Il faut repartir de l'essence de l'État, assurer et garantir les droits de chacun, promouvoir des solidarités, une cohésion économique, sociale, territoriale, environnementale, et préparer l'avenir. Car les forces spontanées du marché et de la concurrence conduisent à une polarisation économique, sociale, territoriale… L'État doit donc compenser les abus et les erreurs du marché.
De ce point de vue, la lecture de l'exposé des motifs du projet de loi est passionnante et s'inscrit parfaitement dans cette refondation. C'est peu dire que l'auteur, en octobre 2014, de la note de la Fondation Jean Jaurès « Réformer l'État par la société », se retrouve dans la stratégie de transformation proposant la confiance a priori, le droit au contrôle, le rôle de conseil, pour ne citer que ces éléments figurant dans le texte. À ce titre, ce projet de loi me semble aller dans le bon sens.
Mais, car il y a toujours un « mais » : ce texte s'inscrivant dans une problématique de Nouveau monde – au sein duquel toutefois l'Ancien monde demeure présente –, il ne faudrait pas créer de faux espoirs en assortissant chaque disposition de tant d'exemptions et d'exceptions qu'elle finirait par ne produire que peu d'effets. C'est bien ce qui s'est passé, sous la précédente législature : il y avait tellement d'exceptions au principe que l'absence de réponse valait acceptation, que cette grande idée a fait flop.
Il faudrait donc que votre commission spéciale et le Parlement encadrent strictement les exceptions au droit à l'erreur afin qu'elles ne deviennent pas la règle : c'est la règle qui doit l'emporter sur l'exception. La phrase « en cas de première méconnaissance involontaire d'une règle applicable à sa situation », signifie que l'on n'a le droit de se tromper qu'une fois mais il faut que cela ne vaille que dans le cas où la situation est strictement identique. Cette notion étant au coeur du débat, il faudra être très attentif à cette formulation.
Il conviendrait encore de compléter les marques de confiance en créant des conditions de participation démocratique à l'élaboration des lois, à l'évaluation, au contrôle. Des expérimentations ont lieu, mais cette idée est absente du texte.
Autre grand absent du texte : le dialogue social à l'intérieur de l'État, fondé sur l'attachement massif des agents publics à des services publics de qualité, répondant aux besoins des citoyens et à leurs évolutions. C'est à partir de là que l'on coconstruira, avec les décideurs politiques – qui ne sauraient le faire seuls – et les agents publics, les réponses adaptées aux besoins de notre société.
Ce dialogue doit toutefois partir de sa finalité : répondre aux besoins du citoyen.
Un dispositif de traitement systématique des plaintes et réclamations devrait par ailleurs être institué, comme cela se pratique dans d'autres pays d'Europe. Les plaintes, si elles sont souvent injustifiées, mettent aussi fréquemment en évidence des dysfonctionnements que les équipes dirigeantes ne connaissent pas forcément, pour la bonne raison qu'elles ont la responsabilité de cinq ou six millions d'agents publics. Un tel outil serait intéressant pour recréer la confiance.
Le titre II me semble en complet décalage avec le reste du projet : il énumère de nombreuses mesures, dont je ne conteste pas l'utilité, mais on n'y parle plus de confiance. On retrouve là les DDO, ces diverses dispositions que l'on colle de force dans un texte sous la pression des énarques de Bercy.
Pour que le texte ne perde pas son sens, je vous suggère donc de dissocier ce titre II du titre Ier qui, lui, a vraiment trait à la confiance. Or, nous ne travaillons pas pour nous-mêmes, mais pour redonner confiance à nos concitoyens.