuvre. Il apporte en particulier des précisions sur le contrôle de l'obligation vaccinale des étudiants et élèves des écoles de santé permettant d'alléger la tâche des ARS – agences régionales de santé –, et modifie le régime de sanctions, en cohérence avec l'article 2. La commission a rétabli le mécanisme d'information de l'Ordre dont le professionnel de santé relève lorsqu'une procédure est engagée contre lui. Il nous a en effet semblé nécessaire d'assurer l'information des ordres professionnels des manquements déontologiques graves. La procédure disciplinaire demeure inchangée et reste régie par le droit commun.
L'article 5 proroge jusqu'au 31 juillet 2022 trois aménagements concernant l'activité partielle pour certaines personnes, les aides exceptionnelles pour les titulaires de droits d'auteur et les assouplissements au fonctionnement des assemblées délibérantes locales. Je vous propose également de proroger les aménagements apportés aux missions des services de santé au travail. Enfin, l'article 6 prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances en matière d'activité partielle de longue durée et de fonctionnement des assemblées de copropriété.
Notre commission a remplacé l'habilitation portant sur la validité des titres des gens de mer en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française par une inscription directe dans le texte de la prolongation de cette validité.
En conclusion, chers collègues, je vous invite à adopter sans état d'âme…
…ce projet de loi qui offre les outils nécessaires pour réagir avec promptitude et efficacité en fonction des circonstances.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Vincent Bru applaudit également.
La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Nous voici à nouveau réunis pour examiner un nouveau texte relatif à la crise sanitaire. Ce n'est plus un texte relatif à l'état d'urgence sanitaire mais un texte de vigilance sanitaire, qui s'inscrit dans la sortie de cette crise pour accompagner le Gouvernement et l'ensemble de nos concitoyens, afin de lutter efficacement contre l'épidémie tout en préservant nos libertés.
Dans ce contexte de crise sanitaire, il est toujours important de rappeler que nous avons tous pu compter sur l'État de droit. L'État de droit a tenu et il nous a permis de faire face à cette crise, dans le cadre de nos règles démocratiques. L'État de droit, c'est le Parlement, c'est le Conseil d'État, c'est le Conseil constitutionnel ; c'est le Gouvernement, qui a agi dans le cadre réglementaire que nous lui avons fixé : il ne s'est pas arrogé des pouvoirs en dehors de tout cadre et ses pouvoirs ont chaque fois été contrôlés, encadrés et suivis.
Il ne faut pas laisser à penser à nos concitoyens que nous délivrerions chaque fois un blanc-seing au Gouvernement : ça n'est pas le cas et ça n'a jamais été le cas, mes chers collègues. Depuis le début, nous avons pu compter sur un certain nombre d'entre vous, quels que soient les groupes politiques, pour nous accompagner, pour accompagner le Gouvernement dans la lutte contre cette épidémie.
Oui, il avait besoin de tout le monde ! Je me rappelle qu'en mars 2020, alors que nous n'étions que quelques-uns dans cet hémicycle, nous avons unanimement accordé au Gouvernement les pouvoirs nécessaires pour faire face à cette crise sanitaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous avons obtenu une commission mixte paritaire conclusive parce que nos collègues sénateurs ont pris leurs responsabilités, et cet été, quand nous avons dû étendre le passe sanitaire pour sortir de la crise sanitaire, nous avons trouvé également nos collègues sénateurs à nos côtés pour donner au Gouvernement la possibilité de faire face à cette crise grâce à ces outils.
Je ne vois pas où est l'amateurisme là-dedans !
Un État de droit qui permet de faire face à l'épidémie, cela se traduit aussi par un débat démocratique. Nous en sommes aujourd'hui au dixième texte sur l'état d'urgence sanitaire ou la vigilance et la sortie de crise. Depuis mars 2020, la commission des lois a consacré 23 % de son temps à la gestion de cette crise sanitaire, 23 % ! M. le ministre de la santé est devenu le ministre le plus auditionné par la commission des lois !
Ce n'était pas évident, et nous en sommes ravis, monsieur le ministre : c'est toujours un plaisir de constater que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, le Gouvernement est toujours là pour répondre aux questions des parlementaires sur la crise.
Il y a donc un débat parlementaire, avec des débats en commission…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mais oui, c'est normal, comme il est normal de le rappeler, surtout quand on entend dire dans la rue, dans certaines émissions de télévision ou dans vos bouches que ce débat parlementaire n'a pas lieu, alors qu'il a lieu – comme c'est normal, nous sommes bien d'accord là-dessus.
Débat parlementaire donc, mais aussi encadrement des pouvoirs…
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Laissez Mme la présidente poursuivre, mes chers collègues. Allez-vous aussi interrompre M. Gosselin, qui, le pauvre, doit s'exprimer ensuite ?
M. Gosselin aura le temps de s'exprimer !
Encadrement des pouvoirs que nous donnons au Gouvernement pour faire face à cette crise : nous les conditionnons au respect de certains critères. Aujourd'hui encore, nous avons déposé un amendement tendant à limiter l'usage du passe sanitaire et à le subordonner à des critères. Nous avons demandé que le Parlement soit constamment informé. Depuis le début de la crise – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre –, les mesures prises pour organiser la sortie de l'état d'urgence ont fait l'objet de plus de seize rapports, celles prises au titre de l'état d'urgence lui-même de trente rapport et l'impact du passe sanitaire sur l'activité professionnelle de cinq rapports. Il est important que nos concitoyens le sachent, ces rapports sont accessibles sur le site de la commission des lois, sous l'onglet « Vigilance sanitaire ». Je regrette d'ailleurs qu'ils ne soient pas davantage consultés, que ce soit par les parlementaires ou par nos concitoyens, parce qu'ils sont extrêmement précis.
Débat, encadrement, information et, enfin, contrôle : ce sont les questions au Gouvernement, ce sont les réunions de la commission des lois, ce sont les déplacements sur le terrain. M. Gosselin et M. Mazars, mes deux vice-présidents, viennent ainsi de m'accompagner une semaine en outre-mer pour contrôler l'application de l'état d'urgence sanitaire en Guadeloupe et en Martinique.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous avons échangé sur le terrain avec les acteurs locaux, avec les préfets, avec les policiers et les gendarmes, avec les comités citoyens pour savoir comment cet état d'urgence s'appliquait très concrètement et quelles étaient les difficultés.
Aujourd'hui donc, dans le cadre d'un débat démocratique indispensable et nécessaire, il faut que chacun joue son rôle, mais il faut aussi que chacun prenne ses responsabilités.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
J'ai reçu de M. Damien Abad et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour une durée qui n'excédera pas quinze minutes.
Je vous remercie, monsieur le président, de ce rappel.
Chacun, en effet, prendra ses responsabilités. Je saisis la balle au bond, madame la présidente de la commission des lois, parce que nous, membres du groupe Les Républicains, avons pris nos responsabilités il y a dix-neuf mois en votant le texte sur l'état d'urgence sanitaire.
M. Philippe Vigier applaudit.
La situation l'exigeait : nous ne savions pas où nous allions et il était important qu'un cadre juridique soit posé. Aujourd'hui, dix-neuf mois après, M. le ministre des solidarités et de la santé nous ressort, si je puis me permettre cette expression, à peu près les mêmes arguments – et des arguments d'autorité ! Il serait inutile, nous dites-vous, monsieur le ministre, de réunir le Parlement puisque de toute façon, jusqu'au 31 juillet, les choses sont données ! Bravo, quelle perspicacité et quelle vision à long terme ! Avoir autant de certitudes, dix mois à l'avance, cela mérite les félicitations de la représentation nationale !
Je serai évidemment beaucoup plus critique. Depuis des mois et des mois, nous enchaînons les prorogations de l'état d'urgence et des sorties d'état d'urgence – nous n'en voyons pas le bout ! L'État de droit, c'est bien sûr un droit encadré, madame la présidente. Depuis des mois, cependant, nous vivons conformément à l'État de droit, sans doute, mais dans un État d'exception, un État exorbitant du droit commun, qui ne concilie pas toujours comme il le faudrait les libertés individuelles, les libertés collectives, les grands principes fondamentaux et la sécurité sanitaire.
Depuis des mois, nous vivons une forme de banalisation de l'état d'urgence et de la sortie de l'état d'urgence. Mois après mois, vous nous dites que c'est bientôt fini, mais au fur et à mesure que nous avançons, le temps défile et la ligne d'horizon – qui nous rappelle le nom d'un nouveau parti politique
« Oh ! » sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem
– se dérobe sous nos pas.
En réalité, ce qui est en cause aujourd'hui, ce ne sont pas des moyens que nous ne voudrions pas vous donner mais l'absence du contrôle démocratique nécessaire dans un État de droit, madame la présidente. Que nous propose ce texte, pour commencer et avant de revenir sur son contenu ? Il nous propose, dans un premier temps, d'enjamber pendant dix mois la représentation nationale, jusqu'au 31 juillet 2022 ! Et pour quel motif ? Parce que nous suspendons nos travaux le 28 février et qu'il y a ensuite des échéances importantes : l'élection présidentielle puis les élections législatives. Mais, jusqu'à preuve du contraire, la suspension des travaux ne signifie pas la fin de notre mandat !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits. – Mme Valérie Six applaudit également.
Il suffit d'inscrire à l'ordre du jour de nos travaux des débats sur l'état d'urgence et sur la crise sanitaire pour que nous répondions présents ! Il ne devait pas y avoir de session extraordinaire début septembre ; pourtant, le 7 septembre, nous étions tous ici présents, et sans rechigner ! On nous dit que cela prend du temps de réunir le Parlement. Ah oui !… Cet été, nous avons passé vingt-quatre heures de plus que ce que le Gouvernement avait prévu – pendant un week-end, de surcroît ! Comme c'est compliqué, d'écouter le Parlement et de le laisser parler vingt-quatre heures ! Cela étant, nous avons bien compris que le Président de la République et la majorité n'avaient que faire de notre droit d'amendement et des droits du Parlement : hier, le Président de la République a dit que le droit d'amendement est sans doute « légitime » mais qu'« il est clair que sur ce sujet, une réforme de notre Constitution s'imposera ». Voilà, c'est dit, c'est clair : lors d'une prochaine législature, notre droit de parole sera encore raccourci.
Sourires.
Et dès aujourd'hui, il va se passer dix mois sans que le Parlement puisse être réuni ! Ce n'est ni sérieux ni acceptable.
Il n'est pas question, je le répète, de refuser la vaccination. Ce n'est pas mon propos et ça n'a jamais été le propos des Républicains, qui se sont toujours engagés pour la vaccination. Plus de 50 millions de nos concitoyens sont aujourd'hui vaccinés, et c'est heureux. Moi-même, j'ai eu la covid et je sais que, grâce à la vaccination, j'ai pu éviter une forme sans doute plus grave de la maladie, comme certains de mes proches et comme les vôtres, chers collègues ! Pas de faux débat, pas de débat binaire où l'on opposerait les bons et les mauvais citoyens, les bons et les mauvais parlementaires ! Ça suffit, ces arguments d'autorité ! Tout devrait être décidé par l'exécutif parce que le Parlement sera « en congé » et parce qu'il ne plaît finalement pas à la majorité et au Président de la République de prévoir, s'il en était besoin – c'est-à-dire si l'épidémie flambait –, un nouveau débat parlementaire pendant la campagne présidentielle !
Faut-il craindre à ce point le débat démocratique pour le renvoyer au mois de juillet 2022 ? Faut-il craindre à ce point les réactions populaires pour renvoyer au milieu des vacances de nouveaux débats parlementaires ? Faut-il craindre à ce point cette assemblée pour renvoyer à une autre mandature, une autre législature, un débat qui doit être démocratique ?
Je trouve cette attitude très dérangeante et, dans l'esprit, contraire, d'une certaine façon, à l'État de droit.
Que l'on nous parle de frémissement de l'épidémie, je l'entends : effectivement, rien n'est définitivement assuré avec la covid. Rien ne permet de dire qu'il n'y aura pas ici ou là, et peut-être même ici et là, de nouveau une crise. Il est vrai qu'il y a quinze jours nous nous sommes rendus dans les Antilles – en Guadeloupe et en Martinique – avec la présidente de la commission des lois et avec notre collègue Mazars, vice-président de la même commission. Nous pouvons évidemment l'attester – et nous sommes bien d'accord sur ce point –, les difficultés rencontrées là-bas sont grandes. Je pourrais, de la même façon, attester les difficultés rencontrées en Nouvelle-Calédonie ainsi qu'en Polynésie, en Guyane et ailleurs dans les outre-mer – de façon non pas générale, certes, mais particulière. C'est ce qui nous a conduits à voter à l'unanimité, je le rappelle, le texte qui s'applique dans les outre-mer depuis septembre. Nous l'avons fait sans rechigner car, objectivement, il y avait des raisons de le faire. Alors pourquoi voudriez-vous que demain ou après-demain, c'est-à-dire après le mois de février et avant le 31 juillet, nous soyons dans une posture de rejet, alors que les faits peuvent s'imposer ?
Les faits peuvent être têtus et, s'il y a nécessité d'instaurer un état d'urgence, une sortie d'état d'urgence, ou bien de mettre en œuvre un passe sanitaire ou des moyens particuliers, nous sommes prêts à vous suivre ! Mais à condition qu'il y a un vrai débat et pas simplement la remise d'un rapport dont on nous fait l'aumône quinze jours avant notre départ. On nous fait également l'aumône d'une possibilité – oui, une simple possibilité ! – d'organiser, le cas échéant, un débat en commission ou en séance publique. Tout cela est très limité, et un tel débat aurait lieu juste avant que nous nous séparions : il n'est pas question d'un vrai vote, de vrais engagements démocratiques et parlementaires.
Vous évoquez la clause de revoyure en soulignant que nous nous retrouvons pour la dixième ou onzième fois autour de ces sujets, madame la présidente de la commission. Il est vrai que nous avons eu plusieurs fois des débats sur l'état d'urgence, la sortie d'état d'urgence, le passe sanitaire – j'en passe et des meilleures. Mais, chaque fois, et depuis le début, c'est sous la contrainte des événements que la décision s'est imposée. Avec Sacha Houlié, majorité et opposition réunies, nous avons même fait une proposition de rapport, c'est-à-dire une clause de revoyure tous les trois mois. Ce n'est quand même pas sorcier de se retrouver une fois par trimestre pour un débat démocratique sur un sujet qui concerne l'ensemble de nos concitoyens ! Pourtant, chaque fois, cela nous est refusé. C'est de nouveau le cas aujourd'hui : il n'est pas question de trois mois, mais de dix ! Ce n'est pas acceptable, je vous le dis très sincèrement.
Le contexte de changement de législature l'impose, nous explique notre collègue Pont. Mais je vous le redis les yeux dans les yeux, mon cher collègue : vous êtes rapporteur et nous sommes tous députés pour quelque temps encore, et je suis prêt à vous retrouver une nouvelle fois au mois de février ou au mois de mars ! C'est devenu un tel bonheur de pouvoir échanger avec vous, monsieur le rapporteur, mais aussi avec M. le ministre, qui prête comme toujours beaucoup d'attention aux propos que nous tenons et qui s'ennuie – pour ne pas employer un terme plus direct – chaque fois qu'il doit discuter et débattre avec la représentation nationale ! En réalité, le seul terme que vous avez en bouche depuis plusieurs mois, c'est : proroger, proroger, proroger et proroger ! Eh bien oui, prorogeons s'il en est besoin, mais en faisant attention et en tenant compte de la réalité des territoires.
J'en viens au sujet de la territorialisation, demandée par nombre d'entre nous depuis de longs mois et à laquelle un amendement de Pacôme Rupin aurait pu permettre d'aboutir partiellement. Mais c'était sans doute un mirage. L'amendement, intéressant et cohérent, permettait d'éviter de ne voir qu'une tête, autrement dit l'uniformité des décisions, l'épidémie de covid n'étant elle-même pas uniforme sur l'ensemble du territoire. Mais c'était trop simple : la majorité, le rapporteur l'a dit il y a quelques instants, vient de déposer un nouvel amendement qui ajoute tellement de conditions, en plus du taux d'incidence, qu'il siphonne totalement celui de Pacôme Rupin.
Il n'y aura donc pas de territorialisation, si ce n'est peut-être pour un ou deux territoires, en particulier ultramarins. Si votre département – la Manche, par exemple – a un taux d'incidence de 9,7 pour 100 000, on vous dira qu'il y a encore beaucoup de risques car on ne sait pas ce qui peut se passer dans les hôpitaux ! Et puis, comme le disait le ministre, il est inutile de discuter puisque c'est comme ça jusqu'au 31 juillet ! Un taux d'incidence de 9,7 n'empêchera donc ni les couvre-feux, ni le passe sanitaire : dans le département de la Manche comme dans d'autres, l'approche restera nationale.
Il y a quand même là une forme de duplicité : vous dites vouloir vous en remettre aux territoires, travailler en toute confiance avec les élus locaux, mais dans les faits, dès qu'il faudrait adopter une perspective plus girondine que jacobine, nous ne vous trouvons pas au rendez-vous. Ce double langage est franchement désagréable, déplaisant. Il n'est ni juste ni bon d'y persister.
Tout cela nous conduit à vous proposer une motion de rejet préalable, contrairement à notre habitude. C'est dire l'état d'exaspération dans lequel nous sommes : jusqu'à présent, le groupe Les Républicains a rejeté les motions similaires, estimant que le Parlement devait pouvoir s'exprimer, que certaines mesures devaient être soumises à son examen. Or, si nous délibérons aujourd'hui et qu'une majorité d'entre nous soutient ce texte, ce n'est pas une clé que nous confierons au Gouvernement jusqu'au mois de juillet, mais l'intégralité du trousseau ! Ce n'est pas acceptable.
Il faut que le Gouvernement puisse travailler, que des mesures soient prises, que nos concitoyens soient protégés ; pour autant, un vrai débat régulier constitue l'essence de la démocratie. Ce n'est pas seulement le passe sanitaire qui est en jeu, ni même l'équilibre entre libertés individuelles et collectives : c'est la dimension démocratique du débat que nous devons avoir. Moins vous l'acceptez dans cette enceinte, plus s'accroît le risque qu'il se fasse jour dans la rue, que la violence s'y invite, que des manifestants en profitent pour le manipuler. Ce n'est pas ce que nous voulons : le parti Les Républicains est un parti de gouvernement. Nous avons toujours assumé nos responsabilités ; nous continuerons à le faire, mais par pitié, respectez les institutions, la voix du peuple et celle de la représentation nationale !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LT.
Ce n'est pas la première fois que je vous entends intervenir, monsieur Gosselin, comme il est au demeurant légitime que vous le fassiez.
Vous noterez dans mes propos l'absence totale d'agressivité à l'égard de la représentation nationale : j'aimerais qu'elle me rende la pareille au cours des discussions à venir. Ce n'est pas le ministre mais l'être humain qui vous le demande. Nous ne sommes pas obligés de nous invectiver constamment de la sorte !
Monsieur Gosselin, vous nous reprochez le manque de débat démocratique ; vous nous accusez d'ôter au Parlement ses pouvoirs de contrôle, de vote, sa capacité de légiférer. Vous nous faites ces reproches en boucle, à chaque fois que je viens défendre un projet de loi concernant des mesures sur lesquelles nous demandons justement la confiance du Parlement.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Trouvez un autre parlement qui, en dix-huit mois, ait été amené à se prononcer onze fois au sujet de la gestion de la crise sanitaire !
Je le répète, monsieur le député, trouvez un autre parlement qui se soit prononcé onze fois en dix-huit mois au sujet de la prorogation de mesures sanitaires !
Trouvez un autre gouvernement qui ait pris autant de mesures de restriction des libertés !
Je peux le redire onze fois, si vous voulez : il n'y en a pas. En outre, la présidente de la commission des lois a eu la gentillesse de rappeler – je ne le savais pas – que j'étais le ministre le plus souvent convoqué devant cette commission.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Cela ne me pose aucun problème, au contraire ! Je reviendrai chaque fois que ce sera nécessaire.
« C'est la moindre des choses ! » et autres exclamations sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le président, je ne vais pas hurler, cela ne sert à rien…
Quand je vous réponds, vous poussez des vociférations !
Je vous demande d'écouter M. le ministre. Monsieur Di Filippo, ce n'est pas à vous d'intervenir à ce stade de la discussion ! M. le ministre seul a la parole !
Vous savez, nous allons passer du temps ensemble : nous aurons tout loisir de débattre posément. Quoi qu'il en soit, j'ai répondu à chaque convocation…
…et je continuerai évidemment de le faire. Nous vous envoyons toutes les semaines des documents exhaustifs ; il n'y a aucune information dont je dispose qui ne vous soit transmise par la suite. La semaine dernière encore – ce n'était pas la première fois –, le Premier ministre, aux côtés de qui je me trouvais, a réuni quatre heures durant les présidents des groupes parlementaires de l'Assemblée…
Si votre groupe vous désigne comme orateur, monsieur Cordier, vous demanderez la parole et vous l'obtiendrez. Pour le moment, c'est M. le ministre qui s'exprime !
Nous avons demandé la prorogation de ces mesures à deux reprises, pour des durées respectives de dix mois et de dix mois et demi ; à deux reprises, le groupe Les Républicains s'y est opposé.
Au contraire, la majorité des députés a voté en faveur de ces dispositions, ainsi que, finalement, la majorité des sénateurs. Il ne s'agit donc pas d'une question de groupes politiques : si je ne m'abuse, la majorité sénatoriale est plutôt de votre bord !
Aujourd'hui, nous souhaitons une prorogation de huit mois et demi. Ce n'est donc pas la plus longue, contrairement à ce que vous dites, mais la plus courte que nous ayons sollicitée. Vous prétendez que nous pourrons prendre n'importe quelle mesure sans l'accord du Parlement : pardonnez-moi, mais là encore, c'est faux. Si nous devions décréter de nouveau l'état d'urgence sanitaire, nous serions obligés de revenir devant le Parlement avant la fin du premier mois…
…afin d'obtenir un vote favorable à sa prolongation. Un contrôle du juge est également prévu. Tout cela, vous le savez fort bien ; depuis dix-huit mois, vous restez fidèles à votre ligne de conduite, laquelle consiste à voter contre le texte et à trouver ensuite les arguments qui vous permettront de nous expliquer pourquoi. En réalité, monsieur Gosselin, vous et les vôtres faites de la politique !
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR ainsi que sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Ce n'est pas une insulte : vous êtes des parlementaires, assumez-le !
Je suis ministre, j'ai été député : je ne prendrais pas mal qu'on me dise la même chose. Pour en revenir au texte, vous savez ce qu'il contient ; débattons donc de ce contenu au lieu d'extrapoler. Ce texte ne donne pas les pleins pouvoirs au Gouvernement, ne nous autorise pas à faire, pendant un an, ce que nous voulons.
Il ne départit pas le Parlement de ses capacités de contrôle et d'évaluation. Tout au contraire, nous vous demandons votre confiance afin de pouvoir revenir vers vous le cas échéant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'espère que les députés du groupe Les Républicains ne s'aviseront pas de m'interrompre lorsque j'informerai notre assemblée que, sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par ce même groupe d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Pour les explications de vote, la parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, que vous voudrez bien laisser s'exprimer jusqu'au bout. Tous les groupes auront leur tour et ce petit jeu peut donc être gênant pour tout le monde !
Monsieur le président, je suis certain que nos collègues du groupe Les Républicains nous écouteront.
Sans surprise, le groupe La République en marche votera contre cette surprenante motion de rejet préalable. Sur le fond, cher collègue Gosselin, vous passez à côté des enjeux réels du texte : vous vous concentrez sur la durée et la date prévues, dont l'importance est secondaire, au regard même de l'avis du Conseil d'État. Or nous débattrons de questions de critères, de questions de contrôle.
Au-delà du texte, votre motion révèle une triple incompréhension des enjeux actuels. Premièrement, la crise sanitaire est peut-être maîtrisée, mais les inquiétudes persistent au vu du rebond épidémique que nous constatons dans certains territoires, de la campagne de rappel vaccinal qui peine à démarrer, des difficultés rencontrées outre-mer : le moment serait mal choisi pour désarmer, pour nous défaire de certains outils. Deuxièmement, compte tenu de la période dans laquelle nous entrons, les Français nous demandent une visibilité accrue en matière de gestion de cette crise et de maintien de la vie économique, culturelle mais aussi démocratique. Troisièmement, les institutions ne se trouvent pas remises en cause, puisque c'est au Parlement qu'il revient de fixer le cadre dans lequel seront utilisés ces outils de vigilance : en aucun cas nous ne nous verrons imposer de décisions. Cela dit, il y a une majorité et une opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le Gouvernement souhaite que le législateur reporte de nouveau, cette fois au 31 juillet 2022, la fin de l'état d'urgence sanitaire. La situation actuelle justifie-t-elle cette mesure ? Vous l'avez dit : on constate des signes encourageants de recul de l'épidémie. Ils sont significatifs, et les indicateurs du risque sanitaire enregistrent une nette baisse. Grâce à la mobilisation, grâce à la vaccination, la situation s'est améliorée ; elle n'en reste pas moins contrastée d'un territoire à l'autre, notamment outre-mer.
Cet état de fait doit nous inciter à différencier notre approche en fonction des territoires, à rester vigilants, mobilisés, afin d'éviter une nouvelle vague épidémique majeure. Par le passé, comme le rappelait Mme la présidente de la commission, le Parlement a prouvé sa capacité à recourir au dialogue et au compromis en vue d'adapter le droit à l'évolution de la situation : j'en veux pour preuve le fait que ce texte est le dixième portant sur le sujet qui nous soit soumis. Le Parlement doit continuer à contrôler l'action du Gouvernement en matière de gestion de la crise et de préservation des libertés publiques. Il n'est donc pas question de lui interdire ce rôle jusqu'au 31 juillet, alors qu'il serait possible, et respectueux de nos institutions, de le réunir de nouveau avant la fin de la session ordinaire, prévue le 27 février. L'instauration d'une clause de revoyure avant cette date nous permettrait de faire un point précis, contradictoire, concernant la situation sanitaire, et de nous adapter en conséquence au moyen de dispositions nécessaires et proportionnées – le Conseil constitutionnel y insistait dans sa décision du 5 août 2021.
Pour notre groupe, il n'est pas envisageable de prolonger huit mois durant une législation d'exception : des mesures limitant voire interdisant la circulation ou les rassemblements en période électorale, prorogeant le passe sanitaire, restreignant les déplacements à destination ou en provenance de l'Hexagone, de la Corse, de l'outre-mer.
Le Gouvernement n'envisage pas, pour l'heure, d'intégrer une telle clause de revoyure au texte qu'il soumet à notre examen ; c'est pourquoi le groupe Les Républicains votera pour la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Après avoir écouté M. Gosselin avec beaucoup d'attention, je souhaitais lui dire que le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ne soutiendra pas la motion de rejet préalable.
Tout d'abord, cher Philippe Gosselin, nous nous trouvions ensemble au sein de la commission mixte paritaire où Sénat et Assemblée se sont mis d'accord pour trouver des outils permettant d'adapter l'état d'urgence sanitaire. J'ai soutenu avec vous l'échéance du 15 novembre 2021. Nous avons donc été capables d'atteindre notre but en la matière. Étant donné ce constat, l'adoption de votre motion signifierait en substance : circulez, il n'y a plus rien à voir, plus de débats, plus d'amendements ! Or, j'attends des discussions à venir un certain nombre de garanties que nous donnera sans doute le Gouvernement, s'agissant des clauses de revoyure ou encore du fait que la crise sanitaire n'est pas maîtrisée partout, comme l'a rappelé le ministre. J'y reviendrai, car nos collègues de Guyane et de Guadeloupe connaissent parfaitement la situation, et vous ne l'ignorez pas non plus, cher collègue.
Nos responsabilités exigent que nous soyons à la hauteur, c'est-à-dire que nous disposions d'outils. En outre, il ne vous aura pas échappé – je le redirai tout à l'heure – qu'à l'état d'urgence sanitaire, nous nous apprêtons à substituer l'état de vigilance sanitaire, ce qui n'est pas la même chose.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cette évolution de la terminologie reflète celle de la situation, dont nous pouvons dire qu'elle est le fruit du travail que nous avons fait, tous ensemble, depuis de longs mois. C'est pourquoi, je le répète, nous ne voterons pas pour la motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Pour ma part, en écoutant le collègue Gosselin, j'ai cru déceler beaucoup de colère dans ses propos. La dernière fois, c'était mon groupe qui avait présenté une motion de rejet préalable. En réalité, le problème est double. Sans doute aborderons-nous la question de fond : faut-il conserver au Gouvernement la capacité de maintenir le passe sanitaire, autrement dit une obligation vaccinale implicite, au sujet de laquelle vous refusez de vous prononcer ? Toutefois, au-delà du bien-fondé de ce dispositif, le sujet qui doit nous interpeller collectivement – car il touche à notre responsabilité – est celui de la forme : comment choisit-on aujourd'hui de consulter le Parlement ?
Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, c'est la onzième fois que nous nous réunissons pour en débattre. Vous nous disiez au mois de juillet : à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
Il est donc heureux que vous vous rendiez aux convocations du Parlement afin de lui permettre d'exercer son devoir de contrôle ! Or, à travers ce texte, vous sollicitez de notre part un blanc-seing…
…qui vous rende libre de faire exactement ce que vous souhaitez durant les huit mois et demi à venir. Une telle disposition n'est pas acceptable. Nos libertés en subiraient des restrictions importantes ,
Protestations sur les bancs du groupe LaREM
quand bien même elle viendrait à susciter un regain de la vaccination. Certes, nous pouvons en débattre. Pour ce faire, monsieur Gosselin, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de votre motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – « Bravo » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je tiens à dire qu'il serait fort appréciable que vous cessiez de considérer systématiquement…
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je m'avoue un peu surpris que la principale motivation de cette motion de rejet préalable soit l'absence de débat démocratique, alors qu'une telle motion revient précisément à refuser le débat que nous attendons tous, ce soir et demain, dans cet hémicycle.
« Mais non ! » sur les bancs du groupe FI.
Accuser le Gouvernement et la majorité de refuser le débat démocratique est un peu léger alors que, depuis mars 2020, c'est le dixième texte que nous examinons sur le sujet et que vous opposez toujours le même argumentaire : le refus de donner au Gouvernement plus de prérogatives pour endiguer l'épidémie.
Il y a ceux qui déposent des motions de rejet préalable et ceux qui, au sein des groupes Agir ensemble, Mouvement démocrate et démocrates apparentés et La République en marche, essaient de se montrer constructifs,…
…à travers des amendements qui visent à encadrer les mesures, notamment celles concernant le passe sanitaire, afin de s'assurer que son application se fonde sur des bases objectives et scientifiquement prouvées.
Et puis, quel bonheur, mes chers collègues, – je pense que vous le ressentez comme moi dans vos circonscriptions –, de retrouver une forme de liberté avec l'organisation d'événements ou de voir des sourires sur les visages, grâce notamment aux mesures prises par le Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes SOC et FI.
Le retour des citoyens sur le terrain est positif, parce que le Gouvernement a su prendre des décisions difficiles, et que le Parlement lui a donné les moyens d'agir.
Enfin, je conclurai sur le thème des libertés, en citant les mots de Françoise Gourdon : « Trop de personnes croient que la liberté est gratuite, alors qu'elle se paie, au contraire, un prix élevé, celui du devoir et de la responsabilité. »
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LaREM et Dem.
Nous sommes sur la même ligne que Philippe Gosselin et je rappellerai ce que nous avons déjà dit en commission vendredi dernier : expliquez-nous pour quelle raison le Parlement ne pourrait pas se réunir après la fin du mois de février. De quoi avez-vous peur, pour craindre ainsi de réunir le Parlement ?
Ce projet de loi n'est pas de nature sanitaire, mais a trait à l'organisation de la République et contrevient au respect du Parlement.
Nous ne le comprenons pas car, à chaque fois qu'il a fallu se réunir pour prendre des mesures d'urgence, le Parlement a répondu présent. Il pourrait en être de même après le mois de février.
Je vais redire également ce que j'ai évoqué en commission : mettre dans les mains du futur président de la République – dont nous ne connaissons pas encore l'identité – des mesures d'urgence d'une telle gravité n'est pas responsable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.
Ne serait-ce que pour cette seule raison, nous devrions nous engager à nous revoir pour faire évoluer le dispositif.
Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'aucun autre gouvernement ne s'était présenté aussi fréquemment devant le Parlement : mais dites-nous quel pays a maintenu aussi longtemps le régime de l'état d'urgence ? Tout est là, en réalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et quelques bancs du groupe LT.
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet de nos collègues Les Républicains.
La commission des lois qui a examiné ce texte a démontré les limites du respect de cohérence du Gouvernement. Vous vous obstinez à prolonger un régime d'exception jusqu'en juillet 2022 et affirmez que le présent projet de loi ne prévoit pas l'état d'urgence éternel : pourtant, il en retarde bien la disparition ! Personne n'est dupe dans cette assemblée, même si bon nombre – que je qualifierai de députés robotisés au service d'un système – font mine de comprendre le contraire.
Je tiens à redire que nous sommes favorables à la vaccination, mais défavorables à toute obligation vaccinale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
Le passe sanitaire est une menace aux libertés publiques : il donne l'illusion d'une protection sur le plan sanitaire mais, en réalité, il n'est rien d'autre qu'un passe autoritaire. Il instaure une société du contrôle permanent et je suis persuadé que, sur ce point, vous êtes d'accord avec moi, monsieur le ministre.
Vous-même, lors des questions au Gouvernement du mardi 7 septembre, avez répondu à une députée qui vous demandait comment l'exécutif prévoyait d'adapter concrètement le déploiement du passe sanitaire dans les outre-mer : « Nous avons décidé de ne pas l'appliquer dans les territoires ultramarins, pour des raisons que chacun peut comprendre. »
Or, à la suite de votre déclaration, le préfet de La Réunion vous a contredit publiquement. Comment la population pourrait-elle vous croire désormais, alors que le Président de la République et vous-même mentez ? Je vous ai interpellé à ce propos lors de l'examen en commission et, sans me répondre, pris en flagrant délit de mensonge, vous êtes parti en courant : cela ne vous grandit pas !
En bref, monsieur le ministre, ce texte n'a plus lieu d'être et, nous le répétons, il est liberticide et crée une société anxiogène. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet préalable présentée par nos collègues du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et LR. – Plusieurs députés non inscrits applaudissent également.
Nous nous sommes réunis à onze reprises, mais pour quel résultat ? Quasiment aucun.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Au mois de mai, nous avons refusé de voter le passe sanitaire pour les actes de la vie courante ; à la suite de pressions du Gouvernement, nous l'avons finalement accepté au mois de juillet.
Mais avons-nous discuté une fois, dans cet hémicycle, de la manière de lutter contre la maladie ? Non. On nous a dit que la vaccination était la seule façon d'enrayer l'épidémie, faisant en cela acte d'autorité. Nous aurions pu débattre également des moyens de lutter contre la pandémie : confinement partiel, total, territorialisé, etc. Mais, une fois encore, nous n'avons pas pu le faire et avons accordé les pleins pouvoirs au Gouvernement qui, ensuite, fait ce qu'il veut.
Tout cela n'est pas très bon pour la démocratie et, d'ailleurs, nos concitoyens s'en rendent compte. Que nous disent-ils en effet et pourquoi ne se déplacent-ils pas pour voter ? Ils considèrent que nous, les élus, sommes bien gentils, mais que ce sont la technocratie et l'administration qui dirigent
« Non, c'est Macron qui dirige ! » sur les bancs du groupe FI
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.
C'est bien ce qu'ils nous disent et je serais tenté de croire qu'ils n'ont pas totalement tort.
L'incapacité du Gouvernement à dialoguer avec les oppositions est un phénomène très français. Pour cette raison, il faudrait vous accorder les pleins pouvoirs jusqu'en juillet 2022 ? Je suis désolé, mais cela s'avère au-dessus de mes forces ! Le peuple m'a confié une parcelle de pouvoir pour que je l'exerce, non pas pour que je le rende à l'exécutif. Nous sommes en pleine confusion des pouvoirs !
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, UDI-I, FI et GDR.
Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, évoquait hier encore dans la presse un probable allégement du passe sanitaire, l'amélioration de la situation le justifiant pleinement. Or nous voici aujourd'hui face à un projet de loi proposant la prorogation de ce dispositif et visant à donner le champ libre au Gouvernement afin de proroger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022 ! Réaffirmer la nécessité urgente du passe sanitaire d'un côté, tout en parlant de lâcher du lest de l'autre, il faudrait savoir !
Mais ce n'est pas seulement votre manque de congruence qui pose le plus de soucis aujourd'hui : vous souhaitez imposer un réel déni de démocratie et utilisez pour ce faire le prétexte de l'urgence. En rappelant que la session ordinaire parlementaire s'achèvera le 27 février en raison des élections,…
…vous affirmez qu'il est nécessaire de prévoir ces huit mois sans contrôle. Mais quand bien même urgence il y aurait, faut-il vous rappeler que l'article 29 de la Constitution a tout prévu et que rien n'empêche la tenue de sessions parlementaires extraordinaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Accepter le débat et rendre des comptes au peuple à travers son seul et unique représentant constitutionnel qu'est le Parlement, est le fondement historique même de nos républiques.
Vous devriez savoir que même en vertu de l'article 16 de la Constitution, qui accorde des pouvoirs exceptionnels au Président de la République, le Parlement est convoqué pour accomplir sa mission. Rien dans une démocratie ne justifie l'absence de convocation des représentants du peuple en cas de crise grave.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je ne reviens pas sur votre proposition de peine punie de cinq ans d'emprisonnement pour l'utilisation frauduleuse d'un faux passe sanitaire, c'est-à-dire autant que pour une fraude fiscale ou pour une agression sexuelle. Votre gouvernement pèche par son manque de clarté confinant à l'incohérence ou, pire, au mensonge éhonté. En effet, selon les déclarations gouvernementales formulées début septembre, le passe ne devait pas s'appliquer dans les territoires en état d'urgence sanitaire : pourtant, la réalité était tout autre. L'état d'urgence a été levé la semaine dernière à La Réunion, mais le passe sanitaire ainsi que l'obligation vaccinale des soignants y étaient en vigueur, en même temps que dans l'Hexagone. Et en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, toujours sous le régime de l'état d'urgence, le passe s'applique. Nous ne cautionnons ni la rupture démocratique ni la rupture d'égalité.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et sur quelques bancs du groupe SOC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 254
Majorité absolue 128
Pour l'adoption 101
Contre 153
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha.
Depuis plusieurs mois maintenant, nous avons retrouvé une vie normale ou quasi normale. Les restaurants et les lieux de vie de nos quartiers ont rouvert, les musées, les cinémas, les bibliothèques également : on y retrouve la joie des découvertes et des échanges. Nous avons pu reprendre le chemin de nos activités sportives. Depuis plusieurs mois, nous retrouvons une vie quasi normale en apparence car, nous le savons, comme la très grande majorité des Français, la crise sanitaire n'est pas encore derrière nous. Elle reste une réalité qu'il nous faut affronter et pour laquelle des mesures touchant la vie collective doivent être prises pour continuer d'endiguer la propagation du virus.
Si nous en sommes là, c'est parce que les Françaises et les Français sont totalement mobilisés pour surmonter la crise ; parce que, depuis le tout début, ils appliquent les gestes barrières avec attention ; parce que, depuis que nous disposons de vaccins, ils répondent très largement présents pour se faire vacciner ; parce qu'ils appliquent avec responsabilité et altruisme les dispositifs qui, comme le passe sanitaire, permettent de freiner la propagation du virus. Si nous en sommes là, c'est parce que l'ensemble des personnels soignants sont totalement engagés dans cette crise depuis le tout premier jour. Si nous en sommes là, c'est aussi parce que nous avons su prendre avec courage et responsabilité les bonnes décisions. Je tiens tout particulièrement à saluer votre engagement sans faille, monsieur le ministre. Sachez que vous pouvez compter sur le soutien du groupe La République en marche.
Au moment où nous commençons nos travaux sur ce onzième texte législatif relatif à la gestion de la crise sanitaire, l'épidémie est sous contrôle dans la quasi-totalité du pays. Elle demeure inquiétante dans certains territoires ultramarins, tout particulièrement en Guyane où l'état d'urgence sanitaire sera prorogé jusqu'au 31 décembre 2021. La vie reprend son cours depuis plusieurs mois et la situation économique a retrouvé son dynamisme d'avant mars 2020.
L'envie peut alors être forte de lever les dernières contraintes qui subsistent et de se dire que tout cela est derrière nous. Ce n'est malheureusement pas le cas. Des inquiétudes persistent : l'entrée dans l'hiver, les fêtes de fin d'année, la possibilité d'apparition de nouveaux variants, le difficile démarrage de la campagne de rappel vaccinal, sont autant de raisons qui nous obligent à demeurer vigilants et à conserver des outils nous permettant d'endiguer la propagation du covid-19. C'est ce que propose le Gouvernement, en responsabilité, à travers ce texte qui proroge jusqu'au 31 juillet 2022 l'existence du régime juridique de l'état d'urgence sanitaire et du régime de gestion de la sortie de crise sanitaire – sous lequel nous sommes actuellement –, ainsi que ses outils, tels que le passe sanitaire.
Nous entendons déjà les cris d'épouvante face à cette proposition. Mais le débat aura lieu. Le groupe La République en marche votera le dispositif proposé par le Gouvernement car il est proportionné…
…et le mieux à même de nous permettre de gérer la période qui est devant nous. Nous ne donnerons pas pour autant à l'exécutif un chèque en blanc.
Nous renforcerons notamment les dispositifs de contrôle parlementaire et nous clarifierons dans la loi les critères sur lesquels le Gouvernement s'appuie pour prendre les décisions concernant la mise en place ou la levée du passe sanitaire.
Par ailleurs, je tiens à corriger une polémique que certains, dans une période de primaires partisanes, tentent de faire monter, selon laquelle nous nous doterions, à travers ce texte, d'outils malléables selon notre bon vouloir pour la prochaine campagne présidentielle. Il n'en est rien. Aucun des outils permettant de gérer la crise sanitaire ne représentera une entrave au bon exercice de la démocratie. Je vous rappelle d'ailleurs que, conformément à la Constitution, le passe sanitaire ne s'applique pas aux activités politiques, syndicales ou cultuelles. Je tiens à le préciser afin qu'aucune confusion ne soit faite et entretenue.
Pour le moment, monsieur Gosselin, le couvre-feu n'est pas autorisé car nous ne sommes pas en période d'état d'urgence sanitaire.
Nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire : le moment n'est donc pas à l'abandon des outils qui nous permettent d'agir et d'endiguer le virus. Suivre une telle voie reviendrait à prendre le risque d'affronter une nouvelle vague. Ce n'est pas ce que les Français attendent de nous. Il est de notre responsabilité de rester vigilants, notamment dans les territoires où la circulation du virus est forte ou repart à la hausse, où le taux de vaccination est trop faible ou encore là où les services de réanimation sont au bord de la saturation.
Ne nous y trompons pas : nos concitoyens n'attendent pas de nous des divisions politiciennes entretenues sur le dos de la crise. Non, ils attendent que nous agissions avec courage et responsabilité, que nous leur donnions de la visibilité sur la manière dont la crise est gérée, que nous leur garantissions que nous sommes en mesure de la maîtriser, de protéger leur santé et de maintenir les lieux de vie du quotidien ouverts. Voilà ce que les Françaises et les Français attendent de notre part.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'accoutumance, voilà le danger qui nous guette : accoutumance aux lois d'exception ; accoutumance aux restrictions de la vie sociale et aux règles sanitaires ; accoutumance aux mesures qui échappent au contrôle fondamental des représentants du peuple ; accoutumance aux pouvoirs administratifs peu à peu devenus plus puissants que les décisions politiques ; accoutumance aux directives, règles et indicateurs en tous genres, aux statistiques et aux courbes épidémiologiques. Plus notre pays s'accoutumera à cet état d'urgence permanent, plus nous perdrons une autre habitude : celle de la démocratie pleine et entière.
À peine ai-je dit cela que j'entends le camp de la raison nous faire la leçon et s'offusquer que nous lancions une alerte démocratique. Dans l'époque où nous vivons, exaspérante et oppressante, il faudrait choisir son camp. L'idée même que nous puissions nous alarmer d'un affaiblissement continu des règles démocratiques est devenue presque inaudible : aussitôt, on est considéré comme irresponsable. Pourtant, il est temps de s'interroger sur l'état de notre démocratie et sur ce qu'il en restera à la sortie de la crise.
Qui est irresponsable : ceux qui posent des questions et rappellent que la démocratie est faite de règles qui ne peuvent être continuellement négligées, voire bafouées ? Non, désormais, les irresponsables sont ceux qui ne se posent aucune question. Les irresponsables sont ceux qui s'habituent à donner des blancs-seings au pouvoir exécutif sans contrôle réel, qui acceptent aujourd'hui ce qu'ils refusaient hier. Les irresponsables sont ceux qui négligent la vie démocratique face à la crise sanitaire.
Être responsable, alors que nous examinons le dixième texte relatif à l'état d'urgence sanitaire, c'est refuser de négliger les principes démocratiques les plus élémentaires. Être responsable, un an et sept mois après le premier texte consacré à l'état d'urgence sanitaire, c'est refuser de prolonger sans raison valable, de plusieurs mois encore, des mesures d'exception qui ne peuvent et ne doivent en aucun cas devenir la règle. Circulez, il n'y a rien à voir ! Rien à débattre, rien à limiter dans le temps, rien à encadrer, rien à contrôler !
S'habituer à gouverner sous l'empire des états d'urgence, de la menace, de la contrainte, de la facilité et de la peur, constitue une faute démocratique et politique. L'état d'urgence permanent, c'est la défiance permanente. Or la défiance est ce qui empoisonne un pays, qui le fracture, le divise et l'empêche de se redresser. Depuis le premier jour de la crise sanitaire, vous avez nourri et alimenté la défiance.
La seule voie permettant de retrouver la confiance qui manque tant au pays est de renouer avec un fonctionnement normal et exigeant vis-à-vis de la démocratie – toute la démocratie. Proposer de prolonger jusqu'au 31 juillet 2022 l'état d'urgence sanitaire, le passe sanitaire, le port du masque et l'octroi des pleins pouvoirs pour décréter de nouveaux confinements : voilà qui n'est pas conforme aux exigences démocratiques.
Depuis le 18 octobre, soixante-dix-neuf départements n'imposent plus le port du masque à l'école ; 75 % de la population est vaccinée, ainsi que 90 % des plus de 60 ans. Les services d'urgence ne sont plus saturés, et l'état sanitaire est sous contrôle : rien ne justifie donc d'appliquer aux mois à venir, jusqu'à l'élection présidentielle, un régime sanitaire de crise grave.
J'assume de dire, à cette tribune, que la société du passe sanitaire n'est pas la société que nous souhaitons. J'assume de dire, à cette tribune, que la démocratie des états d'urgence et de la marginalisation du Parlement n'est pas la démocratie que nous devons souhaiter pour notre pays. J'assume de dire, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, que vous prenez de mauvaises habitudes qui abîment et abîmeront durablement l'exigence démocratique. J'assume de dire, mesdames et messieurs les dociles députés de la majorité, que vous n'assumez pas pleinement votre mission quand vous refusez de fixer des limites aux désirs excessifs du Gouvernement et de le soumettre à un contrôle strict.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.
J'assume de dire aux Français que, désormais, nous devons nous inquiéter autant de la santé de notre démocratie que de celle de nos concitoyens.
Depuis plus d'un an, nous avons soutenu les mesures sanitaires lorsqu'elles se justifiaient ; mais aujourd'hui, elles ne se justifient pas. Nous refusons de vous accorder un blanc-seing, et nous refusons de sacrifier le contrôle du Parlement. En tant que députés, nous sommes garants des libertés et d'une démocratie exigeante ; nous nous opposerons donc à vos excès, tant pour la santé des Français que pour la santé de notre démocratie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Aurélien Pradié parlait à l'instant d'accoutumance ; or je ne m'accoutume pas à l'affaiblissement du Parlement – j'en fais la démonstration ici même depuis plusieurs années.
Notre pays est confronté depuis vingt mois à une situation exceptionnelle, qui a exigé des mesures tout aussi exceptionnelles. En mars 2020, nous avons d'ailleurs tous répondu présent pour accorder les moyens de lutter contre la pandémie – n'oublions jamais le chemin parcouru. Aujourd'hui, on entend moins les antivaccin et les anti-passe sanitaire, qui dénonçaient une privation de la liberté – à l'époque, j'avais osé affirmer que le passe sanitaire était le passe de la liberté !
Quelques semaines plus tard, où en sommes-nous ? J'étais présent – Philippe Gosselin s'en souvient – lors du fameux « dimanche de l'impossible » où chacun, en responsabilité, a fait un pas vers l'autre pour que le Gouvernement ait les moyens de travailler et de protéger nos concitoyens. Je n'oublie pas les 120 000 morts, ni le personnel soignant qui a été envoyé au feu.
Je n'oublie pas cette communauté absolument extraordinaire, que nous n'avons pas ménagée pendant de longs mois, et qui est toujours là.
Les deux députés de Guadeloupe du groupe Dem, Justine Benin et Max Mathiasin, nous alertent sans relâche sur la situation difficile de leur territoire – vous vous êtes d'ailleurs rendus sur place, madame la présidente et monsieur Gosselin.
Comme vous, j'ai l'espoir que la pandémie soit totalement et définitivement derrière nous, mais il faut redoubler de prudence. J'ai toujours lu avec la plus grande attention les rapports du Conseil scientifique. Le 6 octobre, il écrivait que « le risque de rebond épidémique ne peut pas être exclu dans les mois qui viennent ». Prudence, donc ! Dans l'Aveyron, département que vous connaissez bien, monsieur Pradié…
Ce département proche du vôtre a enregistré un taux d'incidence important. Certains affirment : « Tout est gagné, c'est terminé, levons toutes les mesures, tout va bien ». L'un d'entre eux, Boris Johnson, comprend aujourd'hui qu'il a laissé la maladie s'échapper à nouveau au Royaume-Uni. L'histoire des pandémies nous appelle à l'état de responsabilité.
Faut-il sortir de l'état d'urgence ? Comme Mme la présidente l'a observé, nous devons surtout nous donner les moyens d'agir. Il faut donner les moyens d'agir au Gouvernement, sans transiger sur le contrôle parlementaire ; telle est la voie que j'ai toujours suivie – la preuve en est qu'avec le groupe Dem, et comme d'autres, j'ai demandé que nous sortions de l'état d'urgence sanitaire le 15 novembre. Nous avons rendez-vous le 15 février, monsieur le ministre, pour examiner le rapport détaillant les mesures qui auront été prises. Je demande que nous ayons également un débat en février, car pour débattre de façon apaisée, il faut retracer le chemin parcouru devant la représentation nationale.
Il faut expliquer d'où nous venons et où nous en sommes – c'est indispensable, car cela évite à chacun de céder à la moindre tentation d'instrumentalisation politique.
Si nous ne devions plus examiner aucun texte, vous pourriez nous convoquer le 15 mars pour nous dire que tout va bien, mais ce serait à des fins politiques, en vue de la future échéance électorale. Or nous pouvons siéger jusqu'au 17 juin. Pour rappel, monsieur Gosselin, je fus de ceux qui ont fait savoir au Sénat que nous étions prêts à siéger à tout moment.
Il est indispensable que le passe sanitaire évolue. Vous l'avez expliqué, monsieur le ministre : il doit s'agir d'un passe sanitaire conditionné à des indicateurs tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation. Le suivi de ces indicateurs est indispensable pour disposer d'un passe sanitaire encore plus efficace. Nous vous suivrons sur ce chemin.
Qu'adviendra-t-il si deux départements voisins ne sont pas soumis au passe sanitaire dans les mêmes conditions ? Cette question légitime et complexe est souvent posée. Je suis favorable à un passe sanitaire national, assorti d'une territorialisation de l'action – je l'ai répété de nombreuses fois –, de sorte que les préfets puissent prendre des mesures contraignantes, avec les élus locaux, et adapter les réponses aux situations locales.
Pour toutes ces raisons, nous suivrons la position du Gouvernement sur le présent texte, en imposant une exigence et une ligne rouge : le Parlement doit disposer d'instruments de contrôle, en particulier de rapports – je parle sous votre contrôle, madame la présidente, sachant que vous ne transigez pas en la matière. Le projet de loi a été soumis au Conseil d'État, qui nous soumettra son éclairage. Notre responsabilité est d'emprunter ce chemin, afin de tourner enfin le dos à la pandémie. Nous avons appris de nos erreurs, mais nous avons aussi appris de nos succès. Regardons la France, mais regardons aussi les pays qui nous entourent : nous n'avons pas à rougir.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme la présidente de la commission et M. le rapporteur applaudissent également.
Nous nous apprêtons à examiner une nouvelle fois – une onzième fois – un texte qui vise à faire face à la crise sanitaire : il permettra de proroger l'état d'urgence sanitaire – ou, dites-vous, d'en sortir, nous l'avons bien compris… –, et de proroger les outils de gestion de cet état. Il imposera des dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire – ou à sa sortie – au-delà de la fin du quinquennat et de la législature. En définitive, ce texte revient à inscrire trois régimes juridiques d'exception dans notre droit jusqu'à l'été 2022.
Pourquoi faudrait-il proroger l'état d'exception pour si longtemps ? Nous avons prouvé notre capacité à voter un tel régime dans une temporalité très courte – plusieurs d'entre vous l'ont rappelé. Le Parlement est à nouveau consulté dans des conditions plutôt déplorables, alors que le projet de loi, dans son intention, est annoncé depuis le mois de juillet. Élection ou non, nous pouvons nous réunir si nous sommes convoqués, et nous répondrons à ce devoir comme nous l'avons toujours fait. N'y voyez ni de la polémique politicienne, ni une opposition de principe au Gouvernement, monsieur le ministre, mais plutôt la volonté de garantir les principes qui régissent notre État de droit – dont, rappelons-le, nous sommes garants. Il est de notre responsabilité collective de protéger la République et de veiller à ce que les institutions conservent la place qui doit être la leur. Contrairement à ce que j'ai pu entendre, l'interlégislature n'existe pas – elle existe encore moins sachant que la crise dure depuis plus d'un an et demi, et que les outils pour y répondre vont à l'encontre de nombre de nos libertés.
Le covid-19 fait désormais partie de nos communs. Aussi, si nous devons apprendre à vivre durablement avec le virus, devons-nous le faire dans un régime de droit commun. Nous ne pouvons prolonger durablement un régime d'exception qui atteint profondément l'état de droit.
Le passe sanitaire a probablement suscité un regain de vaccinations durant l'été ; c'est peut-être l'une des clés de l'excellente couverture vaccinale de la France, mais nous aurions pu procéder autrement – nous l'avons affirmé en juillet, et je l'ai expliqué en commission. Aussi, je m'inscris en faux contre le procès que vous essayez de nous intenter, monsieur le ministre, selon lequel nous nous opposerions au Gouvernement par principe. Les oppositions ont des nuances dans l'hémicycle, et il est légitime que nous les exprimions sans nous voir systématiquement intenter un procès en dogmatisme.
N'oublions pas que le passe sanitaire a souffert d'un manque de clarté et qu'il a pris la forme d'une obligation implicite ; n'oublions pas non plus les multiples crispations qui en sont le fruit. Il est un point de crispation – et il le restera – dès lors qu'il met à l'écart nombre de nos concitoyens qui pensent que le passe sanitaire n'est pas une solution acceptable, et qui, par conséquent, n'agissent pas comme nous. Pourtant, le passe sanitaire est malheureusement entré dans nos pratiques anodines : il faut le présenter pour accéder partout où on souhaite, le contrôle de l'identité et du statut vaccinal étant confié à des personnes qui ne sont pas détentrices de l'autorité publique – nous l'avons dénoncé en juillet.
La situation actuelle n'exige plus de passe sanitaire systématique. Le chantage infantilisant du rapporteur – en substance : laissez-nous faire ce qu'on veut, sans quoi on vous confine – est ubuesque. La démocratie, ce n'est pas cela, monsieur le rapporteur – vous le savez. Près de 50 millions de nos concitoyens sont vaccinés ; la campagne de la troisième dose semble même avoir commencé, bien que certains arbitrages se fassent toujours attendre : le passe sanitaire intégrera-t-il cette troisième dose ? Sera-t-elle obligatoire pour les soignants ? Par ailleurs, le taux d'incidence est désormais inférieur au premier seuil d'alerte dans presque tous les départements.
Mes chers collègues, j'appelle sérieusement votre attention sur un paradoxe que j'ai eu l'occasion de soulever en commission : pourquoi maintenir des mesures de restriction des libertés publiques alors que vous nous annoncez une sortie de crise avec la division par trois en 2022 des provisions budgétaires pour lutter contre l'épidémie ? Monsieur le ministre, j'ai entendu votre réponse : les commandes de vaccins justifient cette baisse budgétaire. Ainsi, actons-nous d'avance l'échec de la campagne de vaccination pour une troisième dose ? Actons-nous d'avance le ralentissement de la réalisation des tests ? Ces paris relatifs à la provision budgétaire nécessaire sont hasardeux et les expériences précédentes auraient dû nous être utiles.
Nous nous opposerons donc au projet de loi en l'état. Encore une fois, il ne s'agit pas de s'opposer pour s'opposer. Si la crise sanitaire se poursuit et devient plus virulente, le Parlement doit approuver de nouveau une telle prolongation. Nous ne pouvons tolérer le blanc-seing accordé au Gouvernement pour une si longue durée et la représentation nationale ne peut pas être laissée de côté. Nous avons fait des propositions qui n'ont pas été écoutées. Nous ne pouvons tolérer une incitation à la vaccination qui passe par la fin de la gratuité des tests de dépistage du covid-19 car ce régime de contraintes, où les tests deviennent payants pour les nouveaux vaccinés, n'est pas tolérable. Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à la prorogation du triple état d'exception et nous proposerons que le Parlement examine à nouveau, avant la levée de nos travaux de fin de législature, la pertinence d'une telle prorogation.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Le grand constitutionnaliste toulousain Maurice Hauriou définissait l'état d'urgence comme un régime d'exception, une sorte de légitime défense de l'État qui l'autorise à user de pouvoirs exorbitants du droit commun, lorsque sa survie ou celle de son peuple est gravement menacée. Dans l'échelle des réponses aux crises, la loi d'état d'urgence est la plus puissante.
Depuis le mois de mars 2020, nous sommes confrontés à une crise sanitaire inédite. Notre pays, ses institutions, son administration et sa population ont su faire face avec dignité et pragmatisme. Dans son étude annuelle 2021 « Les états d'urgence : la démocratie sous contraintes », le Conseil d'État souligne que les administrations publiques ont été mises à « rude épreuve. Elles se sont révélées […] remarquablement résilientes et l'état d'urgence sanitaire, qui a pesé sur la totalité des structures, a permis à nombre de services publics de prouver leur […] efficacité. »
Le Parlement a également joué son rôle. Nous examinons aujourd'hui le dixième texte sur l'état d'urgence sanitaire. Des nuits de débats se sont tenues dans l'hémicycle pendant plus de quatre-vingt-douze heures, selon le bilan dressé par la commission des lois. Aujourd'hui, pour la première fois depuis le mois de mars 2020, nous avons l'avantage sur ce virus grâce au vaccin et à la vigilance de tous les Français. Cependant, comme M. le ministre le rappelle régulièrement, bien que nous ayons pris le dessus dans ce bras de fer, la situation sanitaire peut brutalement dégénérer en quelques semaines ; plusieurs pays peuvent malheureusement en témoigner.
Parce que le virus n'a jamais cessé de circuler, deux dangers demeurent. Le premier, c'est l'apparition d'un nouveau variant qui serait plus contagieux et plus létal ou, pire, résistant au vaccin. Le second – et nous devons être singulièrement mobilisés –, c'est la désagrégation de notre couverture vaccinale, faute d'administration d'une troisième dose aux personnes les plus fragiles. Sur ce dernier point, souvenons-nous de la situation israélienne cet été.
Du reste, dans son avis relatif au projet de loi, le Conseil scientifique, qui envisage toujours avec une certaine prudence l'évolution de la pandémie de covid-19, « considère que les autorités sanitaires doivent conserver dans la durée une capacité juridique à agir en cas de nouvelle vague épidémique durant les prochains mois ».
Depuis le début de la crise sanitaire, le groupe Agir ensemble s'est montré constructif en formulant de nombreuses propositions pour apprendre à vivre avec le covid-19 ; nous nous réjouissons que l'oreille du Gouvernement ait toujours été attentive à celles-ci. En commission des lois, plusieurs amendements des trois groupes de la majorité ont été adoptés. Ils visent à renforcer le contrôle parlementaire dans le cadre du régime de sortie de crise sanitaire car si un devoir de vigilance quant à la situation sanitaire incombe au pouvoir exécutif, le même devoir à l'égard de celui-ci s'impose au pouvoir législatif.
En séance publique, nous soutiendrons deux amendements. Le premier, proposé par ma collègue Agnès Firmin Le Bodo, vise à renforcer la protection des données de santé des Français. En effet, les laboratoires et pharmacies recourent à des prestataires informatiques qui facilitent la transmission des tests effectués par leurs patients au SI-DEP. Une mise en demeure récente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés – CNIL – nous a alertés sur le fait que certaines solutions informatiques n'assurent pas un niveau de sécurité suffisant et peuvent donner lieu à des violations de données particulièrement sensibles.
Afin de sécuriser l'ensemble du dispositif, y compris son alimentation par les professionnels de santé, cet amendement rendra obligatoire le respect par les prestataires informatiques de mesures de sécurité suffisantes, ainsi que le recours par les professionnels de santé aux seuls prestataires répondant à ces conditions.
Un second amendement, présenté par les trois groupes de la majorité, tend à encadrer l'usage du passe sanitaire.
Les mesures relatives à l'application du passe sanitaire, prises dans le cadre du régime de gestion de la crise sanitaire, devront être justifiées au regard des indicateurs sanitaires que sont le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou encore le taux de saturation des lits de réanimation. Cette précision de bon sens aura pour effet de renforcer la confiance de nos concitoyens dans les décisions prises par nos dirigeants.
En définitive et sans surprise, le groupe Agir ensemble prendra ses responsabilités et votera en faveur du projet de loi. .
Mme la présidente de la commission des lois et M. le rapporteur applaudissent
État d'urgence sanitaire, sortie d'état d'urgence, gestion de la crise et désormais vigilance sanitaire, le Gouvernement joue tant sur les mots qu'il semble s'être un peu perdu lui-même. Il s'agit pourtant d'un sujet essentiel pour nos concitoyens que le groupe UDI et indépendants n'a jamais pris à la légère. Souvenez-vous, nous avons su être force de proposition en la matière. Vous pouvez le constater, nous sommes, comme toujours, mobilisés pour discuter des mesures de gestion de la crise sanitaire.
Nous nous réjouissons de l'évolution encourageante des taux d'incidence de la covid-19. Cependant, notre responsabilité nous appelle à la prudence. Nous savons que le combat contre l'épidémie n'est pas encore gagné et, à ce titre, nous partageons votre volonté de prendre les mesures nécessaires à la protection de nos concitoyens, mais pas à n'importe quel prix. Le débat que vous nous proposez aujourd'hui ne semble plus être sanitaire mais devient, au fil des textes, politique et institutionnel.
En premier lieu, le projet de loi vise à nous maintenir dans un régime d'exception. Rappelons-le, la déclaration de l'état d'urgence sanitaire autorise le Premier ministre à prendre par décret des mesures limitant les libertés d'aller et venir, d'entreprendre, de réunion, des mesures de réquisition et des mesures temporaires de contrôle des prix ; exorbitantes du droit commun, ces dispositions ne puisent leur légitimité que dans leur nature temporaire.
Au cas où cela vous aurait échappé, vous nous demandez de valider le maintien de ce régime au-delà de l'élection présidentielle. Or personne ne saurait en prédire le résultat. Pour quelles raisons vous entêtez-vous à nous faire prendre le risque de confier de tels pouvoirs à des extrémistes ?
C'est inacceptable et totalement irresponsable.
En second lieu, le projet de loi pose la question de la place que la représentation nationale doit occuper dans ce débat. Comme pour les textes précédents, nous constatons que le Gouvernement demande un blanc-seing pour plusieurs mois. Or le Parlement ne saurait être spectateur de l'action gouvernementale. Ne vous en déplaise, notre fonction première est bien celle de voter les lois. Nous avons déjà eu ce débat de nombreuses fois depuis le mois de mars 2020 et pourtant, vous feignez de ne pas comprendre notre rôle véritable, ce qui est d'autant plus problématique que souvent, au lieu d'écouter les parlementaires, votre Gouvernement s'est trompé.
M. Loïc Prud'homme et Mme Martine Wonner applaudissent.
Il s'est trompé sur les masques, sur la fermeture des commerces prétendument non essentiels, sur la gestion de la campagne de vaccination. Vous vous êtes également trompés quand vous avez, dans un premier temps, refusé l'instauration du passe sanitaire que nous avions proposée au mois de décembre 2020.
Le Parlement peut et doit jouer pleinement son rôle. Si, par coutume, nous suspendrons nos travaux pendant les campagnes présidentielles et législatives, rien ne nous empêchera de nous réunir pour évaluer l'avancement de l'épidémie et pour adapter à nouveau les mesures sanitaires.
Vous acceptez d'ailleurs que nous soyons destinataires de rapports dont nous pourrions débattre. Serions-nous donc bons à discuter de rapports mais pas à voter des lois ? La triste réalité est que la majorité refuse purement et simplement le dialogue, ce qui est et très préjudiciable lorsqu'il porte sur un sujet tel que la crise sanitaire. Chers collègues, vous l'aurez compris, il est hors de question pour le groupe UDI et indépendants de renoncer à la parole que nous portons pour nos concitoyens. Telle est la raison de notre opposition au texte, que nous ne voterons pas en l'état.
M. Philippe Gosselin applaudit.
Collègues, regardez autour de vous, on se croirait presque dans un hémicycle, on dirait presque que nous sommes parlementaires, réunis ici pour discuter d'un projet de loi, pour l'amender et pourquoi pas même le rejeter. Nous sommes donc en démocratie, c'est bien noté, laissez-nous simplement le temps de nous y habituer. Je dis presque, car après tout, le parlementaire n'a pas beaucoup parlementé ces derniers mois. La plupart des décisions sanitaires majeures se sont prises au sein d'un conseil de défense couvert par le secret défense, c'est-à-dire sans organigramme ni relevé de décisions. Il n'y avait que ce pauvre M. Attal que nous plaignons, mais pas trop non plus, qui essayait péniblement de traduire en langage terrien les ordres et contrordres venus de Jupiter.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous me direz que vous jouez le jeu, ce projet de loi étant le cinquième du genre cette année. Mais comme tous les autres, il est truffé d'ordonnances sur lesquelles nous n'avons pas notre mot à dire. Ainsi, les parlementaires s'ennuient. L'une des vôtres s'ennuyait tellement qu'elle a abandonné son mandat pour se carapater chez Accorhotels,
Mme Caroline Fiat applaudit
puisque vous trouverez désormais plus de démocratie dans un conseil d'administration qu'au sein du temple républicain.
D'autres ont l'esprit et le portefeuille ailleurs, aux Seychelles par exemple.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Mais attention, certains d'entre eux se rebellent ; le groupe La France insoumise trouve même des alliés chez des macronistes pur jus, passablement irrités d'être sans cesse confondus avec des paillassons. Bref, quelle faveur vous nous faites, quelle amabilité ! Imaginez, collègues, quinze jours en Macronie : notre rôle serait de prendre nous-mêmes les décisions qui engagent le quotidien de la population. Imaginez-le seulement, puisque ce ne sera pas pour cette fois.
Le projet de loi prolonge un régime d'exception prétendument provisoire mais devenu éternel, tant et si bien qu'un enfant né en 2015 aura passé les trois quarts de sa vie sous un régime de cette nature.
Il consiste à donner un blanc-seing au Gouvernement pour prendre des décisions sanitaires, lesquelles ont toujours la même origine : sur quel pied le Président de la République s'est levé ? Pied gauche, couvre-feu ; pied droit, déconfinement ; pied gauche, passe sanitaire ; pied droit, tout dépend de quand il s'est levé du pied gauche. Voilà le modèle inédit de gouvernement que vous avez institué : l'absurdie généralisée.
Grâce à ce texte, vous remettez une fois encore le quotidien des Français entre les mains du président qui pourra activer, désactiver ou réactiver seul, selon son humeur, le passe sanitaire, puisque dans la farce de la gestion de la crise sanitaire, M. le Premier ministre n'occupait qu'un rôle de figurant.
Nous le répéterons autant qu'il le faudra : nous sommes contre le passe sanitaire. Le Conseil scientifique est lui-même dubitatif sur son efficacité. Le passe est votre excuse commode pour faire mine d'avoir fait quelque chose contre le covid quand vous n'avez pas fait l'essentiel. Avez-vous augmenté le nombre de lits ?
Non, vous en avez fermé 5 700 en 2020. Avez-vous embauché plus de soignants ? Non plus, vous en avez suspendu plus de 15 000. Avez-vous œuvré pour la levée des brevets ? Non, pourquoi ? Ce serait dommage de retirer sa manne à la big pharma.
Comme on dit chez vous, quand il n'y a pas de profits, il n'y a pas de plaisir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.
Sans oublier le fameux vaccin qui ne sera pas obligatoire ou encore ce passe sanitaire qui ne sera jamais, au grand jamais, un droit d'accès qui différencie les Français, d'après Emmanuel Macron.
Vous avez fixé des dates couperet, au-delà desquelles vous agitez la menace de suspension des tests payants, ce qui vous évite de vous adresser à l'intelligence des Français. Voilà où nous en sommes.
Comment la population peut-elle vous croire alors que le Président lui a si copieusement menti ? Il n'y a pas de politique sanitaire sans confiance.
Mme Caroline Fiat et M. Ugo Bernalicis applaudissent.
En Guadeloupe, à peine 40 % de la population a reçu une première dose de vaccin. Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, 45 % des soignants sont vaccinés. Vendredi, en Martinique, des soignants et leurs patients ont été gazés dans un hôpital par des policiers.
Que ferez-vous, les matraquerez-vous encore et encore ? Renverrez-vous chez eux ces soignants qui ont fait des toilettes à l'eau de Cologne, qui ont été à court de masques, de gants, de médicaments, de respirateurs et de lits ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Aux Antilles, la méfiance des citoyens s'inscrit dans une histoire plus longue, celle du chlordécone et, plus récemment, celle des déboires liés à la pénurie d'eau. Qu'attendez-vous, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, pour déclencher le plan ORSEC (organisation de la réponse de sécurité civile) eau potable, qui prévoit de distribuer des bouteilles d'eau à la population qui n'en a pas au robinet ?
Mme Caroline Fiat et M. Ugo Bernalicis applaudissent.
Vous ne pouvez pas demander à une population d'appliquer les gestes barrières quand il n'y a même pas d'eau pour se laver les mains.
Convaincre plutôt que contraindre : sachez, collègues, que ceci n'est pas une idée nouvelle, on pourrait en faire l'histoire tant la philosophie morale la tient pour acquise depuis des siècles. Rousseau parlait de la loi des plus forts en ces termes : « Or qu'est-ce qu'un droit qui périt quand la force cesse ? S'il faut obéir par force, on n'a pas besoin d'obéir par devoir ; et si l'on n'est plus forcé d'obéir, on n'y est plus obligé. » Collègues, voici votre erreur fondamentale : le consentement à l'autorité ne se fait pas sous la contrainte. Nous voterons donc contre ce texte : ce texte, ce sont vos égarements imposés aux Français depuis deux ans ; ce texte, c'est une occasion pour vous d'en commettre bien d'autres.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra