La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'action extérieure de l'État (n° 4524, annexes 1 et 2 ; n° 4526, tomes I et II, n° 4527, tome I).
La parole est à M. Vincent Ledoux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, je ne m'attarderai pas sur le budget que vous nous présentez : il augmente de 50 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2021, mais prévoit en réalité plus du double de moyens, par rapport à l'évolution tendancielle, pour des mesures nouvelles. Il s'agit d'un bon budget, non pas parce qu'il augmente – cette augmentation était cependant absolument nécessaire pour maintenir la qualité de notre réseau diplomatique –, mais parce qu'il permet de poursuivre la démarche cohérente de modernisation et d'ouverture du Quai d'Orsay que vous avez engagée depuis le début de la législature.
Cette démarche est le prisme à travers lequel j'ai examiné ce dernier exercice budgétaire, dont j'ai retenu quelques traits saillants afin de montrer que, loin de l'image que l'on peut en avoir, notre diplomatie se réforme et s'ouvre, non seulement sur le monde, mais aussi sur la société française. C'est l'un des enseignements que j'ai tirés de ces cinq dernières années, qui m'ont permis, à titre personnel, de découvrir le Quai d'Orsay et les femmes et les hommes qui font fonctionner notre diplomatie.
Cette démarche d'ouverture sur la société doit encore être approfondie : nos concitoyens sont trop peu conscients du lien qui existe entre l'action diplomatique et consulaire et leur vie quotidienne. S'il s'est matérialisé de manière très concrète et efficace lors de la crise sanitaire pour ceux qui ont été rapatriés ou vaccinés à l'étranger, ce lien, pourtant bien réel, est moins évident pour nos compatriotes qui vivent sur le territoire français. Ainsi, dans le domaine culturel, il serait très utile que les Français soient davantage sensibilisés aux projets réalisés par les instituts français à l'étranger.
Pour ma part, au cours de cette législature, j'ai mesuré l'honneur, et le bonheur, que j'avais d'exercer la fonction de rapporteur spécial sur la mission "Action extérieure de l'État" et de pouvoir découvrir, à la faveur de l'élaboration de mon rapport, une maison que je n'aurais jamais pu connaître en tant que simple citoyen. C'est un privilège que j'ai retiré de l'élection. Mon devoir est aujourd'hui de me tourner vers nos concitoyens pour leur présenter cette belle maison qu'est le Quai d'Orsay.
L'une des caractéristiques de ce projet de budget de la mission pour 2022 est la priorité donnée aux ressources humaines, qui constituent le premier atout de notre diplomatie. Vous l'aviez souligné, monsieur le ministre : nous étions à l'os en matière d'effectifs. Je salue donc l'interruption, décidée l'an dernier et confirmée cette année, de la trajectoire de réduction de la masse salariale prévue dans le cadre du programme de transformation Action publique 2022. Le Quai d'Orsay aura tout de même rempli 80 % de son objectif et réalisé des gains d'efficience importants.
Premier point sur lequel je veux insister : la légère augmentation du plafond d'emplois est destinée à doubler le nombre d'apprentis recrutés au Quai d'Orsay. Au-delà d'un objectif commun à l'ensemble des administrations, cette hausse reflète la volonté du ministère de se tourner vers la jeunesse et de diversifier les profils recrutés. C'est également le sens de l'Académie diplomatique d'été, qui permet de faire découvrir les missions et les métiers de la diplomatie à des lycéens et des étudiants que leur milieu familial ne prédispose pas à la carrière diplomatique.
Cette initiative est très intéressante : j'insiste sur la nécessité d'entretenir les liens avec les jeunes passés par cette académie, même s'ils n'expriment pas d'emblée un intérêt pour les métiers de la diplomatie, dont on ne répétera jamais assez qu'ils sont très diversifiés. Je lie cette ouverture à la société et à la jeunesse à la nécessité de renforcer – de muscler ! – la territorialisation de la diplomatie. La présence de diplomates auprès des préfets, à travers les conseillers diplomatiques auprès des préfets de région, contribue à une diffusion des enjeux diplomatiques dans la vie quotidienne que j'appelle de mes vœux. On gagnerait à y associer plus étroitement les exécutifs locaux.
En cohérence avec cette démarche d'ouverture et avec la réforme de l'encadrement supérieur de l'État, l'année 2022 verra la création d'une école diplomatique et consulaire afin de mieux professionnaliser les parcours à tous les stades de la carrière. La création de cette école s'inscrit dans le cadre d'une réforme globale des ressources humaines, dont je salue le souci d'équité entre les différentes catégories d'agents.
Ce souci d'équité n'irrigue pas seulement les mesures salariales, de formation ou de logement social, il doit également être pris en considération dans le cadre de la stratégie de numérisation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Comme dans de nombreuses administrations et entreprises, la pandémie s'est traduite par une numérisation à marche forcée des services, qui a fragilisé les collectifs de travail. Dans les nouvelles pratiques de fonctionnement à distance qui s'ancrent au quotidien grâce à des outils de sécurisation des communications audio et vidéo, veillons à ce que certaines catégories de personnels – notamment les agents de droit local et la catégorie C – ne se sentent pas exclues parce qu'elles ne disposent pas des mêmes possibilités de travail à distance que les autres. Ce processus doit par ailleurs tenir compte des exigences de sécurité inhérentes à l'activité diplomatique, qui impliquent d'importants investissements.
Face à la multiplication et à la violence des campagnes de dénigrement et de désinformation contre la France, je salue la volonté du ministère de revoir ses modes de communication pour inclure de manière plus étroite, dans sa stratégie, les relais des sociétés civiles des pays concernés et les diasporas.
Avec les ressources humaines et la numérisation, l'entretien du patrimoine immobilier constitue un autre axe fort de ce projet de budget. L'effort consenti est indispensable et devra être maintenu dans la durée.
Enfin, pour ce qui concerne la diplomatie culturelle et d'influence, je relève un nouvel effort de la France s'agissant de ses contributions volontaires aux organisations internationales. Celles-ci permettront de renforcer la voix de la France.
Pour finir, je forme le vœu que la prochaine législature s'inscrira dans la continuité du budget aujourd'hui proposé pour la mission "Action extérieure de l'État" , que la commission des finances a adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur les bancs des commissions.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Si les chiffres du tourisme au plan mondial continuent d'impressionner, les pertes enregistrées par ce secteur pendant la crise s'élèvent à près de 4 000 milliards de dollars. En France, les chiffres de l'été 2021 laissent entrevoir les prémices d'une sortie de crise : 10,6 milliards d'euros de recettes ont été engendrés, inférieurs toutefois de 30 % à celles de l'été 2019, mais supérieures de 25 % à celles de 2020. Dans les autres pays européens, les recettes progressent, mais dans des proportions moindres qu'en France : – 53 % pour l'Espagne et l'Italie par rapport à 2019. En tout état de cause, l'été 2021 a été marqué par une tendance relativement positive pour le tourisme européen. Notons que la crise a permis d'attirer en France davantage de touristes de pays voisins. Ainsi, les recettes engendrées par les Néerlandais sont en hausse de 30 %. Les Allemands et les Belges sont également venus plus massivement visiter notre territoire. Nous devons continuer d'investir pour fidéliser les touristes de ces pays.
Ces résultats, bien que globalement encourageants, demeurent fragiles et très disparates selon les secteurs touristiques et le niveau de dépendance de certaines destinations à la clientèle étrangère. La situation touristique des entreprises de Paris et de l'Île-de-France reste ainsi très dégradée.
Le non-retour des clientèles asiatiques et nord-américaines, dotées d'un fort pouvoir d'achat, plombe la capitale. Les six premiers mois de l'année 2021 ont été très difficiles puisque la fréquentation touristique à Paris a enregistré une baisse de 78 % par rapport à 2019. Nous sommes donc confrontés à une crise qui s'inscrit dans la durée. Quelles mesures concrètes avez-vous prévues, monsieur le ministre, pour enrayer cette tendance ? J'appelle votre attention quant à l'urgence d'investir dans une politique de promotion de notre pays plus que jamais ambitieuse. Des destinations concurrentes se positionnent actuellement sur nos marchés émetteurs de manière offensive. Or le budget post-crise attribué à l'opérateur Atout France pour 2022 n'est absolument pas à la hauteur de la relance.
Atout France consacrera seulement 6 millions d'euros à la promotion de notre industrie touristique l'année prochaine, ce qui est très faible. La Grèce, quant à elle, a engagé un budget de 27 millions sur l'année pour soutenir les acteurs de ce secteur. Pour le tourisme hivernal, la France a prévu un budget de promotion de 2 millions, alors que notre premier concurrent, l'Autriche, lui consacre 17 millions. Je propose donc, pour 2022, d'augmenter de 20 millions le budget alloué à la promotion de notre industrie touristique. Cet investissement est limité, mais il aurait un effet levier direct et massif sur la reprise.
Toujours dans l'optique de favoriser le retour de clientèles lointaines dans notre pays, pouvez-vous, monsieur le ministre, éclairer la représentation nationale sur les négociations sanitaires avec les pays émetteurs dont les vaccins ne sont pas homologués par les autorités européennes – je pense notamment à la Russie –, ou qui continuent de restreindre la circulation de leurs ressortissants à l'étranger, comme la Chine. Qu'en est-il, par ailleurs, des touristes japonais ? Un risque majeur pèse également sur notre première clientèle étrangère, la clientèle britannique. La crise sanitaire, le Brexit, le retour des passeports et des relations diplomatiques délicates risquent de fragiliser durablement la venue de cette clientèle historique en France. Sa fréquentation a chuté, cet été, de manière inhabituelle. Quelle est votre stratégie à l'égard de cette clientèle ?
Je veux souligner également qu'un secteur central de l'économie touristique n'a pas encore totalement repris. Il s'agit du tourisme d'affaires et de l'événementiel, essentiels à l'écosystème touristique urbain. En Île-de-France et à Paris, la relance de ce secteur pourrait compenser la perte des touristes étrangers. La création d'un fonds de 70 millions, codoté par les régions, constituerait une réponse à la hauteur de nos ambitions pour ce secteur. Un tel montant ne paraît pas aberrant pour résister à l'offensive de l'Italie et l'Allemagne, qui aspirent la totalité de ce marché.
Enfin, un discours clair au plus haut sommet de l'État est indispensable pour relancer le secteur de la montagne et le tourisme d'hiver.
À la fin du mois de novembre 2020, le Président de la République a lui-même annoncé à la télévision que les stations de sports d'hiver n'ouvriraient pas. Il est urgent qu'il annonce qu'elles ouvriront cet hiver. En effet, le nombre des préréservations est largement en deçà de ce qu'il devrait être à ce jour. Le traumatisme de la fermeture imposée, du jour au lendemain, à la mi-mars 2020 et pendant tout l'hiver 2020-2021 a fait chuter la confiance de nos concitoyens dans la fiabilité des réservations de séjours en station. Le paradoxe est que les réservations à l'étranger explosent pour ce Noël, l'Autriche et l'Italie ayant officiellement annoncé l'ouverture de leurs stations de ski début septembre, ce qui a favorisé les réservations. Monsieur le ministre, la filière française du tourisme d'hiver a besoin de vous : elle vous demande d'annoncer clairement et rapidement l'ouverture des stations de sports d'hiver !
S'agissant, à proprement parler, du budget alloué à la politique du tourisme dans le projet de loi de finances pour 2022, il m'est difficile de le commenter car le Gouvernement n'a annoncé ni le contenu, ni le montant du plan de reconquête et de transformation du tourisme qui sera présenté dans le courant du mois de novembre. Cette initiative est certes positive et je m'en félicite, mais comment ce plan sera-t-il financé ? Il devrait vraisemblablement être mis en œuvre dès 2022, mais dans quelle mission et pour quel montant ? En raison de ces incertitudes et d'un budget alloué à la promotion de notre industrie du tourisme insuffisant eu égard aux enjeux de la reprise, je ne pourrai malheureusement pas formuler un avis favorable sur l'adoption des crédits alloués à cette politique.
La parole est à M. Robert Therry, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
J'ai l'honneur de vous présenter l'avis de la commission des affaires économiques sur les crédits consacrés au tourisme au sein de la mission "Action extérieure de l'État" . Alors que le tourisme est un secteur d'activité essentiel à l'économie française, il subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire. En 2020, le niveau du tourisme mondial avait retrouvé son niveau de 1990. En France, la même année, la fréquentation des touristes étrangers a chuté de 55 % et les perspectives pour 2021, bien que légèrement meilleures, ne permettront pas de combler le manque à gagner pour les acteurs du secteur. L'État a certes prévu des mesures de soutien, mais celui-ci pourrait être amélioré et clarifié.
La crise doit également être envisagée comme une occasion pour le secteur touristique de se transformer face à l'évolution des attentes des touristes et à l'inévitable réinvention de l'offre dans la crise. Pour illustrer ce renouvellement, j'ai choisi de privilégier deux sujets dans mon rapport pour avis : les résidences de tourisme, d'une part ; le tourisme patrimonial, d'autre part.
Je vous propose, tout d'abord, une rapide présentation des crédits budgétaires analysés dans le cadre de mon rapport. La disparition progressive des crédits consacrés au tourisme au sein de la mission "Économie" est regrettable compte tenu du poids de ce secteur dans le PIB national.
Pour le reste, l'essentiel des crédits de la mission "Action extérieure de l'État" consacrés au tourisme est destiné au financement de la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à Atout France, opérateur de l'État en matière de promotion du tourisme. Cette subvention est globalement stable par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2021 : elle s'établit à 28,7 millions d'euros. Atout France a déployé d'importants efforts de soutien aux acteurs du secteur touristique et à la promotion de la destination France durant la crise sanitaire. Maintenir le niveau de sa subvention constitue donc un effort minimum, d'autant que certaines autres recettes de l'opérateur, telles que celles issues des droits de visas, demeurent fragiles. J'émettrai donc un avis plutôt défavorable sur les crédits consacrés au tourisme de la mission "Action extérieure de l'État" , tout en précisant que la commission des affaires économiques a voté en faveur de leur adoption.
Venons-en au premier volet thématique de mon avis budgétaire, qui porte sur les résidences de tourisme. Détenus à 85 % par des particuliers propriétaires, les hébergements en résidence de tourisme représentaient jusqu'ici un placement financier plutôt sûr. Le modèle financier de tels biens repose sur une période obligatoire de mise en location, le gestionnaire de la résidence de tourisme étant chargé de verser le loyer dû au propriétaire. Malheureusement, la crise de la covid-19 a conduit à d'importantes difficultés : faute de touristes, les gestionnaires ne pouvaient plus verser de loyers aux propriétaires, qui se sont retrouvés eux aussi en difficulté financière. Cela a provoqué des tensions importantes entre propriétaires bailleurs et gestionnaires, et la situation n'est pas encore résolue. Un point fait toutefois l'unanimité : il existe un réel défaut d'information préalable sur les risques associés à ce type d'investissement. Un projet de réforme serait à l'étude sur le sujet : j'espère qu'il pourra voir le jour.
Le second volet thématique de mon avis est consacré au sujet du tourisme patrimonial, qui me tient particulièrement à cœur. La crise de la covid-19 a modifié les attentes des touristes, le public valorisant davantage les lieux moins fréquentés. C'est l'occasion de mettre en lumière des modèles peu connus et innovants. La chartreuse de Neuville, située dans le Pas-de-Calais, fait partie de ces lieux. Cet édifice en cours de restauration présente un modèle de financement original, fondé sur la coexistence, sur son site, d'activités lucratives et non lucratives. Aux activités touristiques classiques et à un projet de résidence hôtelière s'ajoutent des incubateurs, des projets d'insertion par le travail ou encore des résidences d'artistes et de chercheurs.
Une telle diversité permet de faire de cet édifice un lieu vivant, tout en assurant sa restauration. Je souhaite que des initiatives de ce type puissent être valorisées. Les soutiens associés doivent également être mis en avant et rationalisés. Les financements proposés par BPIFrance ou la Banque des territoires, par exemple, sont souvent mal connus des bénéficiaires potentiels.
Je suis convaincu que des démarches reposant sur davantage de communication et de transversalité, ainsi que le soutien à des modèles économiques innovants, sont des éléments essentiels d'une politique touristique réussie.
La parole est à M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :
Pendant plus de vingt ans, le ministère des affaires étrangères a été mis à la diète. Des consulats ont été fermés et le format de certaines ambassades a été revu ; une partie des effectifs a été supprimée et ceux qui ont échappé à ce sort ont parfois été transformés en agents de droit local. Enfin, de nombreux biens immobiliers ont été vendus. Peut-être ces efforts étaient-ils en partie nécessaires. Après tout, chaque ministère a participé au désendettement de l'État ; pourquoi le Quai d'Orsay en aurait-il été exonéré ? Ici et là, le train de vie mené n'était pas toujours totalement conforme aux attentes de nos concitoyens.
Mais aujourd'hui, lorsqu'on observe l'état du ministère, nous avons le sentiment que nous sommes allés beaucoup trop loin. En dix ans, le Quai d'Orsay a perdu 12 % de ses effectifs ;…
…en dix ans, près du quart du patrimoine à l'étranger a été vendu et ce qui reste est parfois triste à voir. Des investissements pourtant nécessaires, en matière de numérique ou de sécurité, ont été reportés. Sous l'effet d'une telle cure d'austérité, une fragilisation durable n'est donc pas à exclure.
Lorsqu'il s'agit de défendre son budget, le Quai d'Orsay a un gros désavantage : son action est d'abord peu visible, nos diplomates travaillant dans l'ombre, souvent loin de leur pays ; il serait tentant de ne pas reconnaître l'utilité de leur travail. Le ministère des affaires étrangères a aussi l'image tenace d'un ministère privilégié. Il est difficile de faire comprendre que la diplomatie a besoin d'un certain faste, et que ce faste n'est nullement un privilège pour des personnels à qui il est demandé beaucoup d'efforts.
La crise sanitaire aura au moins permis de faire évoluer certaines de ces perceptions. Dès le début de la pandémie, les personnels du Quai ont répondu à l'urgence en aidant près de 370 000 Français à regagner notre pays. Un large secours a été apporté aux Français de l'étranger : un soutien médical, de l'aide sociale, des bourses scolaires et, plus récemment, une campagne de vaccination. Le Quai d'Orsay est alors apparu pour ce qu'il est vraiment : un véritable ministère de service public.
La multiplication des crises internationales a sans doute, elle aussi, contribué à une telle prise de conscience, par exemple dans le cadre de l'opération d'évacuation d'Afghanistan, ou encore lorsque, de la Turquie à la Biélorussie, nos ambassadeurs défendent les valeurs de la France. En partie grâce à ces crises, nous percevons les bénéfices d'un début de changement d'image du Quai d'Orsay.
Le budget pour 2021 avait mis fin à l'hémorragie des effectifs pour la première fois depuis vingt ans : c'était attendu et espéré de tous. Le budget pour 2022, qu'on le perçoive comme un budget de consolidation, de rebond ou de renaissance, a une ambition plus réparatrice. Il veut, entre autres, réparer trois grandes fragilités du ministère.
La première a trait au numérique. Grâce aux hausses de crédits consenties, le consulat de demain prend forme. L'état civil et la demande de visa se dématérialisent, le vote par internet est expérimenté et une plateforme d'accueil consulaire voit le jour, tout cela au bénéfice des usagers et des personnels – ces derniers pourront se concentrer sur ce qu'ils savent faire le mieux : les relations avec nos concitoyens. Mais l'ambition numérique du ministère dépasse de loin l'action consulaire et la nouvelle stratégie pluriannuelle pour le numérique aura des effets en cascade sur l'ensemble de ses services.
Le deuxième sujet, sans doute le plus important, concerne les effectifs. Pour la deuxième année consécutive, aucune baisse n'est programmée en la matière. Action publique 2022 n'est plus ; il faut maintenant entrevoir le rebond. Une vaste réforme des ressources humaines est par ailleurs engagée : les rémunérations seront harmonisées, le ministère davantage ouvert vers l'extérieur et les informations améliorées.
Le troisième et dernier sujet, et non des moindres : l'immobilier, qui a reçu une large attention sur tous les bancs de notre assemblée. Un plan de rattrapage monte en puissance grâce aux moyens nouveaux qui y sont consacrés. Des dizaines d'opérations sont en cours, en France et à l'étranger, pour redonner de la fierté au ministère – c'est ce que vous disiez, monsieur le ministre, en commission.
Numérique, effectifs, immobilier : la réussite de ces chantiers est subordonnée à une seule et même condition, le souci du long terme, et je me réjouis que ce soit la direction prise depuis l'année dernière. Il faut espérer qu'un tel cap soit conservé dans les années à venir et au cours des prochaines législatures.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, applaudit également.
La parole est à M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
La diplomatie culturelle et d'influence va un peu mieux, et pas uniquement, monsieur le ministre, du fait des 15 millions supplémentaires accordés au programme 185, sur un total d'environ 700 millions. Je tiens ici à exprimer la satisfaction que m'apporte son évolution, en particulier s'agissant de son pilotage et de sa cohérence, car vous savez que ce sujet est au cœur de mes rapports depuis quatre ans. Il y a trois ans, j'avais dit à ce pupitre que nous ne gérions pas la pénurie ; en commission, j'ai utilisé l'image suivante : il ne sert à rien de remettre de l'essence dans une voiture si le piston n'est pas en face du cylindre.
Avant de lui accorder de nouveaux fonds, il faut s'assurer que le programme considéré fasse l'objet d'une gestion cohérente.
La diplomatie culturelle et d'influence a fait des progrès.
Aujourd'hui, nous travaillons en réseau ; nous l'avons tous vu sur le terrain. L'Institut français est maintenant doté d'un pôle « réseau » : j'attendais une telle réforme, désormais effective. Les ambassadeurs – vous l'aviez dit, monsieur le ministre, dans votre discours aux ambassadeurs en 2019 – travaillent en réalité comme des chefs d'orchestre chargés de faire jouer des virtuoses, comme des généralistes s'adressant à des spécialistes, et même nos opérateurs, même si les résistances en la matière sont connues, travaillent de façon décloisonnée : ils ont compris qu'ils devaient s'ouvrir.
En 2017, je m'étais rendu au Liban, carrefour de notre influence culturelle. J'y suis retourné cette année et si la France – je dis bien la France, pas le ministère ni l'ambassade – est toujours présente dans ce pays, marqué par deux années de crise politique et sociale puis dévasté par une catastrophe, c'est bien grâce à ce décloisonnement. Quand le service diplomatique au Liban m'entretient de diplomatie éducative, il me parle certes des 54 établissements homologués qui s'y trouvent, mais aussi, plus largement, des 300 écoles francophones que compte le pays, et c'est à leur rencontre que nous allons. Quand je discute avec les artistes libanais, ils ne me parlent pas du dernier festival s'étant tenu à l'Institut français : ils me font part de ce dispositif extraordinaire et très peu coûteux qui s'appelle NAFAS, « respiration » en arabe, et par lequel la France a permis à 100 artistes libanais de venir respirer en France, en résidence.
Quand j'auditionne l'Institut français du Proche-Orient (IFPO), notre citadelle de la diplomatie scientifique et archéologique, ce ne sont pas uniquement sa vingtaine de salariés que je trouve autour de moi : je vois des gens sur le terrain, qui travaillent à la reconstruction du port de Beyrouth auprès des architectes libanais, ou qui étudient l'impact sociologique, patrimonial et environnemental de cette reconstruction. La France, toute la France, est bien présente au Liban, y compris nos volontaires internationaux – j'ai rencontré ces jeunes qui s'engagent –, et les services de l'ambassade sont les animateurs de cette présence : ils donnent les impulsions nécessaires, bien au-delà de la stricte gestion de leur budget propre.
Nous avançons, monsieur le ministre, mais tout n'est pas parfait. J'ai fait quelques recommandations et je voudrais en rappeler quelques-unes. Nous devons faire un point d'étape issu d'un « retex », un retour d'expérience, concernant deux dispositifs. Les contrats de recrutement sur place (CRSP), d'abord, ont longtemps été vus comme une manière de dépenser moins – on l'a rappelé tout à l'heure ; je crois qu'il est logique d'y avoir recours, compte tenu de nos activités, car nous ne pouvons pas avoir partout des fonctionnaires détachés. Mais nous avons besoin de contrats de recrutement sur place qui soient dotés d'une visibilité, car il n'est pas normal qu'une directrice de maison d'édition doive renouveler son contrat tous les quelques mois ; il est logique qu'elle soit en CRSP mais elle doit pouvoir se projeter.
Le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), ensuite, est plébiscité. Bravo pour cet outil, qui a deux ou trois ans. Nous devons maintenant voir comment nous allons inscrire ces financements dans le temps, de façon à les enchaîner au droit commun.
Je pense, monsieur le ministre, que nous devons mieux coordonner notre diplomatie scientifique. Nous disposons de quelques beaux outils, en particulier la Commission des fouilles et l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). J'ai fait une contribution à ce sujet dans la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 : je pense qu'il nous manque là un outil de coordination. Je pense aussi à l'AEFE – Agence pour l'enseignement du français à l'étranger –, bien entendu. Vous connaissez mes propositions à son sujet : il faut rénover sa direction du développement et retirer le poste de directeur de l'AEFE du mouvement des ambassadeurs, afin qu'il soit recruté sur projet pour cinq ans ; il faut aussi créer à l'intérieur de l'agence un comité de gestion des établissements qui soit en régie directe.
De tels constats me semblent partagés et vous nous avez promis, monsieur le ministre, une feuille de route consacrée à la diplomatie d'influence, qui aura pour tâche de créer la cohérence que nous appelons de nos vœux. Je crois que nous avançons dans le bon sens et que le présent budget en atteste.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous passons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
Monsieur le ministre, vous avez des raisons d'être satisfait : vous avez stoppé l'hémorragie. Mais nous, parlementaires communistes, ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation. Avec la crise sanitaire internationale et les ravages terribles causés par le covid-19 aux économies ou aux systèmes économiques et sociaux des pays les plus fragiles, ainsi que les crises diplomatiques internationales qui éclatent en permanence, la diplomatie n'a jamais été autant sollicitée et n'a jamais été aussi indispensable à l'équilibre précaire de notre monde et à la paix. Nous ne pouvons pas continuer à avancer dans ce monde sans une administration très compétente et protégée.
Je m'interroge donc sur la réforme de l'encadrement supérieur, qui mettra en péril le corps de conseiller des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires. Je m'interroge aussi sur l'utilisation importante de contrats de droit local, relevée y compris au sein de votre majorité, et sur la disparition de la gestion directe des fonctions supports, pour reprendre votre vocabulaire très méprisant à l'égard de ces agents. Ce mouvement vise à diminuer les coûts au détriment de la sûreté de notre réseau consulaire et d'ambassades. Le recours à la sous-traitance pour ces fonctions pose de graves problèmes et il est inquiétant de savoir que notre État n'est plus capable d'assurer seul la sécurité de ses bâtiments, de ses personnels, de ses services informatiques et j'en passe.
Enfin, je m'interroge sur la multiplication des agences qui reprennent, morceau par morceau, des prérogatives initialement dévolues au ministère central. Ces agences emploient des salariés de droit privé et sont trop peu soumises au contrôle parlementaire. Leur multiplication pose la question du rôle de l'État dans la conduite des politiques publiques. Demain, votre ministère sera-t-il uniquement chargé de la gestion de ces agences, comme Atout France, l'Agence française de développement (AFD), Business France – la bien nommée ! –, ou restera-t-il un service public centralisé, avec un personnel formé, et disposant d'un statut adapté à sa fonction ?
C'est un véritable débat de fond, qui oppose notre vision d'un service public porté par des agents protégés et très bien formés à votre vision libérale d'un service au public où tout le monde est interchangeable. Car il faut prendre la mesure du travail réalisé par notre diplomatie. Les députés communistes tiennent d'ailleurs à remercier à nouveau, car on ne le fera jamais assez, les agents qui ont réussi, avec si peu de moyens, à rapatrier autant de monde durant la crise du covid-19 en 2020 ou lors de l'évacuation de l'Afghanistan. En ce moment même, ils continuent au quotidien de faire face à d'innombrables problèmes administratifs en raison des changements permanents des règles pour entrer et sortir d'un territoire.
S'agissant du budget proprement dit, il faut se féliciter de l'augmentation de la contribution française aux systèmes multilatéraux, notamment au Conseil de sécurité des Nations unies. L'objectif affiché de ce retour de la France parmi les grands contributeurs est le renforcement des outils de maintien de la paix et de prévention des conflits, au soutien des organisations dédiées à la sécurité internationale. Pour renforcer la prévention des conflits, je vous propose de commencer par respecter et faire respecter les résolutions des Nations unies que vous votez ! Avec de telles ambitions, nous espérons par exemple que vous allez rapidement organiser un référendum d'autodétermination au Sahara occidental plutôt que de payer la MINURSO (mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental), coûteuse et pour l'instant assez discrète, puisque vous refusez d'élargir ses missions au respect des droits de l'homme.
Un très grand nombre de questions subsistent sur le statut de votre ministère, sur le budget en tant que tel, son application et sa mise en œuvre par votre administration. Avec un budget stable de 3 milliards d'euros, le ministère des affaires étrangères ne sera pas capable d'affronter les enjeux diplomatiques de demain, a fortiori avec des fonctionnaires au statut incertain. Pour les députés communistes, une diplomatie de la paix mériterait des moyens qualitatifs toujours plus importants. Ce budget n'est donc pas satisfaisant et nous voterons contre.
Merci, monsieur le rapporteur spécial, pour cette présentation des contours budgétaires de la mission "Action extérieure de l'État" pour l'année 2022. La hausse de 2 % des crédits alloués représente un apport complémentaire d'un peu plus de 50 millions d'euros, portant ainsi ce budget à 3 milliards d'euros. Pour la troisième année consécutive, les moyens de la mission sont en augmentation. Cet effort reflète l'ambition du ministère : doter la France de moyens à même de lui permettre de mener une diplomatie universelle et d'accompagner au mieux ses concitoyens de l'étranger.
Nous avons pu apprécier lors de la crise sanitaire la puissance et la force de notre réseau diplomatique par sa capacité à accompagner, et rapatrier le cas échéant, nos concitoyens de l'étranger. Cette force, notre force, doit permettre à l'État de prendre toute sa place dans le contexte mondial d'après-crise.
En ce sens, le budget présenté vient conforter et consolider nos capacités d'action en Europe et dans le monde. D'une part, il vient assurer la continuité des réformes engagées par le ministère des affaires étrangères dans le domaine des ressources humaines – cette question sera, nous l'espérons, l'une des grandes priorités des prochaines années. La création d'une nouvelle école diplomatique constitue une preuve de l'ambition de l'État en la matière. D'autre part, dans le cadre de la modernisation des services publics entamée depuis le début du quinquennat, la mission "Action extérieure de l'État" bénéficie cette année encore de crédits importants dédiés à la numérisation du Quai d'Orsay. Les crédits proposés par le Gouvernement s'inscrivent en effet dans la poursuite de la stratégie pluriannuelle d'investissements dans les équipements informatiques, la sécurisation des transports de données, la modernisation du réseau informatique et le développement des applications du ministère. Là encore, la crise sanitaire nous a montré l'importance de développer le volet numérique.
Enfin, ce budget accorde une place toute particulière à la remise à niveau du parc immobilier de l'État à l'étranger. La montée en puissance de ces moyens s'inscrit dans une vision humaine et réaliste et non plus uniquement comptable. Nos 162 ambassades et 210 consulats ne constituent pas de simples outils de travail, ce sont aussi des outils diplomatiques majeurs au service de notre influence dans le monde. Le projet de budget pour 2022 est une satisfaction : les moyens consacrés à l'entretien lourd augmentent de 36 millions pour atteindre 77 millions d'euros – ils auront plus que doublé.
Plus largement, nous observons que ce projet de loi de finances (PLF) vient renforcer les moyens alloués à notre diplomatie culturelle et d'influence, notamment grâce à une hausse des crédits du programme 185. Près de 18 millions d'euros supplémentaires sont prévus.
Je terminerai en saluant les efforts et l'énergie déployés en faveur du renforcement de notre force diplomatique et consulaire, et donc du rayonnement de la France dans le monde. Ce budget 2022 s'inscrit dans la continuité du précédent, avec pour objectif principal de remédier aux vulnérabilités dont souffre le Quai d'Orsay depuis plusieurs décennies.
Le monde est sorti fragilisé de la pandémie. De cette crise est née une nouvelle menace sur l'ordre du monde. Dans ces circonstances, le moment est venu pour la France de prendre toute sa place par la défense d'une véritable politique diplomatique française et européenne, dans laquelle nos valeurs et nos intérêts sont pleinement mis en avant. À cet égard, la présidence française du Conseil de l'Union européenne du 1er janvier au 30 juin 2022 est une véritable opportunité historique. Le groupe La République en marche votera ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous examinons ce matin le dernier budget de cette législature du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il se caractérise par une augmentation infime des crédits par rapport à l'année 2021, dans la lignée de ce que vous nous présentez depuis trois ans, monsieur le ministre. En réalité, c'est un budget de stagnation qui ne permet même pas de revenir au niveau de 2017.
Certes, nous pouvons souligner quelques efforts bienvenus. Les crédits affectés à la rénovation du patrimoine immobilier sont en hausse, après plusieurs années au cours desquelles notre patrimoine à l'étranger a été bradé. Nous espérons que l'effort consenti durera et que l'enveloppe de 400 millions d'euros sur cinq ans pour la remise en état du parc sera respectée, sachant que nous avons déjà pris un peu de retard.
Nous nous félicitons également de la fin de la réduction draconienne des effectifs du Quai d'Orsay – je sais que vous y avez veillé, monsieur le ministre. Le ministère des affaires étrangères a déjà suffisamment pris sa part au processus de redressement des comptes publics. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage, au nom du groupe Les Républicains, à l'ensemble du personnel diplomatique pour son action au service de notre pays, en particulier pour sa mobilisation exceptionnelle pendant la pandémie.
Mais, monsieur le ministre, au-delà de votre engagement personnel important que je tiens à souligner, votre budget n'est pas à la hauteur des enjeux. Surtout, à l'heure du bilan du quinquennat d'Emmanuel Macron, nous peinons à identifier les axes forts ou la ligne directrice de la politique étrangère de la France. C'est à l'image du bilan du quinquennat dans bien d'autres domaines, où les Français ont expérimenté – à leurs dépens, hélas ! – les limites du fameux « en même temps ».
En 2017, le Président de la République avait multiplié les priorités. La francophonie était une priorité, la diplomatie culturelle était une priorité, la stratégie de la France dans l'Indo-Pacifique était une priorité, la diplomatie d'influence était une priorité, la refondation de l'Europe était une priorité, la remise à plat de l'OTAN était une priorité. J'arrête là la liste, mais nous pourrions encore en ajouter. Depuis cinq ans, il y a eu de la part du chef de l'État beaucoup de discours, beaucoup d'incantations, beaucoup de sourires et de poignées de mains, beaucoup de belles photos et, surtout, beaucoup de communication. Tout cela pour quels résultats ? À force de multiplier les priorités, cinq ans plus tard, la France a perdu en visibilité et en influence.
L'annonce, le 15 septembre dernier, de la perte du contrat des sous-marins australiens a agi comme un révélateur et une humiliation profonde pour notre pays. Les Australiens, les Américains et les Britanniques, nos partenaires et alliés, sont allés jusqu'à nous faire l'offense de comploter dans notre dos et ne nous ont jamais aussi peu considérés. Ils ne nous consultent plus et ne nous prennent même plus en compte. Ce fiasco du contrat australien n'est, hélas, pas le seul revers de votre politique étrangère. Alors que, depuis cinq ans, le Président de la République surjoue ses relations avec les présidents américains d'hier comme d'aujourd'hui, nous sommes incapables d'influencer quoi que ce soit. La décision du président Biden de se retirer unilatéralement d'Afghanistan en est un autre exemple. Notre diplomatie est laissée devant le fait accompli et nous n'avons qu'à suivre docilement.
En 2019 à Brégançon, le Président de la République annonçait fièrement aux côtés du président Poutine une « vraie dynamique de réchauffement » entre nos deux pays. Deux ans plus tard, quand nous voyons que le Groupe Wagner s'installe au Mali, notre inquiétude est plus que légitime, alors que nous y avons déployé des moyens militaires considérables. Et voilà que l'Algérie ne permet même plus aux avions de l'opération Barkhane de survoler son territoire. Nous en sommes arrivés à une telle dégradation de nos relations que son ambassadeur à Paris demande à la communauté algérienne en France de constituer un « levier de commande » sur la politique française. Décidément, en plus de perdre en influence, nous sommes fâchés avec beaucoup de monde.
Ce que nous regrettons le plus, c'est qu'au fil de tous ces événements, la France ne soit désormais plus que spectatrice du cours des choses, de ce qui se passe à travers le monde, qu'elle soit mise de côté et subisse sans rien dire. On nous annonce qu'une nouvelle feuille de route pour la diplomatie d'influence doit voir le jour à la fin de cette année 2021. Nous nous en félicitons, il était temps, quatre ans et demi après votre arrivée au pouvoir ! Je vous avais remis il y a près de trois ans, monsieur le ministre, un rapport rédigé avec ma collègue Sira Sylla qui contenait 135 recommandations pour la stratégie de diplomatie d'influence de la France.
Alors que s'approche le crépuscule du quinquennat du président Macron, l'heure n'est plus aux feuilles de route ni aux beaux discours, mais aux constats. En matière de politique étrangère comme dans bien d'autres domaines, c'est l'absence de résultats concrets que nous constatons et que nous déplorons. Nous défendons une autre ambition pour notre pays : c'est la raison pour laquelle les députés du groupe Les Républicains s'opposeront à ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'an dernier à cette tribune, je saluais le travail effectué par le personnel diplomatique et consulaire pour faire face à l'urgence du début de la pandémie de covid-19. Cette année, l'urgence a été différente mais les situations sont restées complexes et instables. Une fois encore, les équipes du Quai d'Orsay ont été particulièrement dévouées et ont accompli un travail remarquable au service de nos concitoyens de l'étranger. J'ai pu l'exprimer et le vérifier à chacun de mes déplacements hors de nos frontières. Je voudrais aussi féliciter les agents français qui ont permis d'assurer la continuité de nos services dans les secteurs de l'éducation et de la coopération culturelle.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, contrairement à d'autres, se réjouit de l'effort consenti en faveur du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde qui, avec plus de 1,8 milliard d'euros, voit ses crédits progresser de 1,7 % en 2022.
Je voudrais également rappeler notre politique volontariste cette année en matière de multilatéralisme, comme lorsque, en mai, nous avons été à l'origine du sommet sur le financement des économies africaines. Notre action s'illustre également par nos ambitions pour la COP26.
Si l'on veut rester fidèle à notre logique multilatéraliste, il faut des moyens humains et matériels importants, présents dans le budget que nous examinons aujourd'hui. Notre groupe salue ainsi l'augmentation des crédits du programme 105, notamment concernant l'action 02 Action européenne. Cette hausse traduit nos aspirations à l'aune de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, et je m'en réjouis.
Concernant le programme 151, nous nous félicitons également de la stabilisation des effectifs du Quai d'Orsay – évoquée par le rapporteur spécial – pour la deuxième année consécutive. Nous saluons particulièrement la suspension du programme Action publique 2022 qui a entraîné une baisse de 12 % des effectifs. Il devenait difficile de maintenir l'excellence française en matière diplomatique et consulaire en ayant des services en sous-effectif. Il convient que nous apportions au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, dont le périmètre d'action est large, les moyens humains nécessaires pour maintenir l'excellence française en matière diplomatique et consulaire. Afin d'assurer l'efficacité et la qualité de notre service diplomatique, le budget pour 2022 prévoit ainsi des moyens renforcés pour mettre fin au délitement des effectifs du ministère. À cet égard, notre groupe salue l'ambitieux plan de modernisation qui sera mis en œuvre pour 30 millions d'euros.
Enfin, concernant le programme 185, j'aimerais rappeler l'importance de la francophonie dans la stratégie française de rayonnement à travers le monde. Alors que de nombreuses études soulignent la croissance potentiellement rapide des locuteurs en langue française, la francophonie doit être au cœur de notre stratégie afin de renforcer la place du français, au premier rang des langues mondiales.
À cet égard j'aimerais saluer la pérennisation de la hausse, votée l'an dernier dans cette enceinte, des subventions allouées à l'AEFE ainsi qu'à l'Institut français. Leurs actions étant au cœur des politiques de développement et de rayonnement culturel et linguistique de la France, il convient de les soutenir, même si j'approuve les remarques faites à ce sujet par le rapporteur pour avis Petit.
Je voudrais aussi souligner l'augmentation des crédits dédiés aux campus franco-pays qui permettent de développer des projets avec des établissements africains. Enfin, je tiens également à rappeler que LabelFrancÉducation dépasse ses objectifs, tandis que le soutien financier exceptionnel accordé aux associations participe au dispositif FLAM – français langue maternelle. Ces programmes, qui fonctionnent bien, contribuent au rayonnement de la France à l'étranger et à l'intensification de nos relations avec nos partenaires internationaux.
Je voudrais toutefois remarquer que la progression des crédits dédiés à notre rayonnement est moins rapide que la progression de potentiels locuteurs francophones dans le monde. Si nous voulons vraiment que, bientôt, 700 millions d'individus pratiquent notre langue à travers le monde, il est nécessaire de proportionner nos efforts budgétaires. Il nous faut donc viser encore plus haut dans les années à venir.
Nous devons aussi amplifier les programmes de mobilité internationale des talents car celle-ci constituera une des clés de l'accompagnement solidaire et responsable des pays en développement. S'agissant de la mobilité des étudiants, la France a, selon l'UNESCO, reculé d'une place, passant derrière l'Allemagne.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est satisfait de la hausse, cette année, des crédits du programme 185, laquelle traduit également des ambitions en matière de diplomatie culturelle. Les moyens renforcés dédiés à ce programme constituent une réponse à la situation complexe et inédite que nous connaissons depuis le début de la pandémie de covid-19.
Vous l'aurez compris, notre groupe soutient ce budget qu'il juge volontaire et votera, par conséquent, en faveur de l'adoption de ses crédits.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
Je tiens tout d'abord à appeler votre attention sur l'évolution à long terme des effectifs du Quai d'Orsay. Ce ministère est l'un de ceux qui respectent le plus strictement les réductions d'effectifs imposées chaque année par Bercy, allant même parfois au-delà des objectifs définis. Cependant, tous les acteurs s'accordent pour souligner que cette logique a atteint ses limites si l'on veut maintenir le rôle et la présence de la France à l'étranger. S'agissant de la baisse des effectifs, si la programmation 2022 est marquée par une légère inflexion, celle-ci reste temporaire, et il convient de dénoncer les nombreuses suppressions de postes décidées ces dernières années. Elles se justifient d'autant moins que le ministère tente de les pallier par un recours à des mesures de flexibilisation des ressources humaines tout à fait critiquables et fort possiblement contre-productives du point de vue de l'efficacité.
Cette flexibilisation s'illustre de plusieurs manières. Premièrement, les agents titulaires de la fonction publique nationale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sont désormais souvent remplacés par des agents de droit local qui possèdent rarement leur expertise ou leur expérience des postes à l'étranger, ce qui peut avoir des conséquences qui ne sont pas anodines, par exemple lors de la gestion d'une crise. Ensuite, depuis juin 2020, le recours aux volontaires nationaux est facilité, leur champ de compétences étant étendu. Enfin, au sein du PLF pour 2022, sur quarante-trois créations de postes, quarante concernent des postes d'apprentis, certes indispensables pour renouveler les effectifs, mais qui ne répondent pas aux besoins immédiats en compétences comme le ferait un recrutement de cadres. L'expertise et l'engagement reconnus de nos diplomates et personnels à l'étranger – encore récemment en Afghanistan –, doivent s'accompagner de moyens humains à la hauteur des ambitions régulièrement affichées.
Une autre tendance lourde dans le financement des missions du Quai d'Orsay consiste à remplacer les crédits budgétaires classiques par un recours de plus en plus fréquent à de l'autofinancement. Les établissements à autonomie financière, les alliances françaises et autres établissements conventionnés sont encouragés à s'autofinancer, ce qui a deux conséquences importantes : d'une part, les frais de scolarité et le coût des services proposés ont tendance à augmenter, rendant un accès universel plus difficile. D'autre part, l'enseignement du français et l'offre culturelle à l'étranger reposent de plus en plus sur des structures privées, ce qui pose des questions de fond sur la cohérence et l'orientation de la politique culturelle et d'éducation de la France à l'étranger.
Par ailleurs, alors que les besoins de financement auraient dû être couverts par des crédits budgétaires nouveaux, on assiste de plus en plus à un redéploiement de crédits à l'intérieur du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ou à un recours aux moyens de trésorerie des opérateurs comme l'AEFE.
Le dernier point sur lequel je souhaite insister concerne la nécessité de tenir compte de la situation post-crise sanitaire. Ainsi, il conviendrait d'augmenter substantiellement les crédits de protection et d'action sociale pour faire face aux conséquences du covid-19. Les crédits d'affaires sociales permettent de verser des aides mensuelles, sous conditions de ressources, à des compatriotes en grande difficulté ou à des enfants en situation de handicap, ainsi que de fournir des aides ponctuelles à des Français en difficulté temporaire. Le nombre de bénéficiaires est évalué à 4 000 personnes. Nous défendrons quelques amendements visant à corriger ces orientations.
En dépit de certains points positifs, notamment la stabilisation des effectifs et des crédits dans le PLF pour 2022, la pérennité de la qualité de l'action du ministère des affaires étrangères, de ses ambassades, de ses institutions d'enseignement et organismes de diffusion culturelle semble encore soumise à de nombreux aléas. Nous le constatons, la multiplication des crises internationales réclame de l'ambition et un engagement sans faille auprès de nos concitoyens dans le monde.
Pour toutes ces raisons, et compte tenu des réserves qui ont été émises, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra sur le vote de la mission "Action extérieure de l'État" .
Quasiment 3 milliards d'euros, soit 45 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'année dernière et une hausse de plus de 200 millions d'euros durant tout le quinquennat : voilà le poids de l'engagement de la majorité en faveur de la place de la France dans le monde. Depuis 2017, sous l'impulsion du Président de la République, nous avons mené une politique plus volontariste que jamais pour défendre la position, la culture et les valeurs françaises sur la scène internationale. Je pense, entre autres, aux 25 millions d'euros supplémentaires alloués à l'AEFE ou au plan de sécurisation de nos emprises immobilières extraterritoriales, d'un montant de 66,5 millions d'euros.
Au-delà de ces objectifs ambitieux, cette majorité a su répondre avec responsabilité et inventivité aux enjeux de la crise sanitaire. Dès le printemps 2020, l'assistance aux 3,5 millions de Français vivant à l'étranger et le rapatriement de 370 000 d'entre eux bloqués hors du territoire national ont été assurés. Plus encore, une enveloppe exceptionnelle de 155 millions d'euros a été créée en 2020, notamment au bénéfice des Français de l'étranger et des établissements de l'AEFE les plus fragilisés.
Le groupe Agir ensemble profite d'ailleurs de cette occasion pour remercier l'ensemble des agents consulaires et diplomatiques, ainsi que les élus consulaires pour leur dévouement envers nos compatriotes dans ce contexte.
Avec ce projet de loi de finances pour 2022, nous maintenons le cap fixé ces cinq dernières années. Nous renforcerons nos outils d'influence transfrontalière, entre autres par une augmentation des contributions volontaires françaises au bénéfice des organisations internationales, par exemple portées à 30 millions d'euros en matière de paix et de sécurité. Notre effort passera également par un soutien accru aux campus franco-étrangers, à la mobilité internationale des étudiants, à l'accompagnement scolaire des enfants en situation de handicap, ainsi qu'aux industries culturelles et créatives qui font chaque jour rayonner les sensibilités, les connaissances et les savoir-faire français. En outre, nous maintenons le niveau des bourses délivrées par l'AEFE et permettons à celle-ci de verser 10 millions d'aides en faveur de l'enseignement français au Liban. Au total, ce sont 15 millions d'euros de plus qu'en 2021 que nous consacrerons à notre diplomatie culturelle et d'influence.
Par ailleurs, nos objectifs ne pourront être atteints sans une transformation de fond du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Pour assurer la crédibilité de la France sur la scène internationale et la sécurité de ceux qui la servent, nous maintiendrons ainsi au niveau de 42 millions d'euros les crédits dédiés à l'entretien lourd de nos bâtiments à l'étranger.
Le travail le plus important que nous avons à mener reste toutefois celui de la modernisation de nos moyens : d'une part, celle des outils de travail, avec 5 millions d'euros alloués à la numérisation du ministère, dans la continuité des initiatives déjà menées pour mettre en place un état civil numérique, le vote par internet et un centre de réponse téléphonique et en ligne ; d'autre part, celle des ressources humaines, grâce à 30 millions d'euros dédiés à la rémunération, à la mobilité, à la formation et à l'action sociale en faveur de nos agents.
Enfin, notre effort ne pourra s'inscrire dans le temps long qu'à condition d'être budgétairement viable. Le Gouvernement s'en est assuré, en rationalisant les effectifs jusqu'à ce que la crise sanitaire ne vienne changer notre paradigme. Par exemple, plus de 400 équivalents temps plein (ETP) ont pu être mutualisés avec d'autres ministères.
Certes on pourra toujours attendre plus et mieux mais la mission "Action extérieure de l'État" est bien marquée par la revalorisation et la modernisation de nos moyens en matière de politique étrangère, au service des Français établis hors du territoire national, de la protection de notre souveraineté et du rayonnement de nos valeurs dans le monde. C'est celle d'une France plus audacieuse, qui porte son regard sur l'avenir et sait se faire entendre dans le concert des nations.
En conséquence, le groupe Agir ensemble soutiendra la répartition des crédits alloués à cette mission budgétaire, de même que l'ensemble de ce projet de loi de finances pour 2022.
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et Dem. – M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis, applaudit également.
La pandémie que nous avons vécue et ses conséquences nous ont poussés à changer de paradigme et à nous montrer résilients face à l'incertain. Cette crise a aussi montré les limites des efforts demandés à des administrations soumises à une fragilisation durable. Dans cette perspective, le budget pour 2022 s'inscrit, disons-le, dans le monde d'après et vise à favoriser une diplomatie active. N'oublions pas, en outre, que les crédits de la mission "Action extérieure de l'État" sont également destinés à la mise en œuvre d'actions en matière de structuration de l'offre touristique et de rayonnement de la France. J'y reviendrai.
Le projet de loi de finances prévoit une hausse de 45 millions d'euros des crédits de la mission "Action extérieure de l'État" , afin notamment d'amplifier les priorités identifiées en 2021 – immobilier et numérique –, de financer un plan de modernisation des ressources humaines du ministère et de renforcer les moyens de la diplomatie culturelle et d'influence.
Le groupe UDI et indépendants se félicite tout d'abord de la hausse significative – plus de 150 % – du programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires, qui permettra notamment de financer la modernisation, le développement et la maintenance des outils de l'administration nécessaires à la supervision des prochaines élections. Par ailleurs, un budget spécifique sera consacré à l'organisation des quatre tours de scrutin qui se tiendront à l'occasion des élections présidentielle et législatives – puisque onze députés représentent les Français établis hors de France. Il faut le saluer et rappeler qu'à cet égard, la réforme du ministère s'est également traduite par la modernisation des services publics : création d'un état civil numérique, instauration du vote par internet pour les élections consulaires de 2021 et les élections de 2022, et développement d'un centre de réponse téléphonique et en ligne.
D'une part, nous saluons le renforcement des moyens consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence, dont témoignent le maintien de la subvention de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et les crédits additionnels alloués notamment aux bourses pour les étudiants étrangers en mobilité internationale. D'autre part, en matière d'offre touristique et de rayonnement international, la France a globalement mieux résisté que ses voisins, ce dont il faut se réjouir. Elle a accueilli 40 millions de touristes en 2020, soit 50 millions de moins qu'en 2019, engrangeant ainsi 28,7 milliards d'euros de recettes grâce au tourisme international, soit une baisse de 49,6 % par rapport à 2019.
L'année 2021 a permis d'amorcer un rebond d'activité, à l'exception de Paris et de la région Île-de-France qui pâtissent fortement de l'absence des touristes internationaux. Si la clientèle la plus lointaine reste largement absente, puisque le retour de la clientèle asiatique à un niveau comparable à celui de 2019 ne devrait pas intervenir avant 2022, la clientèle européenne de proximité – composée notamment d'Allemands, de Néerlandais et de Belges – a continué de séjourner en France. Les Britanniques constituent une exception, mais peut-être le Brexit y est-il pour quelque chose. Ainsi, les clientèles européennes, qui constituaient 75 % des flux internationaux avant la crise liée au covid-19, devraient représenter 85 % des visiteurs en 2021.
Ayant moi-même été élu dans un département touristique, les Vosges, je mesure l'importance de la promotion du tourisme. L'attractivité de la France passe non seulement par des opérations de promotion, mais aussi par le resserrement de ses liens diplomatiques avec certains pays. Si l'État a donc un rôle à jouer et mène, comme je l'ai dit précédemment, une action positive à son niveau, je tiens également à saluer le travail mené par les collectivités – régions et départements –, qui déploient toutes de multiples actions pour valoriser les territoires.
Enfin, si l'on peut se réjouir de la création d'un secrétariat d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, les attentes de nos compatriotes n'en demeurent pas moins très fortes. Je pense notamment aux familles qui ont été séparées pendant de nombreux mois – et le restent parfois – en raison des règles sanitaires en vigueur dans certains pays. Si nous souhaitons envoyer un signal fort à la communauté française résidant à l'étranger, nous devons lui exprimer notre soutien en l'accompagnant dans les meilleures conditions.
Au vu de ces différentes remarques, le groupe UDI et indépendants votera en faveur des crédits de la mission "Action extérieure de l'État" .
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Vous ne cessez, monsieur le ministre, de répéter que vous avez mis fin à l'hémorragie que subit votre ministère. Peut-être avez-vous posé un garrot, mais on cherche en vain la transfusion. Je le répète ici après l'avoir déjà martelé en commission des affaires étrangères : le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a subi la pire cure d'austérité de tous les ministères, perdant en trente ans 53 % de ses effectifs ! Sans surprise, ce sont les réseaux de la coopération culturelle, tout particulièrement en Afrique et en Asie, qui ont été laminés par cette grande découpe. Je me réjouis, évidemment, de l'abandon de la réduction de 10 % de la masse salariale des agents postés à l'étranger, tout comme du coup d'arrêt donné au bradage sans fin des biens immobiliers. Mais le problème, vous le savez, est en réalité structurel et ce n'est pas en arrêtant le bulldozer que l'on reconstruit ce qui a été détruit.
Encore faudrait-il que nous nous accordions sur ce que nous voulons bâtir. Nous plaidons pour une indépendance stratégique, vous restez dans le giron de l'OTAN. Nous appelons à mettre fin au règne du libre-échange, vous mettez ce qu'il reste de votre diplomatie au service des grands groupes. Nous voulons construire la paix, vous faites de la vente d'armes la pierre angulaire de notre politique étrangère. Sous couvert de realpolitik, vous nous mettez à la remorque du monde. En examinant attentivement le fléchage du budget, on constate que vous ne donnez aucune perspective politique ambitieuse au ministère. La diplomatie économique prend le pas sur tout le reste, dans un mélange des genres qui n'en finit pas de rétrécir notre aire d'influence, pour la faire entrer coûte que coûte dans le carré étriqué du néolibéralisme.
Un exemple en Ouganda : un rapport récent des Amis de la Terre montre comment toute la diplomatie française s'est mise en branle pour appuyer le mégaprojet pétrolier de Total dans la région des grands lacs. Tant pis si 100 000 personnes devront être expropriées : la promesse de 200 000 barils de pétrole par jour vaut bien la mise en sourdine de certains droits ! Au passage, Total devient le partenaire privilégié et le sponsor de notre ambassade sur place et recrute un ancien conseiller du ministère, tandis qu'une de ses employés rejoint la tête de notre diplomatie économique. Les exemples se succèdent partout et donnent à voir la réalité de ce qu'Emmanuel Macron appelait la « diplomatie agile » : une certaine manière de se faire partout les passeurs d'influence et les VRP de nos soi-disant fleurons nationaux.
Vous savez bien, pourtant, que lorsqu'on affaiblit les capacités diplomatiques – que ce soit en réduisant les moyens matériels de leur mise en œuvre ou en s'alignant dans des alliances contraires à nos principes et à nos intérêts –, c'est la politique qui recule. Le jeu des relations internationales s'équilibre alors par la force, qu'elle soit économique ou militaire. Alors que le péril écologique rend plus nécessaire que jamais la coopération et la coordination entre les États et que notre état-major alerte sur le risque accru de guerre de haute intensité, est-il franchement responsable de brader nos capacités diplomatiques ?
Un article du Monde révélait hier que deux corps historiques du Quai d'Orsay allaient être supprimés dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique voulue par Emmanuel Macron. La CFDT indique même que cette réforme de l'encadrement supérieur « signe la disparition programmée du ministère des affaires étrangères ». Mes chers collègues, nous sommes sur le point de nous priver des compétences dont nous avons éminemment besoin pour affronter les crises à venir. Sous couvert de chantage à la modernisation et à la flexibilité, la dénaturation du métier de diplomate vient parachever l'affaiblissement de notre politique étrangère, à l'heure où celle-ci est pourtant particulièrement précieuse. Alors, quand j'entends qu'on nous présente ici le budget de la renaissance, je me dis que certains confondent peut-être l'aurore avec le crépuscule.
Je terminerai par une remarque que j'ai formulée plusieurs fois en commission et qui porte sur le sens que nous pourrions donner à notre politique extérieure : on constate, au fond, que, face aux crises qui sévissent à travers le monde et aux guerres qui s'annoncent, notre principal échec aura été notre incapacité à soutenir la création, le maintien ou le développement d'États à même de nous proposer, dans les pays en difficulté concernés, des interlocuteurs capables de définir leurs propres politiques. Sur ce point, nous ne discutons pas et nous ne fixons pas d'orientations. Or j'estime que c'est la question d'avenir en matière de politique étrangère.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Nous en avons terminé avec les porte-parole des groupes.
La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Le budget que je vous présente pour 2022 donnera, me semble-t-il, au ministère de l'Europe et des affaires étrangères les moyens de mener une action diplomatique et consulaire à la hauteur des ambitions,…
…des intérêts et des valeurs de notre pays, dans une période de défis immenses, de brutalisation croissante et d'exacerbation des rapports de force – défis immenses que nous devons relever avec nos partenaires de l'Union européenne et nos alliés dans le combat pour le maintien du multilatéralisme au niveau mondial. Ce budget devrait atteindre plus de 6 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. La hausse de la trajectoire budgétaire se confirme donc à nouveau. J'ai entendu M. Herbillon évoquer une progression « infime » des crédits.
Je lui apporte une précision qui lui a peut-être échappé – même si je connais sa volonté, parfois très marquée, d'examiner de façon détaillée les documents budgétaires : en réalité, la capacité de la mission "Action extérieure de l'État" a progressé de 116 millions d'euros. Peut-être M. Herbillon pourrait-il se rapprocher du rapporteur spécial, qui l'a clairement expliqué. La croissance est donc plus significative que vous le prétendez.
Je récuse donc le terme « infime ». Et, puisque vous avez rappelé que nous sommes en fin de quinquennat, je dresserai une comparaison entre le mandat du président Sarkozy et celui du président Macron :…
On fait un peu de préhistoire !
…le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères a progressé de 15 % sous le quinquennat Sarkozy et de 30 % sous le quinquennat Macron. On ne peut donc pas parler de progression « infime », comme vous l'avez fait il y a un instant.
Ce nouveau budget est d'abord un budget de renforcement et de modernisation de notre outil diplomatique. Plusieurs orateurs l'ont souligné, en particulier les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis : la stabilisation des effectifs du ministère sera maintenue en 2022. Le programme Action publique 2022 est derrière nous et le plafond d'emplois du ministère est relevé de quarante-trois ETP, ce qui ne représente pas une hausse énorme mais constitue une rupture par rapport aux évolutions antérieures.
Je tiens également à saluer les propos de plusieurs orateurs à l'égard de l'engagement des femmes et des hommes du Quai d'Orsay pour porter la voix et l'action de notre pays partout dans le monde, parfois dans les circonstances difficiles et dramatiques que vous avez rappelées.
Des hommes et des femmes que vous allez casser avec votre réforme de l'État !
Je pense en particulier au courage et au grand professionnalisme dont ont fait preuve les agents impliqués dans l'opération d'évacuation Apagan, qui a permis cet été de mettre en sécurité nos compatriotes, ainsi que nombre d'Afghanes et d'Afghans menacés en raison de leur combat pour des valeurs qui sont aussi les nôtres.
J'ai précisé en commission en présentant ce budget, et je le rappelle ici, que notre masse salariale connaîtra une hausse très maîtrisée et ciblée qui permettra de couvrir les risques de change sur les rémunérations des agents du ministère et surtout de revaloriser les salaires des agents de droit local. Je tiens aussi à préciser qu'une enveloppe de 30 millions d'euros sera consacrée au financement d'une réforme d'ampleur de nos ressources humaines en visant trois objectifs majeurs : une plus grande ouverture – même si le Quai est déjà beaucoup plus ouvert que d'autres administrations ; une formation initiale et continue renforcée, notamment à travers la création d'une école diplomatique et consulaire – une nouveauté dont j'ai eu l'occasion de parler longuement en commission ; et une fluidification et une dynamisation des carrières.
Je rappelle que la hausse des moyens consacrés à l'entretien de notre patrimoine à l'étranger s'inscrit dans la durée, conformément aux engagements que j'ai pris devant vous l'an dernier. Je sais toute l'attention que vous portez à ce sujet, la quasi-totalité des orateurs l'ont d'ailleurs évoqué. Le budget immobilier est une priorité pour moi depuis le début de ma prise de fonction au Quai d'Orsay et nous atteignons maintenant, avec 77 millions d'euros d'investissements à l'étranger, un niveau soutenable pour entretenir notre patrimoine. Il faudra évidemment le pérenniser. Ces disponibilités vont permettre de développer beaucoup de programmes qui étaient jusqu'à présent en attente.
J'ai aussi veillé à ce que ce budget permette de poursuivre notre stratégie pluriannuelle d'investissements numériques, sachant que 10 millions d'euros d'autorisations d'engagement supplémentaires sont prévus en 2022 pour les investissements que nous avons commencés.
C'est aussi le budget d'un grand ministère de service public des Français à l'international. Ainsi, grâce aux moyens importants que vous avez bien voulu mettre à notre disposition au plus fort de la première vague pandémique, notre réseau consulaire a pu accompagner nos compatriotes à l'étranger dans cette épreuve, et nous resterons à leurs côtés aussi longtemps que nécessaire pour aider les familles qui en ont besoin à financer la scolarité des élèves français du réseau d'enseignement français à l'étranger. À cet égard, même si l'affichage budgétaire montre une économie ponctuelle de 10 millions d'euros, nous serons en réalité en mesure, grâce à la soulte de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, de demeurer au même niveau que l'année dernière, et davantage si nécessaire. Je précise à nouveau dans cet hémicycle, car c'était une initiative parlementaire, que nous avons accru le dispositif d'accompagnement scolaire des élèves boursiers de l'AEFE en situation de handicap. De même, nous allons renforcer les organismes de solidarité institués pour aider les Français à l'étranger au moment de la crise en prévoyant 1 million d'euros supplémentaires pour les organismes locaux d'entraide et de solidarité – OLES.
Ce budget permet aussi de continuer à peser dans les institutions multilatérales. Je sais gré à M. Lecoq d'avoir rappelé que notre ministère a investi beaucoup sur plusieurs outils multilatéraux, en particulier liés à la paix et la sécurité : je pense à l'AIEA – l'Agence internationale de l'énergie atomique –, à l'OIAC – l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques –, à l'OSCE – l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe –, ou encore au Fonds de consolidation de la paix (FCP). Voilà des gestes politiques que nous faisons pour renforcer le poids de notre pays à l'international, y compris dans le multilatéralisme.
Enfin, je tiens à appeler votre attention, mesdames, messieurs les députés, sur l'augmentation des moyens de notre diplomatie culturelle : ils atteindront cette année 660 millions d'euros, le chiffre le plus élevé de tout le quinquennat, alors que, certains d'entre vous l'ont rappelé, ce programme était promis à une décroissance qui aurait été dommageable et absurde. Je suis ravi de m'être battu pour empêcher cette dérive négative concernant les enjeux culturels. Une feuille de route de modernisation de nos instruments d'action dans ce domaine va être rendue publique dans quelques jours, et je serai heureux de pouvoir alors en parler devant votre commission des affaires étrangères comme je l'ai déjà annoncé. La projection à l'international de l'excellence scolaire et universitaire, le développement de l'enseignement du français et le rayonnement des industries culturelles et créatives doivent en effet rester pour nous de véritables priorités, si nous voulons prendre toute notre place dans les nouvelles batailles de l'influence et des modèles, comme l'a rappelé le rapporteur pour avis Frédéric Petit. La relance des mobilités étudiantes vers nos universités sera à cet égard un enjeu essentiel de ce budget pour 2022.
Je souligne que la subvention à l'AEFE est stabilisée à hauteur de 417 millions d'euros et que, malgré la crise, nous avons homologué vingt établissements supplémentaires depuis 2020, ce qui porte désormais à 545 le nombre total d'établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger. Je souhaite que cette dynamique se poursuive, car la France conforte ainsi son statut de premier réseau éducatif dans le monde. Je précise que les subventions de Campus France et de l'Institut français de Paris seront maintenues à leur niveau de 2021. La subvention versée à Atout France sera, quant à elle, légèrement rehaussée, dans un contexte touristique toujours marqué par la crise sanitaire : après avoir versé plus de 7 millions d'euros supplémentaires en 2020 à Atout France pour accompagner les destinations françaises et leurs acteurs, il importe en effet de conforter l'action de cet opérateur, qui est chargé d'une mission de reconquête de notre attractivité touristique internationale– j'ai bien noté les observations de la rapporteure spéciale Émilie Bonnivard et du rapporteur pour avis Robert Therry à cet égard, mais le secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoyne aura l'occasion de s'exprimer sur le sujet au cours du débat.
Tel est le sens global de ce budget qui, je suis à nouveau heureux de le rappeler, permettra à notre diplomatie d'être à la hauteur de l'image et de l'action de la France en renforçant encore son agilité et ses armes pour faire face à la nouvelle donne internationale qui, comme vous le savez, est aujourd'hui très conflictuelle et en pleine recomposition. Je vous remercie de votre soutien, y compris bien sûr celui de la majorité, tout au long de ce quinquennat et je souhaite que vous vous rassembliez autour d'un vote positif.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le ministre, nous sommes tous sensibles à vos propos.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est de deux minutes.
La parole est à M. Éric Girardin.
Comme plusieurs autres secteurs de notre économie, le tourisme a durement souffert lors des deux dernières années en raison de la crise de la covid-19. Tout d'abord, je salue le soutien du Gouvernement aux entreprises du tourisme pendant la crise sanitaire : prise en charge du chômage partiel dans l'hôtellerie et dans la restauration pendant les confinements, prise en charge d'une large part des pertes d'exploitation pour les agences de voyages, pour les tour opérateurs et pour les professionnels de l'événementiel, sans oublier bien sûr le volet « tourisme » du plan de relance.
Alors que la reprise économique est là, il est capital de renforcer l'activité touristique pour participer à la revitalisation du secteur de l'hôtellerie, de la restauration et des loisirs. C'est pourquoi je me réjouis du renforcement des moyens alloués à notre diplomatie culturelle et d'influence grâce à cette hausse significative de 17 millions d'euros sur le programme 185 par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.
J'ai la chance d'avoir sur mon territoire un vignoble d'exception, vecteur d'œnotourisme important dont bénéficient les coteaux découpés par les vignes et où s'accrochent villages, châteaux et églises. À Épernay, l'avenue de Champagne attire chaque année 2 millions de visiteurs ; la commune voisine de Hautvillers, petit village entre vignes et forêts connu pour être le berceau du champagne, est chaque année, au moment des vendanges, une destination touristique de tout premier plan. Le produit champagne, comme vous le savez, s'exporte massivement et est fortement contributeur au commerce extérieur de l'État, dépassant les 2 milliards d'euros par an sur les 5 milliards d'euros générés par l'activité de la filière viticole dans son ensemble. Si la clientèle nord-américaine semble de retour, comme le démontre le nombre de demandes de conversion du certificat de vaccination US en passe sanitaire français communiqué par votre ministère, ce n'est malheureusement pas encore le cas de la clientèle asiatique, elle aussi très importante chaque année avant la crise sanitaire.
La France, en 2019, avait une fois de plus confirmé son rang de première destination touristique mondiale avec 90 millions de visiteurs accueillis. Le tourisme étant essentiel à notre économie et à nos emplois, nous devons retrouver ce niveau au plus vite. Monsieur le ministre, pourriez-vous détailler les missions qui seront menées pour promouvoir le tourisme international sur notre territoire grâce aux fonds de la mission "Action extérieure de l'État" , ainsi que la stratégie suivie pour Atout France en 2022 en fonction des fonds qui lui seront alloués.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Jean-Yves Le Drian l'indiquait à l'instant : la subvention dédiée à Atout France est en légère augmentation et, dans le cadre du plan de reconquête du tourisme que nous préparons à la demande du Président de la République, des mesures seront annoncées dans les prochaines semaines à l'issue du travail que nous conduisons avec l'ensemble des parties prenantes, qu'il s'agisse des professionnels, des territoires ou des régions. Je peux vous assurer que notre détermination est forte pour aider le tourisme à rebondir. Cela va très concrètement passer non seulement par la poursuite de campagnes de promotion mais aussi par leur amplification. Ainsi, s'agissant de la saison d'hiver qui commence dans les toutes prochaines semaines, il a été décidé de multiplier par trois les budgets de promotion d'Atout France pour atteindre les 2 millions d'euros.
Nous allons poursuivre également le travail conduit avec succès l'été dernier en collaboration avec les treize comités régionaux du tourisme – les CRT –, dans le cadre de la grande campagne paneuropéenne « La France, tout un monde à explorer », celle-ci ayant rencontré son public et du succès. D'ores et déjà, les CRT ont fait savoir qu'ils étaient intéressés par la poursuite de ce type de partenariat. Et puis beaucoup d'événements sont prévus pour maintenir le lien avec entre autres les tours opérateurs et les distributeurs à travers de grands événements comme le salon Destination montagnes-Grand ski à Chambéry en janvier prochain, suivi deux mois plus tard du salon Rendez-vous en France qui faisait venir plusieurs centaines d'opérateurs du monde entier et qui se tiendra à nouveau à Nantes.
Comme vous évoquiez l'œnotourisme, monsieur le député, je vous annonce que Destination vignobles sera de retour au second semestre 2022. Je vous assure que nous sommes déterminés à mettre tous les moyens nécessaires pour faire revenir la clientèle nationale et les clientèles européennes de proximité dans un premier temps, tout en maintenant bien sûr le lien avec la clientèle asiatique. Ce lien semble durablement moins étroit, mais on espère l'accueillir à nouveau après avoir réussi à retrouver déjà depuis le mois de juin la clientèle nord-américaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ce projet de loi de finances est certes celui d'une montée en puissance sans précédent de l'action extérieure de l'État, à travers notamment l'augmentation des moyens humains et financiers du ministère mais, au niveau local, si les ambassadeurs parviennent à coordonner la stratégie de l'ensemble des acteurs de ladite action, les efforts de professionnalisation menés par le ministère sur ces opérateurs et les synergies interministérielles mériteraient de se développer. Ainsi, la diplomatie culturelle en particulier, cœur historique de l'action extérieure de la France, n'a pas achevé sa réorganisation.
L'accroissement très important des interventions et du rôle de l'Agence française de développement appelle par ailleurs un renforcement de l'orientation et du suivi de l'agence par les deux ministères compétents. La création d'une commission indépendante d'évaluation de notre politique d'aide publique au développement (APD) a été actée par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. J'aimerais connaître l'état d'avancement de la mise en place de cette commission et les moyens dont elle bénéficiera et savoir si toute l'attention nécessaire sera portée à son bon fonctionnement.
Je vous remercie de cette question, madame Kuric, qui en recouvre en fait deux, puisqu'elle porte aussi sur la mission "Aide publique au développement" que nous examinerons tout à l'heure.
Je vous confirme que le Gouvernement travaille à la mise en place de la commission d'évaluation que vous évoquez. C'est une priorité et je me souviens que c'était un élément important du débat lors de l'examen du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Il s'agit de répondre à une attente légitime des parlementaires et de nos concitoyens : c'est une contrepartie normale de l'ampleur du rehaussement de nos moyens d'action tout au long du quinquennat. Nous serons amenés dans peu de temps, par un décret en préparation, à donner la composition de cette commission. Je peux déjà vous dire qu'elle sera composée d'un collège de dix personnalités libres, reconnues et qualifiées, et d'un collège de quatre parlementaires, qu'elle devra formuler des recommandations opérationnelles et que, placée auprès de la Cour des comptes, elle aura les moyens financiers pour agir, c'est-à-dire pour faire des diagnostics et des audits. Je souligne qu'elle sera totalement indépendante : je m'y suis engagé lors du débat que j'évoquais et je le redis ici.
Elle devra rendre compte de ses travaux devant le Parlement s'inscrivant ainsi pleinement dans le contrôle démocratique exercé par ce dernier. Nous travaillons à faire en sorte qu'elle puisse commencer à se réunir dès le début de l'année prochaine. Elle sera donc très rapidement en place – le décret est en cours de préparation.
J'appelle les crédits de la mission "Action extérieure de l'État" , inscrits à l'état B.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 1955 .
Il vise à augmenter les crédits du programme 105 de 82,83 millions d'euros afin de financer la quote-part du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à ce qu'on appelle la facilité européenne pour la paix (FEP).
Je suis désolé de vous proposer cet amendement tardivement. Ce dispositif a fait l'objet de discussions qui n'ont abouti qu'il y a deux jours, mais je souhaitais que l'Assemblée en soit saisie dès la première lecture du projet de loi de finances. C'est un peu complexe. Au point de départ, il y avait la facilité africaine de paix – facilité de soutien à la paix pour l'Afrique – dispositif européen financé par le Fonds européen de développement (FED). Ce fonds a disparu dans le cadre financier pluriannuel (CFP) pour être intégré au NDICI – instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale –, lui-même financé par la contribution française classique au fonctionnement de l'Union européenne.
Cependant, la facilité africaine de paix, jusqu'alors financée par le Fonds européen de développement, ne pouvait pas l'être par le NDICI, car elle ne constituait pas un dispositif en faveur du développement. Son financement devait donc être assuré par les contributions budgétaires des États. Elle fait donc désormais partie de la nouvelle facilité européenne pour la paix. Cette FEP est divisée en deux piliers. L'un, strictement militaire, est financé par le ministère des armées, l'autre relatif aux opérations de paix et de sécurité est financé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Il fallait trouver le bon dispositif pour résoudre un problème un peu technique. C'est la raison pour laquelle ce n'est que maintenant que je vous propose d'ajouter 82,83 millions à notre budget pour financer tout cela. J'espère avoir été clair.
Nous sommes bien conscients de la difficulté d'ajuster les agendas et les opérations budgétaires. La commission des finances n'a pas examiné l'amendement, et pour cause, mais, à titre personnel, j'émets un avis favorable qui, je l'espère, sera approuvé par les membres de la commission, et suivi par ceux de notre assemblée.
Je profite du fait que viennent d'être évoqués le volet civil et le volet militaire de la facilité européenne pour la paix, pour parler de nos services de renseignement extérieur. Ils ont été assez malmenés ces derniers temps. Nous l'avons constaté lors de plusieurs auditions sur l'affaire AUKUS. Évidemment, ils ne peuvent pas se défendre. Je veux les assurer que la majorité est très solidaire avec eux et qu'elle est reconnaissante pour le travail accompli. L'évocation de la FEP à laquelle ils concourent était le moment idéal pour le dire.
L'amendement n° 1955 est adopté.
L'amendement n° 818 vise à pérenniser le dispositif inscrit dans la troisième loi de finances rectificative de 2020, relatif au soutien d'urgence en matière d'aide à la scolarité des élèves boursiers français.
Dans le même esprit l'amendement n° 817 vise à compenser la baisse de crédits de l'aide à la scolarité.
J'ai souligné dans mon intervention liminaire qu'un effort nécessaire avait été consenti par le Gouvernement pour remettre à niveau l'entretien du patrimoine immobilier et, tout en reconnaissant que certaines familles rencontraient encore des difficultés, j'ai noté que le montant prévu par le texte pour les aides à la scolarité, auxquelles s'ajoute la soulte dans les comptes de l'AEFE – notamment à la suite du versement à cette dernière des crédits d'urgence votés en 2020 –, devrait permettre de placer l'aide à la scolarité à un niveau satisfaisant sans procéder à l'ouverture de crédits exceptionnels.
L'augmentation de crédits que vous proposez est très élevée. Si l'amendement était adopté, l'intégralité des crédits d'entretien de l'immobilier en France serait supprimée ! Vous n'en avez rien dit, mais il faut en être conscient, car c'est bien la ligne budgétaire consacrée à la politique immobilière que vos amendements visent. Il faudrait, par exemple, prélever 25 millions d'euros sur les crédits consacrés au numérique ou aux dépenses de personnels, ce qui n'est pas du tout envisageable.
En conséquence, bien que la commission n'ait pas examiné les amendements, à titre personnel, j'y suis défavorable.
À défaut d'un retrait, le Gouvernement sera défavorable aux deux amendements. Je veux toutefois rassurer leurs auteurs : nous disposons des moyens adéquats pour faire face à la situation des familles françaises à l'étranger et des enfants français qui y sont scolarisés. En 2020, alors que l'enseignement français à l'étranger était percuté de plein fouet par la pandémie mondiale, on lui a consacré 89 millions d'euros. Aujourd'hui, grâce aux crédits budgétaires et aux reliquats des crédits exceptionnels votés l'année dernière, nous nous situons au moins au même niveau que ce qui était prévu en 2021, année particulière puisque la pandémie continuait de produire ses effets.
Je vous rassure encore : même si nous devions aller au-delà des montants prévus, grâce au reliquat de la soulte de l'AEFE, nous aurions les moyens de faire face. J'ajoute que Jean-Yves Le Drian et moi avons décidé de faire en sorte que les élèves en situation de handicap soient beaucoup mieux accompagnés : désormais, tous les élèves en question seront concernés et non les seuls boursiers – cela se traduit par une hausse de crédits de 1 million d'euros.
Je veux évoquer le financement de la scolarité par les familles car je crois que les amendements, s'ils sont inutiles comme cela a été parfaitement expliqué, dénotent une position sur laquelle il faut revenir.
Madame Santiago, vous avez évoqué, dans votre intervention initiale, les établissements en gestion directe par l'État. Je rappelle qu'ils coûtent en moyenne beaucoup plus cher que les établissements gérés par ce que vous appelez des forces extérieures, c'est-à-dire par des familles, par des associations, par des locaux.
Oui, c'est privé, c'est associatif ! Les clubs de foot sont privés en France, mais ils sont associatifs. C'est comme cela que ça marche : c'est normal. Si un État étranger venait installer une école publique en France, on ne serait pas très heureux !
Je suis allé au Liban où j'ai vu l'une des nouvelles écoles homologuées. L'homologation permet de ne pas mettre nos budgets en péril : le nombre d'écoles concernées peut ainsi augmenter. Au début du quinquennat, il y avait un peu moins de 500 lycées français homologués ; nous en sommes maintenant à 540…
Cinq cent quarante-cinq !
On compte donc 45 nouveaux établissements – merci monsieur le ministre –, dans lesquels il est possible d'obtenir des bourses. Malgré cela, nos outils financiers se maintiennent. Nous ne parvenons pas à tout utiliser. Si c'était nécessaire, nous pourrions compter, comme l'indiquait M. le secrétaire d'État, sur les soultes.
Dans la discussion budgétaire, les parlementaires qui souhaitent augmenter les crédits d'un programme sont dans l'obligation de réduire ceux d'un autre. C'est une sorte de gage, il n'y a pas d'autres solutions. Vous ne pouvez donc pas caricaturer les amendements en affirmant, comme vous l'avez fait, monsieur le rapporteur spécial, que nous aurions eu l'intention de supprimer les crédits consacrés à la politique immobilière.
J'ai défendu les amendements de M. Alain David au nom du groupe Socialistes et apparentés, en conséquence je ne les retire pas.
J'ajoute que tout ne se passe pas parfaitement dans les écoles françaises à l'étranger. Je me trouvais, hier encore, auprès des militaires français de la base de l'OTAN de Naples : ils ont les plus grandes difficultés pour scolariser leurs enfants, alors même qu'ils représentent la France. C'est un problème : de nombreuses armées financent la scolarité des jeunes enfants de leurs militaires basés à l'étranger, ce n'est pas le cas de l'armée française. Nous avons encore du chemin à faire sur un grand nombre de dossiers.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 981 .
Il vise à augmenter de 20 millions d'euros le budget dédié à l'opérateur Atout France pour répondre aux besoins majeurs de reprise et de relance de la promotion touristique de la France à l'étranger.
Quand nous consacrons 2 millions d'euros à la promotion de la saison d'hiver, l'Autriche dépense 17 millions ! Alors que nous avons mis sur la table des dizaines de milliards d'euros pour sauver l'économie touristique pendant la crise, conserver, à peu de chose près, le même budget de promotion qu'avant la pandémie me paraît dérisoire. À un moment clé de la reprise, alors que tous nos concurrents mettent le paquet sur la promotion pour toucher aussi nos clientèles, les 20 millions que je propose peuvent provoquer un effet de levier majeur – que l'on pense aux milliards consacrés aux entreprises du secteur. Nous devons être plus ambitieux sur ces sujets.
Évidemment, il y a des règles liées à la procédure d'amendement du budget. J'anticipe les critiques en demandant au Gouvernement de répondre sur le fond, et de procéder à l'augmentation de 20 millions des crédits de la promotion touristique sans prendre cette somme ailleurs, comme nous sommes obligés de le proposer.
J'aimerais aussi connaître la position de M. le secrétaire d'État sur la stratégie à l'égard de la clientèle britannique et les contraintes spécifiques qui la concernent. Par ailleurs pouvez-vous délivrer un message politique fort sur l'ouverture des stations de sports d'hiver, pour que les réservations repartent à la hausse cette saison ?
Nous partageons la même philosophie consistant à consacrer des moyens et à « mettre le paquet » en faveur de la relance et de la promotion de la destination France.
Plusieurs séries de travaux sont déjà engagées. Nous travaillons avec un certain nombre de distributeurs et de tour-opérateurs internationaux pour qu'ils accroissent la visibilité de la destination France et qu'ils consacrent des moyens supplémentaires à sa visibilité et à sa promotion. Ce volet en collaboration avec le secteur privé est important. Il ne faut pas le négliger car ces acteurs sont essentiels.
Par ailleurs, dans le cadre des concertations menées pour élaborer le plan de reconquête du tourisme, il est apparu très clairement que l'un de ses axes consistera à accroître les moyens dédiés à la promotion. Ce travail va se poursuivre et s'achever dans les toutes prochaines semaines. Le cycle budgétaire que nous entamons aujourd'hui vous donnera l'occasion de vous prononcer, d'une façon ou d'une autre, sur l'accroissement des moyens dédiés à la promotion : soyez pleinement rassurée à ce sujet ! L'esprit de votre amendement sera satisfait dans les toutes prochaines semaines.
On est en train de calibrer tout cela avec les différents acteurs…
M. Herbillon est assez grand connaisseur de la chose budgétaire pour savoir que nous en sommes aujourd'hui au début du marathon et non à sa fin. Vous aurez l'occasion de vous prononcer sur une question au sujet de laquelle nous partageons la même ambition.
S'agissant de la destination montagne, je veux être pleinement rassurant : les stations ont commencé à ouvrir et elles seront ouvertes ; nous travaillons avec les professionnels concernant les modalités pratiques. Notons d'ailleurs que le niveau des réservations atteint 90 % de celui de 2019 : je ne peux que m'en réjouir. Dès que les premiers flocons feront leur apparition, on sera au-delà de ce qui était prévu en 2019 ; c'est une bonne chose. Naturellement, les clientèles britannique et néerlandaise sont très importantes et un certain nombre de mesures ont été prises pour faciliter leur venue.
Au vu de ces explications, je demande le retrait de l'amendement – à défaut, l'avis sera défavorable –, sachant que nous reviendrons sur ce sujet dans les toutes prochaines semaines pour graver les différents éléments évoqués dans le marbre budgétaire.
Je souhaite apporter mon soutien à l'amendement déposé Mme Bonnivard. Avec l'affaire du covid-19, le tourisme étranger s'est complètement arrêté. Il faut qu'il reprenne. Certes, c'est en partie le cas de manière spontanée, mais il est aussi nécessaire d'encourager le retour des touristes étrangers.
Cela vaut pour le tourisme dans les zones de montagne – je sais l'attachement que leur porte Mme la rapporteure spéciale –, mais pas uniquement. Je parle sous le contrôle de M. le secrétaire d'État : Brittany Ferries est le premier armateur français. En temps normal, 85 % de ses passagers sont des Britanniques, et il faut qu'ils reviennent. M. le secrétaire d'État, je sais que nous sommes pleins d'injonctions contradictoires, puisque nous vous demandons par ailleurs d'être exigeant à l'égard des Britanniques, ne serait-ce que pour préserver les intérêts des pêcheurs français menacés par le Brexit – comme ils le sont par le développement de l'éolien marin, mais c'est un autre sujet.
En tout état de cause, nous souhaitons que les touristes britanniques reviennent : cela compte pour beaucoup de nos territoires. Quand ils reviennent via Brittany Ferries, ce n'est pas simplement pour se rendre en Bretagne, c'est tout l'ouest de la France, du nord au sud, qui est irrigué par ces flux de touristes – mon collègue du Havre, Jean-Paul Lecoq, pourrait le dire tout aussi bien que moi.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai cru comprendre que des mesures complémentaires allaient être prises dans le cadre d'une loi de finances rectificative. Peut-être pourriez-vous nous préciser cela ?
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Tout en saluant l'action de Mme Bonnivard depuis le début de cette législature pour soutenir le secteur du tourisme, j'abonderai dans le sens de M. le secrétaire d'État : à chaque fois, le Gouvernement et la majorité ont été au rendez-vous pour répondre aux problèmes. Souvenez-vous qu'à l'été 2020, nous avions tous ensemble décidé de renforcer de 10 millions d'euros les moyens alloués à Atout France, parce que les besoins étaient réels. Depuis plusieurs années, nous accomplissons un bon travail collectif. En tant que rapporteur général, je tenais à saluer le travail de Mme Bonnivard et l'action du Gouvernement qui a toujours été à la hauteur.
Je voudrais simplement que le secrétaire d'État précise la méthode. Je partage les questions de mon collègue Le Fur : y aura-t-il une loi de finances rectificative ? Est-il préférable d'attendre la fin du marathon budgétaire avec le Sénat ? Je veux bien vous faire confiance, mais j'ai proposé 20 millions d'euros supplémentaires pour Atout France et j'aimerais qu'on se conforme à la hauteur de cette exigence. Je veux bien retirer mon amendement, sous réserve que l'on m'apporte des réponses précises quant au calendrier budgétaire.
Comme je le disais, nous sommes en phase de finalisation du plan de reconquête du tourisme. Les arbitrages interministériels seront rendus sous peu et des annonces seront faites en partenariat avec les collectivités et les différents acteurs. D'ici à l'adoption définitive du projet de loi de finances, nous aurons l'occasion de revenir vers le Parlement pour tirer les conséquences de ces décisions et surtout du travail en commun mené depuis le mois de juillet non seulement avec Alain Griset, mais également avec beaucoup de territoires et beaucoup d'entre vous. Le Gouvernement aura l'occasion de vous soumettre, de façon globale, la traduction des mesures décidées pour l'ensemble du plan, et pas uniquement pour le seul aspect de la promotion du tourisme.
Je voulais aussi soutenir l'action de ma collègue Émilie Bonnivard, qui est très engagée dans la défense de son territoire, et à raison : nous parlons notamment de toutes les destinations de sports d'hiver, un élément essentiel du tourisme et – vous le savez – de l'attractivité de notre pays. Les stations de ski non seulement ont déjà beaucoup souffert de la baisse de fréquentation des touristes français, mais elles ont également perdu en matière d'attractivité à l'international.
J'entends bien ce qu'a dit le secrétaire d'État – cette fois, il me regarde en face, nul besoin d'avoir, comme tout à l'heure, des yeux dans le dos pour me reconnaître.
Sourires.
Il a parlé d'esprit, de philosophie, c'est très bien : mais nous attendons des crédits. Le plan en phase de finalisation dont vous parlez doit se traduire très concrètement, et dans des délais rapides.
L'amendement n° 981 est retiré.
On sait que les problématiques migratoires vont s'amplifier dans les années à venir.
Dans ce contexte, la question des mobilités des talents et des compétences peut être une façon de nouer de nouveaux partenariats et de ne pas subir de plein fouet les flux migratoires qui s'annoncent.
Depuis la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, votée en juillet dernier, la question des mobilités des talents et des compétences est devenue une priorité : mobilité non seulement des Français à l'international, mais également des étrangers vers la France. Cette priorité doit être mieux concrétisée et prendre une nouvelle dimension. Cet amendement propose la création d'un nouveau programme Mobilité des talents et des compétences. Il aurait pour ambition non seulement de valoriser et de développer l'offre de programmes de mobilité, d'établir des liens avec de nouveaux partenaires, mais également de coordonner l'action des différents acteurs. Cela a trait au rayonnement de la France, mais il est aussi question d'identifier des talents, de les former et de les faire venir en France. L'économie française a besoin de nouvelles compétences. Un nombre important d'entrepreneurs ne trouvent pas les compétences nécessaires. Identifier, former et faire venir de nouveaux professionnels pourrait être une réponse.
Ce nouveau programme aurait aussi pour ambition de rendre plus convergents les objectifs des différents ministères concernés – travail, affaires étrangères, enseignement supérieur, intérieur. À titre d'illustration, on voit très bien que la politique des visas menée par le ministère de l'intérieur est en contradiction avec notre ambition de renforcer nos relations et la mobilité internationales. Il convient en tout cas d'apporter des améliorations pour plus de cohérence : c'est l'ambition de cet amendement.
Monsieur le député, vous intervenez toujours à propos, et on ne peut que saluer la constance de votre regard sur cette question qui est absolument fondamentale. Elle se doit d'être mieux structurée, surtout au vu du débat malsain qui est en train de s'instaurer à la faveur de populistes de tous poils qui tronquent ou volent aux Français une vraie question qui mérite toute notre attention : la mobilité professionnelle internationale des différents talents.
Vous avez obtenu, dans le cadre de la loi de programmation du 4 août 2021, la rédaction d'un rapport sur le sujet. Il faudrait peut-être attendre la remise de ce rapport avant de prendre une nouvelle initiative. Vous avez parlé de nouvelle dimension ; à titre personnel – puisque cet amendement n'a pas été examiné par la commission des finances –, je pense qu'un nouveau programme budgétaire spécifique n'est pas forcément la solution adéquate. Il risquerait d'induire une fragmentation importante de la mission avec un programme de seulement 2 millions d'euros au sein d'une mission qui mobilise 3 milliards. Si on crée ce programme, on pourrait imaginer en créer d'autres – sur l'action culturelle, la mobilité étudiante ou encore l'enseignement du français à l'étranger. On voit bien que cela ne correspond pas forcément à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et que ce serait susceptible de compliquer la gestion des crédits de la mission.
La gestion des crédits de personnel entre les trois programmes existants a déjà soulevé beaucoup de difficultés par le passé. On peut d'ailleurs se demander s'il serait opportun de séparer les mobilités professionnelles des mobilités étudiantes, des mobilités scientifiques ou des échanges d'expertise qui bénéficient déjà des crédits du programme 185. Même si, sans doute, des synergies sont à mettre en place et que la question posée est excellente, je demanderai personnellement le retrait de votre amendement pour qu'on puisse affiner votre proposition une fois que le rapport prévu par la loi de programmation aura été remis.
Je rejoins les observations formulées par le rapporteur spécial. D'abord, je voudrais dire que nous partageons l'objectif de développer la mobilité des talents et des compétences : vos préoccupations sont justes, monsieur Fuchs. Des dispositifs ont déjà été mis en place – je pense en particulier au volontariat international en entreprise ou à la stratégie mise en place pour retenir les talents internationaux de la « tech ». Vous soulignez la question de la cohérence et du dynamisme des logiques existantes. À mon avis, on ne répondra pas à ces enjeux en amputant l'action d'Atout France de 2 millions d'euros – après ce que nous venons d'entendre au sujet de cet opérateur, vous conviendrez vous-même que ce ne serait pas convenable.
Sourires sur les bancs des commissions.
Il serait utile que vous puissiez apporter votre contribution et vos propositions dans le cadre de la feuille de route sur l'influence que j'ai évoquée tout à l'heure. Elle sera bouclée dans les jours qui viennent et présentée à la commission des affaires étrangères début décembre. Le sujet que vous soulevez, ce n'est pas la 136
Merci pour vos propos, monsieur le ministre. Nous partageons le même objectif et ce n'est effectivement pas avec 2 millions d'euros que nous allons régler la question : il s'agit de lancer une dynamique. J'accepte volontiers votre proposition, pour autant que cela ne conduise pas à noyer le poisson.
Non, non !
On voit bien les incohérences qui existent : les acteurs eux-mêmes ont beau être très efficaces sur le terrain, l'ensemble manque de cohésion générale et de vision politique. La plupart des échanges se font jusqu'à 29 ans : aucun programme n'intègre de compétences très spécifiques au-delà. Beaucoup de questions sont à résoudre. Je retire cet amendement qui avait vocation à lancer la discussion et à trouver un point d'appui en faveur d'une vraie politique des mobilités que l'on pourrait développer au bénéfice de notre pays.
L'amendement n° 1500 est retiré.
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l'amendement n° 815 .
Il propose d'abonder le budget en faveur de l'aide sociale aux Français de l'étranger les plus démunis – j'ai déjà évoqué cet aspect dans mon intervention liminaire.
J'en profite pour défendre également le n° 816 : celui-ci vise plus spécifiquement à tripler la dotation du Fonds citoyen commun, qui s'inscrit dans le cadre de nos relations avec l'Allemagne. Ce fonds permet de soutenir le jumelage de communes et des initiatives des citoyens en faveur desquelles les collectivités publiques n'interviennent pas directement.
Pour le n° 815, l'avis est défavorable. La France sera évidemment au rendez-vous en matière d'aide sociale destinée aux Français de l'étranger. Je soulignerai que l'enveloppe globale consacrée aux affaires sociales est maintenue au même niveau qu'en 2021, après une augmentation de 18 % par rapport à la loi de finances initiale de 2020. Cela constitue un socle important. En outre, une partie des crédits du plan d'urgence votés en 2020 et reportés en 2021 n'ont pas été entièrement consommés. Par cohérence, nous appelons donc le Gouvernement à les reporter sur l'exercice 2022.
S'agissant de l'amendement n° 816 , le fonds citoyen franco-allemand ne relève pas de la mission "Action extérieure de l'État" mais de la mission "Sport, jeunesse et vie associative" , qui supporte l'intégralité de notre contribution à l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ). J'avais proposé en commission le doublement du budget du fonds citoyen et, voyant que le PLF ne vous donnait pas complètement satisfaction, j'en ai demandé le triplement ; c'est un peu de la surenchère mais pourquoi pas ? On sent bien que vous soutenez cette perspective et c'est à votre honneur : elle est pleinement satisfaite et c'est la raison pour laquelle j'y donne à titre personnel, l'amendement n'ayant pas été examiné en commission, un avis défavorable.
Jean-Yves Le Drian répondra sur l'amendement n° 816 , j'interviens pour ma part sur l'amendement n° 815 relatif aux crédits d'aide sociale pour nos compatriotes. Là aussi, nous sommes et nous continuerons d'être au rendez-vous. La loi de finances qui vous est proposée le permet pleinement, avec une enveloppe de 15,2 millions d'euros pour les aides sociales directes, en légère hausse par rapport à 2021. Surtout, nous avons obtenu le report du dispositif SOS en 2021. Des crédits restent disponibles, et nous travaillons avec Jean-Yves Le Drian à obtenir le report en 2022. Nous avons bon espoir. Cela concerne des montants d'ailleurs supérieurs à l'amendement, puisque vous proposez 2 millions d'euros et que plus du double pourrait être dégagé, jusqu'à 6 millions. Par ailleurs, nous avons augmenté de 1 million d'euros les crédits pour les organismes locaux d'entraide et de solidarité qui viennent eux aussi au secours de nos compatriotes les plus démunis ou les plus fragilisés.
S'agissant de l'amendement n° 816 , j'ai eu l'occasion de répondre sur le sujet l'an dernier puisque M. Alain David avait déjà déposé le même amendement ou presque. C'est donc la même réponse. Les crédits de financement du fonds citoyen créé par le traité d'Aix-la-Chapelle s'imputent aujourd'hui sur le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Ils sont en augmentation mais ce n'est pas dans notre budget. Il faut le dire à M. David car, l'an prochain, le fonds augmentera encore et ce sera la même réponse.
Sourires sur quelques bancs.
Nous entendons que le fonds est en augmentation, mais ce que suggère M. David, c'est d'ajouter des moyens à votre ministère pour les relations franco-allemandes, par le biais d'actions citoyennes et pas seulement institutionnelles – car il nous arrive aussi de recourir à l'OFAJ quand nous menons des actions institutionnelles avec nos mairies, dans le cadre de nos jumelages. L'office se réunit au Havre dans quelques semaines, je crois.
Si Alain David insiste là-dessus, c'est sans doute parce que, compte tenu de ce que sont actuellement les relations économiques entre la France et l'Allemagne – je pense en particulier à la délocalisation du moteur Vinci, qui doit quitter Vernon pour l'Allemagne – cette dernière apparaît quasiment comme un adversaire de la France.
Il faut donc que les citoyens français et allemands se rencontrent encore plus, ce qui implique davantage de moyens, d'autant que, comme cela a été rappelé lors, de la dernière réunion de la commission des affaires étrangère les tensions entre nos deux pays dépassent les frontières de l'Union européenne : ainsi en Afrique, où l'Allemagne tend à gagner du terrain, alors que l'influence de la France recule.
Il est donc urgent de dégager des moyens pour améliorer la connaissance mutuelle entre citoyens français et allemands. Peut-être que ce que la diplomatie ne parvient pas à faire, les citoyens le pourront.
L'aide sociale que nous votons ici est distribuée par des instances présidées par des élus locaux et non par le ministère. Nous avons 450 élus locaux à l'étranger qui président ces instances et, si les crédits ne sont pas toujours utilisés, c'est parce qu'il s'agit de décisions politiques locales.
Sur le fonds citoyen, je voudrais adresser un clin d'œil à M. Lecoq : nous parlons là de citoyens et non du privé.
Tous ces projets sont conduits par des organisations que vous avez tout à l'heure qualifiées de privées, cher collègue, et que je qualifie de citoyennes.
Je représente des gens qui incarnent une forme d'ambivalence. Comme je le dis souvent, je ne suis pas l'élu des Français qui habitent en Allemagne, je ne suis pas l'élu d'Allemands ou l'élu de Français, je suis l'élu de gens qui sont franco-allemands, parfois depuis plusieurs générations.
Dans cette perspective, le fonds citoyen est une grande réussite. Quand j'ai auditionné son directeur cette année, il m'a bien montré que le doublement du budget permettrait la réalisation d'une multitude de petits projets. En d'autres termes, nous animons l'esprit que vous appelez de vos vœux. Toutes ces initiatives de petites associations œuvrent, avec de petits montants, pour renforcer la collaboration franco-allemande, dont je peux vous assurer qu'elle est vivace.
Les crédits de la mission "Action extérieure de l'État" , amendés, sont adoptés.
Avant l'article 42
La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l'amendement n° 985 .
Monsieur le ministre Jean-Yves Le Drian, je voudrais vous faire une petite confidence devant la représentation nationale. J'ai eu l'occasion de souligner que votre budget était bien en deçà des promesses du Président de la République, notamment s'agissant de porter l'aide publique à 0,55 %. Cependant, vous avez souvent fait preuve d'ouverture et d'écoute vis-à-vis des parlementaires, y compris quand ils sont dans l'opposition. J'en veux pour preuve les initiatives que vous avez prises, et sur lesquelles les élus mahorais vous ont assisté, au titre de l'accompagnement, par un effort exceptionnel, de nos voisins des Comores. Vous avez en effet signé un contrat triennal de 150 millions d'euros pour encourager la sédentarisation des populations dans leur pays et éviter qu'elles aient tendance à venir à Mayotte.
Nous avions convenu parallèlement de mettre en place un véritable plan d'action pour favoriser la reconnaissance de Mayotte au plan international. Vous comprendrez donc que nous soyons très désireux de savoir quels moyens sont mobilisés, notamment par le biais des programmes 105 et 185 de la mission "Action extérieure de l'État" , qui concourent à la souveraineté française à Mayotte.
Au-delà, quand donc, conformément aux promesses données, les élus mahorais pourront-ils parapher avec vous ce plan dont nous avons tous convenu pour consolider la francité de Mayotte ? Nous sommes nombreux ici, en tout cas vous et moi, à accepter l'idée que Mayotte est bien un département de la République.
Je comprends que l'amendement est un amendement d'appel au Gouvernement pour porter la reconnaissance internationale de Mayotte, mais nous discutons ici du projet de loi de finances et vous conviendrez que le problème soulevé n'est pas essentiellement de nature budgétaire. L'amendement n'a pas pour principal objet d'améliorer l'information du Parlement sur la gestion des finances publiques mais sur les missions générales de notre diplomatie et il n'y a pas de crédits spécifiquement destinés à cette fin dans les programmes de la mission. Nous attendons la réponse du ministre…
…mais je vous invite à retirer cet amendement, qui ne correspond pas à la nature de ce dont nous discutons aujourd'hui.
Vous identifiez, monsieur le député, des crédits affectés à Mayotte sur les programmes 105 et 185. Or Mayotte, comme vous le soulignez régulièrement, est bien un département français. En revanche, s'agissant du plan d'action pour la reconnaissance internationale de la souveraineté française sur Mayotte, document que nous avons travaillé ensemble, puisque vous avez été associé à sa rédaction ainsi qu'à celle du document cadre avec les Comores, vous avez rappelé nos actions communes dans le processus d'accompagnement et de développement des Comores pour davantage fixer la population.
Plusieurs mesures ont été mises en œuvre, et je voudrais en citer quelques-unes. Un argumentaire politico-juridique portant sur la souveraineté française sur Mayotte a été élaboré par les différents ministères et les élus de Mayotte, dont vous-même. Il a été diffusé le 1er décembre de l'année dernière à nos ambassades en Afrique, dans les pays du pourtour et auprès de notre représentation à Bruxelles et à New York. Il fait l'objet d'une publication sur le site internet de mon ministère, sous forme de questions-réponses, afin de valoriser cette prise de position. Par ailleurs, le ministère a mis en place un système d'alerte afin de détecter, corriger et répondre aux erreurs ou désinformations qui pourraient être publiées sur Mayotte.
En outre, le décret établissant les limites extérieures de la mer territoriale de Mayotte a été publié le 29 janvier 2020. Enfin, un bureau du conseil départemental de Mayotte a été ouvert dans les locaux de l'ambassade de France à Madagascar, et je l'ai moi-même inauguré en présence des élus de Mayotte et de vous-même. Nous continuerons cette action, en concertation avec le conseil départemental de Mayotte, pour la préparation de la prochaine conférence de coopération régionale de la zone de l'océan Indien, qui se tiendra le 29 novembre à Mayotte.
Ces orientations que nous avons préparées ensemble sont suivies avec beaucoup de vigilance, y compris sur le plan du développement des Comores, même si, du fait de la pandémie, nous avons quelques soucis liés à l'obligation de se faire tester, qui a réduit les retours vers l'archipel. Néanmoins, nous avons renforcé les capacités de test à Mayotte, ce qui permettrait normalement de régler cette baisse temporaire des retours.
Voilà ce que je peux vous répondre. Je pense que ces propos devraient vous apporter les clarifications demandées mais je suis toujours prêt à vous rencontrer quand vous le souhaitez, et pas uniquement à Madagascar.
Compte tenu des informations qui viennent de m'être données et de la disponibilité du ministre, je retire l'amendement.
L'amendement n° 985 est retiré.
Nous avons terminé l'examen de la mission "Action extérieure de l'État" .
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Après ce vote, je me réjouis du soutien apporté aux propositions budgétaires que j'ai faites.
Je voudrais aussi répondre à des observations formulées pendant le débat concernant les personnels de mon ministère. Je m'exprime avec un peu de solennité, parce que c'est le dernier budget que j'ai l'honneur de présenter pendant le quinquennat. À de nombreuses reprises, j'ai eu l'occasion d'éprouver les mérites et l'engagement de celles et ceux qui incarnent au quotidien la diplomatie française. Dans vos différents propos, vous avez vous-mêmes rappelé leur engagement, leur courage, leur détermination et leur efficacité.
Je suis conscient des talents que recèle le ministère, mais aussi de sa fragilité, puisque les moyens humains et financiers se sont érodés au fil des ans. Au cours du quinquennat, j'ai essayé de prendre les mesures indispensables à la restauration et à la fierté du ministère : la fin d'Action publique 2022, ainsi que les moyens d'accompagnement – y compris immobiliers –, que j'ai évoqués tout à l'heure.
Depuis l'automne dernier, j'ai préparé une réforme des ressources humaines qui bénéficiera à l'ensemble des personnels et pour laquelle j'ai sollicité des moyens à hauteur de 34 millions cette année. S'agissant de l'encadrement supérieur du ministère, la réforme repose sur quatre axes majeurs : l'ouverture, le renforcement de la formation, la généralisation de la professionnalisation et de l'évaluation, et la dynamisation des carrières. Je suis très attentif à l'articulation de cette partie de ma réforme avec celle de la haute fonction publique, qui a été lancée au printemps par le Président de la République, et dont les objectifs sont largement similaires.
Toutefois, la décision d'appliquer la réforme de la haute fonction publique à l'ensemble des corps non juridictionnels composant l'encadrement supérieur de l'État, en les remplaçant par le corps unique des administrateurs de l'État, et le fait d'avoir confié le recrutement à l'Institut national du service public (INSP), ont suscité une vive inquiétude – que je comprends – au ministère.
Je comprends cette préoccupation, ainsi que l'inquiétude née de la mise en extinction des corps de conseiller des affaires étrangères et de ministre plénipotentiaire. Je comprends la préoccupation des personnels qui ont fait le choix d'un ministère, mais aussi d'une vie ; ils disposent de compétences rares et d'expériences singulières. Je comprends aussi leur inquiétude pour l'avenir de leur métier et sa place dans le service de l'État. C'est la raison pour laquelle je suis extrêmement mobilisé pour que la filière d'Orient, qui constitue le recrutement le plus paritaire et le plus ouvert à la diversité, perdure.
Je suis également très mobilisé pour que les agents ayant rejoint le ministère par le concours des secrétaires des affaires étrangères puissent conserver des perspectives de carrière.
Enfin, je suis aussi mobilisé pour que le droit d'option qui sera proposé aux membres des corps mis en extinction en soit vraiment un : ceux qui feraient le choix de demeurer dans les deux corps du ministère doivent bénéficier de conditions satisfaisantes. C'est ce que je voulais dire ici en rendant hommage à l'ensemble des personnels du ministère, dont j'ai pu apprécier au cours de ces cinq ans la disponibilité et le courage.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LR.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'aide publique au développement (n° 4524, tome III, annexe 5 ; n° 4526, tome III) et des crédits du compte d'affectation spéciale Prêts à des États étrangers (n° 4524, tome III, annexe 5).
La parole est à M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le ministre, merci pour les propos que vous venez de tenir, qui seront lus avec la plus grande attention et, dans bien des cas, appréciés.
Il me revient de vous présenter les crédits de l'aide publique au développement et, ce faisant, de dresser un bilan de la politique d'aide au développement. Il s'agit de la politique dont les moyens ont progressé le plus en valeur relative au cours de la législature. Des engagements importants avaient été pris au niveau gouvernemental avec le CICID (comité interministériel de la coopération internationale et du développement) et dans cette assemblée, avec la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, votée à l'unanimité. Quels en étaient les objectifs et sont-ils tenus ?
Premier objectif : l'aide publique au développement devra dépasser en 2022 les 0,55 % du revenu national brut (RNB). Elle atteindra 0,56 % : l'engagement est donc tenu. Pour rappel, en 2017 elle représentait 0,43 % du RNB.
Deuxième objectif, la part de l'aide bilatérale atteindra 65 % du total. J'y tenais tout particulièrement, car il est important que la France agisse avec son drapeau.
Troisième objectif, la part de dons dans notre aide dépasse 65 % pour atteindre 67 % ; c'est une bonne chose.
Quatrième objectif, pour lequel des efforts sont peut-être encore en perspective : la concentration de l'aide sur les dix-neuf pays les plus prioritaires représente 32 % du total. Je crois que nous pouvons faire mieux, mais ce taux a progressé.
La programmation budgétaire pour 2022 reflète tout cela, avec une augmentation très sensible des engagements. J'associe les deux budgets, le vôtre en direct et celui des finances : le premier augmente de 18,11 % et les autorisations de programmes augmentent de 24,7 % si l'on met à part la hausse des fonds propres de l'AFD, qui évidemment ne peut pas être comptabilisée de la même façon.
Je souhaiterais mettre en exergue quelques aspects qui me semblent devoir faire l'objet d'une attention toute particulière, monsieur le ministre. Le premier concerne la Chine, qui figure dans la liste des pays susceptibles d'être aidés dans le cadre de l'APD, des pays qui comptent pour notre aide au développement. Or c'est un grand pays, peut-être déjà la plus grande économie mondiale, intervenant dans le monde entier. Il y a là un anachronisme sur lequel je me permets d'insister.
Le deuxième point concerne la naïveté dont nous faisons bien souvent preuve, il me semble. Dans le cadre de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), nous nous sommes fixé la règle des aides déliées : quand nous aidons un État, nous ne pouvons pas exiger que cela bénéficie à nos entreprises. Cette règle a été élaborée au début des années 2000, à l'époque du doux commerce et de la concurrence qui devait être idéale. Tout ça est bien loin : nous sommes désormais dans un monde concurrentiel. Nous sommes en particulier concurrencés dans l'aide publique au développement par des pays qui ne respectent pas la règle des aides déliées : la Chine ou la Russie, par exemple, qui ne sont pas soumises à cette contrainte. Il y a là quelque chose d'anormal : il faut être aux côtés de nos entreprises. L'AFD soutient parfois des projets qui bénéficient à des entreprises chinoises : ça existe même au Burkina Faso, monsieur le ministre ! Je considère que c'est tout à fait anormal.
Je dresse une liste de ces erreurs dans mon rapport, dans lequel j'insiste : nous n'avons pas le droit de perdre nos entreprises dans ces pays. J'ai à l'esprit – j'imagine que vous l'avez aussi, monsieur le ministre – une entreprise chère au cœur des Français, qui est présente dans tous les ports du monde, en particulier en Afrique ; son départ serait objectivement un signe avant-coureur d'un vrai recul de nos entreprises. J'espère que nous serons unanimes pour soutenir la présence de nos entreprises, y compris en Afrique – il s'agit évidemment du groupe Bolloré.
Le troisième sujet sur lequel je me permets d'insister, ce sont les vaccins. Notre politique d'aide à la vaccination s'inscrit dans le cadre de Gavi, l'Alliance du vaccin. Différents noms, tels que COVAX ,
COVID-19 Vaccines Global Access
sont maintenant familiers pour l'opinion publique. Comme nous n'avons pas été en mesure de fournir des vaccins, nous soutenons la diffusion des vaccins des autres pays. C'est une bonne chose, puisqu'il faut vacciner les populations des pays les plus pauvres. Mais, de fait, nous soutenons pour l'essentiel les entreprises pharmaceutiques du monde anglo-saxon. Cela représente une somme considérable, de l'ordre de 1 milliard d'euros – il faut quand même le savoir.
La particularité de Gavi est de soutenir les vaccins reconnus par l'OMS (Organisation mondiale de la santé), parmi lesquels figurent les deux vaccins chinois. En soutenant Gavi, nous soutenons paradoxalement des vaccins chinois. D'après mes calculs, ce sont environ 65 millions d'euros qui sont en quelque sorte payés par les contribuables français, alors qu'en Europe et en France, nous ne voulons pas de ces vaccins ! Je me permets là aussi de mettre en exergue une vraie contradiction.
Le quatrième point est le suivant : il faut créer un pont plus objectif entre la politique migratoire et la politique d'aide au développement. Plusieurs pays, que nous aidons beaucoup et qui sont nos amis, ne jouent pas le jeu de l'aide publique au développement – le Maroc par exemple.
Des pays comme le Mali, où nos jeunes se font tuer, ne respectent pas les procédures les plus élémentaires pour accueillir à nouveau leurs ressortissants, comme nous le leur demandons.
Il y a là quelque chose de tout à fait anormal, pour ne pas dire de scandaleux. En tout état de cause, je constate que les engagements pris dès 2017 sont tenus.
La parole est à Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les crédits de l'aide publique au développement étaient tout particulièrement attendus après l'adoption de la loi du 4 août 2021, qui fixe le cadre et les orientations de la politique de développement solidaire pour les prochaines années. Adoptée à l'unanimité sur ces bancs, elle est le fruit d'un travail minutieux de coconstruction : des avancées ont émergé en commission, aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée, en étroite collaboration avec les ministères concernés. Je n'oublie évidemment pas l'apport essentiel des ONG (organisations non gouvernementales) et de la société civile.
Les crédits que nous examinons en sont le premier reflet et s'inscrivent dans une dynamique engagée dès 2017, qui a vu les montants alloués à la mission connaître une constante augmentation au cours de la législature. Les engagements ont été tenus. Dans le présent projet de loi de finances, les crédits de paiement cumulés des deux programmes relatifs à l'APD augmentent de près de 1 milliard par rapport à la loi de finances initiale pour 2021 : plus 27 % pour le programme 110 et plus 23 % pour le programme 209.
Par ailleurs, l'objectif de consacrer 500 millions à l'aide humanitaire en 2022, fixé en 2018 par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, sera atteint grâce à une hausse des crédits de plus de 170 millions par rapport à 2021. Là aussi, l'engagement est tenu. Il est tenu également s'agissant de la restitution des biens dits mal acquis, avec le nouveau programme 370.
Engagements également tenus avec un rééquilibrage des prêts au profit des dons, avec la priorité accordée à l'aide bilatérale et avec une augmentation du budget alloué aux organisations de la société civile. Sur l'ensemble de la législature, les crédits de la mission "Aide publique au développement" auront ainsi augmenté de plus de 70 % entre la loi de finances initiale pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2022, ce qui représente la plus forte hausse relative au sein du budget de l'État.
Cette hausse sans précédent permettra à notre pays d'atteindre et même de dépasser l'objectif, fixé par la loi du 4 août, d'une aide publique au développement représentant 0,55 % du revenu national brut en 2022. L'objectif demeure, comme vous le savez, d'atteindre le taux de 0,7 % en 2025. C'était un engagement fort du Président de la République et du Gouvernement, et il est tenu.
En un mot, les crédits pour l'aide publique au développement prévus dans le présent projet de loi de finances s'inscrivent résolument dans une perspective de politique partenariale, qui entend lutter contre les inégalités mondiales.
J'aimerais appeler votre attention sur un sujet particulier de l'APD. Avec le dernier projet de loi de finances de la législature et dans un contexte de crise dont les femmes et les jeunes filles pâtissent spécifiquement, il m'a paru opportun d'interroger, dans mon rapport pour avis, la politique de solidarité internationale en faveur de l'émancipation et de l'égalité des femmes, axe majeur érigé en priorité nationale par le Président de la République et fixé en priorité transversale par la loi du 4 août.
La France s'est dotée d'une stratégie internationale pour l'égalité entre les femmes et les hommes, couvrant la période 2018-2020. Elle s'est engagée à tendre vers un marquage de l'égalité femmes-hommes conforme aux recommandations du plan d'égalité des genres de l'Union européenne, en orientant son aide vers des projets ayant le critère d'égalité comme objectif significatif ou principal.
L'Agence française de développement se définit désormais comme une agence féministe. Le critère de genre est présent dans l'examen des projets qu'elle soutient. Elle a également créé un fonds de soutien aux organisations féministes, doté d'une enveloppe de 120 millions pour trois ans. Notre pays apporte son soutien à de très nombreuses initiatives promouvant l'égalité entre les femmes et les hommes. Il a été, par exemple, l'un des premiers pays à soutenir le fonds du docteur Mukwege – à qui je souhaite d'ailleurs un prompt rétablissement.
Elle soutient également AFAWA ,
Affirmative Finance Action for Women in Africa
initiative visant à favoriser l'accès des femmes au financement en Afrique, en faveur de l'entrepreneuriat. Elle est à l'origine du fonds français Muskoka, qui prête une attention toute particulière à la santé et au bien-être des femmes.
À l'échelle internationale, notre pays est présent, inspirateur de dynamiques, comme l'a illustré l'accueil du forum Génération Égalité, qui s'est tenu du 30 juin au 2 juillet.
Nous pouvons désormais parler d'une réelle diplomatie féministe de la France, même si les défis qui restent à relever sont nombreux, dans un contexte qui tend à menacer les acquis.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter, avec détermination et enthousiasme, les crédits de la mission "Aide publique au développement" .
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Rodrigue Kokouendo.
Lors du Nouveau Sommet Afrique-France, qui s'est tenu le 8 octobre 2020 à Montpellier, le Président de la République a souligné la nécessité de travailler en concertation avec la jeunesse et la société civile africaines, afin d'accompagner ce qu'il est maintenant convenu d'appeler l'investissement solidaire. Les relations entre la France et les pays africains doivent désormais être équilibrées, pensées et construites en concertation avec toutes les parties prenantes. À cet égard, il faut souligner le rôle fondamental du secteur privé dans le développement.
Le projet de loi de finances pour 2022 que nous examinons traduit parfaitement cette nouvelle impulsion. Il résulte pour partie de l'ambitieuse loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, votée il y a quelques mois déjà au sein de l'hémicycle.
Promulguée le 4 août 2021, elle a doté la France d'une politique modernisée et renforcée de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Pour la première fois, elle prévoit une programmation budgétaire et une stratégie précisément tracées, grâce notamment aux nombreux débats et consultations, menés en commission des affaires étrangères et dans cet hémicycle.
Quelques mois après son entrée en vigueur, dans un contexte de crise mondiale sociale, sanitaire et économique sans précédent, la France est l'objet d'attentes fortes de la part de ses partenaires internationaux. La séquence du projet de loi de finances qui nous occupe est l'occasion de mobiliser les moyens nécessaires pour accompagner les régions d'action prioritaires que sont le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, les Comores, Djibouti, l'Éthiopie, la Gambie, la Guinée, le Liberia, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad, le Togo et Haïti.
Cinq priorités thématiques ont été définies, en corrélation avec les enjeux de développement durable : lutte contre les inégalités ; lutte contre le changement climatique ; éducation ; égalité entre les femmes et les hommes ; renforcement des systèmes de santé.
La crise mondiale que nous traversons a éclairé d'un nouveau jour la question des biens publics mondiaux, centrale dans le texte. Ainsi, en accompagnant les pays les plus vulnérables vers la réduction des fractures et la transition vers des modèles de croissance plus résilients, plus inclusifs et plus durables, nous accompagnons et sécurisons la stabilité internationale. En effet, combinées à la fois à une absence de services publics de base, à des conflits pour les ressources et à une insécurité alimentaire, les inégalités sont des ferments de conflits latents, qui minent les perspectives de développement et nourrissent un cercle vicieux, comme l'a souligné M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Ainsi, le PLF pour 2022 s'inscrit dans la continuité de l'augmentation des crédits de l'aide publique au développement ; or les objectifs ont été atteints, ce qu'ont salué les ONG et les associations. L'engagement pris pour 2022 a été respecté, puisque le montant estimé consacré à l'aide publique au développement atteint 14,6 milliards d'euros en 2022, soit une augmentation de 970 millions, hors renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement, à savoir 150 millions d'euros. Les crédits de la mission "Aide publique au développement" auront ainsi augmenté de 70 %, à champ constant, entre la loi de finances initiale pour 2017 et le PLF pour 2022, soit la plus forte hausse relative du budget de l'État.
Le budget pour 2022 se caractérise par le maintien des crédits dédiés aux fonds bilatéraux, à hauteur de 70 millions d'euros, et par l'augmentation de ceux alloués aux fonds multilatéraux. Les fonds destinés à l'aide humanitaire atteignent près de 500 millions d'euros, soit une augmentation d'environ 170 millions par rapport à 2021. Les crédits transitant par les organisations de la société civile, via le guichet de l'AFD, atteignent 150 millions d'euros. Enfin, les autorisations d'engagements pour les dons fléchés vers un projet de l'AFD et les crédits de soutien aux ONG dépassent 1 milliard d'euros.
La réunion du CICID de février 2018 avait engagé une dynamique visant à porter les dépenses d'accompagnement de la France à 0,56 % du RNB en 2022 : les crédits budgétaires que le texte tend à allouer à l'APD confirment cette impulsion inédite, dans la continuité de la loi du 4 août 2021, qui prévoit que ce chiffre atteigne 0,7 % en 2025.
En faisant de l'APD une de nos priorités, nous la rendons plus efficace, plus moderne, mieux ciblée, dans un contexte de crise mondiale sanitaire et économique aux conséquences sociales dramatiques pour les pays en voie de développement, puisqu'elle fragilise de nombreuses populations, soulignant la dimension éminemment humanitaire de nos interdépendances.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche votera les crédits de la mission "Aide publique au développement" du projet de loi de finances pour 2022.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Les multiples crises que le monde traverse rendent visible l'importance du développement solidaire pour accompagner les populations face aux inégalités. Si l'on ne peut que se réjouir que la promesse de porter le montant des crédits à 0,55 % du RNB ait été tenue, l'examen même de ce budget rappelle qu'un quart de la population mondiale doit encore compter sur la solidarité internationale. L'extrême pauvreté avait tendance à reculer ces dernières années, mais la pandémie de covid-19 a considérablement rebattu les cartes. Les conséquences de la crise seront considérables, aggravant de beaucoup les difficultés que notre politique de développement devait déjà résoudre.
L'APD a augmenté significativement ces dernières années ; pourtant, les budgets internationaux ne sont toujours pas suffisants au regard des bouleversements qui ébranlent le monde.
Les crédits nécessaires pour atteindre 0,7 % du RNB n'ont pas été inscrits dans la loi de programmation. Nous devons poursuivre le rééquilibrage entre les aides bilatérales et multilatérales, amplifier notre politique de dons vers les pays prioritaires et apprendre à mieux soutenir les petits projets.
Les enjeux pour l'avenir sont de taille, et la France doit être au plus près des pays pour les aider à s'adapter au réchauffement climatique, les protéger des crises politiques et sécuritaires, leur offrir un accès de qualité aux soins, permettre aux femmes de s'émanciper et soutenir un développement économique accompagné de créations d'emplois.
Je félicite Mme la rapporteure pour avis de l'attention qu'elle a portée à la situation des femmes. Nous devons soutenir les femmes, les accompagner au quotidien dans leur combat contre les politiques discriminatoires, leur permettre de vivre à l'abri du sexisme et des violences, leur garantir un accès à la contraception et à l'éducation. En somme, les femmes doivent être reconnues comme de véritables moteurs de la société.
Ce sont des conditions indispensables et incontournables : nos pays partenaires doivent les remplir très concrètement, ce qui est loin d'être le cas.
Depuis que le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF) a été fixé à 0,3 %, en 2017, ses recettes n'ont cessé d'augmenter, mais le plafonnement de l'affectation a empêché l'APD d'en bénéficier. La non-affectation des taxes devient une religion pour Bercy. C'est une posture injuste s'agissant de la TTF, car elle a été créée pour lutter contre l'extrême pauvreté dans le monde. L'affectation permet aux contributeurs de comprendre pourquoi ils la payent. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes ouvert à ce point de vue, comme vous l'indiquiez au Sénat en avril dernier.
Les ONG nous rapportent que la France ne remplit pas tous ses engagements financiers envers plusieurs fonds multilatéraux. Ainsi, concernant le Partenariat mondial de l'Éducation, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou le programme ACT-A ,
Access to COVID-19 Tools Accelerator
ce dispositif destiné à accélérer l'accès aux outils de lutte contre le covid-19, des zones d'ombre persistent. Dans un tableau budgétaire apparaissent les termes « versé » et « valorisé », sans que nous sachions ce qui est versé ou ce qui est valorisé. Rappelons que d'autres États européens, comme l'Allemagne, sont allés bien au-delà de leurs engagements financiers, tout en donnant des doses de vaccins. Les mêmes règles de calcul et de transparence s'appliquent-elles pour tous les contributeurs européens ? Si le vaccin Janssen offre des facilités logistiques, son efficacité face au variant delta a été lourdement mise en cause. En avons-nous tenu compte ? Quelle est la proportion de ce vaccin dans les dons de doses français ?
Enfin, la transparence pose problème. Les difficultés que l'on rencontre pour retracer les paiements en faveur d'ACT-A illustrent parfaitement le manque de transparence et de lisibilité des documents budgétaires.
Une nouvelle fois, la France – c'est-à-dire l'AFD et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères –, est mal classée dans l'index mondial de la transparence. Le Parlement et les ONG attendent beaucoup de la commission d'évaluation et de l'exercice de transparence prévu à l'article 3 de la loi de programmation votée cette année.
Que ferons-nous en 2022 de ces nouveautés législatives ?
L'actualité affecte évidemment les politiques d'aide publique au développement. Le Soudan, qui a bénéficié sous certaines conditions d'un effacement de dette très important est secoué par un coup d'État orchestré par l'armée. La Turquie, qui était le troisième pays le plus aidé par la France en 2020, a affronté une fois de plus notre démocratie, en menaçant d'expulser notre ambassadeur, en réaction à une demande légitime de libération d'un opposant emprisonné sans condamnation. Je citerai encore l'arrivée du groupe paramilitaire russe Wagner au Mali. Quant au problème des laisser-passer consulaires, voici plusieurs années que nous préconisons d'agir, et nous aurions souhaité votre adhésion plus précoce. Monsieur le ministre, nous aimerions avoir votre éclairage sur tous ces sujets, en particulier concernant les conséquences pour l'APD.
La lutte contre la corruption répond à une demande très forte de nos concitoyens ; sans elle, ils ne peuvent comprendre l'augmentation importante des crédits. La France doit être à la hauteur des enjeux de développement, quantitativement et qualitativement.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains s'abstiendra de voter les crédits de la mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes réunis pour examiner les crédits de la mission "Aide publique au développement" . Conformément à la dynamique engagée dès le début de la législature, leur hausse se poursuit. Dès 2017, le Président de la République exprimait le souhait de replacer l'aide publique au développement, pilier de notre politique étrangère, au cœur des priorités de la France.
En offrant une ambition nouvelle à cette politique, il s'agissait de la rendre plus agile, plus cohérente mais surtout plus lisible et plus efficace. Car, dans un contexte de prolifération et d'intensification des crises multiformes, les enjeux à relever en matière de solidarité restent colossaux, et les attentes des partenaires internationaux nombreuses.
Afin de nous donner les moyens de notre ambition, le Président de la République avait fixé, au lendemain de son élection, un objectif de 0,55 % du RNB en 2022 pour les crédits de l'aide publique, censés atteindre 0,7 % d'ici à 2025. Afin d'orienter l'action gouvernementale, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement avait alors renouvelé les objectifs et la méthode de l'APD, en définissant ses nouvelles priorités thématiques et géographiques.
La lutte contre les crises et les fragilités, celle contre le changement climatique, le développement de l'éducation, le renforcement des systèmes de santé et l'égalité entre les hommes et les femmes sont autant d'objectifs que la nouvelle politique de solidarité française devra chercher à atteindre.
Pour entériner ces priorités et les traduire au niveau législatif, notre assemblée a adopté la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021. Cette grande loi, conduite à votre initiative, monsieur le ministre, marquera durablement celles et ceux qui se sont impliqués dans son élaboration.
C'est une grande fierté pour le groupe Dem de soutenir ce budget, qui acte le respect des engagements présidentiels.
La trajectoire budgétaire fixée en début de quinquennat a donc été pleinement respectée avec une progression de plus de 70 % des crédits alloués à la mission "Aide publique au développement" entre 2017 et 2022, soit la plus forte hausse relative au sein du budget de l'État.
Dans un premier temps, les crédits alloués dans le PLF pour 2022 contribueront à faire en sorte que soient honorés les engagements de la France vis-à-vis des grands fonds sectoriels. À ce titre, il convient de souligner le doublement de la contribution au Fonds vert pour le climat pour la période 2019-2023, mais également la hausse de plus de 20 % de la contribution au Fonds mondial de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour la période 2020-2022. Les contributions multilatérales sont essentielles, puisqu'elles orientent l'action des organismes internationaux vers les zones géographiques et les secteurs que nous considérons comme prioritaires.
Les crédits ouverts pour 2022 – 500 millions contre 140 millions en 2017 – permettront également de poursuivre la dynamique de renforcement des moyens attribués à l'aide humanitaire. Ainsi, les contributions volontaires aux agences onusiennes continueront leur progression tout comme les crédits de l'aide alimentaire programmée ou du fonds humanitaire d'urgence.
Le groupe Dem soutiendra l'adoption de ces crédits, qui attestent de la cohérence du budget de la mission et sont à même de répondre aux objectifs relevant de l'aide publique au développement. Cette action répond à une volonté politique réaffirmée et à une ambition renforcée, qui s'inscrivent dans ce que nous considérons comme la vocation de notre pays, en lien avec son histoire et les valeurs qu'il défend.
Dans le contexte international incertain auquel le monde est confronté et qui contribue à accroître la fragilité et les injustices dans certains pays, il importe que la France incarne et illustre concrètement l'approche humaine et solidaire de la coopération internationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.
Comme mon collègue Alain David l'a souligné lors de l'examen pour avis de cette mission, en commission des affaires étrangères, l'aide publique au développement ne peut s'examiner en faisant abstraction de la singularité des deux années que nous venons de vivre, au cours desquelles se sont imbriquées des crises sanitaires, environnementales, sociales, humanitaires et sécuritaires qui compliquent encore la donne.
La pandémie a entraîné des reculs de développement, allant jusqu'à faire perdre une trentaine d'années à certains pays ou régions. Si certains pays africains ont adopté des stratégies très proactives pour limiter la propagation du virus, en s'appuyant notamment sur leur expérience passée de gestion des épidémies, il reste que leur système de santé demeure très vulnérable, beaucoup d'entre eux ne disposant pas des infrastructures de santé nécessaires : faible pourcentage du nombre de lits par habitant, accès restreint à un dispensaire ou à un centre de santé local, peu ou pas d'unités de soins intensifs et de respirateurs. Du reste, les disparités régionales et les inégalités entre pays restent importantes. Enfin, le fait que la moitié de la population mondiale n'ait pas accès à l'eau potable et à des soins de santé adéquats vient encore accentuer ces fragilités.
Au total, l'aide publique au développement devrait atteindre 17,3 milliards en 2021, en incluant l'annulation de la dette du Soudan, et 14,6 milliards en 2022. Sur ce point, je tiens à souligner qu'il convient de poursuivre notre effort d'allégement et d'annulation de la dette des pays les plus en difficulté.
Sur le plan sanitaire, nous défendons avec force la levée des brevets, pour vacciner massivement les citoyens du monde. Aujourd'hui, 820 millions de personnes dans le monde, dont 260 millions en Afrique, souffrent de la faim et 135 millions de personnes sont au bord de la famine, sans compter les risques de voir un demi-milliard de personnes tomber dans la pauvreté à la suite de la crise du covid.
Dans ce contexte, le groupe Socialistes et apparentés prend bonne note de la poursuite de la trajectoire, en vue d'atteindre en 2022 l'objectif de 0,55 % du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement, objectif inscrit dans la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Néanmoins, l'examen du PLF pour 2022 nous conduit à formuler plusieurs remarques. Tout d'abord, les programmes 110 et 209 de la mission "Aide publique au développement " subissent un double mouvement, qui peut paraître contradictoire,…
…de contraction des crédits de paiement de 290 millions d'euros, d'une part, et d'augmentation des autorisations d'engagement de plus de 1 milliard, d'autre part, en totale opposition avec le PLF pour 2021, construit sur des mouvements inverses. En définitive, par rapport au PLF pour 2021, le rattrapage des autorisations d'engagement en 2022 ne compense pas la diminution très importante qu'elles ont subie en 2021, et la baisse des crédits de paiement en 2022 neutralise l'augmentation significative qu'ils ont connue en 2021.
L'augmentation très significative des autorisations d'engagement en 2022 provient essentiellement de la hausse des crédits affectés à l'aide multilatérale, qui avait fortement baissé l'an dernier, du fait de la fin du cycle d'abondement budgétaire de grandes organisations financières multilatérales. Il s'agit donc d'un effet de rattrapage et non d'une augmentation substantielle des crédits. La baisse des crédits de paiement en 2022 est, quant à elle, due à un effet mécanique provenant essentiellement de la baisse de 1,26 milliard d'euros des crédits affectés au renforcement des fonds propres de l'AFD par rapport au PLF pour 2021.
Le décalage manifeste entre la volonté de notre pays de s'ériger en champion du multilatéralisme et du soft power et la réalité est encore aggravé par le fait que nos contributions volontaires à certaines organisations internationales, comme l'UNICEF – Fonds des Nations unies pour l'enfance – ou le PNUD – Programme des Nations unies pour le développement –, très sollicitées, ne sont pas à la hauteur de celles de certains de nos partenaires. Or, nous le savons, il est urgent d'apporter tout notre soutien aux femmes et aux enfants dans le monde.
Néanmoins, je retiens un point positif, à savoir le montant des crédits destinés aux ONG, qui s'élèvent à 125 millions d'euros, conformément aux orientations du CICID.
Compte tenu de ces nombreuses interrogations et incertitudes et au vu des efforts qui doivent être poursuivis dans un contexte plein d'aléas, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra sur cette mission, tout en saluant des efforts notables.
L'aide publique au développement constitue un enjeu doublement primordial : d'une part, elle répond à un engagement de la France qui défend, à travers elle, l'éducation, la santé, l'égalité entre les femmes et les hommes, l'environnement et la paix dans le monde ; d'autre part, elle est un vecteur stratégique essentiel pour notre rayonnement économique, culturel et diplomatique sur la scène internationale.
C'est animée de cette conviction que la majorité présidentielle a mobilisé durant ce quinquennat tous les moyens au service de la montée en puissance de l'aide publique au développement. C'est animés de la même détermination que nous augmenterons d'un quart les crédits alloués à cette mission budgétaire en 2022.
Dès le mois de février 2018, le Gouvernement a inscrit l'aide publique au développement au cœur de ses priorités. Conformément à la volonté du Président de la République, l'objectif de consacrer 0,55 % de notre revenu national brut à l'horizon 2022 à cette ligne budgétaire a été fixé dans la loi de programmation du 4 août 2021. Il sera pleinement atteint dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022.
Le budget de l'aide publique au développement s'élève à 4,9 milliards d'euros pour 2022, soit près de 1 milliard d'euros de plus par rapport à 2021. Ainsi, conformément aux objectifs que nous nous sommes fixés au niveau national et international, nous allouons un budget nettement supérieur à 1 milliard d'euros par an à l'Agence française de développement, et le montant attribué à l'aide humanitaire atteint 500 millions d'euros en 2022, soit 360 millions d'euros de plus qu'en 2017.
Ces hausses budgétaires permettront également à la France de réaffirmer son engagement en faveur du multilatéralisme et de sécuriser sa position au sein des organisations internationales. Ainsi, nous abondons à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros de grands fonds sectoriels au cœur des enjeux du XXI
Mais l'aide publique au développement atteste aussi de la solidarité sans faille dont fait preuve notre pays en temps de crise. Ainsi, face à la pandémie de covid-19, nous mobilisons 125 millions d'euros pour le projet ACT-A et 55 millions d'euros au bénéfice de l'initiative Gavi.
De plus, le projet de loi de finances pour 2022 vient enfin apporter une solution à un problème dont la complexité avait paralysé toutes les majorités précédentes. En effet, il applique le nouveau mécanisme de restitution des biens mal acquis, créé par la loi de programmation. Grâce à cet outil, nous rendrons aux populations concernées les recettes provenant de la cession des biens issus du détournement de fonds publics par les dirigeants d'États étrangers à la suite de confiscations décidées par la justice française. En finançant directement des projets de coopération et de développement dans les pays desquels les fonds proviennent, nous garantissons que l'argent sorte des poches des spoliateurs pour être utilisé au bénéfice des populations locales.
Voilà pourquoi la hausse du budget de l'aide publique au développement fait sens. À ceux qui en doutent encore, je rappelle qu'elle représente aussi un enjeu central pour les intérêts de la France : sans marché de la consommation prospère à l'international, pas d'exportations françaises ; sans réponse globale à la pandémie de covid-19, pas de lutte contre les variants et donc pas de sortie de crise ; sans restitution équitable des biens mal acquis, pas de relations apaisées avec de nombreux pays, notamment sur le continent africain.
Somme toute, le projet de loi de finances pour 2022 vient parachever l'effort constant que nous avons réalisé tout au long du quinquennat en faveur d'une aide publique au développement plus ambitieuse, plus intelligente, plus durable et plus juste.
Notre effort est mieux ciblé, se concentrant sur dix-neuf pays parmi les plus vulnérables et, de manière croissante, sur la coopération communautaire et multilatérale. En outre, le groupe Agir ensemble se réjouit que des objectifs de développement durable soient au cœur de cette politique, comme nous l'avions défendu lors de l'examen de la loi de programmation.
En 2022, plus que jamais, nous pensons et nous agissons en grand pour défendre l'éducation, la santé, la stabilité, l'égalité entre les femmes et les hommes, l'environnement et le rayonnement de la France dans le monde. C'est pourquoi notre groupe approuvera les crédits de la mission "Aide publique au développement" .
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
La mission Aide Publique au Développement comprend les crédits budgétaires dédiés à la politique de développement et de solidarité internationale, directement pilotés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et par le ministère de l'économie, des finances et de la relance.
L'année 2022 marque un tournant en matière de coopération internationale, notamment au regard de l'adoption, en 2021, du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
L'aide publique au développement française a nettement augmenté ces dernières années. Pour la première fois, elle a dépassé le seuil des 10 milliards en 2017 et devrait atteindre 17,3 milliards en 2021, en incluant l'annulation de la dette du Soudan, et 14,6 milliards en 2022. Notons que les autorisations d'engagement de la mission progressent de 18 %, s'élevant à 6,6 milliards d'euros.
Cette année, la nouveauté réside dans la création du programme 370 qui couvre les engagements de la France en faveur de la restitution des biens mal acquis. Il sera doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis sur le budget général de l'État. Si, en réalité, il n'est doté d'aucun crédit budgétaire, nous espérons constater une évolution dans les prochaines années.
En fixant pour objectif qu'elle atteigne 0,55 % du revenu national brut en 2022, le Président de la République a fait de l'aide publique au développement l'une des priorités de son quinquennat. Cependant, nous attendons un engagement plus clair de la part du Gouvernement sur la trajectoire budgétaire entre 2023 et 2025, en rappelant le respect des engagements pris par la France dans le cadre du programme d'action d'Addis-Abeba. Se fixer des objectifs ambitieux est une chose, y être liés en est une autre. Ainsi, nous réclamons toujours que l'aide au développement soit conditionnée à une totale coopération des pays partenaires s'agissant de la réadmission de leurs ressortissants lorsqu'ils ne sont pas autorisés à séjourner en France.
La lutte contre l'immigration illégale ne doit pas être un sujet tabou, car il est d'importance majeure : nous le constatons chaque jour. Si l'attribution de l'APD n'est pas conditionnée à l'implication des pays africains dans la cogestion de l'immigration, elle tend à évoluer en ce sens. Cette question est essentielle, monsieur le ministre, car s'il n'est pas possible de l'évoquer avec des pays amis, nous ne pourrons en discuter avec personne ; or, ce sujet doit être mis sur la table, pour que les pays cibles soient véritablement impliqués.
Pour lutter contre l'immigration clandestine, il faut s'attaquer à ce qui motive les départs : la pauvreté, mais aussi le terrorisme, les guerres dévastatrices et les dictatures, qui fragilisent et font vivre dans la violence la population locale, que nous devons aider. La coopération doit relever d'un cadre commun, européen. Dans la mesure où existe un partenariat avec les pays bénéficiaires de l'APD, il est logique que la nécessité de maîtriser l'immigration se traduise par un haut degré de coopération, et ce d'autant que certains États ont les capacités de maîtriser leurs frontières, de combattre les réseaux de passeurs ou de moderniser leur état civil.
L'aide publique au développement se doit ainsi d'être mobilisée dans le cadre d'engagements réciproques avec nos partenaires : elle est un instrument puissant susceptible de faciliter le dialogue entre l'Europe et les pays du Sud, à condition de fédérer les intérêts des deux parties, sans être unilatérale.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants s'abstiendra sur le vote des crédits de cette mission.
La majorité ne cesse de se vanter, depuis des semaines, sur tous les tons, d'une hausse historique du budget pour 2022, pour la culture, pour l'intérieur, pour la justice : le message est martelé à longueur de plateaux et de discours. Tous les indicateurs seraient au vert, l'argent magique ruissellerait partout, et tout irait finalement pour le mieux dans le meilleur des mondes…
L'examen des crédits relatifs à l'aide publique au développement nous en fournit un nouvel exemple, qu'il faudrait applaudir en cadence ! Pourtant vous savez, comme moi, que l'on peut faire dire aux chiffres tout et son contraire, sans quoi il vous aurait fallu rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune ! Il en va ainsi de l'APD, qui comprend, au sein d'aides tout à fait légitimes, les crédits destinés aux territoires d'outre-mer, aux frais d'accueil des réfugiés ou encore aux formations de personnels militaires.
J'appelle votre attention sur le rôle éminemment opaque de l'AFD, qui a pris, ces dernières années, son autonomie vis-à-vis du ministère des affaires étrangères. Emmanuel Macron s'est engagé, lors du Nouveau Sommet Afrique-France, à ce que l'Agence change de nom. Connaissant son goût pour la terminologie bancaire, qu'il partage avec l'actuel directeur de l'AFD, on peut craindre le pire, même si cela aura sans doute le mérite de coller davantage à la réalité de ce qu'est devenue l'AFD : opacité des données, recours à certains paradis fiscaux par l'intermédiaire de la fameuse filiale Proparco, soutien à des projets extrêmement problématiques, recours ultra-majoritaire aux entreprises françaises, utilisation massive des C2D – contrats de désendettement et de développement –, ces mécanismes qui transforment les dettes historiques des pays en nouveaux prêts, généralement destinés à des entreprises françaises… L'AFD joue peut-être trop bien le rôle de banque de développement, au risque de parfois se focaliser sur son seul développement, comme banque.
De Gaulle qualifiait l'aide aux pays sous-développés de « très bon placement », ce n'est certainement pas Bercy qui le contredira.
Elles sont d'abord émises par les populations, à qui notre aide devrait être destinée, et qui constatent, en les subissant, certains des effets pernicieux de projets que nous finançons. Je tiens à remercier le travail des ONG qui s'en font les porte-voix. Elles sont aussi le fruit d'enquêtes journalistiques, comme celle, récente, de Disclose, intitulée « L'AFD hors de tout contrôle », qui rapporte des témoignages édifiants. Je salue ce travail d'enquête.
L'AFD a un fonctionnement tellement opaque que nous – parlementaires – en sommes réduits à suivre la presse et les rapports des ONG pour nous faire une idée réelle de son action.
M. le rapporteur spécial et M. Jean-François Mbaye protestent.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Mais je le redis – c'est important –, l'AFD a un fonctionnement tellement opaque que nous – parlementaires – en sommes réduits à suivre la presse et les rapports des ONG pour nous faire une idée réelle de son action sur le terrain. J'espère que la commission d'évaluation de l'aide publique au développement sera en capacité de mener un travail autrement plus rigoureux…
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Je répète les mêmes phrases, pour qu'elles raisonnent bien dans cet hémicycle ! J'espère que la commission d'évaluation de l'aide publique au développement pourra mener un travail autrement plus rigoureux sur la question. Je note, à cet égard, que nous avions déposé un amendement visant à demander la réalisation d'un rapport parlementaire approfondi sur le pilotage de l'APD, mais il a été jugé irrecevable, ce qui est dommage et nous a fortement surpris. Il aurait pourtant été utile de débattre des contradictions d'une aide qui vient trop souvent en soutien à des logiques néolibérales, par exemple en privilégiant le secteur de l'agrobusiness à celui de l'agriculture paysanne et familiale.
Je veux, enfin, avoir un mot pour les agents de l'AFD, confrontés depuis plusieurs mois à une direction qui tente de réformer leur statut, pour mettre à bas certains conquis sociaux – allant de la prime d'ancienneté jusqu'au niveau des indemnités de licenciement. Les syndicats évoquent un dialogue social délétère et une régression sociale manifeste. Cette mise au pas des 2 700 salariés entre étrangement en résonance avec les orientations d'une agence qui se targue pourtant de soutenir les organisations syndicales et qui prône partout les vertus du dialogue social : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais », telle pourrait être sa devise.
Alors que l'AFD va fêter, au mois de décembre, son quatre-vingtième anniversaire, je dis à nouveau mon inquiétude à l'égard d'une structure qui, en s'autonomisant du ministère des affaires étrangères pour se mettre dans le giron de Bercy, devient une nouvelle roue du carrosse du libre-échange.
Nous voterons donc contre ce budget et nous souhaiterions obtenir des précisions sur les modalités selon lesquelles le Parlement est susceptible de se saisir de cette question.
Je précise, madame Autain, que l'irrecevabilité des amendements n'est absolument pas fondée sur une opportunité politique, mais sur une analyse juridique.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
Le budget de l'aide publique au développement pour 2022 est en augmentation de 576 millions d'euros, ce qui porte le budget total de la part pilotable de l'APD à 3,05 milliards d'euros, et à 14,6 milliards si l'on comptabilise la totalité de l'APD. Vous avez raison d'être satisfait, monsieur le ministre, même si, bien que cela semble intéressant au premier abord, il nous faut rester prudents.
Premièrement, les députés communistes le disent systématiquement, l'APD doit devenir plus transparente – nos collègues Bérengère Poletti et Clémentine Autain l'ont également souligné – et plus lisible pour tous. Comment y voir clair lorsque toutes les aides pilotables et non pilotables sont réparties sur vingt-quatre programmes et quatorze missions budgétaires différentes ? Comment accepter que seuls 3 milliards sur 14 milliards d'euros soient débattus lors de l'examen du projet de loi de finances ? Vous savez pourtant que cette opacité entretient le doute et érode la confiance.
Cela est d'autant plus vrai que de tels canaux de financement permettent un pilotage opportuniste et orienté vers des actions sécuritaires. Côté opportunisme, les députés communistes se demandent quelle confiance avoir dans le pilotage de notre APD, lorsque l'on augmente subitement l'aide publique au développement au Rwanda, et que – par pure coïncidence sans doute – l'armée rwandaise intervient dans la foulée au Mozambique, pour sécuriser une région où l'entreprise française Total a des installations gazières stratégiques. Quelle confiance avoir dans la filiale bancaire de l'APD – Proparco –, qui prête directement à des États et qui finance des projets, tout en se cachant derrière le secret bancaire lorsqu'on lui demande des comptes ?
Côté sécuritaire, quelle confiance avoir dans notre aide au développement, alors qu'Expertise France finance des formations militaires ou livre des blindés aux armées du G5 Sahel ?
Deuxièmement, l'augmentation du budget en 2022 – comme ce fût le cas pour tous les budgets précédents – cache une politique du chiffre, visant à comptabiliser le plus d'initiatives possible en aide publique au développement, afin d'atteindre l'objectif consistant à dédier 0,55 % de la richesse nationale à l'APD. Je pense notamment à l'APD que nous distribuons, contre toute logique, sur notre propre territoire, et qui représenterait environ 16 % de l'APD totale. Il s'agit notamment des frais d'écolage – les bourses scolaires à des étudiants étrangers, financées par l'État –, des aides aux migrants en France, et même de certaines aides destinées à nos territoires et collectivités d'outre-mer !
Troisièmement, si une telle augmentation est positive, au sens où elle respecte la promesse de 2017, elle demeure en deçà des enjeux, ceux, notamment, liés à la pandémie mondiale, qui a déstabilisé non seulement les systèmes sanitaires, mais aussi les systèmes sociaux et économiques. L'extrême pauvreté a augmenté de près de 20 % pour la première fois depuis les années 1990, et, pour la première fois depuis sa création en 2002, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme enregistre des reculs sur les indicateurs de la lutte contre ces trois maladies.
La hausse des crédits ne couvre même pas tous les engagements pris par le Président de la République : il manque encore près de 90 millions d'euros pour respecter les engagements de la France pour le Fonds mondial ; sur les 560 millions d'euros mobilisés en 2020 pour le dispositif ACT-A, visant à accélérer l'accès aux outils de lutte contre la covid-19, seulement 160 millions d'euros ont été comptabilisés par l'Organisation mondiale de la santé. Or, grâce à la valorisation opportuniste de certains financements, vous arrivez à un total de 810 millions d'euros, ce qui revient à manipuler les chiffres ! Il manque donc près de 600 millions d'euros pour être à la hauteur de vos engagements. Vous disposez ainsi de deux options : dire au Président de la République d'arrêter de faire des promesses qu'il ne peut pas financer, ou déployer des moyens à la hauteur des engagements. Dans tous les cas, c'est la France qui perd de la crédibilité au niveau international.
Enfin, quatrièmement, la gestion erratique de l'augmentation budgétaire pose de graves problèmes aux salariés qui doivent mettre en œuvre les actions. L'AFD est très clairement en surchauffe, en raison de l'augmentation de la charge de travail et d'une réorganisation interne, doublée d'une réforme du statut des salariés. Pourtant, tout le monde vous dira qu'il est impossible, pour une structure, de croître à un rythme extrêmement rapide, tout en étant restructurée. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont entendu les alertes des syndicats. Faites enfin de même, monsieur le ministre, et reprenez un dialogue social apaisé. Faites en sorte que notre APD repose sur de solides bases, avec des agents rassurés.
Tels sont les quatre sujets qui posent problème, qui expliquent que la France devienne un État hors-sol, qui se contente de bons chiffres, plutôt que de bonnes actions de terrain. Par conséquent, malgré l'augmentation des crédits en 2022, augmentation que nous saluons – elle est tout à votre honneur, monsieur le ministre –, les députés du groupe GDR voteront contre ce budget.
Les crédits de l'aide publique au développement pour 2022 traduisent les engagements que nous avons pris ensemble, dans le cadre de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. J'en profite pour saluer à nouveau le vote à l'unanimité de votre assemblée ; au-delà de cet enthousiasme commun, il faut peser ce que cela signifie à l'extérieur, en particulier à l'égard des pays concernés. Le fait que le Parlement, aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, ait voté à l'unanimité ces orientations en fait une loi forte, comme le disait M. Bruno Joncour, et reconnue comme telle par nos pays partenaires. Je souhaite également remercier Mme Valérie Thomas et M. Marc Le Fur pour la qualité de leur travail et de leurs interrogations, et leur dire que nous partageons parfois leurs préoccupations.
Cependant, je voudrais vous faire part de ma surprise : certains d'entre vous, qui se sont abstenus ou qui ont voté pour la loi, le 4 août dernier, s'apprêtent, à la Toussaint – est-ce l'automne ou d'autres préoccupations, dont je n'imagine pas qu'elles puissent être liées à des échéances électorales
Protestations sur les bancs des groupes LR et GDR
–, à refuser de voter les crédits de l'aide au développement, alors que rien n'a changé depuis le 4 août et que nous parlons de la lutte contre les inégalités. Sans doute cela fait-il partie de la vie politique !
Quoi qu'il en soit, le programme 209 est rigoureusement conforme aux engagements que j'avais pris devant vous et sur lesquels vous aviez voté favorablement.
Ce programme connaîtra une augmentation significative, pour atteindre plus de 3 milliards d'euros. Cet effort permettra de concrétiser l'engagement du Président de la République de consacrer 0,55 % du revenu national brut à l'APD en 2022, première étape vers l'objectif de 0,7 % en 2025, comme l'a décidé le Parlement. Nous tenons donc nos engagements.
Nous pourrons ainsi faire plus en direction de nos priorités géographiques, à savoir les dix-huit pays d'Afrique subsaharienne qui ont été évoqués et Haïti, mais également dans cinq secteurs prioritaires : la santé, le climat, l'égalité entre les femmes et les hommes – je remercie Mme la rapporteure d'avoir rappelé cet engagement essentiel –, l'éducation, la prévention des crises et le traitement des fragilités.
Ce programme nous permettra aussi de faire mieux, c'est-à-dire de faire avec nos partenaires du Sud, et pas simplement pour eux, dans une logique pleinement partenariale qui doit être celle de l'investissement solidaire au XXI
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la situation au Soudan. Nous avons condamné très fortement le coup d'État militaire du 25 octobre 2021, qui remet en cause le socle politique de la transition et donc le socle du soutien international. Dans ce contexte, nous avons appelé à la reprise immédiate du dialogue entre l'ensemble des forces politiques et au respect de la déclaration constitutionnelle signée le 17 août 2019, qui est le seul cadre de référence pour la communauté internationale. Ce pays vient de loin et il est malheureusement le théâtre aujourd'hui d'énormes tensions. Nous examinons en ce moment, avec nos partenaires, toutes les conséquences à tirer de cette situation, y compris en ce qui concerne les questions de développement. Je ne peux pas en dire plus pour l'instant parce que nous sommes dans une situation extrêmement fragile, volatile et grave. On annonce des manifestations très fortes demain, samedi 30 octobre.
Conformément aux engagements du Président de la République, la composante bilatérale de l'aide publique au développement poursuivra sa progression. Elle sera tout d'abord portée par la hausse des moyens alloués à l'Agence française de développement, au titre de l'aide-projet, c'est-à-dire le don-projet et le don-ONG. Ils progressent respectivement de 18,5 % et 10,3 %. Ces moyens atteignent ainsi, en crédits de paiement, près de 1 milliard d'euros, hors rémunération de l'Agence.
Le renforcement de l'aide bilatérale se traduit également par le maintien des moyens consacrés aux projets du fonds de solidarité pour les projets innovants, dont certains d'entre vous ont bien voulu rappeler la pertinence. Ils avaient été rehaussés en 2021 et ils seront maintenus en 2022 au même niveau.
Troisièmement, l'aide humanitaire atteindra 500 millions d'euros en 2022, conformément à l'objectif fixé par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement en 2018. Cette progression considérable nous permettra d'être à la hauteur des crises que vous avez rappelées et des désastres qui risquent de se produire dans certains pays.
Les crédits relatifs à l'appui à la coopération décentralisée sont eux aussi en progression, comme les dispositifs de soutien au volontariat dans le cadre de l'opération France Volontaires. Toutes ces aides sont bilatérales, de sorte que nous tiendrons les engagements que nous avons pris avec la loi de programmation du 4 août 2021.
Notre action en matière de développement répond aussi à une logique multilatérale, que la France défend avec détermination, comme je l'ai affirmé à de nombreuses reprises.
Le programme 209 recouvre un soutien politique et financier conséquent au système de développement et d'aide humanitaire des Nations unies et des grands fonds verticaux, à travers une enveloppe de 782 millions d'euros en 2022, ce qui représente une hausse de 469 millions d'euros par rapport à 2021, tout cela en conformité avec les dispositions que vous avez votées lors du débat sur la loi du 4 août 2021. Ces contributions participent à la mise en œuvre de nos grandes priorités en matière de développement.
La santé est pour nous prioritaire. Notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme s'élèvera à 539 millions d'euros en 2022, dont une partie sera prise en charge par le programme 209 et le reste par le Fonds de solidarité pour le développement (FSD).
En réponse à la crise sanitaire, la contribution française au dispositif ACT-A sera considérablement renforcée : 250 millions d'euros supplémentaires seront ainsi mobilisés, pour moitié en gestion 2021 et pour moitié sur le budget 2022, en vue de contribuer aux objectifs d'ACT-A. Cependant, il ne faut pas limiter le dispositif ACT-A à un seul objectif, quand il en a quatre : le diagnostic, le traitement, le vaccin et le soutien au système de santé. Il nous faut veiller à ce que l'ensemble du dispositif soit irrigué par les financements que nous apportons. Je tiens à préciser, pour répondre à une question que Mme Poletti m'avait posée en commission, que, d'ici à la fin de l'année 2021, sur les crédits mobilisés pour ACT-A à hauteur de 1,06 milliard d'euros, 935 millions d'euros auront été décaissés, soit 88 %.
Monsieur le rapporteur, j'ai bien noté que vous vous interrogiez sur le financement des vaccins et sur la manière d'agir au sein d'ACT-A, de COVAX et de Gavi. Je voudrais rappeler notre volonté de faire en sorte que le dispositif ACT-A favorise une production autonome de vaccins en Afrique.
Mme Catherine Kamowski applaudit.
Cette question sera abordée demain lors du G20, et les négociations sont en passe d'aboutir. La France a contribué à l'émergence d'un pôle de production de vaccins à Pretoria ou à Johannesbourg ; nous avons initié un pôle de production de vaccins à Dakar, dans le cadre de l'Institut Pasteur. Un troisième pôle de production de vaccins doit émerger à Kigali, non seulement avec la participation de Pfizer mais aussi avec celle du groupe Ecotech, qui est originaire de Toulouse et qui contribuera à cette production en Afrique. C'est la condition pour que ce continent puisse acquérir l'immunité et une forme de souveraineté sanitaire absolument indispensable.
Les crédits du programme 209 consacrés à la coopération communautaire à travers le Fonds européen de développement sont en diminution parce que ce programme européen a été fondu dans le nouvel instrument européen de coopération, l'instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale. Le NDICI n'est pas financé par le programme 209, mais par la contribution française au budget de l'Union européenne.
L'engagement pris pour la création d'un programme spécifique lié à la restitution des « biens mal acquis » est acté dans l'organisation de ce budget : le programme 370 sera doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, les lignes de force de la mission APD en ce qui concerne mon ministère, les programmes 110 et 365 étant, vous le savez, gérés par le ministère des finances ; vous aurez l'occasion de revenir sur ces programmes dans le cadre de la discussion des amendements.
Comme nous l'avons inscrit ensemble dans la loi, le développement solidaire est devenu un pilier à part entière de notre politique étrangère.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.
Nous en arrivons aux questions.
Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à M. Frédéric Petit.
Je suis administrateur de l'opérateur Expertise France, ce qui me permet de répondre à certains de mes collègues que le contrôle parlementaire peut se faire à l'intérieur d'opérateurs.
Nous avons beaucoup parlé de l'harmonisation entre Expertise France et l'AFD au moment de la loi du 4 août 2021. Je souhaite revenir sur une question certes un peu précise mais qui est importante pour beaucoup d'entre nous.
Expertise France n'a pas vocation, depuis sa réorganisation, à agir uniquement dans les pays en voie de développement. Vous aviez exposé cette mission avant que l'intégration soit effective. Après le démarrage et pour l'année 2022, pouvez-vous préciser comment fonctionnent les missions d'Expertise France qui ne sont pas liées à l'aide publique au développement ?
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Les travaux d'intégration sont en cours ; celle-ci doit être effective au 1er janvier 2022. Il faut tirer le meilleur parti du rapprochement, tout en conservant les spécificités d'Expertise France qui méritent d'être confortées. Nous veillerons à ce qu'Expertise France conserve son agilité, un mandat d'intervention qui est effectivement plus large que celui de l'AFD, ainsi qu'un mandat d'intervention thématique distinct, qui inclut notamment des questions de sécurité.
Cette intégration permet à Expertise France d'être mieux identifiée par les acteurs internationaux, car elle bénéficie de la notoriété de l'AFD. En outre, on observe des synergies croissantes : le rapprochement a déjà renforcé la tendance de l'AFD à attribuer des projets à Expertise France.
En somme, nous veillons à conserver à Expertise France son mandat large tant sur le plan géographique que sur le plan thématique.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements. L'amendement n° 814 vise à augmenter l'aide publique au développement. Or on a pu constater que cette aide a augmenté de façon très importante depuis 2017.
L'aide publique au développement s'élève à 0,56 % du revenu national brut, tandis qu'en 2017 elle représentait 0,43 % du revenu national brut.
Je choisis cette date à dessein pour que chacun comprenne ce qu'il en est, et en particulier les députés issus de vos rangs : on a connu une période où l'aide publique au développement était très faible avant 2017 ; depuis, nous pouvons constater objectivement que nous nous sommes collectivement fixé des objectifs et que nous les tenons.
Pour ce qui est de l'amendement n° 813 concernant les ONG, les augmentations ont été là aussi considérables : en 2017, les crédits versés au titre des dons-projets des ONG s'élevaient à près de 65 millions d'euros alors qu'ils atteindront, pour 2022, plus de 127 millions d'euros. Ces crédits ont donc presque doublé.
J'aurais cosigné ces amendements si ce n'avait pas été le cas. Il est donc difficile ici d'y souscrire et c'est pourquoi j'émets sans ambiguïté un avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons. Vous indiquez, madame la députée, dans l'exposé sommaire de l'amendement n° 814 , que nous avons considérablement renforcé la composante bilatérale de l'aide publique au développement puisqu'elle devra atteindre, pour la période 2022-2025, 65 % de la totalité de l'APD. Le volume de dons augmentant, la France est le quatrième bailleur mondial : l'APD est en effet passée de 7,7 milliards d'euros en 2017 à 8,9 milliards d'euros en 2020 – et vous pouvez mesurer la progression prévue par le présent projet de loi de finances.
En ce qui concerne l'amendement n° 813 , je suis également très attaché à ce que les ONG bénéficient de l'augmentation des crédits. Or c'est bien le cas. Je rappelle qu'en 2019 les crédits consacrés aux dons des ONG atteignaient 98 millions d'euros et qu'ils s'élèveront à 150 millions d'euros en 2022. Et ce sera le cas notamment grâce au fameux guichet des organisations de la société civile (OSC) à l'AFD, mais aussi grâce à l'augmentation des crédits dédiés à l'aide humanitaire. Aussi, en 2022, conformément aux conclusions du CICID de 2018, l'APD transitant par les OSC atteindra environ 620 millions d'euros, soit 6 % de l'APD bilatérale. Certes, ce pourcentage demeure faible par rapport à celui d'autres pays de l'OCDE, mais quand on considère le montant en valeur absolue, nous n'avons pas à rougir.
Vous confirmez, monsieur le secrétaire d'État, ce que nous affirmons les uns et les autres depuis tout à l'heure : votre politique est vraiment illisible. Votre discours ultrapositif – et personne n'a voté contre le projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, parce que nous sentions qu'il créait une dynamique, qu'il allait dans le bon sens – ne correspond pas à la réalité telle qu'elle est perçue sur le terrain par les ONG. Quand nous vous reprochons votre manque de transparence, nous ne vous accusons pas de fraude ni de détourner quoi que ce soit, mais nous ne parvenons pas à trouver sur le terrain la traduction concrète des décisions chiffrées que vous prenez.
Vous avez entamé votre intervention par des considérations, disons, géographiques ; or dans la majorité socialiste, figurait, au début de la présidence Hollande, Jean-Yves Le Drian, de même qu'à Bercy, il y avait un ministre nommé Emmanuel Macron, qui s'employait à resserrer les crédits. Il ne faut donc pas oublier que les mêmes qui ont, à un moment donné de leur carrière politique, resserré les crédits, lâchent aujourd'hui un peu la bride en nous expliquant que, grâce à eux, tout va bien. Il faut faire preuve d'un peu plus d'humilité sur ces questions.
Je rejoins notre collègue Lecoq. Comme je l'ai déjà demandé, je souhaite savoir à quel moment le Gouvernement entend appliquer l'article 3 de la loi de programmation relative au développement solidaire, qui prévoit, dans un souci de transparence, la remise au Parlement d'un rapport avant le 1er juin de chaque année. Je comprends bien qu'à cause des échéances électorales cette année soit compliquée, mais j'espère tout de même qu'en 2022, que ce soit avant ou après les élections, le Gouvernement fera preuve de transparence en remettant ce fameux rapport.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement n° 1501 .
Par cet amendement d'appel j'entends rendre hommage à nos entreprises qui travaillent dans les pays en développement. Elles sont souvent critiquées, montrées du doigt, font l'objet de recours contentieux, alors qu'elles sont le porte-drapeau de notre pays et qu'elles sont soumises à une concurrence souvent déloyale. En effet, elles ne bénéficient pas de l'aide publique au développement puisque celle-ci ne peut pas être liée, suivant une règle fixée par l'OCDE, règle conçue à une époque où on considérait que la libre concurrence, c'était beau, c'était bien, alors que ce n'est souvent qu'une apparence : certains pays disent respecter cette règle alors que ce n'est pas le cas – je pense à certains pays européens que je ne citerai pas ; d'autres pays n'ont pas à la respecter, en particulier la Chine, la Russie,…
C'est du protectionnisme, mais aux yeux de M. Le Fur, c'est du communisme !
Ce sont désormais des pays riches, qui ont une politique de développement et sont devenus nos concurrents.
Mon souci est que nous changions de paradigme et que toutes les entreprises respectent un minimum les règles de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Nous devrions certes respecter ces critères plus encore peut-être que nous ne le faisons – je pense entre autres au travail des enfants –, mais il faut que les pays qui disent concourir au développement – de l'Afrique en particulier – les respectent également.
Nous avons besoin de ces entreprises à un moment où l'une des principales d'entre elles, c'est la presse qui l'affirme, présente dans à peu près tous les ports du monde, risque de s'éloigner pour être remplacée par une entreprise d'un autre pays.
Je lance donc une alerte. Certains cadres français passent leur vie dans ces pays, consentent des sacrifices,…
Sourires.
Nous avons bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel, aussi appelons-nous à son retrait. Reste que nous partageons les préoccupations exprimées par le rapporteur spécial. Sur tous les bancs, j'imagine, vous saluez le rôle joué par les entrepreneurs français. Nous avons bien en tête le point que vous venez de développer, et c'est d'ailleurs pourquoi, au niveau européen, nous veillons à ce que les discussions se poursuivent sur les critères de RSE. Il ne faut en effet pas être naïf… Nous profiterons donc de la présidence française de l'Union européenne pour continuer à battre le fer, sachant qu'il ne nous sera pas possible de revenir sur la règle fixée par l'OCDE selon laquelle l'aide doit être déliée. Nous nous montrerons pertinents et vigilants.
La vigilance est d'ailleurs la caractéristique de l'action de l'AFD et de notre diplomatie économique. Nous veillons à diffuser largement, auprès des secteurs économiques français, les opportunités offertes par les appels à projet. Il est essentiel que les entreprises françaises puissent présenter leur candidature aux appels à projet et qu'elles puissent réaliser les travaux pour lesquels elles ont été retenues.
L'appel au retrait de votre amendement d'appel a-t-il été entendu, monsieur Le Fur ?
Il est entendu et j'espère que ne se renouvellera pas ce que j'ai dénoncé dans mon rapport : que des crédits de l'AFD soient attribués à des projets réalisés par des entreprises chinoises.
Je donne des exemples au Burkina Faso, en Mauritanie et au Sri Lanka. Je doute que les entreprises concernées soient parfaitement respectueuses des critères de RSE les plus élémentaires. Je n'en retire pas moins mon amendement.
L'amendement n° 1501 est retiré.
Les crédits de la mission "Aide publique au développement" sont adoptés.
Avant l'article 42
Nous en venons aux amendements portant article additionnel avant l'article 42.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement n° 1353 .
Le sujet que je vais évoquer devrait nous rassembler. Nous examinons les crédits de l'APD et, à ce titre, nous exerçons un contrôle. Reste qu'une bonne partie de la politique d'aide au développement se fait sous forme de prêts. Ces prêts sont consentis par le pays ou par des banques soutenues de fait par lui et l'on constate des abandons de créance quand ils ne sont pas honorés. Or rien de tout cela n'est soumis à un quelconque contrôle de l'Assemblée.
Nous sommes totalement ignorants de cette question et ce n'est pas nouveau. Nous contrôlons un peu la Direction du budget mais pas la Direction générale du Trésor.
Vous évoquiez l'abandon des créances au profit du Soudan, par exemple. En aucun cas nous ne l'avons voté, alors qu'il s'agit de 4 milliards d'euros – en comparaison, nous nous occupons ici de petits sous. Certes le coup d'État qui vient de se produire a interrompu le processus de signature, mais il devait aboutir dans les jours ou les semaines qui viennent.
Je souhaite donc que nous changions de logique : notre regard doit porter non seulement sur les crédits budgétaires mais aussi sur les prêts. Je sais bien que ce n'est pas simple car, souvent, les prêts – et plus encore les abandons de créances – sont consentis dans un cadre multilatéral – le club de Paris, le club de Paris élargi… Mais je constate que d'autres parlements, européens en particulier, sont autrement plus vigilants parce qu'ils s'en sont donné les moyens.
La question déborde les crédits de cette seule mission mais, vu que la plus grande part de la politique de développement se fait sous forme de prêts, nous n'avons pas le droit de faire semblant de les contrôler alors que nous ne les contrôlons pas du tout.
Le rapporteur spécial a apporté la réponse à sa question puisqu'il a dit ce qu'il attendait avant de reconnaître les limites de sa demande. Nous partageons le souci de donner tous les éléments idoines au Parlement. La France publie déjà chaque année une présentation détaillée des prêts directs consentis en bilatéral par pays débiteur. C'est une donnée publique accessible sur le site internet du Trésor. Les pays du G7 se sont engagés à adopter une telle démarche de transparence pour leurs prêts directs d'ici à la fin de l'année.
Néanmoins, s'agissant des remises à venir, et vous évoquiez vous-même cette limite, elles suivent des procédures ad hoc et, qui, surtout, ne dépendent pas uniquement de la France, puisque les paramètres sont négociés et décidés de manière collective par le club de Paris et un certain nombre de bailleurs, selon les besoins des pays emprunteurs. On ne peut donc savoir à l'avance le montant des remises.
J'insiste toutefois sur le progrès que constitue la loi du 4 août 2021, dont l'article 3 – Bérengère Poletti l'a évoqué – prévoit la remise d'un rapport au Parlement. Le 7
Le rapport qui vous sera rendu – je me réfère ici à l'article 14 de la loi du 4 août –, donnera une meilleure information au Parlement. Je demande donc le retrait de l'amendement et, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Le rapporteur spécial pointe un sujet assez sensible aux yeux de la commission des affaires étrangères. Il nous a donné l'exemple du Soudan, mais il y a également celui de la Côte d'Ivoire : il y a quelques jours, 1,14 milliard d'euros ont été reversés sous forme de don à ce pays. La commission des affaires étrangères aimerait contrôler ce type d'opérations pour se prononcer sur leur pertinence, sur les mécanismes de redevabilité et sur l'opportunité de transformer des prêts octroyés dans le cadre de l'APD en dons.
Je salue la philosophie de l'amendement du rapporteur spécial : travaillons sur le prochain rapport que le Gouvernement remettra au Parlement, dans le but de mettre un terme aux décisions prises dans des enceintes ad hoc. Cela couperait l'herbe sous le pied de certains de nos collègues qui parlent d'opacité voire de mafia, en leur ouvrant les yeux sur le fait que la transformation de prêts en dons par la France bénéficie aux populations des pays concernés et retombe dans le giron de l'APD.
Le vocabulaire est important dans l'enceinte de l'Assemblée nationale : à ma connaissance, aucun député n'a utilisé le mot « mafia » ce matin. C'est au contraire la majorité parlementaire qui l'emploie pour qualifier la potentielle absence de transparence sur ces opérations financières.
Je ne reprends pas le terme de « mafia », mais j'ignore comment qualifier le club de Paris. Si les choses ne vont pas très bien dans certains pays, notamment africains, ce club en porte une grande responsabilité. Il faudrait débattre de son action dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale et même du caractère indispensable ou non de cet outil, de ce « truc », de ce « machin » comme aurait dit un illustre homme politique français, pour l'émancipation de l'Afrique : à mes yeux, il est une entrave à celle-ci.
Le rapporteur spécial a raison de dire qu'un débat démocratique devrait se tenir au Parlement sur ces questions. Dans de nombreux pays européens, le parlement discute des abandons de créance, mais le Parlement français ne peut pas débattre de l'utilisation de deniers publics français ! C'est quand même impensable, et il est temps de conduire une réforme démocratique dans ce domaine.
L'amendement n° 1353 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement n° 1354 .
Il s'agit d'un amendement de repli, qui va nous permettre de poursuivre notre échange. J'adore notre secrétaire d'État, il est excellent ! Il nous explique que les éléments sont publiés sur internet, mais nous ne sommes pas là pour consulter internet ! Nous sommes là pour délibérer et voter – en acceptant ce que l'on nous propose dans la plupart des cas –, or cela ne se passe pas ainsi.
Que les choses soient bien claires : depuis 1989, notre pays a abandonné 31,9 milliards d'euros – le club de Paris a été très actif pendant une période, puis l'activité s'est calmée depuis une dizaine d'années, mais elle remonte actuellement, avec les dossiers du Soudan, du Tchad et de l'Éthiopie. Tout le monde sait que le club examine la situation de ces pays, mais il n'y a pas un seul débat ici !
Quels montants allons-nous abandonner ? Avec quelles contreparties ? Nous pourrions échanger sur ces questions, or ce n'est pas le cas. Il pourrait au moins y avoir un rapport !
Tout le monde devrait en convenir. J'ignore la conclusion d'un tel rapport d'ailleurs, mais que l'on compare au moins notre situation, comme l'a dit M. Mbaye, à celle d'autres pays européens confrontés aux mêmes questions que nous. Je ne condamne pas la décision multilatérale du club de Paris – quand on abandonne une créance, tous les créanciers doivent se mettre d'accord, cela vaut à l'international comme pour un commerçant ou un artisan –, mais c'est un sous-chef de bureau de la Direction générale du Trésor qui arrête la position de notre pays !
Je le dis pour les nouveaux parlementaires, un chef de bureau, un sous-directeur ou un directeur adjoint du Trésor a, sur ces sujets, un pouvoir autrement plus important que le nôtre : soit on s'en satisfait, soit on regarde les choses d'un peu plus près, d'où la demande d'un rapport.
Cela étant, la commission n'a pas encore tout à fait assimilé ce besoin, monsieur le président !
Sur ce sujet, il y a quand même un avant et un après la loi du 4 août 2021.
On est après, mais le rapport sera discuté au mois de juin ! Vous recevrez, avant le 1er juin 2022, un rapport qui comportera les éléments que vous demandez et qui donnera lieu à un débat en séance publique. Vous pourrez, mesdames et messieurs les députés, en discuter. Nous avons d'ailleurs souhaité que le débat puisse se tenir au mois de juin, à peu près à la même période que le débat d'orientation budgétaire (DOB), bien en amont de l'examen du projet de loi de finances. Il s'agit d'une novation de la loi à laquelle nous avons tous contribué.
Votre amendement est satisfait par la loi du 4 août 2021. Ce qui compte, maintenant, c'est sa mise en œuvre : nous avons tous des fourmis dans les jambes en attendant le 1er juin. Nous nous retrouverons dans l'hémicycle – peut-être dans cette configuration, je le souhaite – pour évoquer ces sujets importants d'annulation de dette.
Les propos du secrétaire d'État sont importants et peuvent nous permettre d'avancer. J'ai oublié de dire quelque chose tout à l'heure, qui mérite d'être souligné : le rapporteur spécial a affirmé qu'il nous fallait débattre de ces questions, mais j'ai plus d'une fois demandé que l'on organise des débats publics sur les contributions de la France à certaines organisations comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Nous mettons à contribution notre pays, nous donnons de l'argent, mais la représentation nationale n'en discute pas. Il s'agit d'argent public qui provient de l'impôt des Français, donc il faudrait au moins débattre des contributions françaises à ces structures comme cela se fait en Norvège, aux États-Unis ou en Allemagne ; cela accroîtrait la transparence et ferait mieux connaître l'action extérieure de l'État ainsi que l'engagement solidaire de la France auprès de ces organisations.
Monsieur le rapporteur spécial, maintenez-vous votre amendement que M. le secrétaire d'État considère comme satisfait ?
L'amendement n° 1354 n'est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 1553 du Gouvernement.
Il vise à autoriser la France à souscrire à l'augmentation de capital de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), qui représente 1,5 milliard de dollars au total.
De mémoire, 1,2 milliard d'euros, mais la souscription aura lieu en dollars.
L'objectif de la Banque est de renforcer ses capacités d'intervention au service du développement des États de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Dans la liste des dix-neuf pays prioritaires que la France a dressée, dix-huit se situent en Afrique. Il est donc utile et conforme à nos priorités que la France maintienne son rang au sein des actionnaires de la BOAD. Notre pays devra apporter 43 millions d'euros : 40 % ont vocation à être appelés, le reliquat étant composé de capital appelable ; dans ces conditions, le besoin de crédits de paiement s'élève à 17,2 millions d'euros entre 2022 et 2025, soit un montant de 4,3 millions d'euros par an. Vous savez tout !
Il est tout à fait favorable. Je ne peux m'empêcher de remarquer, comme la fonction de rapporteur spécial me le commande, que nous investirons un peu plus d'argent dans la banque qui gère le franc CFA : cela ne me trouble pas, mais je le souligne puisqu'il a été dit que nous devions nous retirer du franc CFA. La trajectoire que nous avons votée pour le franc CFA ne s'applique pas car les pays de la zone ne se sont accordés ni sur le périmètre de la future monnaie ni sur le nom de celle-ci ni, encore moins, sur les modalités de production des billets qui se substitueront à ceux du franc CFA.
Monsieur le secrétaire d'État, la somme que vous nous demandez d'accepter s'apparente tout de même au prix de l'acceptabilité de la réforme du franc CFA. La zone du franc CFA est la dernière où l'ancien colonisateur maîtrise encore la monnaie. Nous pourrions quand même faire en sorte que l'Afrique gère sa propre monnaie ! Or les crédits que vous nous demandez d'avaliser contribueront au déploiement de la réforme du franc CFA, voulue par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron, qui va dans le sens d'un refus de lâcher la bride.
Pourtant des pays africains s'étaient mis d'accord pour bâtir une monnaie totalement africaine, débarrassée de l'emprise de l'ancien colonisateur. Il importe de soutenir ce genre d'initiatives : à un moment donné, il faut libérer l'Afrique et lui laisser la main sur sa monnaie. De nombreux pays de ce continent démontrent qu'ils sont capables de gérer leur monnaie eux-mêmes, sans le concours de pays occidentaux. Nous devons œuvrer à donner leur pleine indépendance et souveraineté, y compris monétaire, aux pays africains.
Il ne faut pas se tromper de cible. L'amendement porte sur la BOAD, qui n'est pas la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). D'ailleurs, nous n'avons pas assez communiqué sur le fait que la France vient de transférer, dans le cadre de la réforme du franc CFA – pour laquelle la commission des affaires étrangères s'est investie –, plus de 5 milliards d'euros des réserves africaines à la BCEAO, ce qui permet à cette banque et aux États de l'UEMOA de frapper leur monnaie là où ils le souhaitent.
Avec cet amendement, nous renforçons les capacités de la BOAD et nous accompagnons nos partenaires africains dans leur effort de développement : cela n'a rien à voir avec le franc CFA.
Exactement !
Le rapporteur spécial l'a très bien rappelé, la création de la nouvelle monnaie, l'éco, est ralentie parce que les États africains ne savent pas encore comment l'insérer dans l'espace de la communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de l'UEMOA. Ces questions sont complexes : je rappelle que l'euro ne s'est pas fait en dix jours, donc l'éco ne peut pas être créé en un an. Ne confondons pas les sujets et…
Il a raison !
…soutenons l'amendement du Gouvernement, qui vise à accroître la coopération avec la BOAD dans les projets de développement conduits dans nos pays partenaires.
Je regrette que le débat sur une contribution de 1,2 milliard d'euros – ce n'est tout de même pas rien ! – n'arrive qu'en fin de discussion dans l'hémicycle. Nous n'avons même pas eu la possibilité d'échanger en commission sur ce sujet. Cela renforce l'impression, que nous ressentons, depuis le début de l'examen des crédits de cette mission, d'un manque de clarté.
D'où vient cette somme de 1,2 milliard d'euros ?
Le montant de 1,2 milliard d'euros représente l'augmentation totale du capital de la BOAD. La contribution de la France n'est que de 17,2 millions d'euros !
L'amendement n° 1553 est adopté.
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l'amendement n° 986 .
Cet amendement de mon collègue Mansour Kamardine qui, en tant que député mahorais, sait de quoi il parle, vise à obtenir un rapport de la part du Gouvernement relatif aux clés de répartition des crédits des programmes 100 et 209. Cette demande sous-tend une question qui me paraît très intéressante, et que j'avais d'ailleurs évoquée avec Annie Chapelier dans un rapport d'information sur l'environnement international des départements d'outre-mer : celle des spécificités de l'aide publique au développement que nous accordons aux territoires voisins de nos collectivités d'outre-mer.
En effet, le développement de nos outre-mer crée souvent des différences très importantes avec les pays proches géographiquement. Ces collectivités apparaissent riches alors qu'elles se situent dans des environnements très pauvres, ce qui induit certains enjeux sociaux, d'accès aux soins, ou encore de sécurité. Nous connaissons bien l'exemple de Mayotte ou encore celui de la Guyane vis-à-vis du Surinam.
Cette demande de rapport me semble donc très intéressante, car il nous permettrait de mieux répondre aux spécificités des territoires voisins de nos outre-mer et d'éventuellement ajuster l'aide que nous leur apportons.
La commission n'a pas examiné cet amendement, que je soutiens à titre personnel. Bérengère Poletti l'a parfaitement expliqué, certains de nos outre-mer ont une relation de proximité et de comparaison avec des pays voisins. C'est particulièrement le cas entre les Comores, que nous aidons au travers de l'aide publique au développement, et Mayotte, qui ne bénéficie pas de cette politique,…
…alors que les deux territoires ont des situations très similaires. Pour parler sans détour, ils vivent tous deux dans la misère et l'insécurité et manquent de capacités de développement. Ainsi, la distinction que nous faisons entre ce département d'outre-mer et les Comores s'agissant de l'aide publique au développement ne me paraît-elle pas nécessairement fondée.
Je comprends l'idée qu'a voulu exprimer Mansour Kamardine et que vous avez défendue, madame Poletti. Cela étant, je ne crois pas que multiplier les rapports relève de la meilleure politique. En effet, la loi du 4 août 2021 prévoit déjà la publication, le 1er juin prochain, d'un large rapport relatif, entre autres, à l'aide publique au développement. Je vous propose donc que nous fassions tout notre possible pour y faire figurer les données que vous demandez, pourvu que la méthodologie que nous avons choisie nous le permette. Ainsi, je demande le retrait à l'amendement, à défaut de quoi je lui donnerai un avis défavorable.
Il me semble, monsieur le secrétaire d'État, que le rapport demandé par Mansour Kamardine serait tout de même très intéressant pour la prochaine assemblée nationale, appelée à siéger à partir de juin 2022, dans la mesure où il permettrait de répondre à de nombreuses questions d'importance que se posent nos concitoyens. Comment aider les territoires proches de nos outre-mer, de manière à réduire les schismes que nous observons dans ce type de voisinage ?
Je maintiens donc cette demande de rapport qui, j'insiste, serait de nature à éclairer les collègues qui nous succéderont sur ces bancs.
L'amendement n° 986 n'est pas adopté.
J'appelle les crédits du compte d'affectation spéciale "Prêts à des États étrangers" , inscrits à l'état D.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 1558 .
Afin de tenir compte des perspectives d'exportations de la France, il vise à augmenter de 500 millions d'euros, et donc à porter à 1,5 milliard d'euros, les autorisations d'engagement inscrites au programme 851 Prêts du Trésor à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France.
C'est une bonne nouvelle, la reprise est très forte au niveau mondial, et nombre de nos entreprises sont bien positionnées. C'est pourquoi les crédits initialement inscrits au PLF pour 2022 ne nous paraissent plus suffisants pour répondre aux demandes de prêt d'États étrangers destinés à l'importation de produits d'entreprises françaises – M. le rapporteur spécial évoquait tout à l'heure leur rôle.
C'est ainsi avec une certaine satisfaction que je sollicite votre assentiment pour procéder à cette augmentation de crédits, destinés à soutenir nos exportations dans les domaines des transports, de l'énergie ou encore de la santé, soit autant de secteurs où, comme vous le savez, l'expertise française n'est plus à démontrer.
Je ne vous cache pas que la commission a été très surprise, hier, de recevoir cet amendement. Celui-ci vise tout de même à accroître les dépenses d'un demi-milliard d'euros, ce qui n'est pas rien. Cela étant, je ne crois pas que vous soyez responsable de ce court délai, monsieur le secrétaire d'État, qui incombe plutôt à vos collègues de Bercy.
Quoi qu'il en soit, sur le fond, c'est une bonne chose : nous encourageons nos entreprises et veillons à ce qu'elles soient concurrentielles au niveau mondial. L'avis est donc favorable.
L'amendement n° 1558 est adopté.
Les crédits du compte d'affectation spéciale "Prêts à des États étranger" s, modifiés, sont adoptés.
Après l'article 48
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 1554 portant article additionnel après l'article 48.
Nous évoquions tout à l'heure le nouveau contrat de désendettement et de développement que nous avons passé avec la Côte d'Ivoire. Le présent amendement vise à en tirer les conséquences et à relever le « plafond de Yaoundé », en-deçà duquel le ministre chargé des finances est autorisé à accorder des remises de dette bilatérales aux pays pauvres très endettés, les PPTE. Jusqu'à présent, ce plafond global était fixé à 4,75 milliards d'euros : il vous est proposé ici de le porter à 5,78 milliards d'euros, et ce précisément afin d'inclure l'annulation de créance d'un montant de 1,14 milliard d'euros accordée à la Côté d'Ivoire dans le cadre du C2D qui nous lie à ce pays.
Vous le savez, aux termes de ce contrat, la Côte d'Ivoire continuera à honorer le service de sa dette, en contrepartie de quoi le pays percevra une subvention d'un montant équivalent à ses remboursements, afin de financer des programmes sociaux, des projets de développement urbain ou agricole, ainsi qu'un appui à la gouvernance, notamment financière.
Je suis très partagé vis-à-vis de cet amendement, monsieur le secrétaire d'État. Il représente une somme conséquente – 1,030 milliard d'euros – et ne nous a été communiqué qu'hier, alors qu'il aurait pu nous parvenir avant.
De quoi s'agit-il ? Nos autorités ont la possibilité d'accorder des remises de dette à certains États jusqu'à un certain plafond, dit de Yaoundé. Celui-ci est désormais dépassé, car le ministre des finances a passé un accord avec la Côte d'Ivoire il y a quelques jours – c'est ce que vous nous avez expliqué. Je souscris à cet accord : la Côte d'Ivoire est un pays ami, dont il convient de soutenir le développement. Nous avons d'ailleurs passé des accords similaires avec d'autres pays.
Cela étant, nous n'avons connaissance des termes de ce contrat que parce que le plafond de Yaoundé est franchi. J'en parlais tout à l'heure, nous n'avons pas connaissance du contenu des autres accords de ce type. Nous sommes dans l'ignorance et seules ces circonstances particulières font qu'elle est levée. Je suis donc choqué, tant sur le fond que s'agissant des modalités de découverte de ces données par l'autorité parlementaire.
Toutefois, afin de ne pas mettre le Gouvernement dans l'embarras dans ses relations avec la Côte d'Ivoire, je donne un avis de sagesse à cet amendement.
Vous me confirmez, monsieur le rapporteur spécial, que la commission n'a pas examiné cet amendement ?
C'est bien noté. Il s'agit donc d'un avis personnel choqué, mais néanmoins de sagesse.
Sourires.
L'amendement n° 1558 est adopté.
Nous avons terminé l'examen de la mission "Aide publique au développement " et du compte d'affectation spéciale "Prêts à des États étrangers" .
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 :
Examen des crédits de la mission "Recherche et enseignement supérieur" ; examen des crédits des missions Conseil et contrôle de l'État, Pouvoirs publics, Direction de l'action du Gouvernement et du budget annexe Publications officielles et information administrative.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra