Je tiens tout d'abord à appeler votre attention sur l'évolution à long terme des effectifs du Quai d'Orsay. Ce ministère est l'un de ceux qui respectent le plus strictement les réductions d'effectifs imposées chaque année par Bercy, allant même parfois au-delà des objectifs définis. Cependant, tous les acteurs s'accordent pour souligner que cette logique a atteint ses limites si l'on veut maintenir le rôle et la présence de la France à l'étranger. S'agissant de la baisse des effectifs, si la programmation 2022 est marquée par une légère inflexion, celle-ci reste temporaire, et il convient de dénoncer les nombreuses suppressions de postes décidées ces dernières années. Elles se justifient d'autant moins que le ministère tente de les pallier par un recours à des mesures de flexibilisation des ressources humaines tout à fait critiquables et fort possiblement contre-productives du point de vue de l'efficacité.
Cette flexibilisation s'illustre de plusieurs manières. Premièrement, les agents titulaires de la fonction publique nationale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sont désormais souvent remplacés par des agents de droit local qui possèdent rarement leur expertise ou leur expérience des postes à l'étranger, ce qui peut avoir des conséquences qui ne sont pas anodines, par exemple lors de la gestion d'une crise. Ensuite, depuis juin 2020, le recours aux volontaires nationaux est facilité, leur champ de compétences étant étendu. Enfin, au sein du PLF pour 2022, sur quarante-trois créations de postes, quarante concernent des postes d'apprentis, certes indispensables pour renouveler les effectifs, mais qui ne répondent pas aux besoins immédiats en compétences comme le ferait un recrutement de cadres. L'expertise et l'engagement reconnus de nos diplomates et personnels à l'étranger – encore récemment en Afghanistan –, doivent s'accompagner de moyens humains à la hauteur des ambitions régulièrement affichées.
Une autre tendance lourde dans le financement des missions du Quai d'Orsay consiste à remplacer les crédits budgétaires classiques par un recours de plus en plus fréquent à de l'autofinancement. Les établissements à autonomie financière, les alliances françaises et autres établissements conventionnés sont encouragés à s'autofinancer, ce qui a deux conséquences importantes : d'une part, les frais de scolarité et le coût des services proposés ont tendance à augmenter, rendant un accès universel plus difficile. D'autre part, l'enseignement du français et l'offre culturelle à l'étranger reposent de plus en plus sur des structures privées, ce qui pose des questions de fond sur la cohérence et l'orientation de la politique culturelle et d'éducation de la France à l'étranger.
Par ailleurs, alors que les besoins de financement auraient dû être couverts par des crédits budgétaires nouveaux, on assiste de plus en plus à un redéploiement de crédits à l'intérieur du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ou à un recours aux moyens de trésorerie des opérateurs comme l'AEFE.
Le dernier point sur lequel je souhaite insister concerne la nécessité de tenir compte de la situation post-crise sanitaire. Ainsi, il conviendrait d'augmenter substantiellement les crédits de protection et d'action sociale pour faire face aux conséquences du covid-19. Les crédits d'affaires sociales permettent de verser des aides mensuelles, sous conditions de ressources, à des compatriotes en grande difficulté ou à des enfants en situation de handicap, ainsi que de fournir des aides ponctuelles à des Français en difficulté temporaire. Le nombre de bénéficiaires est évalué à 4 000 personnes. Nous défendrons quelques amendements visant à corriger ces orientations.
En dépit de certains points positifs, notamment la stabilisation des effectifs et des crédits dans le PLF pour 2022, la pérennité de la qualité de l'action du ministère des affaires étrangères, de ses ambassades, de ses institutions d'enseignement et organismes de diffusion culturelle semble encore soumise à de nombreux aléas. Nous le constatons, la multiplication des crises internationales réclame de l'ambition et un engagement sans faille auprès de nos concitoyens dans le monde.
Pour toutes ces raisons, et compte tenu des réserves qui ont été émises, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra sur le vote de la mission "Action extérieure de l'État" .