Intervention de Michel Herbillon

Séance en hémicycle du vendredi 29 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon :

Nous examinons ce matin le dernier budget de cette législature du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il se caractérise par une augmentation infime des crédits par rapport à l'année 2021, dans la lignée de ce que vous nous présentez depuis trois ans, monsieur le ministre. En réalité, c'est un budget de stagnation qui ne permet même pas de revenir au niveau de 2017.

Certes, nous pouvons souligner quelques efforts bienvenus. Les crédits affectés à la rénovation du patrimoine immobilier sont en hausse, après plusieurs années au cours desquelles notre patrimoine à l'étranger a été bradé. Nous espérons que l'effort consenti durera et que l'enveloppe de 400 millions d'euros sur cinq ans pour la remise en état du parc sera respectée, sachant que nous avons déjà pris un peu de retard.

Nous nous félicitons également de la fin de la réduction draconienne des effectifs du Quai d'Orsay – je sais que vous y avez veillé, monsieur le ministre. Le ministère des affaires étrangères a déjà suffisamment pris sa part au processus de redressement des comptes publics. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage, au nom du groupe Les Républicains, à l'ensemble du personnel diplomatique pour son action au service de notre pays, en particulier pour sa mobilisation exceptionnelle pendant la pandémie.

Mais, monsieur le ministre, au-delà de votre engagement personnel important que je tiens à souligner, votre budget n'est pas à la hauteur des enjeux. Surtout, à l'heure du bilan du quinquennat d'Emmanuel Macron, nous peinons à identifier les axes forts ou la ligne directrice de la politique étrangère de la France. C'est à l'image du bilan du quinquennat dans bien d'autres domaines, où les Français ont expérimenté – à leurs dépens, hélas ! – les limites du fameux « en même temps ».

En 2017, le Président de la République avait multiplié les priorités. La francophonie était une priorité, la diplomatie culturelle était une priorité, la stratégie de la France dans l'Indo-Pacifique était une priorité, la diplomatie d'influence était une priorité, la refondation de l'Europe était une priorité, la remise à plat de l'OTAN était une priorité. J'arrête là la liste, mais nous pourrions encore en ajouter. Depuis cinq ans, il y a eu de la part du chef de l'État beaucoup de discours, beaucoup d'incantations, beaucoup de sourires et de poignées de mains, beaucoup de belles photos et, surtout, beaucoup de communication. Tout cela pour quels résultats ? À force de multiplier les priorités, cinq ans plus tard, la France a perdu en visibilité et en influence.

L'annonce, le 15 septembre dernier, de la perte du contrat des sous-marins australiens a agi comme un révélateur et une humiliation profonde pour notre pays. Les Australiens, les Américains et les Britanniques, nos partenaires et alliés, sont allés jusqu'à nous faire l'offense de comploter dans notre dos et ne nous ont jamais aussi peu considérés. Ils ne nous consultent plus et ne nous prennent même plus en compte. Ce fiasco du contrat australien n'est, hélas, pas le seul revers de votre politique étrangère. Alors que, depuis cinq ans, le Président de la République surjoue ses relations avec les présidents américains d'hier comme d'aujourd'hui, nous sommes incapables d'influencer quoi que ce soit. La décision du président Biden de se retirer unilatéralement d'Afghanistan en est un autre exemple. Notre diplomatie est laissée devant le fait accompli et nous n'avons qu'à suivre docilement.

En 2019 à Brégançon, le Président de la République annonçait fièrement aux côtés du président Poutine une « vraie dynamique de réchauffement » entre nos deux pays. Deux ans plus tard, quand nous voyons que le Groupe Wagner s'installe au Mali, notre inquiétude est plus que légitime, alors que nous y avons déployé des moyens militaires considérables. Et voilà que l'Algérie ne permet même plus aux avions de l'opération Barkhane de survoler son territoire. Nous en sommes arrivés à une telle dégradation de nos relations que son ambassadeur à Paris demande à la communauté algérienne en France de constituer un « levier de commande » sur la politique française. Décidément, en plus de perdre en influence, nous sommes fâchés avec beaucoup de monde.

Ce que nous regrettons le plus, c'est qu'au fil de tous ces événements, la France ne soit désormais plus que spectatrice du cours des choses, de ce qui se passe à travers le monde, qu'elle soit mise de côté et subisse sans rien dire. On nous annonce qu'une nouvelle feuille de route pour la diplomatie d'influence doit voir le jour à la fin de cette année 2021. Nous nous en félicitons, il était temps, quatre ans et demi après votre arrivée au pouvoir ! Je vous avais remis il y a près de trois ans, monsieur le ministre, un rapport rédigé avec ma collègue Sira Sylla qui contenait 135 recommandations pour la stratégie de diplomatie d'influence de la France.

Alors que s'approche le crépuscule du quinquennat du président Macron, l'heure n'est plus aux feuilles de route ni aux beaux discours, mais aux constats. En matière de politique étrangère comme dans bien d'autres domaines, c'est l'absence de résultats concrets que nous constatons et que nous déplorons. Nous défendons une autre ambition pour notre pays : c'est la raison pour laquelle les députés du groupe Les Républicains s'opposeront à ce budget.

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