Monsieur le ministre, vous avez déclaré vouloir, en sortant de ce ministère, pouvoir vous dire que ce que vous avez dit que vous feriez, vous l'avez fait. Vous l'avez fait, mais ça n'a pas donné grand-chose, peut-être parce que ce n'est pas ça qu'il fallait faire, et c'est là tout le débat politique. Ne vous en déplaise, il ne suffit pas de mettre des millions supplémentaires, avoisinant le milliard, pour venir se la raconter ensuite dans les médias et à cette tribune !
Prenons d'abord la justice judiciaire. Nous constatons, le collègue Hetzel l'a souligné, 1 300 vacances de postes de fonctionnaires – pas de magistrats. Le problème, comme vous le savez, est que l'effectif cible ne correspond pas aux besoins. Mais peut-être aimeriez-vous réaffirmer devant cette assemblée qu'en réalité l'effectif cible correspond aux besoins et que tout va bien dans ce pays, cela servirait la cause pour démasquer votre imposture.
Autant pour les fonctionnaires des services du greffe, vous pouvez mettre en avant le fait que l'école d'application tourne à plein et qu'il est difficile de recruter plus, ce qui nécessite de pratiquer une politique de sucres rapides en ayant recours à des contractuels – mais on a bien vu que vous supprimiez tout de même 107 postes de fonctionnaires de catégorie C dans ce budget –, autant vous ne pouvez pas utiliser cet argument pour ce qui concerne les magistrats, car il ne tient pas la route : l'École nationale de la magistrature ne fonctionne pas à plein, loin de là. Du reste, durant cette législature, quasiment un quart des augmentations de postes résulte de décisions prises par le gouvernement socialiste précédent. Vous pouvez dire merci à vos prédécesseurs car, sans eux, vous auriez bien du mal à vendre votre bilan. Vous n'avez procédé qu'à deux augmentations successives de seulement cinquante magistrats par an. À ce rythme, pour atteindre le nombre européen médian de magistrats par habitant, il ne nous faudrait pas moins de deux siècles ! Or nous n'avons pas deux siècles devant nous pour patienter avec vous – je ne le souhaite pas du moins.
S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, on voit bien que votre ligne est d'enfermer une jeunesse délinquante mettant le pays à feu et à sang. L'ensauvagement, quoi – enfin, ça dépend : quand les chiffres baissent, il n'y a plus d'ensauvagement et chaque ministre met en avant son bilan !