Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du jeudi 21 décembre 2017 à 9h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Plus prosaïquement, M. le ministre nous a dit que la répétition fixait la notion, et il a bien raison. Ne mettons pas en place le prélèvement à la source car c'est une aberration ! Ne nous embarquons pas dans une réforme inutile, dangereuse et insoluble, dont les effets pervers sont pour l'instant différés mais dont les contribuables finiront inévitablement par payer le prix ! Ne nous lançons pas, la fleur au fusil, dans une telle réforme, prétendument technique, sous la seule injonction de Bercy ! C'est une fausse bonne idée, qui aura des conséquences funestes pour les entreprises et pour les Français. Et, hélas, les ajustements très marginaux que vous proposez ne sont pas de nature à résoudre le problème.

C'est avant tout une réforme profondément inutile, alors que notre pays a tant besoin de réformes structurelles et courageuses pour accompagner le redressement de son économie. Elle pourrait se justifier si nous avions des problèmes de perception de l'impôt, mais ce n'est absolument pas le cas. Nous avons l'une des meilleures administrations fiscales au monde et notre impôt sur le revenu est perçu à 98,5 %. De surcroît, le prélèvement mensuel est déjà plébiscité par près des trois quarts des contribuables français.

Mon groupe, en particulier Éric Woerth, vous a proposé de rendre contemporains le versement des revenus et le paiement de l'impôt, sans aller vers le prélèvement à la source. C'eût été plus juste et plus simple.

Votre réforme va changer le rapport des Français à l'impôt. À partir de 2019, ils ne connaîtront plus le montant de l'impôt qu'ils paieront. L'impôt deviendra indolore, donc facile à augmenter discrètement. De fait, la relation directe entre le contribuable et l'État, au coeur du principe du consentement à l'impôt, va disparaître. Or le consentement à l'impôt est l'un de nos principes fondateurs. C'est parce qu'ils peuvent mesurer le niveau de l'impôt que nos compatriotes l'acceptent ou le contestent.

La réforme est aussi totalement injuste pour les entreprises. Cette nouvelle mission, qui leur est imposée par l'État, sera pour elles coûteuse et complexe. Son coût est estimé à 400 millions d'euros, mais il pourrait atteindre des montants bien supérieurs, dépassant le milliard d'euros chaque année. Or, comme vous le reconnaissez vous-même, ce sont les PME et les TPE – les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises – qui paieront le plus lourd tribut.

Cette réforme posera des problèmes de confidentialité et risque de dégrader les relations entre employeurs et employés, ainsi qu'entre employés eux-mêmes. Demain, deux salariés qui occupent le même poste et touchent le même salaire, recevront deux feuilles de paie avec un montant de salaire net différent. L'employeur, informé du taux d'imposition, pourra se faire une idée, bonne ou mauvaise, des revenus du couple, et non pas uniquement de la rémunération de son salarié. Cette information pourra dès lors influer sur les déroulements de carrière, l'avancement, les mutations, les promotions ou la rémunération. Quant aux négociations salariales, elles porteront naturellement sur les salaires nets d'impôt, très différents d'une personne à une autre. Le taux neutre, censé régler le problème, est tellement défavorable aux salariés qu'il n'en sera rien.

C'est enfin une réforme d'une incroyable complexité. Les problèmes concrets qu'elle va générer ne cesseront de se multiplier, avec des conséquences parfois extrêmement préjudiciables. Le débat dans l'hémicycle et les amendements de mon collègue Le Fur ont permis d'en répertorier une bonne cinquantaine, mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

Enfin, cette réforme remet gravement en cause la « familialisation » de l'impôt, à laquelle ma famille politique et moi-même sommes tant attachés.

Je me contenterai de vous enjoindre une dernière fois avec force, monsieur le ministre, de renoncer à cette réforme vaine et funeste. Ce serait un beau cadeau de Noël. Joyeuses fêtes de Noël à tous !

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