Le passe sanitaire a probablement suscité un regain de vaccinations durant l'été ; c'est peut-être l'une des clés de l'excellente couverture vaccinale de la France, mais nous aurions pu procéder autrement – nous l'avons affirmé en juillet, et je l'ai expliqué en commission. Aussi, je m'inscris en faux contre le procès que vous essayez de nous intenter, monsieur le ministre, selon lequel nous nous opposerions au Gouvernement par principe. Les oppositions ont des nuances dans l'hémicycle, et il est légitime que nous les exprimions sans nous voir systématiquement intenter un procès en dogmatisme.
N'oublions pas que le passe sanitaire a souffert d'un manque de clarté et qu'il a pris la forme d'une obligation implicite ; n'oublions pas non plus les multiples crispations qui en sont le fruit. Il est un point de crispation – et il le restera – dès lors qu'il met à l'écart nombre de nos concitoyens qui pensent que le passe sanitaire n'est pas une solution acceptable, et qui, par conséquent, n'agissent pas comme nous. Pourtant, le passe sanitaire est malheureusement entré dans nos pratiques anodines : il faut le présenter pour accéder partout où on souhaite, le contrôle de l'identité et du statut vaccinal étant confié à des personnes qui ne sont pas détentrices de l'autorité publique – nous l'avons dénoncé en juillet.
La situation actuelle n'exige plus de passe sanitaire systématique. Le chantage infantilisant du rapporteur – en substance : laissez-nous faire ce qu'on veut, sans quoi on vous confine – est ubuesque. La démocratie, ce n'est pas cela, monsieur le rapporteur – vous le savez. Près de 50 millions de nos concitoyens sont vaccinés ; la campagne de la troisième dose semble même avoir commencé, bien que certains arbitrages se fassent toujours attendre : le passe sanitaire intégrera-t-il cette troisième dose ? Sera-t-elle obligatoire pour les soignants ? Par ailleurs, le taux d'incidence est désormais inférieur au premier seuil d'alerte dans presque tous les départements.
Mes chers collègues, j'appelle sérieusement votre attention sur un paradoxe que j'ai eu l'occasion de soulever en commission : pourquoi maintenir des mesures de restriction des libertés publiques alors que vous nous annoncez une sortie de crise avec la division par trois en 2022 des provisions budgétaires pour lutter contre l'épidémie ? Monsieur le ministre, j'ai entendu votre réponse : les commandes de vaccins justifient cette baisse budgétaire. Ainsi, actons-nous d'avance l'échec de la campagne de vaccination pour une troisième dose ? Actons-nous d'avance le ralentissement de la réalisation des tests ? Ces paris relatifs à la provision budgétaire nécessaire sont hasardeux et les expériences précédentes auraient dû nous être utiles.
Nous nous opposerons donc au projet de loi en l'état. Encore une fois, il ne s'agit pas de s'opposer pour s'opposer. Si la crise sanitaire se poursuit et devient plus virulente, le Parlement doit approuver de nouveau une telle prolongation. Nous ne pouvons tolérer le blanc-seing accordé au Gouvernement pour une si longue durée et la représentation nationale ne peut pas être laissée de côté. Nous avons fait des propositions qui n'ont pas été écoutées. Nous ne pouvons tolérer une incitation à la vaccination qui passe par la fin de la gratuité des tests de dépistage du covid-19 car ce régime de contraintes, où les tests deviennent payants pour les nouveaux vaccinés, n'est pas tolérable. Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à la prorogation du triple état d'exception et nous proposerons que le Parlement examine à nouveau, avant la levée de nos travaux de fin de législature, la pertinence d'une telle prorogation.