La séance est ouverte à onze heures vingt.
Nous recevons M. Henri Poupart-Lafarge, président-directeur général d'Alstom. M. Poupart-Lafarge. Il a rejoint en 1998 le groupe Alstom, dont il a notamment été le directeur financier ; c'est dire s'il en a connu son évolution dans la durée. Il a ainsi été associé aux grandes décisions, aux côtés de l'ancien président Patrick Kron, dont la présidence a duré treize ans, d'abord avec le sauvetage de l'entreprise, en 2003-2004, époque à laquelle l'État s'est massivement engagé, sous le contrôle de la Commission européenne, pour redonner à Alstom son statut de champion de l'énergie et du ferroviaire. À défaut, le groupe, alors en très mauvaise situation, aurait pu être démantelé, sans doute au bénéfice de Siemens, déjà intéressé par certaines de ses activités.
Monsieur Poupart-Lafarge, vous avez été entendu par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 11 octobre dernier, et la même semaine par la commission homologue du Sénat. Depuis lors, Alstom a connu de nouveaux événements. Nous reviendrons, au cours de cette audition, sur la cession de la branche « Énergie » du groupe à General Electric (GE) à la suite de l'accord conclu en novembre 2014.
Pourquoi ce qui n'a pas été possible en 2014, c'est-à-dire un rachat croisé – les activités Transport étant regroupées chez Alstom, les activités Énergie chez Siemens – l'est aujourd'hui ? M. Kron déclarait à l'époque que ce rapprochement « serait néfaste aux salariés, aux clients et aux actionnaires ! ». Avait-il tort à ce point ?
Cette audition devrait aussi nous permettre de connaître le résultat financier net réel de cette opération. Alors que l'accord avait été conclu pour 12,35 milliards d'euros, il semble que GE n'ait pas eu à décaisser cette somme : Alstom n'aurait reçu en tout et pour tout qu'un peu plus de 7 milliards d'euros. Pourriez-vous préciser ces chiffres ? Il faut rappeler qu'Alstom a dû contribuer au capital des trois joint-ventures à hauteur de 2,6 milliards d'euros, qu'en outre un peu plus de 1,9 milliard d'euros de trésorerie a été affecté aux nouvelles activités de GE en France, et que l'amende d'un peu plus de 700 millions de dollars à payer au Trésor américain a finalement été réglée par Alstom. Il nous intéresse donc de connaître précisément le montant effectivement encaissé par Alstom.
Nous souhaitons également vous entendre nous parler du management depuis lors et des perspectives des trois joint-ventures résultant de cet accord. En 2014, l'opération envisagée était un partenariat à 50-50, moins une action. Trois ans plus tard, on n'a pas le sentiment de la même implication d'Alstom dans ces co-entreprises : c'est le groupe GE qui prend les décisions de gouvernance et les décisions opérationnelles, et l'on prête à Alstom des intentions de revente ; Paris bruit de rumeurs sur de potentiels acquéreurs chinois. Nous aimerions connaître précisément vos intentions à ce sujet.
Vous nous direz aussi ce qu'Alstom a payé à GE pour acquérir son activité de signalisation ferroviaire. Les sommes évoquées varient de 500 à 800 millions d'euros ; c'est d'autant moins un détail que les représentants des organisations syndicales d'Alstom ont été devant nous plutôt dubitatifs, sinon réservés, sur l'apport de cette acquisition pour l'entreprise. Ils ne croient pas davantage à la coopération commerciale durable annoncée entre GE et Alstom sur certains marchés ferroviaires.
Cette question nous amène évidemment à parler de l'opération en cours avec Siemens sur la base du protocole d'accord signé le 26 septembre 2017. Ce protocole a été l'élément déclencheur du dépôt, par plusieurs groupes de l'Assemblée nationale, de la proposition de résolution visant à la création de cette commission d'enquête, tant le point d'atterrissage semblait éloigné du point de départ, à savoir l'annonce faite par l'État, au moment de donner l'autorisation d'investissement par GE dans Alstom « Énergie », que cela permettait la création d'un champion français dans le domaine du transport. Finalement, l'accord du 26 septembre ouvre des perspectives certes européennes, mais moins françaises.
Comment qualifier cet accord ? S'agit-il d'un énième Airbus, du rail cette fois, et donc d'une fusion entre égaux ? S'agit-il plus précisément d'un adossement à Siemens de ce qui reste d'Alstom, c'est-à-dire des activités ferroviaires ? S'agit-il, comme le pensent certains, d'une fusion-absorption ? Ce qui importe à notre commission, c'est de savoir quel projet industriel naîtra de ce rapprochement. Vous avez déjà eu l'occasion de vous exprimer à ce sujet, mais rien ne semble vraiment précisément dessiné. Les gammes respectives des deux constructeurs sont très voisines ; ne risque-t-on pas des doublons pour certaines offres ? Les usines et la R&D d'Alstom et de Siemens ne feront-ils pas, nécessairement, l'objet d'arbitrages douloureux ? L'objectif principal des opérations de ce type est toujours de faire naître des synergies ; c'est probablement louable, surtout du point de vue de l'actionnaire, mais lorsque vous serez directeur général de la nouvelle entité « Siemens-Alstom », pensez-vous pouvoir toujours combiner, sans dégâts sociaux, des savoir-faire distincts sur des plateformes industrielles communes ? La direction d'Alstom se plaint d'un retard sur le marché du TGV du futur ; mais en réalité, sera-t-il conçu et fabriqué par Alstom ? Les nouvelles versions de l'ICE allemand ne seront-elles pas au moins aussi compétitives ?
Au cours des négociations en cours, avez-vous déjà obtenu des garanties sur la poursuite du développement de certains produits phares d'Alstom, notamment pour ce qui concerne la grande vitesse ? GE et Siemens, conglomérats internationaux, procèdent tous deux à des révisions stratégiques majeures qui les conduisent à se recentrer sur leurs points forts et ils annoncent l'un comme l'autre des suppressions d'emplois massives au niveau mondial. Pensez-vous que dans ce contexte l'intérêt d'Alstom pèse beaucoup à leurs yeux ? Nous savons que les garanties données par un partenaire de ce type dans des lettres d'engagement sont fréquemment sujettes à de rapides rectifications…
Mon propos vous paraîtra sans doute pessimiste, mais le fait est que, en 2014, Alstom était un champion mondial et dans le secteur de l'énergie et dans celui du transport, et que, trois ans plus tard, sa branche « Énergie » semble bel et bien passée sous contrôle américain, et le ferroviaire va passer sous contrôle majoritairement allemand. Du point de vue de l'intérêt national, un terme qui, dans l'enceinte du Parlement, n'est pas encore un gros mot, on peut difficilement affirmer que tout cela est un franc succès. Aussi le rapporteur et moi-même avons-nous souhaité vous entendre rapidement après les organisations syndicales.
Mais nous ne sommes qu'au début de nos travaux, et nous n'excluons pas de vous auditionner une nouvelle fois lorsque nous aurons progressé.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relatif aux commissions d'enquête, je vais auparavant vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Henri Poupart-Lafarge prête serment)
Je fêterai bientôt mes vingt années chez Alstom, où j'ai passé la presque totalité de ma carrière, au service de l'entreprise et de l'industrie en France. J'ai été directeur financier d'Alstom entre 2004 et le 20 avril 2010, date à laquelle j'ai pris la fonction de président de l'activité Grid – les disjoncteurs et les transformateurs – avant d'être chargé, le 1er juillet 2011, de la division « Transport », puis nommé président-directeur général du groupe en février 2016. Si je décris ce parcours, c'est pour vous prier d'excuser l'imprécision éventuelle de certaines de mes réponses à vos questions si elles concernent des dossiers pour lesquels je n'étais ni présent ni nécessairement en première ligne.
Je tiens à préciser le contexte dans lequel s'est faite l'opération avec Siemens. Mme Corinne De Bilbao et M. Jérôme Pécresse ont relaté tout à l'heure la gestion des joint-ventures avec General Electric (GE) et les perspectives du marché de l'énergie. Le marché du transport doit être envisagé dans une autre perspective, à la fois parce que sa croissance mondiale est importante et parce que ce marché est à la veille d'une révolution.
L'extension de l'habitat urbain, la congestion du trafic routier et la pollution poussent à une très forte augmentation de la demande de transports urbains collectifs et de liaisons ferroviaires entre villes. La demande existe, et elle est de grands volumes : les seules limites sont les capacités financières et la stabilité économique et politique des pays demandeurs. Le marché de la mobilité est donc en forte croissance et, comme celui de l'énergie, à la veille de grands bouleversements. J'ai présenté au One Planet Summit le train à hydrogène d'Alstom. J'avais jugé assez frustrant que la COP21 soit restée centrée sur les activités énergétiques et particulièrement la décarbonation de la production de l'énergie, alors que le défi a été assez largement relevé en Europe, où les commandes de turbines à vapeur pour le charbon et de turbines à gaz sont désormais peu nombreuses. Il y a deux jours, au One Planet Summit, l'accent a été mis sur le transport, une des rares activités humaines dont les émissions de CO2 continuent de croître dans les pays développés, notamment parce que le report modal est pour le moment un échec et que la voiture électrique n'a pas encore eu d'effet tangible. Tous les acteurs du secteur, Alstom au premier chef, sont conscients qu'il faudra décarboner efficacement la mobilité.
C'est dans ce contexte que se situe l'opération avec Siemens. L'activité ferroviaire d'Alstom connaît une croissance régulière de plus de 5 % en moyenne, avec une marge opérationnelle très satisfaisante ; nous nous sommes développés à travers le monde, notamment en Inde, en Afrique du Sud et aussi aux États-Unis, pays où nous avons introduit le premier train à grande vitesse. Alstom n'est donc pas en difficulté à court terme, loin de là. Cela étant, si l'on se projette dans l'avenir, est-il préférable pour le groupe d'avancer seul ou avec Siemens pour participer à la révolution du marché mondial de la mobilité, alors que ce marché en croissance a naturellement suscité l'apparition de concurrents nouveaux, dont un concurrent chinois très puissant, CRRC, qui s'est appuyé sur la croissance du marché en Chine pour devenir le principal acteur mondial ?
Fallait-il envisager de relever seul les défis d'une concurrence accrue et de la digitalisation ? Il nous semble beaucoup plus efficace de nous allier avec le groupe Siemens, autre entreprise majeure du secteur ferroviaire, qui a ses propres atouts et qui est complémentaire d'Alstom : les gammes et les pays d'intervention des deux entreprises sont légèrement différents, tout comme leurs compétences respectives ; Siemens Mobility est plus avancé dans la digitalisation, Alstom plus mondialisé. Les deux groupes sont donc beaucoup mieux armés ensemble que séparés pour aborder 2025 ou 2030 – et non 2020 : l'opération sera à peine conclue à cette date. Tel était le contexte.
Du point de vue de l'industrie française, est-ce un atout ou une faiblesse pour Alstom d'avoir le groupe Siemens pour actionnaire de contrôle ou de référence ? Pour moi, c'est clairement un atout et non une faiblesse ou un désavantage que d'avoir pour actionnaire de référence un conglomérat technologique aussi puissant. Maîtrisant les technologies digitales, Siemens donnera à Alstom accès à des outils de fabrication et d'ingénierie qui lui permettront d'enrichir son offre sur plusieurs segments, notamment dans le domaine des automatismes, puisque Siemens est en réalité une sorte de grande boîte de logiciels. De plus, la nouvelle configuration nous donnera une plus grande puissance financière : c'est un avantage pour Alstom d'avoir accès à SFS, la banque interne de Siemens, pour financer les très grands projets.
En résumé, avoir Siemens comme actionnaire de contrôle est une bonne chose pour le développement du nouveau groupe. Je n'entrerai pas dans un débat sémantique pour qualifier le « mariage » entre Siemens et Alstom, car il faut regarder les choses comme elles sont. Cela étant, le groupe Siemens a accepté que le siège de la nouvelle entité que j'aurai l'honneur de diriger soit établi à Saint-Ouen ; il n'y a pas d'accord sur la composition du reste de l'équipe, qui sera constituée en fonction des compétences. Le maintien du siège à Saint-Ouen signe une très forte pérennisation de l'ancrage du nouveau groupe en France. Pour l'anecdote, je rappellerai que lorsque j'ai commencé ma carrière il y a vingt ans, c'était chez GEC-Alsthom, qui était alors un groupe franco-anglais. L'histoire d'Alstom est très européenne : notre principale usine est en Allemagne, et nous avons racheté la filière ferroviaire de Fiat. Alstom est donc un groupe européen, mais si son ancrage français est aussi marqué, c'est parce que le siège est demeuré en France après que GEC et Alcatel ont vendu leurs participations dans ce qui était alors GEC-Alsthom. Établir à Saint-Ouen le siège de l'entreprise qui sera le leader occidental du transport et de la mobilité est un choix courageux et, sous l'angle de l'intérêt national, très positif pour la filière industrielle française de la mobilité.
Ce n'est pas un secret : les activités « Énergie » n'ont clairement pas leur place dans cette opération. M. Pécresse et Mme De Bilbao ont évoqué devant vous les accords entre GE et Alstom qui vont être dénoués à cette occasion. La coïncidence dans le temps tient à ce qu'Alstom avait des put, des options de vente de sa participation dans les joint-ventures avec GE, qui viennent à échéance en septembre 2018 ; le groupe les exercera et GE, qui a la gestion opérationnelle des joint-ventures considérées en aura la propriété pleine et entière. Les choses sont plus nuancées pour la partie nucléaire, pour laquelle il n'y a pas d'options de vente ; des discussions seront nécessaires.
Oui, l'avenir d'Alstom est dans le secteur ferroviaire. Lors de mes débuts dans le groupe, il y a vingt ans, le chiffre d'affaires du groupe était de 14 milliards d'euros, réparti entre plusieurs divisions. Demain, quand l'opération avec Siemens sera bouclée, le chiffre d'affaires de la nouvelle entité sera également compris entre 14 et 15 milliards d'euros, mais entièrement dans le secteur ferroviaire au lieu d'être ventilé entre plusieurs divisions. En ma qualité d'industriel, je pense que le groupe sera plus puissant ainsi plutôt que d'être « sous-critique » dans quatre ou cinq divisions.
Je n'ai pas à rougir de l'évolution d'Alstom depuis vingt ans : le marché de la mobilité progressant très fortement, le recentrage sur ce secteur n'est un mauvais choix ni pour l'avenir de la filière française, ni pour l'avenir d'Alstom. J'assume entièrement ce choix.
Pour revenir sur les chiffres relatifs à la cession, il faudrait aller dans le détail car il y a le prix de cession des activités « Énergie » mais aussi la reprise de la dette, si bien que le montant reçu n'est pas le même que le montant brut de la vente. Pour ce qui est de l'achat de l'activité de signalisation ferroviaire, de mémoire, et sous réserve de vérifications, le montant a été de 600 millions d'euros ; mais, en tout état de cause, ce prix doit s'entendre dans l'équation globale de la transaction.
Les organisations syndicales considèrent, à raison, que les résultats de l'activité « Signalisation » ne sont pas aussi flamboyants que prévu. Cela tient à ce qu'une part importante de cette activité, aux États-Unis, était liée au marché du fret, lequel s'est écroulé car il était en grande partie consacré au transport du charbon. La décroissance des centrales à charbon fait que l'on transporte moins de minerais, et une moindre activité de fret entraîne moins de besoin de signalisation ferroviaire. Les perspectives américaines ont donc été moins favorables qu'escompté. En revanche, l'intégration s'est très bien passée avec nos collègues américains ; la technologie et l'avenir sont là, mais le volume pas complètement.
Pourquoi ce qui est possible maintenant ne l'était-il pas en 2014 ? Je ne reviendrai pas sur le contexte général complexe, concernant aussi la partie « Énergie », dont je n'ai pas eu à connaître précisément. Ce que l'on fait aujourd'hui avec Siemens – une opération aussi simple, si je puis dire, que le regroupement du matériel roulant, de la signalisation et des services en une seule entité permettant de créer un maximum de synergies positives, qui ne sont pas uniquement les restructurations mais aussi le développement d'innovations – n'avait jamais été mis sur la table auparavant pour l'activité du transport.
Je vous remercie mais, au terme de votre exposé, je ne comprends toujours pas ce qui explique le revirement intervenu trois ans après la décision prise par le conseil d'administration d'Alstom en 2014, à l'initiative de M. Kron, de refuser absolument l'accord avec Siemens qui aurait permis la constitution de deux géants européens, l'un de l'énergie, l'autre des transports. J'ai repris les documents distribués à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires d'Alstom en décembre 2014 pour expliquer la merveilleuse histoire de la vente à GE : ils la présentaient comme l'acquisition de GE « Signaling », assortie d'une alliance globale extraordinaire sur le ferroviaire, et expliquaient aussi qu'envisager un regroupement avec Siemens n'était inconcevable. M. Patrick Kron était-il à ce point à côté de la plaque ? N'avait-il donc rien compris aux opportunités de rapprochement dans le secteur ferroviaire que vous nous décrivez comme excellentes ou, ayant déterminé son choix, refusait-il d'en étudier un autre : il fallait vendre la branche Énergie à GE, un point c'est tout ?
Expliquer cette contradiction incompréhensible par l'apparition du grand méchant loup CRRC, cela fait un peu conte pour enfant… Je maintiens que l'existence de deux très grosses entreprises chinoises et le risque qu'elles se rapprochent n'avaient échappé à personne en 2014. On nous raconte cette histoire pour nous faire gober ce que je ne comprends toujours pas : pourquoi cette affaire s'est conclue si rapidement ? Je comprends que, à défaut de pouvoir vous adosser au groupe puissant qu'était autrefois Alstom « au complet », vous ayez eu besoin de chercher à établir d'autres partenariats, mais cela aurait pu se faire sous la forme d'une alliance. Airbus, une coopération voulue et soutenue par des États, avait à l'origine pris la forme d'un groupement d'intérêt économique (GIE), autrement dit d'une mise en commun de moyens pour atteindre un objectif. C'est la proposition mise en avant par la CGT ; mais après tout, il n'aurait pas été totalement absurde de créer un GIE pour la grande vitesse et le train à hydrogène. Cette alternative a-t-elle été examinée ?
On peut toujours refaire l'histoire. À l'époque, en 2014, China CNR et CSR Corporation n'avaient pas fusionné et la part de marché des Chinois en dehors de la Chine était extrêmement faible. Certes, on aurait sans doute pu le prévoir, mais la menace n'était pas aussi importante qu'aujourd'hui. Il a fallu attendre l'année dernière pour que CRRC gagne successivement le marché du métro de Chicago, de celui de Los Angeles et du train suburbain de Philadelphie. Si en 2014, on avait posé la question de la probabilité, pour CRRC, de fabriquer le métro de Los Angeles, la plupart des gens auraient répondu qu'il n'en serait pas question avant cinquante ans !
J'avoue que le marché a changé. Mais, encore une fois, en 2014, l'alliance, comme celle qui est proposée aujourd'hui avec Siemens en matière de transport, n'était pas sur la table. Siemens ne voulait pas mettre dans le même paquet la partie « Signalisation ». Et de mon côté, il me semblait important – et il me semble toujours important aujourd'hui – d'avoir un modèle intégré. Précisément parce que de nouveaux acteurs et de nouvelles formes de mobilité émergent, nous souhaitons intervenir en tant qu'apporteur global de solutions technologiques pour l'ensemble du secteur – le véhicule, mais aussi la signalisation, la gestion du trafic, l'entretien du véhicule, l'entretien du système, l'aide à l'opération, etc. à cette époque, Siemens n'était pas disposé à mettre une telle proposition sur la table.
Le ministre Montebourg soutient l'inverse… Il a écrit, me semble-t-il, dans une tribune du journal Le Monde que, dès 2014, lorsqu'il avait rencontré M. Kayser, il avait été question de vendre la totalité des activités ferroviaires, y compris la signalisation. Est-ce à dire qu'il nous aurait menti ?
Je n'en sais rien, c'est peut-être vrai…
Le conseil d'administration d'Alstom avait alors examiné l'ensemble des offres, y compris celle de Mitsubishi. À votre connaissance, a-t-on dit clairement au conseil d'administration qu'il n'était pas possible de s'entendre avec Siemens parce que ce dernier ne voulait pas vendre l'activité de signalisation ? Et d'où tenez-vous cette information ?
Il faut être très clair : je n'étais pas au conseil d'administration à l'époque d'Alstom, et encore moins dans le bureau, entre M. Kayser et M. Montebourg. Je ne peux donc pas savoir exactement quels propos ont été tenus. J'en ai discuté encore récemment avec Siemens ; c'est en tout cas ainsi que je comprends ce qui s'est passé à l'époque. Mais vous pourrez interroger les différents acteurs.
Pour être franc, alors que j'étais à la division Transport, de nombreuses offres ont été mises sur la table et de nombreuses discussions ont eu lieu. Nous avons travaillé sur des offres partielles relatives au matériel roulant, mais jamais sur une offre complète de la part de Siemens.
A-t-on songé à la possibilité de travailler en GIE, ou sous d'autres formes de partenariat ?
Nous participons fréquemment à des accords de consortium, lorsque notre outil industriel ne nous permet pas de répondre à un appel d'offres précis. Notre objectif est d'accroître notre compétitivité par rapport à nos concurrents – CRRC dont on parle beaucoup ; Hitachi, qui a récemment racheté Ansaldo ; mais d'autres acteurs bougent aussi.
Il faut donc rechercher la plus grande efficacité. Je ne vois pas comment des GIE complexes, des alliances dans lesquelles on soupèse tous les éléments pour savoir s'ils sont bien équilibrés à la fois entre les États partenaires et entre les différentes composantes du groupe, peuvent générer de l'efficacité, de la rapidité, de la flexibilité, de l'agilité, dans des marchés qui sont extrêmement évolutifs. Il me semble qu'il faut aller vers la simplicité. Et celle-ci passe par la fusion des deux entreprises, qui permet d'unifier la gestion.
On parle beaucoup des TGV : mais il faut savoir qu'ils représentent à la fois quelque chose de très important mais une part relativement faible de notre chiffre d'affaires. Et vous-même m'avez demandé si les nouvelles versions de l'ICE allemand n'étaient pas au moins aussi compétitives. Or, dans ce métier, c'est le client qui décide quel train il souhaite – à la différence du secteur automobile, où l'on propose au client un certain nombre de modèles. Si le TGV en France a un double niveau, ce n'est pas parce qu'Alstom l'a décidé, mais parce que la SNCF a voulu qu'il en soit ainsi. De la même façon, c'est la Deutsche Bahn qui a décidé de l'ICE qu'elle voulait.
Il continuera donc à y avoir des TGV. Le TGV du futur garde toute sa pertinence dans la mesure où il a été développé bien évidemment pour l'export, mais d'abord et avant tout pour la SNCF. On travaille d'ailleurs dans le cadre d'un format tout à fait novateur – et à mon sens très positif – de partenariat et d'innovation avec la SNCF, pour développer conjointement ce TGV du futur ; c'est dire à quel point « la patte » de la SNCF est importante dans sa définition. Encore une fois, il s'agit d'un TGV qui est fait pour la SNCF, et que l'on essaiera ensuite d'exporter.
Contrairement à ce que l'on croit parfois, il n'y aura pas de choix de gamme. Si l'on veut s'allier, c'est pour aller vers plus d'innovations, plus de recherche dans la digitalisation, plus de standardisation, pour mettre en commun des sous-systèmes et des outils d'ingénierie, afin de gagner en efficacité. Mais les portefeuilles de produits existants continueront clairement à coexister, sous forme de plateformes.
En décembre 2014, vous étiez déjà président de la branche Transport d'Alstom. J'ai sous les yeux le document projeté lors de l'Assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 19 décembre 2014, et destiné à convaincre ces derniers de l'intérêt de la vente. La moitié des pages – quinze ou vingt – racontent la « merveilleuse histoire » d'Alstom « Transport » après la vente. On y explique que cette branche fait à elle seule plus de la moitié de la profitabilité du groupe et qu'il faut donc se débarrasser de la branche « Power », que l'Alliance avec GE sera donc profitable, y compris dans le domaine ferroviaire. Avec le recul du temps, reconnaissez-vous que cela procédait d'une vision quelque peu euphorique ? Ou en tout cas qu'il y manquait des perspectives que vous avez découvertes depuis ?
Pas du tout, monsieur le président. Je crains que nos points de vue ne soient irréconciliables : je maintiens que ce que nous faisons aujourd'hui avec Siemens permet justement de poursuivre cette merveilleuse histoire, alors que vous n'y voyez qu'un pis-aller…
Encore une fois, cela fait vingt ans que je travaille chez Alstom, et je n'ai pas l'impression de mettre aujourd'hui fin à son histoire et de faire une opération négative. Oui, il y a une perspective : je vous rappelle que depuis 2011, depuis que je suis à sa tête, le chiffre d'affaires de la branche « Transport » a augmenté de plus de 50 %, et que depuis 2014, nous avons remporté de très nombreux succès commerciaux. Nous avons un carnet de commandes record. Oui, l'histoire continue à être très belle.
Pourquoi ne pas avoir informé à ce moment-là les actionnaires qu'il serait nécessaire, en tout état de cause, de trouver un partenariat ? Il y a de quoi être surpris : en 2014, on leur dit des choses très positives sur Alstom, qui va pouvoir devenir le champion français et européen ; mais trois ans après, on leur explique qu'il faut « vendre » aux Allemands – dans la mesure où l'accord que vous avez signé permet à Siemens de racheter Alstom. Il y a un chaînon manquant…
Pouvez-vous nous préciser quand vous avez pris langue avec Siemens, quand vous avez entamé des pourparlers pour mettre en place ce nouveau partenariat ? Est-ce une initiative personnelle, que vous avez prise en tant que patron d'Alstom ?
Je ne peux pas dater cette volonté d'engager des rapprochements et de participer à la consolidation du transport ferroviaire. Je ne suis pas allé rechercher toutes les déclarations faites dans la presse, mais c'était sur la table depuis un certain temps.
Exactement : l'idée d'une consolidation du transport ferroviaire n'est pas nouvelle. Mais qui en a parlé le premier ? Je peux vous répondre qu'au conseil d'Alstom, nous avons évoqué plusieurs fois les différentes options. Nous avons regardé l'univers des possibles et c'est l'option Siemens qui nous a paru la meilleure. Eux-mêmes regardaient de leur côté : des rumeurs ont couru sur des discussions entre Siemens et Bombardier. Qu'il soit nécessaire pour l'industrie européenne de se consolider ne constitue en rien un élément nouveau.
Encore une fois, et c'est peut-être sur ce point que je diffère avec vous, l'option du rapprochement avec Siemens ne me paraît pas être négative. Elle me paraît au contraire fondamentalement positive.
Ensuite, que Siemens soit un actionnaire de contrôle me paraît également une option positive. Que le siège de la nouvelle entité soit en France, que celle-ci soit toujours cotée en France, avec un conseil d'administration et une direction en France, mais avec un actionnaire de contrôle allemand constitue, selon moi, un bon équilibre.
Maintenant, non, ce n'est pas une initiative personnelle. On en a très largement débattu au sein du conseil d'administration d'Alstom, comme avec le gouvernement français. Personne n'a donc été surpris. Du reste, je n'ai pas lu précisément leurs déclarations, mais les organisations syndicales n'ont pas dit avoir été surprises qu'Alstom veuille participer à la consolidation du ferroviaire. Cela n'a rien d'une nouveauté en soi.
L'annonce de cet accord avec Siemens, et la décision de l'État de ne pas exercer d'option d'achat sur les actions de Bouygues, ont été concomitantes. Est-ce à dire que les Allemands se seraient opposés à l'accord si l'État était devenu définitivement actionnaire d'Alstom ? Quel est votre avis là-dessus ?
Je n'en ai pas. Une opération globale a été arrêtée, des équilibres mis au point. Depuis le premier jour, cette opération a été présentée, proposée, acceptée par les uns et par les autres. On peut toujours essayer de refaire les négociations, et chercher si, dans tel ou tel cas, elles auraient ou non abouti. Je n'en sais absolument rien. Je ne peux pas vous répondre.
Autrement dit, premièrement, vous pensez que c'était sans doute indifférent, et deuxièmement, vous n'avez jamais évoqué cette question avec vos partenaires de Siemens…
Non, ce n'est pas exactement ce que j'ai dit. J'ai dit que cela faisait partie des critères de départ de cette opération, qui a été présentée en tant que telle.
La question que vous posez est de savoir si elle se serait faite ou pas dans le cas où nous aurions pris une autre option ; je ne peux y répondre. Cela fait partie des critères qui ont été acceptés depuis le premier jour par l'ensemble des parties, Siemens, Alstom et le Gouvernement français.
Vous nous avez dit clairement, il y a quelques minutes, que vous entendiez vous dégager des trois joint-ventures et de les céder à GE. J'imagine que vous avez déjà eu des discussions avec GE sur ce sujet ? En savez-vous davantage sur les intentions de ce groupe ? Entend-il rester propriétaire de l'entièreté du capital ou cherchera-t-il à faire entrer d'autres partenaires à la suite de votre désengagement ?
Je n'ai pas plus d'informations que celles que GE vous a données il y a une heure…
Ce n'est pas eux qui allaient faire état de votre volonté de vous désengager… Peut-être aurions-nous dû vous auditionner avant eux ! Mais ce n'est pas une difficulté, car nous avons tout loisir de nous revoir.
Très concrètement, avez-vous évoqué avec eux – oui, d'après ce que j'ai compris – votre souhait de vous désengager ? Par ailleurs, avez-vous une information sur leur souhait de rester intégralement actionnaires ?
Je n'ai aucune information là-dessus. Nous nous désengageons ; ils vous ont expliqué eux-mêmes, il y a une heure, qu'ils n'avaient pas l'intention de se désengager, et j'en prends note.
Une expression revient souvent, notamment dans la bouche des syndicats : vous auriez été durant ces trois années « un actionnaire dormant ». Cette expression vous paraît-elle excessive et injuste ? Vous ne revendiquez pas, et vous avez eu l'honnêteté de le dire, d'avoir été un actionnaire volontaire et actif : pour vous, ce n'est pas un secteur d'avenir…
Encore une fois, je me méfie des adjectifs. Depuis l'origine, des règles ont été établies, qui répartissaient les rôles entre General Electric et Alstom dans ces joint-ventures. Le rôle opérationnel était confié à General Electric ; celui d'Alstom se bornait à vérifier un certain nombre de décisions stratégiques. Pendant toute cette période, nous avons suivi ce qui se passait. Mais comme il n'y a pas eu beaucoup d'opérations stratégiques, il n'y a pas eu pour Alstom matière à agir sur ces sujets-là.
Notre commission d'enquête s'intéresse aux conditions dans lesquelles est intervenue la vente de la branche Power d'Alstom à General Electric en 2014.
Lors d'une audition devant la commission des affaires économiques, Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, avait répondu à notre collègue Daniel Fasquelle qui lui demandait s'il avait le sentiment que la procédure lancée par le Department of Justice (DOJ) au titre de la corruption avait pesé sur la décision de M. Kron : « Oui, j'en ai la conviction, même si je n'en ai pas la preuve ». S'il s'agit d'une pression psychologique, il est effectivement difficile d'en avoir la preuve.
Par ailleurs, dans le cadre d'une étude intitulée « La corruption internationale -changer les pratiques », l'ONG Sherpa a évoqué le cas d'Alstom. Ce document est assez édifiant. Il indique que le groupe était touché depuis une époque très ancienne par de très nombreuses opérations de corruption, et que ses efforts répétés de conformité ont été plutôt vains – notamment pendant la période où vous en étiez le directeur financier. Et de conclure qu'en raison de l'importance des sommes versées à des consultants, et du fait que l'une des principales mesures prises pour contrôler les sorties d'argent avait consisté à centraliser le recrutement desdits consultants, les autorités ne pouvaient pas ne pas en avoir connaissance. Du reste, le communiqué de presse du DOJ qui prend acte du settlement est lui aussi accablant sur la multiplicité des procédures.
Nous poserons évidemment la question à M. Kron. Mais vous-même, en tant que directeur financier, en considérant ces affaires comme secondaires, ne pensez-vous pas avoir été un peu présomptueux ? Car si l'on comprend bien ce qui s'est passé, elles auront joué un rôle déterminant dans le démantèlement du groupe Alstom.
Alstom est totalement convaincu de la nécessité de renforcer en permanence le contrôle sur la conformité, l'éthique et la compliance. Nous avons été l'une des premières entreprises françaises et européennes à avoir été certifiées ISO 37001, la dernière norme anticorruption à avoir été émise. C'est un symbole, qui prouve le poids que nous donnons à l'éthique et à la conformité au sein du groupe.
Le « plaider coupable », dont j'ai fait distribuer la traduction à tous les membres de la commission d'enquête, est éloquent. Pour reprendre les propos qu'à tenus par le procureur de la République à l'adresse M. Kron, je ne vous demande pas de me dire ce que vous faites de bien, je vous demande de me dire ce que vous continuez à faire mal… Ce « plaider-coupable » est accablant sur la façon dont des dirigeants d'entreprise ont laissé piéger une grande entreprise française – au-delà de toutes les procédures et des certifications qui, je vous l'accorde, avaient déjà été données à Alstom.
Ces certifications n'existaient pas à l'époque. Mais effectivement, nous avons connu des situations difficiles.
Je ne peux pas vraiment répondre à ce que vous dites sur le DOJ. De mémoire, ses enquêtes ont dû commencer en 2010-2011, date à laquelle je n'étais plus directeur financier du groupe. Mais il est exact qu'il faut faire des efforts en permanence.
Qu'est-ce que l'on fait de bien, qu'est-ce que l'on fait de mal ? Personnellement, j'estime qu'on ne fait jamais assez d'efforts, ni assez de contrôles en ce domaine. Et évidemment, on peut toujours mieux faire.
Vous n'étiez plus directeur financier du groupe, mais je note qu'en 2007, Alstom a été condamné pour corruption au Mexique ; en 2008, de nouveau condamné pour corruption en Italie ; en 2011, une procédure a été ouverte en Suisse – et visiblement, la justice suisse transmet des documents aux Américains. Donc, il y a eu des affaires de corruption partout dans le monde…
Absolument. Je ne suis pas en train de le nier : je parlais du DOJ en particulier.
Avez-vous le sentiment d'avoir pris, avec Patrick Kron, toute la mesure de ces procédures ? C'est un témoignage intéressant que l'on vous demande. On voit aujourd'hui quel est le poids de ces procédures : un excellent rapport rédigé à l'Assemblée nationale par Karine Berger et Pierre Lellouche, au cours de l'ancienne législature, montre à quel point ces procédures anticorruption font peser une menace sur l'industrie française. Vous connaissez évidemment la celle qui vient d'être engagée à l'encontre d'Airbus ; et j'ai le souvenir de l'amende de 9 milliards d'euros prononcée à l'encontre de BNP. Ce sont des sujets extrêmement lourds.
Avez-vous le sentiment qu'à l'époque de Patrick Kron, ce sujet avait été pris au sérieux ? N'aurait-on pas faire preuve de légèreté ? Ce « plaider coupable » s'est tout de même soldé par une amende de plus de 700 millions de dollars !
Je comprends mieux votre question.
Soyons directs, je ne me place absolument pas dans cette perspective. Le sujet principal, pour moi, consiste à combattre la corruption au jour le jour. De votre côté, vous faites allusion à un sujet sur lequel je n'ai absolument rien à dire, ni aucune preuve à apporter, à savoir la pression que pourrait exercer la DOJ, et la manière dont les entreprises françaises, comme Airbus ou la BNP seraient traitées par la justice américaine.
Je pensais que vous m'aviez demandé si l'on prenait suffisamment au sérieux les problèmes de corruption. Ma réponse est très claire : on ne les a jamais pris suffisamment au sérieux. Mais permettez-moi de faire un rapprochement avec les problèmes de sécurité.
Une de mes plus grandes fiertés en tant que dirigeant d'Alstom « Transport » depuis maintenant six ans, est d'avoir pu diviser par trois le nombre d'accidents au travail, malgré l'augmentation de l'activité. Malgré cela, nous avons eu à déplorer l'année dernière, en Inde, le décès un jeune homme de 23 ans, tombé d'un train en faisant des travaux. C'est un drame, que je regrette amèrement. De la même façon, vous pourriez me demander si nous prenons suffisamment pris au sérieux la question de la sécurité. Vous pourriez également me demander rétrospectivement si mes prédécesseurs, qui avaient à déplorer trois fois plus de taux d'accidents qu'aujourd'hui, prenaient suffisamment cette question au sérieux. Oui, on peut toujours faire des progrès. Et quand vous faites des progrès, on peut toujours vous rétorquer que c'est parce que vous étiez mauvais dans le passé…
Mais revenons à la corruption et aux procédures. Je me suis engagé totalement à éliminer partout et de plus en plus finement la non-conformité, de la même manière que je me suis engagé totalement à améliorer la sécurité de nos employés à travers le monde. C'est à cela que je m'attaque. Je n'entrerai donc pas dans un débat, qui est assez éloigné de mon quotidien, sur les pressions exercées par tel ou tel pays.
Je voudrais me concentrer sur le protocole d'accord Alstom-Siemens : comme l'a rappelé le président Marleix, c'est l'événement déclencheur de la demande de commission d'enquête présentée par le groupe Les Républicains. L'important est d'étudier avec grande attention cet événement déclencheur, sans rentrer dans d'autres considérations, et se gardant de toute théorie du complot. J'aurai quatre questions à vous poser.
La première porte sur la concurrence de marché. Une entreprise industrielle n'est jamais seule sur un marché mondial. Ce n'est pas une histoire de grand méchant loup, comme on l'a entendu tout à l'heure : la concurrence existe dans tous les secteurs, elle évolue dans le temps, et parfois très rapidement. Des géants industriels peuvent tomber en quelques années, voire en quelques mois – ce fut le cas de l'entreprise RIM et de son BlackBerry, du fait de l'émergence de l'iPhone. Une situation concurrentielle peut rapidement avoir un impact dramatique sur certains secteurs industriels, avec des fermetures à la clé.
En d'autres termes, la concurrence n'est pas un conte de fée qui serait figé dans le passé ; c'est la réalité quotidienne des entreprises, qui évolue dans le temps. Or Alstom a pour concurrent CRRC, dont le chiffre d'affaires est quatre fois supérieur au sien. Selon vous, quelles auraient été les perspectives de croissance du chiffre d'affaires d'Alstom en l'absence de tout rapprochement, étant donné les forces commerciales en présence et leurs évolutions possibles ?
Deuxième question : quel plan B aurait pu être mis en place si le rapprochement avec Siemens n'avait pas eu lieu ? Quelles étaient les alternatives ?
Troisième question, sur les quatre engagements pris : Siemens sera coté en France et dirigé par un Français ; le siège mondial sera situé en France, tout comme la direction de l'activité du matériel roulant ; l'emploi en France sera maintenu pendant quatre ans ; enfin, le ministre de l'économie prendra la direction du futur Comité national de suivi.
Quel regard portez-vous sur ces engagements ? Vous connaissez bien le monde industriel en général. Mais connaissez-vous beaucoup d'entreprises et de secteurs industriels qui, dans le contexte de concurrence actuel, sont en mesure de garantir le maintien de l'emploi pendant quatre ans, sachant que l'on en a vu disparaître en quelques mois ou en quelques années ?
Ma quatrième et dernière question porte sur les investisseurs étrangers en France. Le ministre de l'économie actuel a déclaré en octobre, au cours d'une audition parlementaire :
« J'ai un peu de mal à comprendre, sauf par xénophobie ou germanophobie à peine dissimulée, les critiques de certains, d'ailleurs sur beaucoup de bancs, de toute la classe politique, vis-à-vis de Siemens. »
« On peut critiquer certains points bien entendu, mais je trouve que faire jeter la suspicion sur le partenaire allemand comme certains le font est d'abord faux par rapport à la réalité de ce que Siemens a fait en France, et dangereux du point de vue politique. »
Partagez-vous ce sentiment ? Certains, dans un élan uni de protectionnisme ou de nationalisme, ne sont-ils pas en train de faire le procès des investisseurs étrangers en France ? Ce serait tout à fait curieux, quand on sait que Siemens est présent en France depuis plus de cent ans.
Je crois me souvenir que le ministre de l'économie, ce jour-là, avait eu le bon goût de citer Bismarck à la fin de son intervention…
Monsieur le rapporteur, en évoquant la concurrence, vous avez abordé deux enjeux principaux de l'alliance entre Alstom et Siemens.
Les évolutions des technologies et des marchés sont extrêmement rapides. Personne ne pouvait imaginer que le coût de l'énergie solaire allait rattraper, dans un délai si bref, celui du charbon ou du nucléaire. Vous avez cité, à juste titre, le cas de BlackBerry : on peut disparaître très rapidement, si l'on n'est pas capable d'anticiper. Il est donc essentiel de pouvoir expérimenter en même temps plusieurs technologies qui pourraient être celles de l'avenir. Nous testons, par exemple, en ce moment tout à la fois l'autoroute électrique et le train à hydrogène. Évidemment, je crois beaucoup à ces projets, mais je n'ai pas de certitude : peut-être sera-ce un pari gagnant, peut-être pas. Il est clair que dans un monde en mouvement permanent, faire les mauvais choix, comme BlackBerry, c'est disparaître.
Si l'on veut être sûr d'être encore là demain, il faut donc impérativement parier aujourd'hui sur différentes technologies, et rester extrêmement innovant. Nous faisons le pari de l'hydrogène – mardi dernier, je me suis exprimé au One Planet Summit de Paris en tant que représentant du Conseil de l'hydrogène –, mais je ne mettrais pour autant pas ma main à couper que l'économie de l'hydrogène sera une réalité dans cinq ans. Il y a une quinzaine d'années, je siégeais au conseil d'administration de Ballard, une entreprise qui fabrique des piles à combustible. À l'époque, nous pensions qu'elles équiperaient toutes les voitures dans les cinq ans. Quinze ans après, force est de constater, qu'il n'en est rien – ce qui ne signifie pas non plus que cette solution est définitivement morte. Qu'il s'agisse des aspects numériques, avec l'invention de nouveaux modèles, ou des aspects technologiques, nous sommes obligés de tester des innovations parce que personne ne sait quelle sera la solution définitive qui accompagnera la décarbonation du transport ; ce serait faire preuve d'arrogance que de prétendre le contraire.
Nous évoluons dans un secteur concurrentiel : CRRC fait quatre fois notre taille, mais CRRC n'est même pas le fer de lance de l'industrie chinois, car, derrière lui, il y a des génie-civilistes spécialisés dans le ferroviaire : CREC et CRCC, qui font chacun 90 milliards de chiffre d'affaires en portant le projet dit « One Belt One Road » que les Chinois développent à travers le monde. Sur certains marchés, de la même manière que les génie-civilistes chinois construisent des barrages, des génie-civilistes chinois spécialisés dans le ferroviaire, construisent les infrastructures et font ensuite appel à du matériel chinois.
Dans un tel contexte, les perspectives de croissance d'Alstom sans Siemens seraient bien moindres : sans cette alliance, nous ne parviendrions sans doute pas à conserver un, deux ou trois pas d'avance sur nos concurrents chinois en termes de technologies et d'innovation. À défaut d'être en mesure de nous battre sur les coûts, notre chance, notre espoir et notre stratégie, c'est de nous battre sur l'innovation, sur les coûts d'exploitation, et sur les critères environnementaux. Et sur tous ces terrains, il est évident qu'avec Siemens, nous sommes clairement bien mieux armés que sans Siemens.
Monsieur le rapporteur, il n'y avait pas de plan B en tant que tel. D'autres options étaient envisageables – on a parlé de Bombardier ou de Thales par exemple –, mais elles n'étaient pas sur la table ; elles n'étaient que théoriques. La partie « Signalisation » de Thales était d'ailleurs beaucoup moins transformante, et surtout elle n'était pas à vendre. Même théoriques, ces options ont toutes été considérées comme étant moins efficaces et moins porteuses d'avenir que l'ensemble Alstom-Siemens.
Vous avez, à juste titre, évoqué le nationalisme économique. Il faut rappeler l'histoire d'Alstom, que j'ai moi-même vécue. Si, lorsque nous avons acheté Fiat Ferroviaria, le gouvernement italien avait protesté contre l'emprise française, considérant qu'il s'agissait de l'un des fleurons du patrimoine industriel italien, nous aurions mis en place une sorte de partenariat un peu bancale. De même, si, le gouvernement allemand s'était opposé au rachat par Alstom de Linke Hofmann Busch (LHB), il nous aurait fallu monter un autre partenariat, et la même chose en Espagne et au Brésil… Vous imaginez à quoi ressembleraient les grands groupes européens s'ils étaient une sorte de patchwork de semi-partenariats au motif qu'aucun État ne voudrait prendre le risque d'alliances globales – je parle de risque, mais, en l'espèce, notre accord est extrêmement équilibré. Jamais Alstom n'aurait pu se développer dans ces conditions.
Je considère que l'opération dont nous parlons est positive. Elle se situe dans la parfaite lignée de l'histoire d'Alstom. Je l'ai rappelé : il y a vingt ans, nous étions « GEC-Alstom », une entreprise franco-anglaise, et, en 1928, Alsthom est né d'une entreprise française et d'une entreprise américaine. De tout temps, les alliances ont existé. Il serait très négatif pour l'industrie de se crisper sur des questions de nationalité, alors même que des combats sont en cours : celui de la décarbonation des transports, la concurrence avec les grands acteurs asiatiques… Ces combats méritent que l'on passe outre les questions de nationalité. Alstom ne serait jamais devenu Alstom si tous les pays avaient adopté des positions frileuses.
Le Gouvernement considère-t-il l'activité de signalisation comme stratégique, au sens du décret dit Montebourg sur les investissements stratégiques, et de la loi ?
L'activité transport est considérée, dans son ensemble, comme stratégique par le décret sur les investissements étrangers soumis à autorisation préalable. Cela dit, l'histoire de la signalisation en France n'est pas aussi simple qu'on pourrait le croire : qui fait la signalisation des TGV aujourd'hui ? Hitachi, un groupe japonais… Traditionnellement, la signalisation d'Alstom est principalement italienne, belge, et française pour le milieu urbain. Nous avons progressivement développé une signalisation « grandes lignes » en France, et, aujourd'hui, nous travaillons très bien avec SNCF Réseau.
Je veux rappeler devant notre commission d'enquête que l'Assemblée nationale a déjà travaillé depuis un certain temps sur ces sujets. Monsieur le rapporteur, jusqu'à ce matin, Patrick Kron était le seul à avoir utilisé l'expression « théorie du complot » pour qualifier des faits, et non des élucubrations. Il y a une légitimité du travail de l'Assemblée nationale, et cela vaut aussi pour les questions que nous posons : la situation est suffisamment établie à longueur d'articles de presse pour qu'elle ne soit pas qualifiée de « théorie du complot » par notre rapporteur.
Monsieur le président-directeur général, des questions précises vous ont été posées, et j'ai trouvé vos réponses un peu fuyantes.
La question sur la corruption est particulièrement claire : nous ne vous demandons pas seulement si, en interne, de nouvelles normes ont commencé à être mises en place ; nous voulons savoir si, avec le recul, vous considérez qu'Alstom a sous-estimé les affaires de corruption et le fait que les procédures anticorruption peuvent être utilisées dans une stratégie visant à absorber une entreprise dans un contexte de guerre économique.
J'en viens aux conséquences du rachat par General Electric de la branche énergie d'Alstom sur la branche « Transport ». À l'époque, plusieurs de nos interlocuteurs, et pas n'importe lesquels, soutenaient que la branche transport ne survivrait pas dans ce contexte, qu'elle ne tiendrait pas toute seule. Une question vous a été posée : quand les discussions ont-elles commencé avec Siemens ? Nous avons besoin d'une réponse précise, d'une date.
Dans le cadre d'autres fonctions, je me suis battue pour la construction d'acteurs européens industriels de l'énergie et du transport. J'ai conduit des discussions exploratoires avec le PDG d'Alstom et avec celui de Siemens, ainsi qu'avec mon homologue allemand, dans la perspective de la construction d'un « Airbus de l'énergie » et d'un « Airbus du transport ». Mes interlocuteurs étaient totalement fermés sur ces sujets. Ils expliquaient que des projets de cette nature n'étaient ni possibles ni envisageables à cause des doublons. Que dites-vous aujourd'hui de ce problème des doublons qui inquiète beaucoup les organisations syndicales ? Quel sera le coût social de l'opération en cours, sachant que l'on nous opposait l'argument des doublons en 2012-2013 pour écarter tout rapprochement entre Alstom et Siemens, dans le secteur de l'énergie comme dans celui du transport ?
Hier, lors de son audition devant notre commission d'enquête, Arnaud Montebourg reconnaissait qu'en 2014 la guerre entre Siemens et Alstom était totale – il parlait évidemment de guerre commerciale. Cela peut nous faire douter que l'offre émise à l'époque ait été aussi aboutie que celle présentée aujourd'hui. Nous nous félicitons que les perspectives aient changé, et que le rapprochement entre deux grands acteurs européens soit possible. Il vous appartient désormais de pacifier les relations au sein de la nouvelle entreprise.
Nous avons entendu le discours des syndicats auquel nous avons été sensibles. Ils reconnaissent eux-mêmes l'existence de synergies entre Siemens et Alstom dans le domaine ferroviaire, mais déplorent un manque relatif de transparence s'agissant du pacte d'actionnaires. À titre d'exemple, j'imagine qu'ils aimeraient en savoir davantage sur le pari de l'hydrogène dont vous nous avez parlé. De façon générale, ils souhaiteraient avoir davantage de détails sur la politique d'investissement du groupe. Ils ont également exprimé une certaine crainte s'agissant des effets de la fusion qui pourraient ralentir le processus de prises de commandes et, plus encore, s'inquiètent de se que sera la politique de ressources humaines du groupe : comment pourra-t-on garantir un certain équilibre dans ce domaine, entre la France et l'Allemagne, quand on sait la puissance du syndicat IG Metall ?
Vous avez été, pendant de longues années, directeur financier d'Alstom dont vous connaissez nécessairement bien la structure et la santé financière. Comment expliquez-vous qu'en 2014, le groupe ait émis un profit warning, alors que les résultats précédents ne laissaient rien pressentir, et qu'au lendemain de l'accord de 2015 on se soit rendu compte que cette décision n'était ni vraiment nécessaire ni vraiment justifiée ?
Estimez-vous normal que le conseil d'administration de 2016 ait déjugé l'assemblée générale qui avait refusé, à une majorité de 62 % – parmi lesquels les voix de l'État –, la rémunération de 6,5 millions de M. Kron ? Comme vous le savez, cette décision a provoqué le vote d'une loi visant à donner le dernier mot aux actionnaires. À l'aune de ce que l'on voit et de ce que l'on sait aujourd'hui, pensez-vous que la décision du conseil d'administration était appropriée ?
Je m'interroge sur le rôle des administrateurs d'Alstom dans les trois coentreprises. Je souhaite que vous nous communiquiez leurs noms, leurs rémunérations et les taux de présence aux diverses réunions afin que nous puissions nous assurer qu'ils ont effectivement mené leur tâche à bien et que nous avions bien affaire à trois coentreprises et pas uniquement à General Electric.
Monsieur le rapporteur, les craintes que plusieurs de nos collègues ont exprimées à propos de la fusion d'Alstom et de Siemens ne relèvent d'aucun « nationalisme économique ». Elles concernent plutôt le rôle que les États peuvent jouer et leur coopération pour construire un véritable projet industriel européen. Les clients sont les États et les collectivités : ils ont certainement leur mot à dire pour bâtir ensemble un projet européen, comme cela s'est fait pour Airbus. Monsieur Poupart-Lafarge, pourquoi cette piste a-t-elle été écartée ?
Les syndicats ont unanimement formulé des doutes sur l'accord entre Alstom et Siemens, ainsi que des craintes sur l'avenir des sites français d'Alstom. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les mesures d'économies, à hauteur de 470 millions d'euros, annoncées dans le communiqué conjoint relatif à la fusion ?
On parle de garantie de l'emploi pour quatre ans. Dans le secteur ferroviaire, tout le monde sait que ce délai n'est rien, puisque l'on connaît déjà les commandes pour cette période. Il est facile de communiquer sur les quatre prochaines années ; mais, au-delà de ce délai, quel est l'avenir des sites français ? Sur quels marchés comptez-vous pour le futur ? Pouvez-vous garantir le maintien des sites français d'Alstom au-delà de ces quatre ans ?
Alstom et Bombardier ont travaillé ensemble, au sein d'un consortium, pour répondre à d'importants appels d'offres, en particulier ceux du STIF – devenu Île-de-France Mobilités. Quel est l'avenir de ce consortium sachant qu'il faut s'attendre, dans l'avenir, à des appels d'offres très importants ? Bombardier ne risque-t-il pas d'être mis à l'écart en raison de la fusion avec Siemens ?
En 2020, 3,5 milliards d'êtres humains vivront en zones urbaines, et les vingt-huit mégapoles de 10 millions d'habitants et plus seront devenues quarante et une en 2030 – cette progression se poursuivra encore en Asie et en Afrique. Tout cela signifie que de grands marchés se développeront dans les prochaines années en matière de transport ou d'énergie – sont concernés, en particulier, le stockage de l'énergie et le développement des énergies renouvelables.
Parce que le transport le seul domaine concerné, et que les innovations surviendront dans d'autres secteurs, nous sommes amenés à nous interroger sur la décision d'Alstom d'abandonner son métier et ses activités liés à l'énergie, même si l'on sait que l'énergie et le transport, ce n'est pas la même chose. Reste que dans ces deux secteurs, les besoins iront croissants, y compris en matière d'hydraulique, notamment en Afrique, ce qui peut nous inciter à nous poser des questions sur le site de Grenoble.
La décision de construire un champion européen pour être fortement présent sur ces marchés futurs procède d'une démarche dont personne ne contestera le bien-fondé. Cela dit, monsieur Poupart-Lafarge, vous avez fait preuve d'une certaine adresse dans votre présentation en parlant d'une alliance avec Siemens comme si cette entreprise était le deuxième actionnaire du futur groupe. Ce qui n'est pas tout à fait le cas : Siemens sera majoritaire, de peu, certes, mais suffisamment pour pouvoir exercer la totalité du pouvoir.
Je crois que l'on peut légitimement s'interroger sur les choix d'Alstom dans la branche énergie à côté de General Electric. Votre participation dans les coentreprises a souvent été considérée comme « dormante », et vous annoncez, ce matin, que vous souhaitez vous désengager rapidement. Vous comprenez bien que cela peut être considéré comme un signal extrêmement négatif de la volonté du futur groupe de maintenir des unités industrielles fortes sur le territoire national. Loin de nous l'idée d'une approche « nationaliste » ; reste que la part de l'industrie dans notre PIB est passée, en assez peu de temps, de 18 à 11 %, alors qu'en Allemagne elle reste à 23 % du PIB… Je rappelle aussi que la balance commerciale allemande est très excédentaire, ce qui n'est pas le cas en France. La présence de sites industriels forts sur le sol national est donc bien une question stratégique.
Je connais le monde de l'industrie ; j'en viens. Je ne crois pas un seul instant que les discussions avec Siemens qui ont abouti à l'accord dont nous parlons n'ont pas donné lieu à une réflexion approfondie sur ce que sera la politique industrielle des années à venir. Lorsque vous parlez des évolutions du monde, je sens bien que vous ne songez pas aux quatre prochaines années, mais à la situation d'ici à dix, vingt ou trente ans. Vous vous projetez dans le futur et vous avez bien raison. Je ne dis pas qu'une décision définitive a été prise concernant tel ou tel site, mais lorsque l'on discute de synergies entre entreprises, cette discussion a un contenu. Les synergies ne sont pas des abstractions ; à un moment donné, tant du point de vue de la recherche et développement que de celui de l'industrie, elles ont forcément une traduction concrète, et je suis persuadé que vous avez une idée de ce qu'elle pourrait être.
Les garanties pour l'emploi auraient-elles pu être plus ambitieuses si la fusion s'était déroulée avec plus de transparence, davantage de consultations et moins de précipitation – pour reprendre les inquiétudes exprimées par les syndicats d'Alstom ?
Selon vous, les garanties données par Siemens sont-elles suffisantes ? Pouvez-vous répondre aux craintes de pertes d'emploi exprimées par les salariés du groupe Alstom ?
Monsieur Poupart-Lafarge, je veux revenir sur les réponses que vous nous avez apportées, ou plutôt sur ce qui constituait davantage des non-réponses. Le manque de précision dont vous avez fait preuve pour répondre aux questions du président ou de Mme Delphine Batho a de quoi surprendre de la part d'une personne de votre qualité. Certes, vous nous avez parlé de votre histoire personnelle – nous en savons maintenant à peu près tout –, mais nous avons beaucoup de mal à obtenir des réponses sur ce qui s'est réellement passé en matière de corruption par exemple. J'étais membre de la commission des affaires économiques lors de la dernière législature ; je n'ai rien appris de nouveau ce matin, et j'en suis très surpris.
On nous donne le sentiment que la stratégie sur trois ans n'aurait pas été réfléchie en 2014, alors que l'on nous parle aujourd'hui de stratégie à dix ou vingt ans… Je reste persuadé que l'on n'a pas changé de paradigme du jour au lendemain. Bien des éléments expliquaient le choix entre Siemens et General Electric, et, à l'évidence, des situations probablement extrêmement gênantes ont favorisé telle ou telle décision.
Notre commission d'enquête travaille sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle. Alors que ministre de l'économie a annoncé la création d'un comité de suivi de la fusion, comment envisagez-vous réellement le contrôle de l'État ? Celui-ci a-t-il un véritable rôle à jouer dans ce comité de suivi ? On annonce quatre engagements pour les quatre prochaines années, mais, dans ce délai, ils pourraient connaître la même prospérité que les co-entreprises aujourd'hui abandonnées… Nous avons besoin de savoir comment vous considérez notre intervention. Vous contentez-vous de passer nous voir pour sacrifier à un exercice obligé en étant certain de pouvoir faire prendre ensuite les décisions que vous voudrez ? Comprenez que si mes questions sont aussi naïves, c'est parce que j'ai le sentiment que l'on se moque de nous…
Quel type d'investisseur souhaitez-vous sur le long terme en remplacement de Bouygues ? Un investisseur allemand comme Siemens ?
Je vous remercie pour toutes vos questions.
Je conçois qu'il puisse y avoir un peu de déception de votre part sur un certain nombre de sujets, mais je ne peux pas répondre là où je n'ai pas la réponse.
Madame Batho, je le dis et je le redis, je n'ai jamais vu l'utilisation de la corruption pour favoriser telle ou telle opération en fusion-acquisition. C'est pour cette raison que je me situais dans le combat contre la corruption et pas du tout dans ces considérations très éloignées de ce que je vis au jour le jour en tant que dirigeant d'entreprise. Je sens que cette réponse ne vous satisfait pas, mais c'est la réalité.
Je n'étais pas d'accord avec l'idée que la branche du transport d'Alstom ne pouvait pas continuer à vivre et n'avait pas la taille critique pour vivre, et je persiste à dire qu'Alstom pourrait vivre : je ne me situe pas dans un contexte où nous serions le dos au mur. À l'époque, Il y avait déjà des débats sur la consolidation de l'activité ferroviaire.
Vous me demandez quand nous avons commencé à discuter avec Siemens, et vous voulez une réponse précise. Là aussi, je suis désolé de ne pas avoir donné de réponse très précise. C'est comme une relation humaine, on ne sait pas quand elle a commencé…
Mais nous, on se voit en continu. Et un jour, on décide de lancer l'analyse plus précisément. C'était au printemps 2017.
Il y a eu des déclarations à droite, à gauche : la consultation, c'était une histoire dans l'air. Il me semble que Siemens ait discuté avec Bombardier, si j'en crois ce que la presse a rapporté. Tout le monde discutait un peu avec tout le monde. Ce que j'essaie de vous citer, c'est le moment où on s'est assis autour de la table et où l'on a dit qu'il convenait d'étudier sérieusement ce projet : c'était au printemps de cette année. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'épisodes précédents qui ont échoué.
Mais c'est là qu'on a décidé de mettre réellement en branle la machine pour étudier cette opération.
Il ne vous aura pas échappé que cette période-là n'était pas très éloignée de la fin du précédent gouvernement… Non, il n'a pas été prévenu le premier jour. Nous avons d'abord voulu savoir dans quel cadre pouvait s'inscrire cette alliance, cette fusion. Le cadre a été défini pendant les élections. Nous avons attendu quinze jours pour discuter avec le nouveau gouvernement. Il ne nous a pas semblé très utile, peut-être à tort, de prévenir quinze jours avant les élections, d'autant que, vous connaissez mieux que moi le contexte politique, l'ancien gouvernement ne pouvait pas être le nouveau. Il valait mieux attendre quinze jours.
À quelle date précise une entreprise décide-t-elle d'étudier l'opportunité de se rapprocher d'une autre ? Dans beaucoup de secteurs économiques, et cela me paraît plutôt sain, les conseils d'administration des entreprises regardent en permanence leurs options sur la table. Pour avoir travaillé dans l'industrie, je sais qu'on ne découvre pas une opportunité de fusion-acquisition, d'achat, de cession à un instant T et à une date précise, comme par magie, en se disant qu'il y a là une super-occasion à saisir… Ces décisions se préparent dans le temps. Parfois rien ne se fait pendant plusieurs années, et un jour la même option revient sur la table.
Dans le quotidien des entreprises, qu'elles soient industrielles ou non, ces options de fusionner ou pas, d'acheter ou pas, de céder ou pas, découlent d'études stratégiques à long terme qui se mènent en permanence. Je comprends pour ma part qu'il soit difficile de dater précisément le début d'un rapprochement : si l'on posait la question à des conseils d'administration, ils seraient incapables de vous dire à quelle date l'idée même de fusionner a germé. D'où mon propos sur la difficulté à dater.
Mais pourquoi ne dit-on pas un mot de ces réflexions aux actionnaires d'Alstom en décembre 2014 ?
Comme je l'ai dit, ces sujets revenaient souvent sur la table des conseils d'administration. Il nous a semblé au final que c'était la meilleure option.
Vous m'interrogez sur le coût social et les doublons. On discute beaucoup de la pertinence du rapprochement. Un chiffre me fait très plaisir : en interne, 80 % des employés d'Alstom – car nous les interrogeons – trouvent ce rapprochement positif pour l'entreprise. Malgré l'anxiété que peut susciter une telle mutation – il est normal qu'elle engendre de l'anxiété, puisqu'elle crée de l'incertitude pour l'avenir –, 80 % des employés d'Alstom considèrent que le rapprochement entre Alstom et Siemens est une bonne opération et qu'il ouvrira des perspectives. Tous les gens qui travaillent pour Alstom sont des spécialistes et savent au jour le jour comment cela se passe. Ce pourcentage répond aussi un peu à votre question sur les frères ennemis : cela prouve bien que, dans le corps de l'entreprise, Siemens n'est pas perçu comme l'ennemi ; et je suis persuadé que le sondage chez Siemens, que nous aurons bientôt, donnera un résultat identique. Il y a une volonté et une énergie extrêmement positive qui se dégage au sein des deux groupes sur cette opération. Les salariés, qui vivent au jour le jour la concurrence et les évolutions du transport de manière beaucoup plus proche que vous et moi, portent une appréciation très positive sur ce rapprochement.
Il y a, c'est vrai, des interrogations sur l'emploi. Aurait-on pu garantir davantage l'emploi ? Prenons un peu de recul. Combien de sites Alstom « Transport » ont-ils été fermés ces dernières années ? Aucun.
La politique industrielle en matière de transport est assez particulière. Comme vous l'avez dit, tous nos clients sont publics. Beaucoup de clients en Europe et dans le monde privilégient la proximité géographique en ce qui concerne la fabrication. Cela oblige une multiplication des sites dont l'intérêt n'est pas uniquement économique, en tout cas économiquement optimum : cette proximité de l'unité de production répond avant tout à une demande des clients. De ce point de vue, les synergies dégagées, au-delà des aspects liés à l'innovation, se traduiront en termes de structure – finances, ressources humaines, etc. –, mais surtout en termes de sous-systèmes pour essayer de standardiser, par exemple, notre gamme de moteurs ou de générateurs d'air conditionné. Nous en avons de toutes les puissances : 12, 15, 20, 30 kilowatts ; on essaiera de travailler avec nos sous-traitants pour uniformiser nos gammes de manière à être plus efficaces. Tout l'enjeu du ferroviaire consiste à proposer à la fois des solutions proches du client, au sens physique et au sens fonctionnel – comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est la SNCF qui définit son train –, et à chercher des plateformes.
Les clients automobiles sont moins sensibles au lieu de production.
On peut peut-être regretter qu'ils ne le soient pas assez, mais c'est un autre débat.
Le client ferroviaire est quant à lui très sensible au lieu de production parce qu'il s'y rend et que c'est en général une entité publique soucieuse de l'emploi local.
Lorsque nous avons racheté Fiat Ferroviara, il ne nous serait jamais venu à l'esprit de fermer l'usine située en Italie : elle existe toujours et c'est elle qui fabrique des trains pour l'Italie. Comme vous le savez, les sites français produisent pour la France et pour l'export.
Lorsque vous m'interrogez dans d'autres circonstances, je vous parle souvent de la charge des sites français. Je le dis et je le répète, la charge des sites français est très liée au marché français pour cette raison. On continuera à faire de l'export. à partir de la France, mais la charge des sites français est liée avant tout au marché français. Nous sommes effectivement très sensibles aux fluctuations de ce marché, au TGV du futur, aux projets de RER et de métro en Île-de-France en cours de discussion.
Le dialogue social est très important. Je n'ignore pas qu'il y a un dialogue social en Allemagne et un autre en France. Alstom compte 9 000 employés en France sur 32 000, et Siemens peut-être 11 000 ou 12 000 employés allemands sur 32 000 également. Je rencontre régulièrement les syndicats espagnols, italiens, etc., qui ont un peu l'impression d'être oubliés dans nos dialogues et dans notre communication : là aussi, faisons attention au message que nous faisons passer. Ils se demandent s'ils peuvent avoir mieux en termes de garantie de l'emploi. Ils ont une garantie globale sur la France, sur l'Allemagne, mais pas sur l'Italie ni sur l'Espagne ; les syndicats demandent légitimement pourquoi le traitement est différent entre ces pays. Je le répète, peu d'entreprises donnent une garantie d'emploi globale sur un territoire aussi large, d'autant que les décisions ne nous appartiennent pas totalement.
Pour reprendre l'exemple de l'industrie automobile, on peut dire que Renault ou PSA peuvent décider de produire à tel ou tel endroit. Pour notre part, nous n'avons pas ce choix. Si la SNCF ou la RATP cessent d'acheter à Alstom, nous aurons beaucoup de mal. C'est ce qui s'est passé notamment sur Belfort : cela fait dix ans que l'on n'a pas commandé de locomotives de fret à Alstom. Afin de trouver de l'activité pour notre site de Belfort, on essaie de vendre à la Russie, au Kazakhstan, en Inde, mais on rame, parce que le marché français en fret s'est écroulé.
Nous n'aurions pas pu mieux faire en matière de garantie d'emploi. Une garantie importante a été donnée dans un contexte clairement anxiogène pour nos employés, mais qui ne nous appartient pas complètement. Aujourd'hui, même si nous connaissons des succès importants aux États-Unis, le Buy american act fait que 90 % du train doit être fabriqué aux États-Unis : du coup, ce sera profitable pour l'ingénierie en France mais pas pour la fabrication. Cette garantie sur l'emploi est ambitieuse, mais nécessaire au vu du contexte dans lequel on se situe aujourd'hui.
Vous avez parlé de l'emploi industriel, sujet qui me tient à coeur. Nous sommes tous soucieux de l'avenir de l'industrie en France, et les chiffres que vous citez sont extrêmement négatifs. Chacun sait qu'il y a eu ces dernières années des pertes d'emploi industriel en France. Il ne faut pas se tromper de combat. Je n'ai pas vu d'études précises qui feraient un lien entre la détention du capital et l'emploi industriel, et pas davantage d'études qui expliqueraient que les groupes français ont été massivement achetés par les étrangers alors qu'eux-mêmes n'auraient pas massivement acheté des groupes à l'étranger. On a parlé de Suez qui avait racheté GE « Water ». Il y a en permanence des achats et des ventes. Le solde est-il positif ou négatif pour la France ? Je n'en sais rien. Lorsque vous êtes fabricant de turbines à vapeur, vous ne vous improvisez pas fabricant de panneaux solaires. Il n'est donc pas évident de se reconvertir dans une autre activité ; c'est pourtant ce que fait le groupe Total.
La question centrale est celle de la compétitivité de nos territoires. La question de savoir pourquoi les Allemands ont conservé plus d'emplois industriels que la France est plus complexe que celle de la détention du capital. Je sais que le gouvernement s'y attache, et je suis certain que vous vous préoccupez tous de la compétitivité de vos territoires. C'est un vrai débat. Je ne sais pas quel angle vous souhaitez donner à cette commission d'enquête, mais au-delà de la question de savoir si l'État doit prendre des mesures pour empêcher l'entrée d'investisseurs étrangers, c'est celle de savoir comment on rend le territoire français attractif pour l'industrie qui est à mon avis essentielle.
En tout cas, je le vis quotidiennement en tant que dirigeant d'entreprise. Nous sommes soucieux de la compétitivité. Il ne sert à rien de mettre des barrières artificielles si la compétitivité du territoire n'est pas au rendez-vous.
Il y a un représentant d'Alstom au conseil d'administration, mais je n'ai pas pour habitude de jeter en pâture des noms. Ils ont été présents à tous les conseils d'administration des joint-ventures et l'État a été présent, comme l'a rappelé GE, au conseil d'administration de la joint-venture nucléaire, avec une sorte de golden share, un droit de vote particulier.
Vous avez vous-même donné la réponse à la question salariale que vous avez posée : la loi n'était pas particulièrement bien faite. Donner des pouvoirs conduisait à faire voter l'assemblée générale d'un groupe sur des actions passées impossibles à corriger, quand bien même on l'aurait voulu. Une fois la prime payée, au-delà des aspects d'opportunité, il n'y avait aucun moyen juridique d'inverser la décision. Si la loi a été modifiée, c'est bien parce qu'elle n'était pas efficiente.
Il se trouve que, pour des raisons que je regrette quelque part – mais nous ne pouvons nous en prendre qu'à nous-mêmes – Bombardier est extrêmement florissant sur le marché français. Il y a une dizaine d'années, Bombardier a été attributaire du contrat de la nouvelle automotrice Transilien (NAT) et du contrat Regio 2N. Du coup, dix ans après, le site de Bombardier à Crespin est surchargé tandis que le nôtre, celui de Valenciennes, se retrouve très sous-chargé. Au cours des auditions, on m'a souvent interrogé sur Bombardier. Si aujourd'hui Alstom souffre énormément en termes de charges, ce n'est pas simplement parce que le marché français est mauvais, mais c'est aussi parce que Bombardier en a pris une énorme part… Permettez-moi donc de ne pas pleurer totalement sur son sort !
Alstom est en consortium avec Bombardier ; ce consortium va se poursuivre, bien évidemment. Tous les engagements d'Alstom sont bien évidemment repris par la société, de la même manière que tous les engagements de Siemens « Mobilité » sont repris par la nouvelle société. Il n'est pas question de modifier les engagements. Le consortium sur le RER NG continuera sur le RER NG.
On ne peut pas savoir quel sera l'avenir : un consortium répond à des problématiques très précises. Si nous nous sommes associés avec Bombardier pour le RER NG, c'est parce que les cadences demandées par la SNCF via le syndicat des transports d'en Île-de-France (STIF) étaient telles que nous n'étions pas capables de répondre seuls. Tout cela s'analyse appel d'offres par appel d'offres, mais c'est une problématique locale – au sens français du terme. Il n'y aura pas de changement dans l'état d'esprit. Mais je ne peux pas répondre à votre question : tout dépend de l'appel d'offres. Sur les rames MP 14, nous avons répondu tout seul, tandis que pour le RER NG, nous avons répondu avec Bombardier.
À l'avenir, dans Alstom-Siemens, il ne sera donc pas impossible de répondre à des appels d'offres avec Bombardier.
A priori, ce ne sera pas impossible.
Je souhaite vous interroger sur l'origine des capitaux dans les entreprises et la puissance industrielle du pays concerné. En Allemagne, le volume de la capitalisation boursière est de près de 50 % du produit intérieur brut (PIB), contre 87 % en France. La contribution de l'industrie au PIB en Allemagne est le double de celle de la France, ce qui signifie que la stabilité des capitaux en Allemagne permet d'avoir une industrie beaucoup plus forte que chez nous. Dire que ce lien explique à lui seul la puissance industrielle de l'Allemagne serait certainement hasardeux, mais ne pas tenir compte de cette réalité le serait tout autant.
C'est la question de la poule et de l'oeuf…
Je vous prie de m'excuser de ne pas avoir répondu à votre question, mais Bouygues est là.
Bouygues ne fait pas mystère de sa volonté de se désengager ; Martin Bouygues s'est publiquement exprimé sur ce sujet. Il faudra donc trouver un nouvel actionnaire. C'est un sujet important pour l'avenir de votre entreprise. Est-ce Siemens qui doit tout reprendre à l'avenir ou bien souhaitez-vous une autre solution ?
Honnêtement, je n'ai pas connaissance de cette déclaration de Martin Bouygues. Comme je l'ai dit, nous avons un actionnaire de référence, Siemens, qui est un très bon actionnaire ; nous sommes cotés sur la bourse de Paris ; nous ne ressentons pas la nécessité d'en chercher un autre, ni aujourd'hui ni demain.
Ce peut être la bourse, ou quelqu'un d'autre… Nous verrons bien.
La séance est levée à treize heures quinze.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 14 décembre 2017 à 11 h 20
Présents. - Mme Delphine Batho, Mme Anne-Laure Cattelot, Mme Dominique David, Mme Sarah El Haïry, M. Guillaume Kasbarian, M. Bastien Lachaud, M. Olivier Marleix, M. Hervé Pellois, Mme Natalia Pouzyreff, M. Frédéric Reiss, M. Fabien Roussel, M. Denis Sommer
Excusé. - M. Éric Girardin