Rappelez-vous l'état d'urgence imaginé pour faire face aux événements de la guerre d'Algérie : censément exceptionnel, il a été instauré et répété, si bien qu'en définitive, estimant qu'on ne saurait vivre constamment dans un régime d'exception, le gouvernement d'alors l'a fait entrer dans le droit commun.
Il fut un temps où le Sénat avait obtenu, de la part du Conseil constitutionnel, d'interdire la fouille des coffres de voiture, considérés comme une extension du domaine privé. Vous en souvenez-vous ? J'en doute. Aujourd'hui, quoi de plus banal que de fouiller tout le monde des pieds à la tête, à n'importe quelle occasion ! Quelqu'un se souvient-il du temps où l'on n'était pas obligé de présenter sa carte d'identité à tout bout de champ ? C'est aujourd'hui monnaie courante, et plus personne ne se demande à quoi cela peut bien servir – en réalité, cela ne sert à rien et n'a jamais permis d'élucider quoi que ce soit. Les mesures d'exception sont comme les passions : elles paraissent toutes neuves à ceux qui en sont la proie ! La sagesse nous invite à nous méfier des élans de cette nature et à nous référer à la longue histoire : le temps que prend la démocratie n'est jamais superflu ; seules les brutes affirment le contraire.