Intervention de Denis Grégoire

Réunion du mercredi 20 décembre 2017 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Denis Grégoire, secrétaire général de la CFDT finances :

La loi ne pourra pas tout faire, et de façon quelque peu paradoxale, la question sous-jacente est celle de sa mise en oeuvre et de la responsabilité, en fait du droit à l'erreur de l'agent public. Sommes-nous dans un système qui favorise la prise de risque et l'initiative en reconnaissant à l'agent public un droit à l'erreur ? La réponse à cette question n'est pas la même selon les situations rencontrées.

S'agissant de la gouvernance des administrations, de l'éloignement des centres de décision et de la nécessaire prise en compte des attentes des citoyens, il faut se garder des conceptions jacobines ou girondines.

Je prendrai pour exemple la DGCCRF : voilà une administration appartenant à Bercy, placée sous une double interministérialité dans les directions départementales interministérielles (DDI) et les DIRECCTE. Dans un cadre national, régional ou départemental, elle répond à des missions résultant parfois de dispositions de niveau européen. On peut donc logiquement se demander quel est l'échelon pertinent pour exercer des contrôles, la DGCCRF ayant une vocation répressive ?

En outre cette administration comporte de petites unités d'agents, parfois dotés de compétences rares. La question n'est donc pas de savoir si c'est le degré le plus proche de l'usager qui est le meilleur, mais quel est celui qui permet à cette administration d'accomplir au mieux ses missions. Il nous semble que ce doit être au moins à l'échelon de la région.

Sans même parler de la souffrance des agents, je rappelle que, dans les rapports de performance, les résultats de cette administration ont baissé, ce qui est assez rare pour être signalé.

S'agissant des délais, je suis bien embarrassé, car il m'est revenu que l'étude d'impact ne parvenait pas à mesurer toutes les conséquences du projet de loi. À ce stade, la crainte que nous pouvons nourrir est que l'ouverture de nouveaux droits ne se traduise par une augmentation des contentieux dans des proportions que je ne suis pas en mesure d'estimer.

Dans le cadre de la réduction des effectifs de la fonction publique de l'État, la charge de travail augmente et je me demande comment les agents et les services pourront répondre à ce phénomène. Or, faute d'une réponse concrète, les « nouveaux droits » demeureront formels.

Outre la distance séparant les usagers de l'administration, la qualité de la relation est primordiale. Et il ne s'agit pas que de moyens, fussent-ils informatiques ; j'ai en mémoire les longues files d'attente au moment du dépôt des déclarations de revenus. Quelle est la qualité de la relation à l'usager dans de telles conditions ?

Une des questions que pose le prélèvement à la source, la première année particulièrement, est celle de l'accompagnement des contribuables et de leur information. Quelle n'a pas été notre surprise de découvrir il y a quelques jours que la DGFiP, sans aucune concertation avec les organisations syndicales, avait passé contrat avec une entreprise privée pour assurer cette information.

Cela signifie qu'après les coupes dans les effectifs, les services de l'État ne sont plus en mesure de renseigner les usagers, ce qui est pourtant leur coeur de métier. Outre la question de l'externalisation, ce recours à des entreprises privées rencontre rapidement ses limites, car les personnes ainsi recrutées seront capables de renseigner les intéressés sur le prélèvement à la source en général, mais pas sur leur situation particulière. Enfin une difficulté ne manquera pas de survenir au regard du secret fiscal et de l'accès au dossier du contribuable.

N'oublions pas par ailleurs que, même si on l'entend moins ces derniers temps, le discours anti-fonctionnaires qui a longtemps été de mise n'a guère été favorable à réduire la distance entre les agents et le public.

J'ignore si l'association des agents publics aux décisions relève de la loi ou de la pratique ; à ce titre je prendrai deux exemples.

Le premier a trait au dialogue professionnel avec les représentants du personnel dans les comités techniques. Certes, la loi a tout prévu, mais comment parler d'un dialogue prenant en compte l'avis des représentants du personnel lorsque, par exemple, un projet de l'administration unanimement rejeté n'est jamais modifié ? Est-ce ainsi que l'on prend en compte les aspirations des agents ? Je ne prétends pas que nous avons toujours raison, mais nous ne pouvons pas avoir toujours tort…

Le deuxième exemple concerne le travail des agents proprement dit. L'accord passé en 2013 sur les risques psychosociaux (RPS) dans la fonction publique acte l'existence d'un espace de dialogue ; ce qui signifie que les agents disposent d'un temps et d'un lieu où ils peuvent échanger entre eux, éventuellement accompagnés, au sujet de leur travail, des difficultés qu'ils rencontrent, mais aussi de leurs propositions.

Le contenu du décret d'application devant en décliner les modalités devait être examiné dans le cadre des discussions portant sur l'accord relatif à la qualité de vie au travail (QVT) de 2015, qui n'a pas fait l'objet d'un vote majoritaire. Du coup, l'idée est restée en plan ; certaines administrations ébauchant timidement son application. Ce qui est en jeu, c'est la prise en compte du travail des agents, leur capacité à avancer des propositions. De ce point de vue, il conviendrait de multiplier les espaces de dialogue au sein de l'administration.

S'agissant de la coordination au plan local, il semble difficile d'instituer un pouvoir de décision unique respectant tous les secrets – secret fiscal, secret douanier, etc. En revanche, un bon « aiguilleur du ciel » serait le bienvenu au sein d'un environnement administratif complexe. Car l'usager n'a pas à subir la complexité de l'administration, qui doit être transparente à ses yeux ; et les procédures qui lui sont opposées doivent être simples. C'est là qu'un aiguilleur est nécessaire, qui sache quelles sont les bonnes personnes, les bons réseaux, les procédures aptes à faciliter la vie de l'usager. Cette solution sera toujours préférable à un pouvoir de décision unique qui, à mon sens, ne ferait qu'ajouter de la complexité.

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