Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du vendredi 5 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Gestion des finances publiques ; transformation et fonction publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; remboursements et dégrèvements ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Nous examinons ce matin les crédits des quatre missions Gestion des finances publiques, Transformation et fonction publiques, Régimes sociaux et de retraites et Remboursements et dégrèvements. Je ne m'exprimerai pas sur cette dernière, ma collègue Christine Pires Beaune ayant déjà, en tant que rapporteure spéciale, exposé sa position sur ces crédits, et je concentrerai mon propos sur la mission "Gestion des finances publiques" .

Cette année encore, vous avez décidé de continuer la suppression des postes de la DGFIP, après des suppressions déjà massives. Avec 2 300 postes en 2018, 2 130 en 2019, 1 500 en 2020, 1 800 en 2021 et avec, cette année, une suppression de 1 505 postes supplémentaires, c'est une baisse totale de 7 730 postes sur le quinquennat.

Ces chiffres sont déjà consternants, mais ils ne racontent pas toute l'histoire, car ce sont des chiffres de la variation nette des postes. Ce qu'ils ne laissent pas transparaître, c'est que non seulement certains postes sont supprimés, mais que d'autres sont transformés. Cette année, par exemple, 120 postes de catégorie A+, 499 postes de catégorie A et 1 547 postes de catégorie B sont supprimés, tandis que 660 postes de catégorie C sont créés – soit, en vérité, 2 166 postes supprimés et 660 autres créés.

Nous connaissons d'avance la réponse : vous nous direz que la baisse des personnels de la DGFIP est prévue de longue date et résulte de la restructuration du réseau des finances publiques. Toutefois, cela ne change pas le problème de fond, car la question de savoir si ces suppressions étaient prévues ou non n'est pas pertinente : la seule bonne question c'est celle de savoir si la DGFIP a les moyens d'assurer un service de qualité, ou même simplement d'assurer correctement ses missions. Manifestement, la réponse est non.

Tout d'abord, au quotidien, nous remonte des territoires le constat qu'un nombre croissant d'entreprises doivent composer avec des trous de trésorerie importants, qui correspondent souvent à des factures adressées aux collectivités et qui restent trop longtemps en attente. En plus des risques de contentieux que cela créé, c'est aussi, bien entendu, un risque pour le tissu économique, car peu de PME peuvent se permettre de demeurer longtemps avec des impayés. C'est, en outre, un risque pour nos collectivités : à force, les entreprises vont rechigner à travailler avec elles, elles vont être moins nombreuses à répondre aux appels d'offres et la qualité ou le prix de leurs prestations s'en trouveront impactés.

Par ailleurs, comme si les effectifs de la DGFIP n'étaient pas assez amputés, certains personnels sont détachés pour assurer les permanences dans les maisons France Services pour assurer ses missions de proximité et les engagements pris auprès des élus. Mais pour combien de temps ? C'est une vraie question que nous posons, parce que ce fonctionnement n'est durable ni pour la DGFIP si des postes ne sont pas créés à cette fin, ni pour les maisons France Services.

Cette décentralisation ne va pas assez loin et reste cantonnée dans les villes moyennes, en raison des contraintes d'attractivité pour le personnel. Envisagez-vous des moyens, notamment des primes, pour encourager le personnel à accepter des mutations dans la ruralité la plus profonde ?

Enfin, et surtout, la diminution drastique des moyens humains sur le quinquennat a un autre effet désastreux : qu'il s'agisse des Paradise papers, des CumEx Files, des Panama papers ou des Pandora papers, les révélations de contournement des règles fiscales deviennent si régulières et les conséquences concrètes en termes de lutte contre ces pratiques sont si peu nombreuses qu'il y aurait de quoi désespérer. Ces affaires reçoivent, finalement, le même traitement que les rapports du GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat : cinq minutes d'émoi sur les plateaux de télévision, et on passe à autre chose !

On parle pourtant de 8 000 milliards d'euros par an de manque à gagner pour les États à travers le monde, dont des centaines de milliards pour la France, soit cent fois plus que l'estimation de la fraude sociale. Il y a de l'argent à récupérer et de la justice fiscale à insuffler, et il est incompréhensible que vous refusiez d'y consacrer les moyens, humains et légaux nécessaires.

Les dernières révélations sur les Pandora papers montrent que la raquette est encore trouée : s'il faut faire évoluer le droit, comme nous vous le proposerons lors de l'examen des articles non rattachés, il faut aussi consacrer des moyens à une vraie politique de lutte contre la fraude fiscale. C'est du bon sens : l'argent que l'État y gagnera sera bien plus important que les économies que vous proposez aujourd'hui.

Le groupe Socialistes et apparentés ne votera donc pas les crédits de la mission "Gestion des finances publiques" – sauf, bien sûr, si vous acceptez notre amendement visant à annuler la suppression des postes.

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