Intervention de Henri Poupart-Lafarge

Réunion du jeudi 14 décembre 2017 à 11h20
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Henri Poupart-Lafarge, président-directeur général d'Alstom :

On peut peut-être regretter qu'ils ne le soient pas assez, mais c'est un autre débat.

Le client ferroviaire est quant à lui très sensible au lieu de production parce qu'il s'y rend et que c'est en général une entité publique soucieuse de l'emploi local.

Lorsque nous avons racheté Fiat Ferroviara, il ne nous serait jamais venu à l'esprit de fermer l'usine située en Italie : elle existe toujours et c'est elle qui fabrique des trains pour l'Italie. Comme vous le savez, les sites français produisent pour la France et pour l'export.

Lorsque vous m'interrogez dans d'autres circonstances, je vous parle souvent de la charge des sites français. Je le dis et je le répète, la charge des sites français est très liée au marché français pour cette raison. On continuera à faire de l'export. à partir de la France, mais la charge des sites français est liée avant tout au marché français. Nous sommes effectivement très sensibles aux fluctuations de ce marché, au TGV du futur, aux projets de RER et de métro en Île-de-France en cours de discussion.

Le dialogue social est très important. Je n'ignore pas qu'il y a un dialogue social en Allemagne et un autre en France. Alstom compte 9 000 employés en France sur 32 000, et Siemens peut-être 11 000 ou 12 000 employés allemands sur 32 000 également. Je rencontre régulièrement les syndicats espagnols, italiens, etc., qui ont un peu l'impression d'être oubliés dans nos dialogues et dans notre communication : là aussi, faisons attention au message que nous faisons passer. Ils se demandent s'ils peuvent avoir mieux en termes de garantie de l'emploi. Ils ont une garantie globale sur la France, sur l'Allemagne, mais pas sur l'Italie ni sur l'Espagne ; les syndicats demandent légitimement pourquoi le traitement est différent entre ces pays. Je le répète, peu d'entreprises donnent une garantie d'emploi globale sur un territoire aussi large, d'autant que les décisions ne nous appartiennent pas totalement.

Pour reprendre l'exemple de l'industrie automobile, on peut dire que Renault ou PSA peuvent décider de produire à tel ou tel endroit. Pour notre part, nous n'avons pas ce choix. Si la SNCF ou la RATP cessent d'acheter à Alstom, nous aurons beaucoup de mal. C'est ce qui s'est passé notamment sur Belfort : cela fait dix ans que l'on n'a pas commandé de locomotives de fret à Alstom. Afin de trouver de l'activité pour notre site de Belfort, on essaie de vendre à la Russie, au Kazakhstan, en Inde, mais on rame, parce que le marché français en fret s'est écroulé.

Nous n'aurions pas pu mieux faire en matière de garantie d'emploi. Une garantie importante a été donnée dans un contexte clairement anxiogène pour nos employés, mais qui ne nous appartient pas complètement. Aujourd'hui, même si nous connaissons des succès importants aux États-Unis, le Buy american act fait que 90 % du train doit être fabriqué aux États-Unis : du coup, ce sera profitable pour l'ingénierie en France mais pas pour la fabrication. Cette garantie sur l'emploi est ambitieuse, mais nécessaire au vu du contexte dans lequel on se situe aujourd'hui.

Vous avez parlé de l'emploi industriel, sujet qui me tient à coeur. Nous sommes tous soucieux de l'avenir de l'industrie en France, et les chiffres que vous citez sont extrêmement négatifs. Chacun sait qu'il y a eu ces dernières années des pertes d'emploi industriel en France. Il ne faut pas se tromper de combat. Je n'ai pas vu d'études précises qui feraient un lien entre la détention du capital et l'emploi industriel, et pas davantage d'études qui expliqueraient que les groupes français ont été massivement achetés par les étrangers alors qu'eux-mêmes n'auraient pas massivement acheté des groupes à l'étranger. On a parlé de Suez qui avait racheté GE « Water ». Il y a en permanence des achats et des ventes. Le solde est-il positif ou négatif pour la France ? Je n'en sais rien. Lorsque vous êtes fabricant de turbines à vapeur, vous ne vous improvisez pas fabricant de panneaux solaires. Il n'est donc pas évident de se reconvertir dans une autre activité ; c'est pourtant ce que fait le groupe Total.

La question centrale est celle de la compétitivité de nos territoires. La question de savoir pourquoi les Allemands ont conservé plus d'emplois industriels que la France est plus complexe que celle de la détention du capital. Je sais que le gouvernement s'y attache, et je suis certain que vous vous préoccupez tous de la compétitivité de vos territoires. C'est un vrai débat. Je ne sais pas quel angle vous souhaitez donner à cette commission d'enquête, mais au-delà de la question de savoir si l'État doit prendre des mesures pour empêcher l'entrée d'investisseurs étrangers, c'est celle de savoir comment on rend le territoire français attractif pour l'industrie qui est à mon avis essentielle.

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