Intervention de Olivier Marleix

Réunion du jeudi 21 décembre 2017 à 10h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, président :

Mes chers collègues, nous recevons ce matin M. Thierry Boisnon, président de Nokia France, M. Loïc Le Grouiec, directeur des ressources humaines, et M. Marc Charrière, directeur des relations institutionnelles.

Cette audition fait suite à l'audition des représentants des organisations syndicales de Nokia France, le 30 novembre dernier, puis à l'audition des représentants des organisations syndicales d'Alcatel Submarine Networks (ASN) tenue à huis clos, le 7 décembre.

Le rachat d'Alcaltel-Lucent par Nokia, autorisé par le Gouvernement français en octobre 2015, avait créé une certaine émotion. Cette opération, intervenue presque jour pour jour un an après la vente par Alstom des deux tiers de ses activités, mettait un point final au grand conglomérat que les plus anciens d'entre nous ont pu connaître, Alcatel-Alsthom, héritier de la Compagnie générale d'électricité (CGE). En l'espace de deux ans, c'était la deuxième entreprise du CAC40 qui passait sous le contrôle d'investisseurs étrangers, en l'occurrence le groupe finlandais Nokia.

À la différence d'Alstom, il faut reconnaître que ce mariage n'était pas une surprise tant les difficultés d'Alcatel-Lucent s'étaient accumulées. Depuis le mariage entre Alcatel et Lucent, le groupe n'avait en effet jamais dégagé de bénéfices, d'exercice en exercice.

Au moment de la fusion – fait qui a pu surprendre certains –, Nokia et Alcatel-Lucent réalisaient des chiffres d'affaires comparables, même si la profitabilité de Nokia était infiniment supérieure.

Depuis janvier 2016, Alcatel-Lucent n'existe plus : l'entreprise a été intégrée à Nokia dont elle est devenue la filiale française.

Messieurs, votre audition va permettre de dresser le bilan de la fusion intervenue en 2016. Cela est d'autant plus opportun que Nokia a récemment annoncé un plan d'économies de grande ampleur. Elle envisage de se séparer de sa filiale ASN, considérée comme particulièrement stratégique.

Le groupe Nokia, spécialisé dans la conception, la production et la commercialisation d'équipements de communication, est un champion européen avec 24 % de parts de marché mondiales et 24 milliards d'euros de chiffres d'affaires, derrière le géant chinois Huawei. Il est d'une taille comparable à celle du suédois Ericsson. Toutefois, les deux équipementiers européens ainsi que l'américain Cisco ont du mal à faire face à la concurrence chinoise, de plus en plus active sur les marchés internationaux.

Au total, les effectifs du groupe en France s'élèvent à 5 260 salariés répartis entre quatre filiales, Alcatel-Lucent International (ALUI), Nokia Solutions and Networks, ASN et Radio Frequency Systems (RFS).

Les effectifs français ont continué de fondre. Alcatel-Lucent puis Nokia France ont connu huit plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) en dix ans. Ces restructurations ont été la conséquence d'une succession de révisions stratégiques dans un marché mondialisé des équipements de communication particulièrement compétitif.

Dans le cadre de l'accord signé par le PDG de Nokia et le ministre de l'économie, qui était alors Emmanuel Macron, Nokia s'est engagé à maintenir le niveau d'emploi des deux principales filiales à 4 200 salariés pendant au moins deux ans après le rachat, soit jusqu'en janvier 2018, à condition que le crédit d'impôt recherche soit maintenu. Le groupe s'est également engagé à embaucher 500 ingénieurs supplémentaires pour la recherche et développement d'ici à la fin de l'année 2018. En outre, il avait communiqué sur le fait que la fusion lui permettrait de dégager 900 millions d'euros d'économies au titre des synergies à partir de 2019.

Le 6 septembre dernier, un nouveau plan social a été annoncé. Il aurait pour conséquence la suppression de 597 postes en France dans des fonctions de support, essentiellement sur les sites de Saclay et de Lannion.

Si le groupe Nokia a réitéré ses engagements initiaux de 2015, d'aucuns doutent qu'il les tienne. Nous aimerions savoir si ces engagements seront respectés, en particulier le maintien des effectifs à 4 200 salariés. Nous souhaiterions également avoir des précisions sur le contenu du plan d'économies et sur les moyens de parvenir aux synergies visées. Nous serions heureux d'avoir votre éclairage sur le comité de suivi mis en place à la suite de la vente d'Alcatel-Lucent : quelle est sa composition et combien de fois s'est-il réuni ?

Enfin, ne pensez-vous pas que la succession de plans de sauvegarde de l'emploi porte atteinte à l'image de Nokia et rend encore plus difficile les recrutements, notamment de jeunes ingénieurs ?

Nokia semble vouloir spécialiser sa filiale française dans trois activités principales : le développement de la 5G, la cybersécurité et l'internet des objets. La stratégie du groupe doit être détaillée dans des feuilles de route. Où en êtes-vous de leur élaboration ? Il semblerait que leur présentation ait été repoussée jusqu'à la fin du mois de février. Pouvez-vous en dessiner les grandes lignes et nous indiquer quels investissements, en cours ou programmés, ont été décidés pour atteindre les objectifs du groupe dans ces trois domaines ? Il avait été question, au moment de l'accord, de créer un fonds d'investissement de 100 millions d'euros. Où en êtes-vous ?

Les organisations syndicales se sont émues, devant nous, du fait qu'il y avait peu de Français aux postes jugés décisionnels : ainsi, le comité exécutif des Bell Labs ne compterait que des Américains. M. Marc Rouanne, qui était autrefois le patron de l'innovation chez Alcatel, n'y siège pas. Savez-vous pourquoi ?

Enfin, la vente annoncée d'ASN nous préoccupe particulièrement car cet acteur majeur du câblage sous-marin entre clairement dans le champ des actifs « stratégiques » au sens de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier. Pourriez-vous nous indiquer, sans entrer dans les clauses relevant du « Confidentiel défense », quels engagements l'État vous a demandés ? Quelles conditions a-t-il posées pour la vente ? Pouvez-vous nous en dire plus sur la procédure ? La transaction a été annoncée au printemps et un mandat a été confié à une banque au mois de juin. Où en est-on six mois après ? Combien d'offres avez-vous reçues ? Quels critères retiendrez-vous pour choisir l'acquéreur ? Comptez-vous toujours vendre ? La question se pose car il semblerait que les offres ne soient pas à la hauteur de ce qui était visé.

Je vous rappelle que les témoignages devant les commissions d'enquêtes se font sous serment. Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander, messieurs, de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

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