Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du lundi 25 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Ce 25 octobre est la journée européenne de la justice, dont l'objectif est de rendre la justice plus proche des citoyens : nos débats y feront référence.

La mission Justice du projet de loi de finances pour 2022 regroupe plusieurs programmes qui marquent une évolution positive des crédits affectés à la justice au profit de nos concitoyens. Les crédits de paiements des six programmes de la mission évoluent de 6,8 % au total. L'augmentation des crédits doit néanmoins être relativisée au regard de plusieurs éléments. D'une part, l'inflation en 2021 et 2022, estimée respectivement à 1,5 % et à 1,2 %, épuisera mécaniquement une part de l'augmentation. D'autre part, les hausses sont sensiblement différentes d'un programme à l'autre.

Les crédits du programme Justice judiciaire, qui nous préoccupent au premier plan et qui représentent 36 % des crédits de paiement de la mission, progressent seulement de 3,4 %. Ceux relatifs au programme Administration pénitentiaire, qui représentent 43 % des CP, augmentent de 2,6 % pour les dépenses de personnel et de 16 % pour les autres dépenses, notamment celles d'investissement.

Ma collègue Cécile Untermaier a, au nom du groupe Socialistes et apparentés, insisté lors de son intervention en commission des lois sur l'importance de renforcer la justice de proximité sous les trois aspects suivants : la consolidation de l'aide juridictionnelle ; l'amélioration des délais de traitement ; le développement du maillage territorial. Elle a également souligné le renforcement de la lutte contre les violences intrafamiliales, avec la nécessité d'un alignement par le haut, sur l'effort que consentent certains de nos voisins comme l'Espagne.

Je souhaite revenir sur la question, ô combien importante, de l'évolution des effectifs de la justice judiciaire, au regard non seulement du nombre réel de postes créés, mais aussi de l'évolution des activités réalisées et des comparaisons internationales. Les organisations représentatives de magistrats ont fait valoir à de nombreuses reprises la situation de la justice française, qualifiée de « misérable », et nous ont fait considérer, par là même, le mauvais traitement que l'État inflige depuis plusieurs décennies aux usagers du service public de la justice, donc à nos concitoyens qui y recourent. S'agissant du nombre réel de postes de magistrats créés, le chiffre de 650 sous cette législature correspond à la différence entre les effectifs réels de 2021 et ceux de 2017, ce qui prend en compte une partie des créations d'emplois décidées sous la précédente législature, la durée de formation emportant un report dans la création effective des postes à pourvoir.

Par ailleurs, l'activité des magistrats serait impossible sans celle des greffes et de leurs personnels. Les effectifs de ceux-ci seraient passés de 9 332 à 10 172 entre 2018 et 2021. Cependant, les greffiers ne sont pas les seuls fonctionnaires de greffe et, si près de cinquante postes supplémentaires de greffiers sont annoncés pour 2022, on comptera pour la même année, toutes catégories confondues, une dizaine de fonctionnaires de greffe en moins dans les tribunaux français. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est, monsieur le garde des sceaux ?

J'en viens aux effectifs rapportés à l'activité. Notre système vit sous l'injonction de la réforme permanente : celle de l'organisation de la justice et celles du droit à appliquer. Pour ne faire qu'effleurer le sujet, je citerai la réforme du droit pénal, la réforme de l'aide juridictionnelle, la réforme de la procédure civile et la dématérialisation des procédures, mais il y en a d'autres. Les moyens ne suivent pas vraiment et, en l'état, seule une réparation de l'insuffisance criante est en cours. Comme je l'avais suggéré lors d'une question orale sans débat en février 2021, un bilan précis des postes nécessaires et des outils indispensables pour assurer la justice pourrait être fait dans le ressort de chaque cour d'appel, et un dialogue de gestion de type nouveau pourrait être institué au niveau de chaque juridiction qui en serait ainsi l'outil.

Je note que les travaux pour établir un référentiel permettant de mesurer précisément les besoins sont toujours en cours sans qu'une date précise ne soit donnée sur leur aboutissement.

J'en viens maintenant aux comparaisons internationales. Les plus récentes portent sur l'année 2018. Selon les données compilées et comparées par la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) organe dépendant du Conseil de l'Europe, notre pays dispose de 10,9 juges et 3 procureurs pour 100 000 habitants, alors même que la Belgique en compte respectivement 13,3 et 7,7 avec une richesse comparable – et l'écart est encore plus grand si l'on considère la médiane.

Pour en revenir au projet de budget pour 2022 de la mission "Justice" , l'évolution est globalement positive, mais vous le savez, monsieur le garde des sceaux, des interrogations et des inquiétudes subsistent, qui doivent nous conduire à ne pas nous satisfaire du présent, mais bien à accélérer le mouvement pour une justice avec des magistrats, des personnels de greffe et des moyens matériels à la hauteur de ce que nécessite notre justice.

Espérant que l'effort sera réalisé et encore amplifié, les députés du groupe Socialistes et apparentés apporteront leur soutien aux augmentations envisagées.

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