Je vous remercie pour la qualité de votre question, à laquelle je souscris en tous points. S'agissant du peuple français, un philosophe suisse parle de « cohabitation des contraires » – mais l'expression s'applique aussi à de nombreux peuples européens. Quant à moi, j'ai coutume de dire ceci : citoyen de bon matin, consommateur passé le quart d'heure – ce qui veut peu ou prou dire la même chose.
C'est vrai, à cause de la cohabitation des contraires que vous avez très bien résumée, nous avons demandé au monde agricole d'accomplir de nombreuses transitions, alors que cette injonction n'était pas forcément reprise par le donneur d'ordre final, le consommateur. Cela nous enseigne que l'agriculture ne peut pas répondre à des injonctions. Il faut le dire, le marteler : cela ne fonctionne pas comme ça.
L'agriculture doit plutôt répondre aux demandes du consommateur, qui doit rémunérer les transitions qu'il souhaite. Et quand l'agriculture n'en a pas la possibilité, l'État doit l'accompagner avec des politiques sociales.
L'État doit également garantir que la rémunération de l'agriculteur est assurée et non captée par les industriels ou la grande distribution ; la transition doit ainsi être menée grâce à une sorte de contrat avec l'ensemble de la société. C'est ce que nous faisons grâce à la proposition de loi de Grégory Besson-Moreau dite « EGALIM 2 », que vous avez adoptée à l'unanimité.
Par ailleurs, j'entends souvent, comme vous, dont je connais l'attachement aux terres agricoles, que les transitions n'iraient pas assez vite. L'exemple du lait bio est pourtant parlant. En France, depuis 2017, la surface consacrée au bio a doublé, ce qui fait de notre pays le premier en la matière en Europe. Soyons-en fiers, arrêtons de caricaturer notre agriculture et avançons vers des solutions de marché, défendues fièrement et de manière pragmatique.