Comment se fait-il que, quand il s'agit de donner des centaines d'euros aux gens, tout est très conditionné, surveillé, contrôlé, mais quand il s'agit de millions, de centaines de millions ou de milliards versés aux entreprises, là, tout est beaucoup moins contrôlé et fléché ? Nous souhaitons conditionner les aides à l'absence de licenciements, ce que n'induit pas la réalisation d'un projet, et celle-ci n'empêche pas non plus les entreprises bénéficiaires de frauder le fisc en transférant leurs comptes dans certains pays. J'ai ainsi cité l'enquête OpenLux à la tribune : elle a révélé que trente-sept des cinquante plus grandes fortunes françaises ont des comptes au Luxembourg. Même si la majorité des fonds vont à des PME, de grands groupes peuvent en percevoir ; dans ce cas, acceptez-vous que ce soient des groupes ayant des comptes au Luxembourg ou ailleurs ? Nous souhaitons enfin des mesures permettant de garantir que le dispositif sera bénéfique, et non nuisible à l'écologie.
De manière plus globale, vous posez une relation de synonymie entre innovation technologique et progrès humain. Cela a pu être vrai pendant des décennies, dans l'esprit des gens, mais il s'est produit une rupture, avec Hiroshima, Fukushima, Bhopal, l'Erika, le réchauffement climatique ou le recul de la biodiversité. Je ne dis pas que l'innovation technologique produit automatiquement des catastrophes, mais il n'y a plus de relation d'équivalence entre innovation technologique et progrès humain. Cela signifie qu'il faut opérer un tri entre les technologies que nous voulons développer et les autres. Or le tri ne se fera pas ici, démocratiquement : il est laissé aux bons soins du marché et du Président de la République.