Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du vendredi 5 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

Dans tous les scénarios, même ceux qui laissent une part importante au nucléaire, le rapport RTE récemment publié montre la nécessité pressante de développer les énergies renouvelables, d'améliorer la performance de nos bâtiments et de décarboner nos transports et notre économie. Les dégâts causés par le dérèglement climatique ont été, ces dernières années, plus terribles que jamais pour nos agriculteurs, nos territoires, notre planète. Au quotidien, l'énergie est aussi devenue un enjeu extrêmement important qui affecte le pouvoir d'achat de nos compatriotes, la compétitivité de nos entreprises et l'indépendance de notre pays.

Dans un tel contexte, nous pouvions espérer un budget de combat pour notre politique énergétique. Mais le bilan du programme 174 est malheureusement en demi-teinte.

Du côté positif, retenons que le plan de relance, venu renforcer et accélérer l'application de plusieurs dispositifs fin 2020, reste actif en 2022. Le dispositif MaPrimeRénov' rencontre le succès depuis son lancement, mais le montant des primes versées rapporté à leur nombre permet de constater qu'il soutient essentiellement des gestes uniques de rénovation, la plupart sans gain énergétique mesurable, donc très loin des rénovations complètes et performantes qu'il faut nécessairement réaliser pour atteindre la neutralité carbone du parc en 2050. Il bénéficiera en 2022 d'une enveloppe de 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement. L'enveloppe allouée à l'acquisition de véhicules propres est quant à elle stabilisée à 506 millions d'euros. Enfin, le projet de budget affiche une progression potentielle de la production annuelle d'énergies renouvelables de 6 térawattheures, en cohérence avec la PPE.

Plus décevant, il n'est pas prévu de revaloriser le chèque énergie en 2022, malgré un alourdissement structurel des factures dont l'effet est déjà douloureux pour les ménages les plus fragiles. Le supplément ponctuel de 100 euros ne compense pas les hausses constatées depuis le début de l'année et il n'est pas prévu de le verser à nouveau en 2022. Quant au bouclier tarifaire, il tend à stabiliser les prix à un niveau déjà élevé et prévoit en réalité un amortissement de la facture dans le temps. Les Français paieront donc leur énergie plus cher, plus longtemps. Quant au bonus écologique sur l'achat des voitures particulières, même si le Gouvernement vient de promettre un sursis de quelques mois, il finira par être à nouveau réduit au risque de casser la petite dynamique de verdissement du parc et de faire de la voiture électrique un produit réservé aux plus aisés. Enfin, on ne sait pas si, au-delà de 2022, MaPrimeRénov' permettra de poursuivre au même rythme la rénovation thermique des logements.

J'observe également que le soutien à l'hydrogène vert est bien lent à se déployer : à peine 410 millions d'euros de crédits de paiement en 2022 sur les 2 milliards d'euros d'autorisations d'engagement. Il est pourtant urgent d'accélérer la recherche sur la production d'hydrogène bas carbone, indispensable à la décarbonation de nos transports lourds.

Je regrette que les prévisions des charges pour service public de l'énergie ne permettent pas de savoir quels moyens seront réellement mobilisés par l'État pour financer les nouvelles capacités de production d'électricité verte. Ces dépenses sont en effet noyées dans la masse des compensations dues aux installations existantes. L'enveloppe prévisionnelle totale pour l'électricité renouvelable est même affichée en baisse de 946 millions d'euros, en conséquence de l'envolée des prix du marché qui réduit le poids des compensations. Pourquoi ne pas profiter de ces économies pour lancer de nouveaux appels à projet, proposer des guichets et offrir des compléments de rémunération attractifs, de façon à accélérer le développement des énergies renouvelables, par exemple avec les stations de transfert d'énergies par pompage (STEP) ?

J'ai consacré la partie thématique de mon avis aux zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, les ZNI, et plus particulièrement au soutien national qui leur est apporté pour leur permettre de satisfaire leurs besoins en électricité tout en réalisant leur transition énergétique. En raison de leurs spécificités géographiques et climatiques, les coûts de production de l'électricité y sont jusqu'à cinq fois supérieurs à ceux de la métropole. La solidarité nationale a donc prévu plusieurs dispositifs d'aide pour assurer aux populations de ces territoires un accès à l'électricité suffisant, sécurisé et abordable. La péréquation tarifaire et la compensation par l'État du manque à gagner dont pâtissent les fournisseurs du fait de coûts de production ou d'achat plus élevés qu'ailleurs ont été des leviers importants de l'électrification des ZNI et restent la base du soutien de l'État au développement de leurs énergies renouvelables.

Ces diverses compensations, inscrites dans les charges de service public de l'énergie financées par le programme 345, connaissent une forte dynamique : 1,87 milliard d'euros de dépenses en 2015, 2,16 milliards en 2022. La Commission de régulation de l'énergie envisage d'ailleurs une progression d'environ 7 % par an au cours des cinq prochaines années, liée au développement de la motorisation électrique et à la mise en service de nouvelles capacités de production.

Cette aide massive de l'État est indispensable, non seulement au nom de la solidarité avec nos concitoyens des ZNI, mais parce que le développement actif des énergies renouvelables est, dans ces territoires aux mix énergétiques très carbonés et dépendants des importations, encore plus nécessaire qu'ailleurs. Il y va de la protection de l'environnement et de leur autonomie énergétique, mais c'est aussi, à terme, un enjeu d'économie pour les finances publiques.

Coresponsables de cette stratégie dans le cadre de leurs programmations pluriannuelles de l'énergie locales, les collectivités font preuve de beaucoup de volontarisme. Toutefois, il reste à lever diverses contraintes relatives à l'utilisation des terres, à la préservation des emplois liés aux énergies fossiles ou aux recettes fiscales qui en sont issues. Sur ces diverses questions, responsables nationaux et locaux n'ont pas toujours les mêmes réponses. Il faut accompagner les ZNI qui méritent d'être des territoires d'innovation et d'expérimentation.

Pour conclure, je donnerai un avis de sagesse sur les crédits de la mission "Écologie, développement et mobilité durables" .

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