…en dix ans, près du quart du patrimoine à l'étranger a été vendu et ce qui reste est parfois triste à voir. Des investissements pourtant nécessaires, en matière de numérique ou de sécurité, ont été reportés. Sous l'effet d'une telle cure d'austérité, une fragilisation durable n'est donc pas à exclure.
Lorsqu'il s'agit de défendre son budget, le Quai d'Orsay a un gros désavantage : son action est d'abord peu visible, nos diplomates travaillant dans l'ombre, souvent loin de leur pays ; il serait tentant de ne pas reconnaître l'utilité de leur travail. Le ministère des affaires étrangères a aussi l'image tenace d'un ministère privilégié. Il est difficile de faire comprendre que la diplomatie a besoin d'un certain faste, et que ce faste n'est nullement un privilège pour des personnels à qui il est demandé beaucoup d'efforts.
La crise sanitaire aura au moins permis de faire évoluer certaines de ces perceptions. Dès le début de la pandémie, les personnels du Quai ont répondu à l'urgence en aidant près de 370 000 Français à regagner notre pays. Un large secours a été apporté aux Français de l'étranger : un soutien médical, de l'aide sociale, des bourses scolaires et, plus récemment, une campagne de vaccination. Le Quai d'Orsay est alors apparu pour ce qu'il est vraiment : un véritable ministère de service public.
La multiplication des crises internationales a sans doute, elle aussi, contribué à une telle prise de conscience, par exemple dans le cadre de l'opération d'évacuation d'Afghanistan, ou encore lorsque, de la Turquie à la Biélorussie, nos ambassadeurs défendent les valeurs de la France. En partie grâce à ces crises, nous percevons les bénéfices d'un début de changement d'image du Quai d'Orsay.
Le budget pour 2021 avait mis fin à l'hémorragie des effectifs pour la première fois depuis vingt ans : c'était attendu et espéré de tous. Le budget pour 2022, qu'on le perçoive comme un budget de consolidation, de rebond ou de renaissance, a une ambition plus réparatrice. Il veut, entre autres, réparer trois grandes fragilités du ministère.
La première a trait au numérique. Grâce aux hausses de crédits consenties, le consulat de demain prend forme. L'état civil et la demande de visa se dématérialisent, le vote par internet est expérimenté et une plateforme d'accueil consulaire voit le jour, tout cela au bénéfice des usagers et des personnels – ces derniers pourront se concentrer sur ce qu'ils savent faire le mieux : les relations avec nos concitoyens. Mais l'ambition numérique du ministère dépasse de loin l'action consulaire et la nouvelle stratégie pluriannuelle pour le numérique aura des effets en cascade sur l'ensemble de ses services.
Le deuxième sujet, sans doute le plus important, concerne les effectifs. Pour la deuxième année consécutive, aucune baisse n'est programmée en la matière. Action publique 2022 n'est plus ; il faut maintenant entrevoir le rebond. Une vaste réforme des ressources humaines est par ailleurs engagée : les rémunérations seront harmonisées, le ministère davantage ouvert vers l'extérieur et les informations améliorées.
Le troisième et dernier sujet, et non des moindres : l'immobilier, qui a reçu une large attention sur tous les bancs de notre assemblée. Un plan de rattrapage monte en puissance grâce aux moyens nouveaux qui y sont consacrés. Des dizaines d'opérations sont en cours, en France et à l'étranger, pour redonner de la fierté au ministère – c'est ce que vous disiez, monsieur le ministre, en commission.
Numérique, effectifs, immobilier : la réussite de ces chantiers est subordonnée à une seule et même condition, le souci du long terme, et je me réjouis que ce soit la direction prise depuis l'année dernière. Il faut espérer qu'un tel cap soit conservé dans les années à venir et au cours des prochaines législatures.