Il est certain qu'au début de l'année 2016, Alcatel-Lucent a vécu une transition profonde. Depuis des générations, ce groupe était dirigé à partir de la France. La situation devient très différente dès lors qu'il n'y a plus de headquarter au sens classique dans le pays. Cela étant, la situation est particulière dans le groupe Nokia qui fonctionne beaucoup plus que les autres avec des directions décentralisées. La France a effectivement perdu le siège de la présidence du groupe : notre président est en Finlande, le groupe est basé à Helsinki ou travaille son président, mais nos Business Group sont basés aux États-Unis, en France – et la présidence des réseaux mobiles en France est extrêmement importante –, en Espagne, en Belgique. Aucune entité de ce niveau n'est située en Finlande.
Évidemment, les décisions sont réparties dans le monde et les organisations syndicales ne manquent pas de souligner. Il y a indéniablement eu un changement d'organisation. Nous essayons de définir différemment le dialogue social dans un périmètre beaucoup plus français : de nombreuses discussions ont porté sur la responsabilité de la France pour la direction de certains comptes dans le monde, par exemple en Afrique, mais, alors que la France a eu historiquement des activités commerciales dirigées vers ces pays, ce n'est plus du tout le modèle opératoire qui prévaut désormais. Le périmètre d'action a changé. Il faut s'y adapter. Le mode opératoire également a changé, du fait de la transformation digitale de chacun des groupes. De nombreuses fonctions, comme celles de la logistique, sont de plus en plus soit réalisées par des partenaires, soit purement et simplement numérisées.
La totalité des presque cinq cents postes que nous supprimons ne sont pas recréés : ils disparaissent carrément de l'organisation. L'anticipation en la matière est compliquée, mais nous nous y essayons toujours plus et nous avons mis en place des programmes pour expliquer les effets de la digitalisation en termes d'emplois, de postes, d'éducation et de formation.
Nous comprenons ce qui nous est dit. Nous avons conscience que nous avons une culture différente. Nokia a une culture par objectifs très différente de celle d'Alcatel-Lucent. Le groupe sait par ailleurs prendre rapidement des décisions – c'est probablement ce qui explique sa longévité depuis 152 ans. Il sait surtout mettre ces décisions en oeuvre de façon extrêmement rapide. Cette réactivité choque les personnels d'Alcatel-Lucent, même au-delà de la France. Aujourd'hui les décisions prises sont exécutées. Elles sont même parfois assez brutales : lorsque nous avons constaté qu'une partie de l'activité vidéo, avec la caméra OZO, ne donnait pas les résultats attendus, nous l'avons immédiatement interrompue. C'est une nouvelle culture, qui permet parfois d'être beaucoup plus agile.
Conscients de la nécessité de faire comprendre ce changement de culture, nous avons voulu intensifier notre communication interne. Au mois d'octobre dernier, nous avons organisé un événement sur le site de Saclay : le « 5G Smart Campus Event ». Nous avons présenté aux 4 000 personnes qui y travaillent toutes les nouvelles technologies dans lesquelles nous investissons, à travers à une cinquantaine de « démos ». Cet événement a permis à chacun de comprendre à quelle vitesse les nouvelles technologies se développent et évoluent. Il a aussi permis à ceux qui y assistaient d'accompagner cette transformation. Lorsque Nokia a repris Alcatel, nous avons reformé, en moins de neuf mois, 1 300 personnes sur les 4 000 du site de Paris. On n'avait jamais vu cela dans le secteur des télécoms. Ces personnes, qui ont changé d'activité, ont été formées à la nouvelle technologie 5G. Lorsque l'on touche de cette manière 1 300 personnes sur 4 000, cela crée inévitablement des tensions et des changements ; nous nous efforçons d'y prêter toute notre attention.