La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous poursuivons l'examen des crédits des missions Économie et Investissements d'avenir, ainsi que des crédits relatifs aux comptes de concours financiers Accords monétaires internationaux et Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés, puis des crédits de la mission "Engagements financiers de l'État" et des crédits des comptes spéciaux Participation de la France au désendettement de la Grèce, Participations financières de l'État et Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services (n° 4524, annexes 14, 19 à 22 et 43 ; n° 4527, tomes VII à XI ; n° 4526, tome VI ).
Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen d'une série d'amendements portant article additionnel après l'article 42 et rattachés à la mission "Économie" , s'arrêtant à l'amendement n° 2734 .
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie, pour le soutenir.
Il vise à prolonger de six mois supplémentaires, jusqu'au 30 juin 2022, le dispositif des prêts participatifs destiné aux petites entreprises, en particulier à celles dont le bilan financier et les fonds propres ont été fragilisés par la crise sanitaire. Rappelons que les prêts participatifs ciblent tout particulièrement les entreprises qui ne peuvent pas bénéficier d'un prêt garanti par l'État (PGE).
La parole est à M. Xavier Roseren, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
La prolongation du dispositif des prêts participatifs m'apparaît tout à fait logique pour assurer le soutien des entreprises. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'y suis donc bien évidemment favorable à titre personnel.
Les députés du groupe La France insoumise estiment qu'une prolongation de six mois n'est pas suffisante et que sa durée devrait être portée à deux ans. Le Gouvernement et le ministre de l'économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, ont beau vanter les résultats mirifiques de l'économie, la croissance retrouvée, le niveau de l'emploi plus haut que jamais et la baisse de la pauvreté, je n'y crois pas. Je conteste une partie des chiffres qu'ils avancent car ils ne reflètent pas la réalité de notre pays. La perte de richesses engendrée par la crise sanitaire pendant deux ans et, probablement, pendant les mois à venir – nous verrons ce que dira demain soir le chef de l'État, mais, de toute évidence, cette épidémie n'est pas derrière nous –, nécessite de donner aux toutes petites entreprises une visibilité supérieure à six mois. C'est également la raison pour laquelle nous avons demandé que le remboursement des PGE soit prolongé pendant deux ans.
L'amendement n° 2734 est adopté.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement n° 2733 .
Les activités de BPIFrance ont connu une forte croissance dans le cadre de la mise en œuvre du plan de relance – je veux d'ailleurs saluer le travail de la banque publique d'investissement pendant cette période de crise économique. BPIFrance conduit des activités à la fois pour son compte propre et pour le compte de tiers. Le Parlement doit avoir une vision claire de ces activités et de l'action de la banque dans sa globalité. Dans une optique de contrôle, l'amendement n° 2733 prévoit l'ajout d'un rapport annexé au projet de loi de finances, rendant compte au Parlement des relations financières entre l'État et BPIFrance. Ce rapport annexé permettrait de retracer l'ensemble des financements publics alloués à BPIFrance et fournirait au Parlement des informations complètes sur ses activités financières.
Avec ma collègue Valéria Faure-Muntian, également rapporteure spéciale sur la mission "Économie" , nous sommes favorables, à titre personnel, à cet amendement, mais il n'a pas été examiné par la commission.
L'amendement n° 2733 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l'amendement n° 2438 .
Cet amendement, qui demande la remise au Parlement d'un rapport dressant le bilan du fonctionnement des services en ligne créés par l'État afin de permettre aux entreprises d'accomplir à distance les formalités nécessaires à leur activité, s'inscrit dans la continuité des travaux que j'ai conduits dans le cadre de mon rapport pour avis sur la mission "Économie, " « Développement des entreprises et régulations », au nom de la commission des affaires économiques.
Les auditions ont montré que les entreprises sont demandeuses d'une harmonisation des services permettant d'effectuer les formalités relatives à leur activité et que l'État a avancé dans sa réflexion sur la création de guichets numériques. Malheureusement, nous ne disposons toujours pas d'éléments concrets sur le fonctionnement de ces différents portails. Tel est le sens du rapport proposé par le présent amendement.
Nous attachons une grande importance à la dématérialisation et à la numérisation des services aux entreprises. Vous demandez un rapport évaluant l'efficacité des services en ligne de l'État du point de vue des besoins des entreprises, notamment les plus petites. Toutefois, cette thématique ne me paraît pas devoir relever d'un projet de loi de finances. Elle mériterait, en revanche, de faire l'objet d'une évaluation des parlementaires dans le cadre d'une mission d'information. Avis défavorable à titre personnel.
La question posée par l'amendement – l'accès des entreprises aux dispositifs numériques, leur efficacité et leur ajustement le cas échéant – est légitime, mais elle intervient soit trop tôt, soit trop tard. Le 1er janvier 2023, vous le savez, tous les dispositifs existants – le portail Guichet entreprises et les démarches en ligne proposées par les sites Autoentrepreneur et Infogreffe – seront remplacés par un guichet unique piloté par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), auquel nous devons laisser le temps d'élaborer le nouveau dispositif et de mesurer son efficacité. Avis défavorable.
La parole est à M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Il n'est jamais trop tôt ou trop tard pour évaluer l'efficacité d'une politique publique !
J'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, madame la ministre déléguée, et je veux le redire publiquement : vous avez, pendant la crise, manifesté une grande détermination dans votre volonté d'être au chevet des entreprises ; nous devons tous les reconnaître. Les critiques que nous formulons à l'encontre du Gouvernement ne portent pas tant sur sa mobilisation que sur l'efficacité de cette mobilisation, les contrôles exercés ou les contreparties exigées – soit autant de sujets légitimes à alimenter le débat démocratique.
Je constate, en revanche, que selon la taille ou l'expertise de l'entreprise, la présence d'une chambre de commerce capable de la soutenir, les compétences de la préfecture ou de la sous-préfecture en matière d'ingénierie et de conseil, bref selon l'écosystème dans lequel elle évolue, cette entreprise bénéficie d'un accès plus ou moins facilité aux dispositifs, notamment numériques.
L'amendement de notre collègue Anne-Laure Blin, que je soutiendrai, a le mérite d'appeler notre attention sur cette difficulté et sur la nécessité d'évaluer l'égalité territoriale d'accès aux dispositifs d'aide lorsqu'ils sont numérisés. Il ne témoigne pas tant d'une suspicion du Parlement que de sa volonté de dresser un bilan en fin de législature. Le Gouvernement n'a cessé de porter atteinte à la fonction de contrôle et d'évaluation du Parlement – je ne parle même pas de la fonction d'élaboration de la loi ! Un tel amendement, qui ne mange pas de pain, pourrait permettre de rétablir quelque peu cette fonction.
Madame la ministre déléguée, l'INPI aura certes l'initiative en 2023, mais, comme vient de le dire M. Jumel, il n'est jamais trop tôt ou trop tard pour dresser le bilan d'un dispositif.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez peut-être lu le second paragraphe de l'amendement, mais pas le premier : le rapport demandé viserait à dresser le bilan du fonctionnement des services en ligne créés par l'État. Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, le soutien financier de l'État est important pour les entreprises, mais elles ont aussi besoin de dispositifs lisibles et compréhensibles qu'elles maîtrisent. Or on s'aperçoit, quand on va à la rencontre des chefs d'entreprise, qu'ils ne savent pas où trouver l'information sur les services à leur disposition et les aides auxquelles ils ont droit. C'est donc à nous, parlementaires, de les informer au mieux, afin qu'ils puissent identifier, de manière efficace et concrète, les dispositifs destinés à soutenir leur activité.
L'amendement n° 2438 n'est pas adopté.
Il résulte également des travaux qui ont présidé à l'élaboration de mon rapport pour avis et demande un rapport au Gouvernement pour dresser le bilan de l'application de la réforme des pôles Entreprises, emploi et économie, qui aboutit aujourd'hui à la création des services économiques de l'État en région. Nous savons combien il est important pour les entreprises de connaître ces services. Il serait donc utile que le Gouvernement donne aux parlementaires les moyens d'évaluer l'impact de la réforme sur les missions d'appui aux filières stratégiques, la politique d'innovation et la transformation numérique dans les territoires, ainsi que sur la prévention des difficultés et le soutien aux restructurations d'entreprises.
La création des services économiques de l'État en région a, en effet, constitué une réforme d'ampleur. Ces services ont joué, et jouent toujours, un rôle essentiel dans la mise en œuvre du plan de relance. Au risque de vous décevoir une nouvelle fois, je suis toutefois défavorable, à titre personnel – car la commission n'a pas examiné l'amendement –, à cette demande de rapport. Il est prématuré de vouloir tirer un bilan de cette réforme.
L'amendement n° 2442 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement n° 2443 .
Comme les précédents, il résulte des travaux que j'ai menés dans le cadre de mon rapport pour avis. Avec cet amendement, j'ouvre de nouveau le débat sur le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). Il serait opportun que le Gouvernement informe les parlementaires, par la remise d'un rapport, sur les ressources et l'efficacité des aides apportées par l'État en remplacement des aides du FISAC. Le Gouvernement a déjà mentionné les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain, mais nous lui demandons de détailler l'intégralité des moyens déployés.
Je ne reprendrai pas les arguments que j'ai développés ce matin sur le FISAC. Avis défavorable à titre personnel.
L'amendement n° 2443 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'appelle les crédits de la mission "Investissements d'avenir" , inscrits à l'état B.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 2389 du Gouvernement.
Cet amendement, que j'ai déjà présenté lors de mon intervention liminaire, est important : il vise à abonder la mission "Investissements d'avenir " des moyens destinés à financer le plan France 2030. Tout en s'inscrivant dans la continuité du quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA), ce plan marque une rupture du point de vue de l'ambition et des moyens déployés pour la création de nouvelles filières industrielles.
Il vise un double objectif. Le premier est la décarbonation de la France et il est, je crois, partagé sur l'ensemble des bancs de cette assemblée. Au total, 15 milliards d'euros seront consacrés à la décarbonation des mobilités, des processus industriels et des exploitations agricoles.
Cette enveloppe financera également la création de nouvelles filières d'avenir, qui permettront à la France de se positionner sur le marché des technologies, de retrouver sa souveraineté technologique et donc économique, mais aussi de créer des emplois et de contribuer à l'émergence d'une Europe conquérante sur le plan industriel.
Pour élaborer ce plan, nous avons consulté l'ensemble des filières concernées et les organisations syndicales, mais aussi plusieurs acteurs académiques et étudiants. Il est le fruit d'une très large concertation et traduit la volonté de notre pays d'accélérer sa réindustrialisation en faisant la part belle aux nouveaux acteurs du secteur, ceux qui sont les plus innovants – peu importe qu'il s'agisse de start-up, de petites et moyennes entreprises (PME) ou d'entreprises de taille intermédiaires (ETI) – et qui vont permettre de construire l'économie française de demain.
Il est donc doté de 34 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 3,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) ; ces sommes nous permettront de soutenir, dès le 1er janvier de l'année prochaine, un certain nombre de projets structurants pour notre économie.
La parole est à M. Fabrice Brun, suppléant Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
C'est en effet avec beaucoup de plaisir que je supplée notre collègue Marie-Christine Dalloz, dont je ne saurais toutefois égaler l'expertise s'agissant de ces PIA – c'est un sujet complexe, de l'aveu même de notre rapporteur général.
Je commencerai par faire mienne la mise en garde du président de la commission des finances, Éric Woerth : attention à l'enchevêtrement des plans – PIA, plan de relance, France 2030 ! Le Gouvernement doit clarifier leur articulation, leur évaluation et leur gouvernance.
Je voudrais également souligner le caractère quelque peu ahurissant d'un tel amendement : introduite il y a quelques jours seulement, cette modification de dernier instant représente à elle seule près de 10 % des dépenses du PLF en autorisations d'engagement. On comprend mieux l'avis formulé par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui a jugé incomplet le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 ; c'est en effet le moins que l'on puisse dire.
Malgré ces remarques préliminaires de forme et de fond, je partage tout de même l'ambition exprimée dans le plan France 2030 : il est nécessaire de renforcer notre effort d'investissement et de préparer la France aux défis de demain, de nous positionner sur certains secteurs d'avenir et de mettre l'accent sur la réindustrialisation de notre pays – car c'est là que se situe la nouveauté du plan.
Je souhaite néanmoins émettre plusieurs réserves substantielles. En premier lieu, ne soyons pas dupes : France 2030 s'inscrit dans un contexte de campagne électorale. En commission, on nous a dit que de larges concertations avaient eu lieu pour déterminer les secteurs concernés par les investissements ; pour ma part, je ne fais pas du tout le même constat et nous pouvons d'ailleurs nous interroger concernant certains choix qui ont été faits, par exemple dans le domaine culturel.
Je note par ailleurs que les substitutions de crédits du PIA aux dotations budgétaires ordinaires ont été nombreuses, et je crains que les mêmes écueils ne se présentent lors du déploiement du plan France 2030, qui contribue finalement à amplifier l'illisibilité des dispositifs existants – nous empilons des plans d'investissements successifs, disposant chacun d'une structuration et d'une logique propres.
Enfin, je voudrais revenir sur la question de la gouvernance, qui n'est toujours pas résolue. Madame la ministre déléguée, sans entrer dans les détails – peut-être M. le rapporteur général voudra-t-il le faire –, pourriez-vous au moins nous indiquer quelles seront les modalités de sélection des projets ?
Pour toutes ces raisons et l'amendement n'ayant pas été examiné par la commission, j'émets à titre personnel un avis favorable, assorti des nombreuses réserves que je viens d'exprimer.
Vous êtes nombreux à avoir demandé la parole. Le sujet est d'importance, certes, mais je vais demander à chacun d'être assez bref.
La parole est à M. Éric Coquerel.
Le sujet est en effet important : 34 milliards ! Or l'amendement n'a même pas été examiné en commission, si bien que nous n'avons pas pu poser les questions qu'appelle un engagement d'une telle ampleur.
Votre manière de faire me fait penser à du marketing : même quand la mention « 100 % français » figure en gros caractères sur un produit, il vaut mieux regarder dans le détail s'il n'a pas été assemblé dans un autre pays… De même, ce qui vous importe, c'est ce que vous vendez aux gens, ce qu'ils vont entendre. Et avec 34 milliards d'investissements annoncés, ils ne peuvent qu'être impressionnés. Mais aussitôt, des questions se posent sur le détail de ces crédits ? Par exemple, quelle part de ces 34 milliards consiste en des sommes déjà votées, en particulier dans le cadre des PIA successifs ? D'ailleurs, si on fait le calcul, 34 milliards d'euros sur cinq ans correspondent précisément au niveau de dépense engagé par les trois premiers PIA, à savoir 6,3 milliards par an en moyenne – j'y reviendrai. C'est pareil ! Il n'y a donc rien de vraiment nouveau.
Et puis on nous dit que ces montants sont « engagés », mais à quelle hauteur seront-ils véritablement décaissés ? En effet, 60 milliards d'euros avaient été annoncés pour les PIA 1, 2 et 3, mais en réalité, depuis 2010, seuls 30 milliards ont été effectivement décaissés. C'est la première question que je voudrais vous poser : sur ces 34 milliards, combien correspondront vraiment à de nouveaux crédits ? C'est tout de même important, car nous ne sommes pas là pour faire votre promotion !
Avant de voter un tel plan, il faut d'abord dresser le bilan de ceux qui l'ont précédé. L'avez-vous fait ? J'ai récemment interrogé Bruno Le Maire à ce sujet ; j'attends toujours sa réponse. Peut-être serez-vous capables de répondre à sa place.
En 2017, Emmanuel Macron avait déjà annoncé un grand plan d'investissements de 57 milliards d'euros. En réalité, il ne comprenait qu'une dizaine de milliards d'euros de nouveaux crédits : il était surtout composé des crédits des précédents PIA, déjà prévus ou engagés. J'ai demandé à Bruno Le Maire s'il était possible de nous fournir un bilan détaillé de l'exécution de ce précédent plan, pour que nous puissions faire la part exacte des nouveaux crédits ; je n'ai pas non plus obtenu de réponse.
Si je vous interroge à ce sujet, ce n'est pas simplement pour vous taquiner : nous avons besoin d'évaluer les résultats des initiatives similaires que vous avez eues par le passé avant d'envisager l'adoption de ce nouveau plan.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Nous voterons en faveur de votre proposition, tant il est essentiel d'investir pour l'avenir. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens. Vous rendez-vous compte qu'il s'agit de l'amendement le plus cher de la V
Une telle manière de procéder est inouïe.
Deuxièmement, il faut préciser si ce plan d'investissements prendra la forme de subventions à des projets ou d'un financement direct par l'État. L'an dernier, nous avions critiqué ici même votre choix de subventionner à hauteur de 250 millions d'euros l'installation de bornes de recharge pour véhicules électriques, tandis qu'au même moment, l'Allemagne dépensait 3 milliards pour construire 1 million de bornes, y compris sur les autoroutes – la France est tout de même le seul pays à ne pas avoir de bornes de recharge sur ses autoroutes ;…
…or si nous voulons développer la voiture électrique, il en faut ! Vous pouvez les chercher sur les autoroutes françaises : vous n'en trouverez pas une seule.
Pour résumer, s'agit-il de subventions à des projets, à hauteur de 20, 30 ou 40 % du montant total d'investissement, ou bien comptez-vous assumer l'ensemble de la dépense liée à chaque infrastructure ?
Mon troisième point concerne les secteurs que vous avez sélectionnés. L'année dernière, en septembre 2020, nous avions qualifié votre plan de relance de « fourre-tout » ; c'était un plan à 113 mesures, qui englobait jusqu'au replantage de haies ! Replanter des haies, ça n'a pourtant jamais créé d'effet d'entraînement pour l'économie.
La biodiversité n'a pas pour effet de relancer l'économie : cela n'a rien à faire dans un plan de relance !
Je ne dis pas le contraire, mais les mots ont un sens : relancer l'économie suppose de créer un véritable effet de levier. Nous nous réjouissons que vous ayez ciblé un nombre de secteurs bénéficiaires plus restreint que l'an dernier, mais j'observe que les douze secteurs clés identifiés dans le rapport « Faire de la France une économie de rupture technologique », rédigé par un collège d'experts présidé par M. Benoît Potier et qui vous a été remis en mars 2020, ne se trouvent pas tous dans votre plan, loin de là ! Je pense notamment aux projets concernant la souveraineté numérique européenne. Vous dites que ce sujet vous tient à cœur, mais vous déposez un amendement qui n'en fait pas mention ! Il n'y a rien dedans ! C'est tout de même un manque de respect absolu.
Quand on veut créer un plan d'investissements digne de ce nom, on dresse la liste des projets prévus, on détermine les délais dans lesquels ils devront être mis en œuvre et on précise s'il s'agit de subventionner des projets ou bien de les financer directement à 100 %. Voilà ce que nous attendons de vous, madame la ministre déléguée, plutôt qu'un amendement déposé au dernier moment.
Tout d'abord, sur la forme, tout le monde l'a dit : vous vous asseyez sur le Parlement. C'est d'ailleurs devenu une habitude de la part du Gouvernement – même si nous, nous ne nous y habituons pas. Quand j'étais môme, il y avait une série que j'adorais – peut-être certains l'ont-ils connue aussi ; ça s'appelait L'Homme qui valait trois milliards,…
…dont le personnage principal pouvait courir plus vite que tout le monde ou porter des charges très lourdes. J'y croyais, alors, avant que l'on ne m'explique que c'était du baratin, une série de fiction. Mes rêves de môme se sont envolés… Et voilà que l'on découvre, en la personne d'Emmanuel Macron, l'homme qui valait trente milliards !
En effet, c'est plutôt vous, l'héroïne, madame la ministre déléguée, grâce à cet amendement de dernière minute. Hélas, j'ai désormais peine à croire ce à quoi je croyais quand j'étais môme, et le risque est grand que les 30 milliards annoncés pour France 2030 soient en réalité un rebasage du PIA, plutôt que de véritables sommes supplémentaires.
Certes, on ne peut pas se dire contre les objectifs affichés :…
…décarboner l'industrie ou regagner des éléments de souveraineté industrielle. Et demain il fera peut-être beau s'il ne pleut pas !
Comment être en désaccord avec ces vérités de La Palice ? Mais au-delà des annonces, il faut s'intéresser au fond, et voici ce qu'on peut craindre : le saupoudrage des sommes considérées ; l'absence d'une vision sur le long terme, pourtant nécessaire pour accompagner le développement d'un véritable État stratège – notamment pour rattraper des années et des années de renoncement en matière industrielle ; et des zones d'ombre, par exemple concernant l'éventuelle prolongation du dispositif Territoires d'industrie, puisqu'aucune annonce n'est faite à ce sujet. Cela peut paraître anecdotique, mais je crois pour ma part beaucoup en l'intelligence des territoires et des acteurs qui y évoluent. L'éventuelle territorialisation du plan France 2030 est une zone d'ombre que je voulais souligner.
On pourrait dire beaucoup de choses à ce sujet, mais je n'ai que deux minutes ; je vous renvoie à la lecture de mon rapport sur les crédits alloués par l'État à l'industrie. Il faut ajouter que nous n'avons pris connaissance de l'annonce présidentielle qu'au moment où le document était à l'impression : cela en dit long, tout de même ! Si vous étiez si sûrs de vous et de l'efficacité des politiques publiques que vous menez, notamment en matière industrielle, elles feraient l'objet d'une élaboration commune du Gouvernement et du Parlement ! Et l'attribution des financements serait subordonnée au respect des normes sociales et environnementales ou liée au nombre d'emplois créés. Mais non ! N'étant pas sûrs de vous, vous procédez à la va-vite, seuls, solitaires.
Par conséquent, si nous ne nous opposerons pas aux objectifs affichés, qui ne mangent pas de pain, nous exprimons de fortes réserves quant à l'efficacité des mesures envisagées, à leur caractère opérationnel, voire à leur réalité même.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Bien sûr, c'est un amendement très important ; il l'est du fait de son montant, tout à fait exceptionnel, mais aussi par les engagements et les promesses qu'il comporte. Il est donc normal que chacun puisse prendre la parole pendant quelques minutes pour donner son avis.
Sur la forme, étant comme vous parlementaire, je reconnais qu'il y a des choses à redire. Mais vous ne pouvez pas, monsieur Jumel, regretter que le Gouvernement ait pris le temps de la concertation – quitte à ce que ce plan n'apparaisse pas dans le texte initial du PLF, ce que je regrette comme vous – et lui reprocher d'agir à la va-vite : c'est l'un ou l'autre !
Alors c'est vrai, nous en débattons – pour ce qui est des crédits budgétaires associés, en tout cas – par voie d'amendement. Mais vous savez, je préfère que nous disposions d'un plan bien ficelé, bien préparé, à même de préparer la voie vers une France plus compétitive et plus écologique, capable enfin de remporter de futurs matchs dans la compétition mondiale, plutôt que d'être contraints à voter des crédits mal calibrés dans le texte initial. D'ailleurs, mes chers collègues, si la méthode était si mauvaise, si « amendement » était un gros mot, nous ne mettrions pas trois mois à débattre ensemble des textes budgétaires. Après tout, c'est un outil pour les parlementaires ; pourquoi le Gouvernement ne pourrait-il pas s'en saisir ?
Sur le fond, et c'est le plus important, vous admettez tous qu'il s'agit d'un bon plan d'investissement qui se concentre sur les filières que notre pays a besoin de développer sur le long terme. Vous ne pouvez pas être opposés aux milliards supplémentaires consacrés à la transition écologique, à l'avion bas-carbone et aux petits réacteurs modulaires. La majorité d'entre nous s'accorde pour y voir des filières d'avenir qui requièrent des investissements et pour lesquelles il faut savoir prendre des risques.
C'est en cela que l'enjeu de gouvernance prend tout son sens, et il est vrai que ces questions sont essentielles. Le projet que nous engageons cet après-midi, en votant 34 milliards d'autorisations d'engagement et 3,5 milliards de crédits de paiement, peut réussir ou échouer en fonction des choix de gouvernance futurs. Nous ne devons pas répéter les erreurs commises avec les PIA. M. Brun l'a bien dit – se faisant ainsi le porte-parole de Mme Dalloz, qui a longtemps travaillé avec brio sur le sujet : nous devions saisir l'occasion offerte par le plan France 2030 pour repenser la gouvernance. Il est essentiel de créer une vraie culture de la prise de risques technologiques dans ce pays – même s'il faut aussi savoir s'arrêter à temps et rediriger les crédits quand c'est nécessaire. À cet égard, le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) peut s'avérer un outil efficace pourvu que sa gouvernance soit repensée, que des experts s'y réunissent et, comme l'a dit le Président de la République le 12 octobre, qu'il fonctionne avec un « esprit commando ».
Nous devons voter le plan France 2030 ; c'est essentiel, après un plan de relance qui a permis de remettre notre PIB à niveau et d'amener le chômage au taux le plus bas que nous ayons connu. Nous devons investir pour la suite. J'espère que nous voterons ce plan à l'unanimité ,
Exclamations sur les bancs du groupe FI
Comment voulez-vous obtenir l'unanimité, alors que nous ne pouvons pas débattre ?
Vous êtes les premiers à dire qu'il faut investir, nous le faisons avec cet amendement.
Bien sûr, des interrogations demeurent. C'est pour cela que j'aimerais que la ministre déléguée nous dise si, comme que je le souhaite, les parlementaires seront associés à la construction de cette nouvelle gouvernance. Je pense en particulier aux membres du Comité de surveillance des investissements d'avenir – quatre députés et quatre sénateurs – ainsi qu'aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement doit entendre nos interrogations et nos souhaits pour que demain, les nouveaux investissements d'avenir soient un succès.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je voterai ces crédits, et je pense que M. Brun et Mme Dalloz partagent cette ligne. Ils s'inscrivent dans le droit fil des autres plans investissements : le plan France 2030 intervient à la suite du plan d'urgence et du plan de relance, tout en visant le plus long terme. Il prolonge les programmes d'investissements d'avenir créés par Nicolas Sarkozy.
Mme Rabault a noté à raison qu'il s'agit de l'amendement le plus cher de la V
…cette année, le Gouvernement en a déposé plusieurs dizaines, et de toute nature. Soit c'est la conséquence d'une actualité particulière riche qui met à mal l'idée même de loi de finances, soit le Gouvernement cherche une autre façon de faire, ou craint que le Sénat ne rejette tout en bloc, lui interdisant de proposer des amendements par la suite, soit il n'était pas prêt. Je peux comprendre que l'on ait besoin de plus de temps en situation de crise, mais le Parlement a bien du mal à y voir clair.
Je voterai ces crédits car nous avons besoin de visibilité et nous devons pouvoir oser – je partage les propos du Président de la République lors de sa conférence de presse à ce sujet. La question est dans l'art de l'exécution. Les PIA, après de nombreuses années, ne sont exécutés qu'à 50 % du montant global autorisé. L'échéance de 2030 est proche, comment pourrons-nous améliorer l'exécution des crédits ? Je ne sais pas si, comme le souhaitent le rapporteur général et le Président de la République, il faut un commando, mais il faut en tout cas changer les choses.
Le SGIA doit-il perdurer ? Comment les PIA 4 s'articuleront avec ce plan ? Le Parlement sera-t-il associé au futur comité d'investissement comme c'est le cas dans le Comité de surveillance des investissements d'avenir ? Une revue stratégique annuelle est prévue, le Parlement y sera-t-il associé ?
D'une certaine façon, les PIA, même s'ils ont sans doute permis de soutenir de nombreux projets, sont un échec. Quel était, en effet, leur objectif initial ? Que la population française sache l'État capable de prendre, dans certains secteurs, des risques qui ne sont pas assumés par le secteur privé – car s'ils l'étaient, il ne faudrait pas s'en préoccuper – afin d'accélérer l'innovation, de lui faire franchir certains seuils. Or qui, même parmi nous, est capable de citer les projets majeurs qui ont été financés par les PIA ? Il se passera la même chose avec France 2030 si nous adoptons le même type de gouvernance. Il faut une gouvernance technique sur le choix des sujets, mais aussi une gouvernance politique afin que ce plan ait valeur d'exemple pour la population française et que les acteurs économiques aient connaissance des risques qui sont pris.
Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous donner plus d'éléments sur la manière dont sera exécuté ce plan ? J'imagine que vous ne faites pas voter des crédits de cette ampleur sans avoir une vision précise de la façon dont ils seront employés.
Ce débat est très important. Le sujet a certes été brièvement évoqué ce matin lors de la discussion générale, mais avec des interventions de deux minutes sur un amendement à 34 milliards d'euros, la seconde d'intervention vaut près de 300 millions… Vous comprendrez, madame la ministre déléguée, que le Parlement s'interroge sur la façon dont ces crédits seront dépensés. J'ai écouté M. Brun avec attention et je rejoins son analyse, et ses réserves, largement partagées au sein de l'hémicycle. Quid de l'utilisation concrète des crédits, du rôle des opérateurs de l'État, de la stratégie ? Nous ne pouvons vous signer un chèque en blanc.
Un tel amendement ne peut que confirmer le reproche d'insincérité adressé à ce PLF. Je déplore à mon tour que le Parlement soit ainsi maltraité : les travaux préparatoires sont mis de côté, et on nous demande seulement de nous prononcer pour ou contre l'amendement. Or comment pourrions-nous être contre un investissement de 34 milliards destiné à améliorer la compétitivité du pays ? Nous sommes donc contraints de voter pour l'amendement, mais avec énormément de réserves et en exigeant des éclaircissements sur les suites qui lui seront données.
Cette enveloppe budgétaire remarquable constitue un étage important de la fusée que nous lançons pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l'un des grands défis que nous devons relever. Pour atteindre cet objectif, il faut décarboner l'industrie, et ce plan prévoit justement une baisse des émissions de 35 %.
Je connais bien la filière forêt et bois, à laquelle il est prévu de consacrer 500 millions d'euros. De tels investissements sont sans équivalent depuis trente ans. Ils ont pour but de créer les emplois verts que tout le monde réclame en ce début de campagne électorale. C'est du concret : 3 milliards d'euros de valeur ajoutée, ne serait-ce que pour la filière de la construction en bois, en dix ans. C'est monumental ! Enfin, nous appuyons sur l'accélérateur.
Depuis des années, nous évoquons les murs entre le monde de la recherche et celui des entreprises. Il est enfin proposé de créer les conditions pour que ces acteurs communiquent et construisent ensemble notre nation. C'est un sujet de fierté ! Enfin, on réindustrialise ! Enfin, on s'apprête à franchir les paliers technologiques qui restaient hors d'atteinte ! Le rapporteur général l'évoquait : il faut également savoir mettre fin à des projets qui nous ont parfois coûté des milliards d'euros. Enfin, la France va être capable d'accélérer ou de freiner selon les besoins !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ariane 6 est un programme fondamental, mais les lanceurs spatiaux sont fabriqués aux États-Unis. Il faut investir dans l'industrie spatiale, il nous faut la capacité de construire les lanceurs.
Dans le Nord comme en Seine-Maritime, on veut ces jobs, on veut cette création de valeur ! On ne veut pas qu'elle soit réservée à SpaceX et aux Américains, on veut que ce soit en France ! Voilà ce qu'incarne France 2030 !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Selon Peter Drucker, la meilleure façon de prédire l'avenir, c'est de le créer. Grâce à cet amendement et au plan France 2030, c'est ce que nous allons pouvoir faire.
On nous demande des exemples concrets : prenez le cas de la robotique. On entend souvent dire que les robots détruisent l'emploi, c'est en fait l'inverse. Aux États-Unis, entre 2010 et 2015, le nombre de robots a augmenté de 60 000, celui des emplois nets de 230 000. En Allemagne, en 2015, il y a eu 93 000 robots de plus et 93 000 emplois nets de plus. Les investissements dont nous discutons servent à cela.
Dans le secteur du New Space, les microlanceurs envoient des nanosatellites qui vont fournir des données aux très petites, petites et moyennes entreprises ou aux agriculteurs pour optimiser leur fonctionnement quotidien. Ils vont alimenter la recherche et aider les collectivités à la prise de décision. On peut le prévoir dès maintenant, puisque dès aujourd'hui, chacun d'entre nous, avec les téléphones et les ordinateurs, utilise sans le savoir dix satellites par jour. Je préfère que ces satellites et tous ces éléments de souveraineté numérique soient français – c'est aussi à cela que servira France 2030.
Avec vous, demain matin, nous prendrons le petit-déjeuner sur la lune !
Je peux vous citer, monsieur Woerth, un exemple de projet financé par les PIA. À Saclay, ils ont permis de financer NeuroSpin, le centre d'imagerie par résonance magnétique le plus puissant, qui permet d'observer au plus profond du corps humain et d'y découvrir des choses que nous ignorions. Nicolas Sarkozy a joué sa partition à ce sujet, la majorité actuelle voit plus loin encore. La technologie va plus vite que nous, essayons de la rattraper en adoptant une vision encore plus puissante, pour nos emplois et un futur meilleur.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Évidemment, nous ne pouvons pas prétendre qu'il n'est pas pertinent d'investir pour la France de demain. Mais il est extraordinaire que nous ne puissions pas poser la moindre question ! Quand vous présentez un amendement à hauteur de 34 milliards, je me demande quel en sera l'impact sur le terrain. Or compte tenu des grands axes que vous avez cités, nous n'identifions pas de répercussions très concrètes pour nos entreprises.
Votre doctrine du « en même temps » vous entraîne dans toutes les directions. Avant France 2030, vous avez voté la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui aura pour effet de tuer la filière française des fruits et légumes : nos producteurs, qui n'ont désormais plus le droit d'utiliser du plastique, seul moyen dont ils disposent pourtant pour emballer leurs produits, vont être submergés par la concurrence européenne. Est-ce que dans la France de 2030, nous ne voulons plus de maraîchers ?
De même, faisons-nous ce qu'il faut pour promouvoir les filières de recyclage ?
Elles sont quasiment inexistantes en France. On ne recycle ni le plastique, ni l'acier, ni l'aluminium.
J'en parle en connaissance de cause puisqu'il existe dans ma circonscription une entreprise qui recycle l'aluminium. Or son projet, comme tant d'autres, n'a pas été retenu, alors qu'il est pourtant de nature à créer un cercle vertueux.
Vous voulez créer des emplois dans un grand nombre de secteurs tels que les satellites ou l'espace. Très bien. Mais que répondez-vous aux entreprises de notre territoire qui, dans divers secteurs, n'arrivent pas à recruter pour des métiers en tension ? Pourront-elles, avec votre plan de relance France 2030, recruter des personnes qui auront été formées ?
Il faudrait pour cela que nous mettions en place des politiques adéquates qui valorisent le travail et le retour dans l'entreprise et non des politiques qui rendent possible le maintien dans une forme d'assistanat.
Nous vous posons ces questions car elles nous semblent pertinentes si l'on souhaite agir dans les prochaines années en faveur de nos entreprises et de la compétitivité de la France.
L'amendement qui nous est présenté mériterait dix débats sur chacun des enjeux qui seront ceux de la France en 2030, de la santé à l'énergie en passant par l'agriculture ou les transports.
Surtout, un grand débat est nécessaire afin de déterminer la solution que nous appelons de nos vœux pour lutter contre le changement climatique. Faut-il changer nos modes de vie ou miser sur l'innovation technologique ? À cet égard, je regrette l'absence du ministre de l'économie, des finances et de la relance mais aussi celle de la ministre de la transition écologique. En effet, le plan France 2030 nous est présenté comme la réponse de notre pays à la crise climatique. Je signale que, d'après un sondage qui vient d'être rendu public, 55 % des Français estiment que la réponse réside dans un changement de nos modes de vie tandis que 21 % comptent sur l'innovation technologique.
Surtout, voici les réactions de certains mouvements et associations face à la manière dont le Président de la République a posé ce débat. Je citerai tout d'abord Greenpeace : « Qu'il s'agisse des SMR » – c'est-à-dire du nucléaire à taille humaine –, « de l'avion vert, de la captation de carbone, ou de l'hydrogène à base de nucléaire, toutes ces fausses solutions suivent une même logique : repousser sans cesse la vraie transition et continuer à produire comme si les ressources de la planète étaient illimitées ».
La Confédération paysanne a, quant à elle, déclaré que nous avions besoin de bras et de cerveaux pour la révolution agricole, pas d'algorithmes ni de drones.
La Fondation Nicolas Hulot, du nom de celui qui a tout de même été ministre dans un des gouvernements Macron, estime enfin que « le Président de la République cède un peu plus au mirage du tout technologique supposé résoudre, comme par magie, les crises écologiques » et que « sa stratégie productive fait l'impasse sur la nécessaire sobriété ».
Là réside, selon nous, la vraie question pour demain. Comment mener une politique économique à taille humaine, qui ne nuise pas à la planète mais se mette au contraire à son service ? Ce n'est pas en fonçant droit dans le mur écologique comme vous le faites, avec simplement l'espoir qu'un peu de technologie nous permettra de changer de direction, que nous y parviendrons.
La parole est à Mme Huguette Tiegna, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.
Si nous investissons dans l'avenir, c'est d'abord parce que nous devons réfléchir dès aujourd'hui aux réponses qu'il faut apporter. Malheureusement, les gouvernements successifs n'ont pas anticipé la nécessité d'investir dans des solutions innovantes.
Avec le plan France 2030, nous fixons une date proche mais qui laisse une marge de manœuvre à nos chercheurs mais aussi aux start-up car il faut au moins sept ans pour développer un produit très innovant et aboutir à un résultat.
Par définition, l'innovation suppose que l'on se laisse la possibilité d'échouer et de se remettre en selle. Nous discutons d'un amendement qui, selon certains, est le plus cher du quinquennat. Il faut s'en réjouir car de tels amendements n'avaient pas été déposés jusqu'à présent. Moi qui viens du secteur de l'innovation, je peux témoigner du fait que les start-up et les chercheurs ont souvent demandé au Gouvernement de leur donner de la visibilité en matière de financement afin qu'ils puissent innover.
Face à la crise à laquelle nous avons été confrontés, ceux qui ont résisté – vous l'avez bien vu dans le secteur de l'aéronautique – sont ceux qui avaient des projets dans le domaine de l'innovation ou des marchés dans le domaine militaire parce que, dans ces secteurs, on sait anticiper.
La mission Investissements d'avenir est dotée de financements suffisants pour nos recherches, pour l'innovation de rupture mais aussi pour l'innovation liée à la transition écologique. À ce sujet, je rappelle à ceux qui ont dit que la question des haies n'était pas importante…
…que les entreprises peuvent aussi planter des haies dans le cadre de la décarbonation et que l'agroécologie est une manière pour l'agriculture de se refaire une beauté. Nous avons besoin d'investir dans ces pistes de recherche.
Aujourd'hui je crois que nous souhaitons tous la même chose. Si nous tergiversons, c'est peut-être parce que les uns ont fait des propositions et les autres non.
Par ailleurs, comme je l'ai dit en commission des affaires économiques, le fait de rassembler les PIA dans une seule mission,…
…renommée Investir pour la France de 2030, favorisera leur contrôle par le Parlement. Comme l'a souligné notre collègue Saint-Martin, nous aurons l'occasion d'analyser tout cela…
…et de contrôler l'action du Gouvernement en la matière. En attendant, réjouissons-nous et votons massivement pour cet amendement du Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je souhaite répondre avec la plus grande précision à vos interrogations, sachant que plusieurs éléments ont déjà été donnés, notamment dans le cadre de l'exposé de cet amendement, qui liste de façon assez détaillée l'ensemble des thématiques concernées.
Vous le savez, le plan proposé est fondé sur une vision et sur des ambitions partagées au plus haut niveau de l'État puisque le Président de la République a lui-même exposé dans un discours de deux heures chacune de ces ambitions.
S'agissant des montants, la réponse est assez simple puisque c'est précisément l'objet de l'amendement que nous vous proposons de voter. Il vise en effet à abonder 34 milliards d'euros de crédits, dont 30 milliards de crédits budgétaires et 4 milliards de fonds propres. Il s'agit de façon très claire de crédits complémentaires et non de recyclage. Il n'y a donc aucune ambiguïté sur le caractère massif de cet amendement, peut-être en effet celui qui, dans l'histoire de la V
Mais on ne vote pas 34 milliards de crédits, on vote des autorisations d'engagement !
Je me réjouis d'ailleurs que personne n'ait contesté la nécessité de se mobiliser et d'investir de la sorte. J'entends des interrogations, parfaitement légitimes, concernant les modalités d'application ou le contrôle du Parlement,…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
…mais vous êtes globalement d'accord sur le principe et sur le montant des crédits.
Le plan France 2030 se situe dans la continuité des PIA, que vous votez et contrôlez chaque année. Des dispositifs d'évaluation et d'application vous sont régulièrement proposés, huit parlementaires faisant partie du comité de surveillance des investissements d'avenir.
De même, l'articulation entre le plan France 2030 et les politiques menées aujourd'hui est parfaitement fluide – je pense par exemple aux stratégies d'accélération en matière d'alimentation saine et durable et d'agro-industrie, présentées, vendredi dernier, par Frédérique Vidal, Julien Denormandie et moi-même. Je tenais à vous rassurer sur ce point.
Le choix des thématiques résulte d'une large concertation, qui s'est d'abord appuyée sur les travaux du pacte productif. Je rappelle que nous avons travaillé pendant près d'un an avec l'ensemble des forces vives du pays – les organisations syndicales, les filières industrielles, les fédérations professionnelles et des associations environnementales – pour déterminer quels étaient les grands enjeux pour l'avenir de notre pays en matière économique, industrielle et d'innovation.
Madame Rabault, vous avez eu raison de citer le rapport Potier, car nous nous y sommes référés lors de l'élaboration du plan France 2030. Vous avez fait part de vos inquiétudes à propos des questions liées à la robotisation et au numérique, comme le cloud souverain. Je veux vous rassurer en vous indiquant que nous avons très précisément repris les grandes orientations de ce rapport dans le cadre des PIA ou du plan France 2030 – je n'en dresserai pas ici toute la liste mais les questions de l'hydrogène bas carbone, du cloud numérique ou encore de la 5G sont abordées.
Même si vous ne m'avez pas interrogée sur ce point, il me semble important d'évoquer l'adéquation de ce plan avec les dispositifs européens. Cette maquette reflète les engagements que nous avons l'intention de défendre au niveau des PIIEC, les projets importants d'intérêt européen commun. Ceux-ci nous ont déjà permis de financer la batterie électrique ainsi que les premiers plans pour la nanoélectronique et, puisque cela nous est permis, nous allons lancer, de la même manière, des programmes en matière de santé, de microéléctronique et d'hydrogène, grâce au plan France 2030.
Tout récemment, des concertations ciblées, avec différents acteurs, des experts, des universitaires, des économistes ou encore des étudiants, ont été menées sur chacune des thématiques pilotées. Vous avez d'ailleurs pu consulter ces documents, parfaitement accessibles au public. Il nous paraissait en effet important que France 2030 ne soit pas le plan d'un homme mais d'un pays et c'est exactement ce que l'on observe aujourd'hui.
Madame Blin, puisque vous m'avez interrogée sur l'impact de ce plan sur les entreprises du territoire, sachez que ces 30 milliards d'euros visent à favoriser l'accélération de l'innovation au sein de ces entreprises.
Et nous soutenons particulièrement celles qui disposent des meilleures solutions d'innovation mais pas forcément des meilleurs services de relations publiques car nous souhaitons précisément que ce plan profite aux acteurs des territoires. Cela devrait d'ailleurs se faire assez naturellement dans la mesure où 70 % des sites industriels se situent dans des villes de moins de 20 000 habitants.
J'en arrive à la question de la gouvernance. M. Woerth l'a rappelé avec justesse, la difficulté est de sélectionner les projets les plus innovants en acceptant le risque de l'échec.
Nous avons bien sûr eu recours à des solutions qui ont déjà fait leurs preuves. Nous savons ainsi, depuis les précédents PIA, que la démarche sélective, la recherche de l'excellence ou la transparence sont des facteurs de réussite et qu'il faut s'associer avec des experts – en diversifiant leur profil – chargés de proposer des orientations ou de donner leur point de vue sur les projets à soutenir.
Lorsque des projets fonctionnent déjà au niveau européen, par exemple en matière de décarbonation, nous n'avons pas de raison de changer de logiciel. En revanche, nous travaillons à davantage prendre en compte l'innovation de rupture, ce qui suppose probablement que le pouvoir politique s'empare de cette question, comme on sait le faire dans certains pays comme Israël ou les États-Unis. Il faut être capable de défendre ces programmes dans la durée mais aussi, parfois, les interrompre, comme l'a suggéré la députée Cattelot.
Il va de soi que les parlementaires seront associés à ce projet. Dans la mesure où cet amendement prévoit pour l'année prochaine 3,5 milliards de crédits de paiement et 34 milliards d'autorisations d'engagement, nous devons vous rendre des comptes, ce qui passe notamment par le travail habituel du Parlement – notamment des missions – mais aussi par la mise en place d'instances associant les parlementaires. C'était déjà le cas pour les PIA, ainsi que l'a rappelé le rapporteur général. Il n'y a donc pas de raison de procéder autrement cette fois.
J'aimerais répondre concernant deux points précis. Tout d'abord, s'agissant du recyclage, je rappelle que 500 millions d'euros sont prévus pour le recyclage innovant des plastiques et autant pour l'approvisionnement en métaux stratégiques, notamment grâce à leur réutilisation. Nous poursuivons ainsi l'action engagée dans le cadre de France relance, c'est-à-dire les appels à projets que vous connaissez et qui portent sur l'incorporation de plastiques recyclés ou la relocalisation – je pense par exemple à EcoTitanium, l'usine de recyclage de titane.
Votre demande est donc très largement satisfaite, madame Blin – il me semble d'ailleurs préférable de ne pas mentionner des dossiers individuels, qui n'entrent en outre pas tout à fait dans le cadre du débat, puisqu'il ne s'agit pas de recyclage à proprement parler, mais peu importe.
En revanche, je tiens à souligner la rapidité d'exécution des mesures adoptées, dont plusieurs d'entre vous – notamment M. Brun ou M. Woerth – ont pointé l'importance. À cet égard, le résultat obtenu dans le cadre le plan de relance constitue un signal positif, puisque nous avons déployé 90 % des crédits destinés à l'industrie.
Ils atteignaient tout de même l'équivalent des crédits de paiement que vous vous apprêtez à voter.
Ce n'est donc pas seulement l'épaisseur du trait.
Lorsque j'annonce qu'ils ont été déployés, je ne veux pas simplement dire que nous avons confié des enveloppes à des opérateurs publics – qui font leur travail, là n'est pas le problème : les crédits ne sont comptabilisés comme exécutés qu'au moment où l'entreprise voit son projet financé, c'est-à-dire lorsqu'elle reçoit un document attestant que l'État s'engage à financer une partie de son projet, ce qui lui permet de le dérouler au rythme voulu. Vous le savez, les processus d'innovation, qui incluent des phases d'étude et de recherche suivies de phases de mise en œuvre, peuvent demander plusieurs années : ce qui compte, pour un industriel ou pour un chercheur, c'est de sécuriser l'ensemble de son budget, afin de pouvoir avancer.
C'est ce que nous faisons à travers cet amendement. Je tiens à saluer ce qui me semble ressortir de l'ensemble de vos interventions, à savoir la volonté partagée de faire de la France un pays plus fort, plus puissant et plus souverain en matière industrielle et technologique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Et le bilan du Grand plan d'investissement (GPI), on ne le connaîtra pas !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 48
Contre 2
L'amendement n° 2389 est adopté.
D'un mot, il vise à accorder des crédits d'investissement aux entreprises artisanales. Je ne reviendrai pas sur les débats de ce matin relatifs à la suppression du FISAC, mais il n'en demeure pas moins que les entreprises de proximité ont besoin de fonds pour financer leur développement et leur adaptation au numérique.
Nous considérons donc qu'il est nécessaire, dans une logique d'aménagement du territoire et d'équité territoriale, de créer un fonds national d'aide à l'innovation des entreprises artisanales, qui en ont bien besoin. Des objectifs très concrets pourraient lui être assignés, comme la transition numérique, la protection de la propriété intellectuelle – puisque les métiers concernés demandent des savoir-faire spécifiques –, ou encore la valorisation de biens et d'actifs immatériels.
Tel est le sens de cet amendement, qui compléterait les solutions apportées par l'État pour soutenir l'économie et l'artisanat de proximité.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier, pour soutenir l'amendement identique n° 2515 .
Comme le précédent, il vise à créer un fonds d'innovation afin d'accompagner les entreprises artisanales. L'un des problèmes majeurs auquel se heurtent ces dernières concerne le financement de leur développement et de leur adaptation aux mutations de l'économie, en particulier de leur transformation numérique.
Les outils financiers existants sont, en effet, souvent inadaptés au modèle économique des petites entreprises, en raison de seuils de chiffres d'affaires et de tickets d'entrée souvent trop élevés. Cette situation freine la croissance des entreprises artisanales, alors même que ce secteur présente un potentiel de développement et d'innovation exceptionnel.
Vous souhaitez créer un fonds d'innovation pour les entreprises artisanales, afin de leur permettre de s'adapter aux mutations de l'économie et à la transformation numérique. Je suis d'accord : la modernisation du modèle économique de l'artisanat représente un enjeu essentiel pour la compétitivité de la France. Créer un nouveau dispositif ad hoc présente donc un intérêt.
En revanche, je ne suis pas convaincu par l'idée consistant à disperser les crédits du PIA et du plan France 2030 en créant un nouveau programme. Un tel dispositif trouverait davantage sa place, me semble-t-il, dans la mission "Économie" . Il renvoie effectivement aux débats sur le FISAC – malheureusement improductifs – qui nous ont occupés ce matin.
J'émets donc un avis de sagesse à titre personnel, la commission n'ayant pas examiné ces amendements.
Je ne reviendrai pas non plus sur la discussion de ce matin, au cours de laquelle je crois avoir longuement détaillé les raisons pour lesquelles ces amendements ne me semblent pas appropriés. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
J'ajoute simplement, une nouvelle fois, que nous sommes parfaitement conscients de l'importance du tissu artisanal et commercial pour notre territoire. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en plus de présenter un projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante, que le Parlement examine en ce moment, nous avons investi très fortement au service de ces professions – j'ai mentionné ce matin les 180 millions d'euros dédiés aux foncières de commerce et à la numérisation des petites entreprises, ainsi que le fonds pour le recyclage des friches, qui leur bénéficie également.
Le programme 425 Financements structurels des écosystèmes d'innovation est abondé à hauteur de 11 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 495 millions d'euros en crédits de paiement au titre du PIA 4. En analysant les stratégies d'accélération des filières de l'hydrogène et des batteries dans le cadre de la rédaction de mon rapport pour avis, j'ai constaté combien la recherche est au cœur des innovations techniques.
Dans le cadre du plan Batteries, la France s'est déjà dotée d'un laboratoire d'excellence (LABEX) qui lui permet d'être innovante. Elle est également en pointe dans le domaine de la recherche en chimie. Or les procédés d'hydrolyse nécessaires à l'obtention d'un hydrogène décarboné relèvent précisément de ce secteur.
C'est pourquoi il est proposé, dans l'amendement n° 346 , d'abonder de 10 millions d'euros les crédits de l'action 01 Programmes et équipements prioritaires de recherche du programme 424 Financements des investissements stratégiques consacré au volet dit dirigé du PIA 4 et aux stratégies d'accélération, afin de créer, dans le secteur de l'hydrogène, un LABEX conçu sur le modèle de celui existant pour les batteries.
L'amendement n° 347 porte quant à lui sur les petites entreprises – notamment celles de moins de dix personnes – engagées dans une phase de création, qui passent souvent dans les mailles du filet et n'ont pas accès aux crédits de soutien à l'innovation. Je propose ainsi d'abonder de 10 millions d'euros l'action 05 Concours d'innovation du programme 423, afin de ne laisser de côté aucune entreprise démarrant son activité dans le domaine de l'innovation.
Par l'amendement n° 346 , vous proposez de créer un laboratoire d'excellence dans le domaine de l'hydrogène. Je rappelle que la stratégie nationale consacrée à l'hydrogène dans le cadre du PIA 4 est déjà dotée de 7 milliards d'euros et qu'il est prévu de renforcer de 2,3 milliards d'euros les crédits alloués au développement de l'hydrogène décarboné dans le cadre du plan France 2030.
S'agissant de l'amendement n° 347 , si je comprends tout à fait le problème de financement des start-up que vous avez identifié au cours de vos travaux, votre proposition me semble quelque peu manquer de logique. Le PIA 4 a précisément été créé pour prolonger une grande partie des investissements réalisés dans le cadre du PIA 3 – par ailleurs en voie de décélération –, en adoptant une architecture simplifiée. L'action 02 du programme 425 couvre en outre l'ensemble des outils d'aide à l'innovation destinés aux entreprises, notamment les concours d'innovation. Enfin, le plan France 2030 inclut 5 milliards d'euros d'investissements spécifiquement consacrés aux start-up.
J'émets donc un avis défavorable à titre personnel, la commission n'ayant pas examiné ces amendements.
Demande de retrait ou avis défavorable. Le rapporteur spécial suppléant a bien rappelé les termes du débat. Ces amendements, au fond, visent à mettre l'accent sur des questions qui, je le crois, nous tiennent tous à cœur : celles de l'hydrogène décarboné et de l'accès des start-up et des petites entreprises aux financements publics qui leur permettront d'aller au bout de leurs processus d'innovation. Les crédits déjà consacrés à ces thèmes dans le cadre du plan France 2030 et du PIA permettent cependant d'atteindre ces objectifs.
S'agissant de l'hydrogène décarboné, qui fait l'objet de l'amendement n° 346 , le plan France 2030 prévoit ainsi de consacrer 2,3 milliards d'euros pour, entre autres choses, compléter la stratégie hydrogène. Comme le Gouvernement l'a annoncé, un programme prioritaire de recherche piloté par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et doté de 80 millions d'euros a été lancé afin de conforter l'excellence scientifique de la France.
L'innovation, quant à elle, est soutenue à la fois à travers les concours d'innovation, comme cela a été rappelé – les crédits correspondants devraient atteindre, aux termes du projet de loi de finances pour 2022, 500 millions d'euros en cinq ans, un montant qui me paraît à la hauteur de l'enjeu –, mais aussi à travers les « aides guichet » à l'innovation versées par BPIFrance, qui complètent les dispositifs existants à hauteur de 1,25 milliard d'euros pour la période 2021-2025. Soyez donc rassurée : l'enjeu actuel ne consiste pas tant à trouver des financements qu'à s'assurer que les PME soumettent leurs projets au bon interlocuteur.
Je remercie la ministre déléguée pour sa réponse. Je tenais à alerter le Gouvernement sur la situation de certaines start-up qui éprouvent d'importantes difficultés pour obtenir des financements, mais il semblerait que vous les ayez prises en considération. Je suivrai bien sûr l'avancée de ces dossiers avec vigilance. Je retire mes amendements.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1015 .
Emmanuel Macron, alors candidat à la présidence de la République, promettait : « nous supprimerons les passoires énergétiques […] en dix ans ». La France comptant 7 millions de passoires énergétiques, il faudrait en supprimer 700 000 par an. Jusqu'ici, nous nous fixions – sans l'atteindre – un objectif de 80 000 rénovations annuelles, objectif depuis revu à la baisse et ramené à 20 000. À ce rythme, il faudrait donc 350 ans – plus de trois siècles ! – pour supprimer l'ensemble des passoires énergétiques.
Nous estimons que la France de 2030 devrait être un pays débarrassé des passoires thermiques et que nous tenons là une démarche triplement gagnante : gagnante pour les ménages qui verraient leur facture s'alléger – ce qui compte d'autant plus lorsque les prix du gaz et du fioul connaissent des hausses exponentielles ; gagnante pour la planète, puisque le chauffage représente un tiers des émissions de CO
À travers cet amendement d'appel, nous émettons le souhait que l'ambition en matière de lutte contre les passoires énergétiques soit très nettement revue à la hausse.
La parole est à M. Fabrice Brun, suppléant Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale.
J'espère que vous ne souffrirez pas trop d'entendre l'avis d'un rapporteur spécial suppléant qui fait sûrement partie des « moins lettrés de cet hémicycle », monsieur le député.
Vous nous avez taquinés ce matin : je me permets de le faire en retour.
Je partage votre objectif en matière de rénovation thermique des logements. En Ardèche, nous avons un dicton, qui veut que « tout ce qui double ne perd pas ; tout ce qui triple commence à gagner ». La rénovation thermique permet en effet de faire d'une pierre trois coups, puisqu'elle est bonne à la fois pour l'emploi et les artisans, notamment du secteur du BTP, pour le portefeuille des Français et pour la planète.
Vous semblez cependant vouloir mener un débat sur le plan de relance, alors que nous examinons les crédits du PIA destinés à financer les projets innovants, et pas autre chose. Vous évoquez par exemple le dispositif MaPrimeRénov'. Cet amendement trouverait donc davantage sa place dans les missions Écologie, développement et mobilités durables ou Plan de relance. Avis défavorable.
Avis défavorable, pour les raisons mentionnées par le rapporteur spécial suppléant.
L'amendement n° 1015 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1144 .
Nous avons tout de même besoin de réponses sur le fond, madame la ministre déléguée, qu'il s'agisse de l'ambition en baisse du Gouvernement en matière de rénovation thermique ou, comme ici, de fret ferroviaire.
Je rappelle qu'un camion pollue, à volume transporté égal, dix fois plus qu'un train, soit quatre-vingt-deux grammes d'émissions de CO
Il s'agit là à nouveau d'un amendement d'appel créant un nouveau programme, doté de 1 euro, en l'occurrence pour développer le fret ferroviaire. Je note que, dans le cadre du PIA4, un appel à manifestation d'intérêt a été ouvert en juillet 2021 pour décarboner et digitaliser le fret ferroviaire, permettant de consacrer à cette activité jusqu'à 250 millions d'euros. Rappelons en outre que le PLF prévoit la reprise de la deuxième tranche de la dette de SNCF-Réseau à hauteur de 10 milliards d'euros ; que nous avons voté en première partie, notamment à l'initiative du président de la commission des finances, Éric Woerth, la suppression de deux taxes pesant exclusivement sur l'activité TGV de la SNCF et dont le rendement s'élevait tout de même à 240 millions d'euros ; et que le plan de relance consacre 250 millions d'euros au développement du fret ferroviaire. L'avis est donc défavorable.
Je crois que le Gouvernement a déjà répondu sur le fond : il mène une politique des plus exigeantes et ambitieuses en matière de rénovation thermique, et en cela, il se distingue de ses prédécesseurs. Sans doute le moment s'y prête-t-il, je n'en disconviens pas, mais c'est tout de même la réalité. De toute façon, cette question relève d'une autre mission. Je rappelle qu'il y aura eu cette année plus de 450 000 aides au titre de MaPrimeRénov', loin des 20 000 que vous mentionnez, monsieur Ruffin.
Le Gouvernement accomplit les efforts de décarbonation qui sont nécessaires pour notre pays, aucun de ses prédécesseurs, je le répète, n'en a fait autant. C'est important de le rappeler. Il ne s'agit pas de pratiquer l'autosatisfaction mais de savoir que nous faisons de notre mieux pour permettre à l'ensemble des activités humaines – et pas uniquement économiques – d'être le moins possible émetteur de carbone possible, et c'est ce que nous faisons dans tous les compartiments du jeu.
De même, s'agissant du fret ferroviaire, plusieurs milliards d'euros ne correspondent pas pour moi à l'épaisseur du trait. Nous avons une vision différente sur l'importance accordée au fret ferroviaire dans le plan de relance mais, au surplus, des crédits sont déjà prévus dans le PIA4 qui fait partie de cette maquette budgétaire. Je suis donc quelque peu surprise par votre position en la matière. L'avis est défavorable.
J'entends tous les jours des discours d'autosatisfaction, mais je crois tout de même que la période qu'on traverse, y compris au plan économique et social, invite à plus d'humilité. De même que c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses,…
…on verra le moment venu les résultats économiques, sociaux et territoriaux de votre majorité qui a saccagé pas mal de choses. Si je prends l'exemple des 2,5 milliards d'euros de crédits consacrés à l'aérospatiale au regard des besoins de financement du Centre national d'études spatiales ou encore de l'ONERA – l'Office national d'études et de recherches aérospatiales –, on a bien envie de demander à Thomas Pesquet, à son retour sur la planète Terre, ce que signifient pour lui des investissements d'avenir pour l'aérospatiale… En la matière, on est loin de pouvoir se taper sur le ventre et de tomber dans l'autosatisfaction.
Quant à l'amendement de François Ruffin, il tire les conséquences que 250 millions d'euros inscrits sur l'innovation en matière de fret ferroviaire, c'est du pipi de chat, c'est que dalle
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
compte tenu de l'enjeu qu'est la décarbonation des transports, tous ceux qui connaissent le sujet le savent. Il s'agit de rendre compatible le développement de l'économie réelle, donc le développement industriel, avec la préservation de la planète.
C'est donc moins le contenu du plan France 2030 que ses lacunes qui pose problème. Et le sens de ces amendements, c'est bien d'inviter le Gouvernement à les combler.
Madame la ministre déléguée, vous vous référez à MaPrimeRénov', mais la Cour des comptes elle-même estime que ce n'est pas un instrument suffisant pour parvenir à une véritable rénovation thermique. Elle considère que « la vérification de la qualité et de l'efficacité des travaux en matière de lutte contre les passoires thermiques et la précarité énergétique n'est pas assurée ». Elle précise que ce dispositif induisant « des travaux simples et souvent uniques tels que le changement de chauffage ou l'isolation des fenêtres ne favorise pas le bouquet de travaux complémentaires qui permettraient souvent d'éliminer les passoires thermiques ». La Cour des comptes a également noté qu'« aucun gain de consommation énergétique minimal n'est requis » pour que s'applique MaPrimeRénov'. Il s'agit donc bien d'une politique du chiffre et non pas d'une politique de rénovation globale pour mettre véritablement fin aux 7 millions de passoires thermiques que compte le pays. Je vous le redis, madame la ministre : à ce rythme, nous mettrons plusieurs siècles ! Mais la planète, elle, n'attendra pas plusieurs siècles !
L'amendement n° 1144 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1160 .
Je me suis rendu à Frontignan, dans l'entreprise PRISM, qui fabrique des masques et dont le patron est le président du syndicat des fabricants français de masques. Il m'a exprimé son désarroi en ces termes : « On reçoit beaucoup de compliments ! La préfecture, le département, ils sont très fiers de nous. Les parlementaires, le maire, ils sont tous venus nous visiter. […] On a même touché 700 000 euros d'Industries du futur. Mais pour les achats, ils ne regardent que le prix. Les hôpitaux, les pompiers et surtout les consommateurs achètent tous chinois. Ça nous tue. Et c'est vrai que nos masques sont à peu près deux fois plus chers. »
Vous savez, madame la ministre, que ces difficultés ne touchent pas que cette entreprise, il y a les mêmes chez Barral en Alsace et à la Coop des masques en Bretagne : c'est toute la filière qui est mise en difficulté. L'État, il faut le reconnaître, a mené une vraie politique pour que nous soyons autonomes en matière de masques, mais si derrière on est toujours dans le libre-échange en laissant ainsi importer des masques produits nettement moins cher que dans notre pays, on condamne la filière qui vient d'être montée ! C'est une contradiction permanente. Cela interroge la politique commerciale à suivre. Or tous les ministres concernés ont signé depuis trente ans des traités de libre-échange partout dans le monde – GATT, OMC, etc. – et cela continue par des accords signés avec le Vietnam, avec Singapour, avec le Canada, avec le Japon, et il en vient encore avec la Chine, le MERCOSUR et l'Australie ! Il y a là une vraie contradiction avec la volonté de soutenir des filières industrielles puisque celles-ci se retrouvent pénalisées, le prix de leurs produits étant évidemment plus cher que ce qui va venir de Chine ou d'ailleurs.
Nous avons tous déploré la faiblesse de nos capacités de production de masques au début de la crise. Je ne reviens pas sur le fait que les masques ont été d'abord jugés inutiles quand nous n'en avions pas, puis indispensables le jour où on en a eu. Je constate que la pénurie n'est plus d'actualité. J'ai moi-même interrogé ici même, il y a quelques jours, le ministre Véran qui a confirmé devant la représentation nationale que le stock national de 1 milliard de masques avait bien été reconstitué. Mais je crois que vous avez raison, mon cher collègue, de faire la promotion du masque français, que pour ma part je porte avec beaucoup de fierté.
Concernant plus largement l'enjeu des relocalisations, je pense que nous sommes tous d'accord sur l'urgence d'agir, et que cela dépend de notre capacité à structurer de nouvelles filières et à créer des emplois dans diverses parties du territoire. Cet effort devrait être amplifié avec France 2030 qui prévoit 20 milliards d'euros pour la réindustrialisation du pays. Il faudra tous ensemble être vigilants et veiller à ce que 100 % de ces crédits soient effectivement décaissés, sachant que souvent seulement 50 % des crédits annoncés dans le cadre des PIA sont réellement dépensés. L'avis est défavorable.
C'est un amendement d'appel, mais qui pointe une réelle difficulté, l'injonction contradictoire à réimplanter des productions françaises quand les acheteurs publics ou privés ne passent pas commande auprès de ces nouvelles filières de production, au risque de menacer leur activité. Le Gouvernement a pris plusieurs mesures en réponse, notamment en permettant d'utiliser au mieux les critères sociaux et environnementaux dans la commande publique : la loi « climat et résilience » a ainsi prévu de rendre obligatoires les clauses environnementales dans les cahiers des charges administratives générales – dans quelques années, le temps de permettre aux acheteurs publics de s'adapter. Quant aux clauses sociales, elles sont optionnelles, hormis dans certains cas, mais sont prérédigées pour faciliter leur recours utilisation par les acheteurs publics. En outre, Olivier Véran travaille sur une circulaire qui permettra d'accompagner notamment les établissements de santé dans l'achat de masques et d'autres équipements de protection individuelle de façon à prévenir les risques de rupture de stock.
Vous savez que, s'agissant des masques, nous nous sommes engagés à hauteur de 1 milliard d'euros à passer commande de masques français, mais il faut que cette démarche soit reprise en temps normal par l'ensemble des acteurs de l'achat public ; non qu'il faille commander 100 % de ses masques en France, mais il n'est pas interdit d'en commander une partie, ce qui permettra de maintenir ces entreprises à flot en cas de nouvelle crise.
Madame la ministre, même si vous disposez là d'un levier direct, vous savez bien qu'on ne va pas s'en sortir seulement en demandant aux acheteurs publics que le ministère de l'éducation nationale ne se fournisse plus en Roumanie ou le ministère de la justice en Asie. Parvenir à construire des filières – y compris dans le textile et dans le bois, je vais y revenir – en invitant les gens à acheter ce qui est produit ici, ne peut pas seulement passer par de la morale : cela doit passer aussi par le prix, qui devrait être du même ordre de grandeur que celui proposé en Chine ou en Roumanie.
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
Vous butez sur un dogme que vous ne voulez pas remettre en cause : celui du libre-échange ! Si on veut reconstruire une industrie dans notre pays, du lave-linge à Amiens chez Whirlpool par exemple, il nous faut des barrières douanières – taxes aux frontières, quotas d'importation. Sinon, ce qu'on va réussir à relocaliser restera extrêmement marginal.
L'amendement n° 1160 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1161 .
Notre pays importe 40 % des bois destinés à la construction, nous sommes en train de subir les résultats d'une désindustrialisation qui dure depuis trop d'années. Nous sommes devenus trop dépendants des autres pays, aussi bien en matière de production que de fabrication, alors que l'ampleur de notre domaine forestier nous permettrait d'être indépendants. C'est un paradoxe puisque, malgré ses forêts, notre pays importe massivement du bois après l'avoir exporté pour qu'il soit transformé en Asie du sud-est. Il y a donc nécessité de reconstruire une filière industrielle du bois, ce qui passe sans doute par l'acquisition de machines qui ont disparu du pays, mais aussi par une politique commerciale interdisant d'exporter un bois qui peut être transformé en France. Cela favorisera la production locale parce qu'il sera alors moins cher d'acheter des produits transformés et fabriqués ici que d'acheter des produits venant du bout du monde.
Vous soulevez un sujet très important : 200 millions d'euros ont été investis dans le cadre du plan de relance, auxquels s'ajoutent 100 millions supplémentaires annoncés par le Premier ministre en juillet dernier. À ce propos, madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous éclairer sur le niveau d'engagement de ces crédits ? Je pense comme vous, monsieur Ruffin, que nous pouvons faire davantage. Dans le cadre du plan France 2030, 500 millions d'euros seront investis dans la filière bois ; nous devons, ensemble, nous montrer très vigilants sur le déploiement de ces crédits.
J'ajouterai deux remarques plus personnelles. D'abord, plusieurs pays ont décrété des embargos pour protéger les entreprises de leur filière bois, le temps qu'elles reconstituent leurs stocks ; j'ai interrogé le Gouvernement sur cette initiative, qui pose question. Ensuite, le rôle de nos forêts et de nos prairies naturelles dans la captation de carbone devrait être davantage reconnu.
Quant à votre amendement, monsieur Ruffin, il plaide, comme le précédent, en faveur de l'instauration d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne – mesure qui pourrait rassembler beaucoup d'entre nous.
Défavorable. Il s'agit à nouveau d'un amendement d'appel, mais il me donne l'occasion d'évoquer la situation de la filière bois. Je voudrais d'abord rappeler tous les travaux qui ont été menés ces derniers mois, notamment les assises de la forêt et du bois, qui nous ont permis, avec Bérangère Abba et Julien Denormandie, de faire des propositions et de dérouler une stratégie visant à conforter l'ensemble de la filière, de l'amont à l'aval.
Pour ce qui est de l'exportation, nous avons demandé à la Commission européenne de prendre des mesures de protection, dans la mesure où plusieurs pays hors Union européenne ferment leur marché. J'invite toutefois à garder la mesure en parlant de commerce international. À vous entendre, monsieur Ruffin, les Français devraient payer beaucoup plus cher pour s'approvisionner en produits français ; j'espère que leurs moyens le leur permettent, mais restons attentifs à leur pouvoir d'achat et à leur reste à vivre. C'est un sujet qu'on ne peut pas balayer d'un revers de la main !
Enfin, s'agissant de l'investissement dans la filière bois, monsieur Brun, notre plan a pour objectif à la fois d'adapter la forêt au réchauffement climatique, pour préserver nos atouts dans ce domaine – la priorité étant de sauver et de consolider la forêt confrontée aux maladies dues à la hausse des températures –, et d'accompagner les scieries et les acteurs de la transformation aval, pour les renforcer et les rendre capables d'offrir toute une palette de produits à base de bois. Nous agissons notamment au travers du comité stratégique de filière Industries pour la construction, qui fait la part belle au bois. Ce comité travaille main dans la main avec les industriels pour leur offrir des débouchés.
Voilà, concrètement, ce que nous faisons pour la filière bois.
J'invite chacun, y compris les rapporteurs et le Gouvernement, à la synthèse : nous avons une longue soirée devant nous, car il nous faut terminer ces missions budgétaires aujourd'hui.
M. Guillaume Larrivé applaudit.
Pourquoi continue-t-on à fabriquer des vélos en France et en Europe ? Parce que des barrières douanières ont continué à protéger ce secteur. On n'entend pas les Français protester contre le prix du vélo !
J'avais étudié la question sur le lave-linge : Whirlpool en a délocalisé la production d'Amiens en Pologne en 2001, alors que la différence du coût de production ne représentait que quelques dizaines de centimes d'euro, au maximum quelques euros. J'entends, monsieur Brun, ce que vous dites sur la taxe carbone aux frontières de l'Union européenne ; je l'espère et l'attends, tel Arlequin – l'attente risque d'être longue ! La question est de savoir ce que nous faisons, nous, ici et maintenant.
L'amendement n° 1161 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1162 .
Une tribune de patrons du textile, parue dans Le Monde, met l'accent sur le paradoxe que je ne cesse de souligner en vous présentant mes amendements : « Quand nous relocalisons, nos vêtements deviennent bien plus chers que ceux fabriqués à bas coût à l'autre bout du monde. Quand nous sortons du cycle infernal des soldes et des promotions, les "prix cassés" attirent les clients ailleurs. Quand nous ralentissons le rythme de nos collections afin de moins pousser à la consommation, d'autres marques renouvellent les leurs toujours plus rapidement, nous prenant ainsi des parts de marché. C'est indéniable : il y a aujourd'hui un avantage économique à produire de manière irresponsable. Une "prime au vice" que nous dénonçons. » Ce sont des patrons, je répète, des patrons du textile qui veulent changer leur mode de production, relocaliser et produire de manière plus éthique, et qui expliquent que s'ils le font, ils se tirent une balle dans le pied et perdent leurs clients.
Comment comptez-vous relocaliser et promouvoir des modes de production plus durables en matière environnementale et sociale, tout en restant dans une économie ouverte, dans le cadre du libre-échange, alors que d'autres pays vont continuer à produire pour dix fois moins cher ?
Je rappelle l'importance du secteur textile sur le plan écologique. Certes, les usines polluent, mais 70 % de la pollution est liée à la production des matières. Le coton représente 16 % des pesticides dans le monde ! C'est un secteur clé pour la transformation écologique qu'on souhaite pour demain.
Votre amendement d'appel me semble répondre à la logique d'ensemble du PIA qui vise à investir dans les innovations de demain. Le textile fait partie des domaines concernés. Je peux en témoigner : en Ardèche, du Cheylard aux Vans en passant par Prades, beaucoup d'entreprises fabriquent des textiles innovants qui servent le secteur automobile, l'industrie du luxe ou le sport. Nos athlètes, aux Jeux olympiques, portent une fibre fabriquée, pour une grande partie, dans mon département.
À titre personnel, j'émets donc un avis de sagesse.
C'est à nouveau un amendement d'appel, qui n'a pas vocation à être adopté. Avis défavorable.
Pour ce qui est de notre action en faveur de la relocalisation de l'industrie textile, nous aidons les entreprises à réinstaller leur production en France ou à l'étendre. Nous l'avons par exemple fait pour la filière lin, notamment dans l'Aube, à côté de Troyes. Ces projets représentent aujourd'hui une des principales sources de dossiers au titre du dispositif Territoires d'industrie. C'est très concret : des chaînes de production se réinstallent en France, avec des centaines, voire des milliers d'emplois à la clé.
Sur le vote des crédits de la mission "Investissements d'avenir" , je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François Ruffin.
Je ne doute pas qu'en faisant de la broderie, on puisse, de manière marginale, faire revenir quelques petits bouts de l'industrie textile dans notre pays. Mais si on reste dans le régime du libre-échange, la masse du textile continuera à être importée de Chine ou d'autres pays d'Asie, où, du fait d'un coût du travail et de normes environnementales et fiscales bien plus faibles que chez nous, la production restera bien moins chère. Face à ce déséquilibre, la logique en vigueur depuis trois décennies consiste à accepter le dumping et à tenter de rester compétitifs ; elle a conduit à la division par quatre du nombre de salariés du textile.
L'amendement n° 1162 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 2390 rectifié .
Le présent amendement modifie le nom de la mission afin de le mettre en conformité avec son périmètre, qui regroupera dorénavant les crédits d'investissement dans l'innovation et le financement de projets de massification, de déploiement ou d'industrialisation, plus en aval que ceux financés par la mission actuelle.
L'amendement n° 2390 rectifié est adopté.
Les cinq minutes réglementaires depuis l'annonce du scrutin public n'étant pas encore écoulées, que fait-on ?…
Sourires.
C'est ce qui s'appelle avoir le sens de l'opportunité, monsieur Ruffin ! C'est impossible, je le regrette.
Je mets aux voix les crédits de la mission "Investissements d'avenir" .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 41
Nombre de suffrages exprimés 41
Majorité absolue 21
Pour l'adoption 39
Contre 2
Les crédits de la mission "Investissements d'avenir" , modifiés, sont adoptés.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 2388 qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
Le présent amendement vise, à des fins de clarté et de lisibilité, à unifier le programme d'investissements d'avenir et le plan France 2030 sous une doctrine et une gouvernance partagées. Les raisons de cette démarche ayant été largement explicitées, je n'entre pas dans les détails.
Il me permettra de revenir à la charge. Nous vous demandions, madame la ministre déléguée, de préciser le dispositif proposé par le Gouvernement afin que la représentation nationale puisse enfin savoir dans quelle mesure les annonces du plan France 2030 se recoupent ou non avec des annonces passées. Je vous ai posé la question, comme à M. Le Maire, sur le GPI de 57 milliards d'euros. Annoncé en 2017, il n'a pas fait l'objet d'un bilan détaillé en matière de crédits réalisés, de reprise d'anciennes annonces et de projets arrêtés. Je ne crois pas vous avoir entendue répondre à ma question. Peut-être qu'en la reposant à l'occasion de ce sous-amendement, l'aurai-je enfin ? J'aimerais une réponse détaillée, non des généralités sur les objectifs du Gouvernement. Dites-nous ce que vous avez fait des 57 milliards annoncés.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement n° 3522 .
Madame la ministre déléguée, c'est la ministre de la transition écologique qui devrait être là, avec vous, sur ce banc, pour défendre le plan France 2030, qui est présenté comme la réponse du Président de la République à la crise climatique en cours. Quelles en sont les propositions ? Pour les transports, c'est l'avion vert ; pour l'agriculture, c'est la génétique, la robotique et le numérique ; pour la santé, ce sont les technologies de rupture – c'est dans ces technologies qu'il s'agit d'investir alors qu'on aurait surtout besoin de lits, d'infirmières et de soignants.
Dans le discours du Président de la République à la conférence des parties de Glasgow, la COP26, à laquelle il tenait à assister, on lit vingt-trois fois le mot « technologie », quatre-vingt-quatre fois « innovation », trente-cinq fois « rupture », trente-six fois « accélération » ; mais la nature, elle, est absente, sauf dans l'expression « la nature des dépenses publiques » ; l'air, dans un discours qui dure plusieurs heures, n'est mentionné qu'une seule fois, pour parler de l'armée de l'air ; l'eau, ce grand défi de l'avenir, n'est jamais mentionnée, pas plus que les rivières, les oiseaux, les abeilles, etc.
Dans quelle France veut-on vivre en 2030 ? Si la seule réponse à la crise climatique, c'est le tout-technologique, alors on va s'enfoncer encore un peu plus dans le mur écologique. Il serait plutôt nécessaire d'appuyer sur la pédale de frein, de ralentir et de changer de direction.
La commission n'ayant pas examiné les sous-amendements, je me prononcerai à titre personnel. L'avis est favorable à l'amendement du Gouvernement, ainsi qu'aux sous-amendements de coordination n° 3516 et 3520 de Mme Dalloz. Concernant les quatre autres sous-amendements, l'avis est défavorable puisqu'ils sont satisfaits : la loi prévoit d'ores et déjà que le Parlement reçoive tous les trimestres un reporting sur la gestion des fonds alloués au titre de la mission "Investissements d'avenir" . En outre, le jaune budgétaire portant sur la mise en œuvre des investissements d'avenir précise le montant des décaissements réalisés depuis 2010.
Vous l'aurez compris, notre série de sous-amendements a vocation à susciter un débat sur ce que doit être la France de 2030. Certes, d'autres missions budgétaires doivent être examinées et nous sommes un peu pressés par le temps, mais il n'empêche : c'est tout de même assez incroyable de se dire qu'en un petit bout d'après-midi, nous devions dessiner ce que sera la France dans une décennie.
Dans le domaine des transports, l'avion vert est-il vraiment l'avenir, alors que les patrons d'Airbus ou d'Air France, ou encore les associations de transporteurs, nous affirment que ce ne sera pas possible avant 2035 ou même 2050 ? Ne devrions-nous pas plutôt tout faire pour plafonner l'usage de l'avion, en faisant en sorte qu'il reste accessible à tous, tout en limitant son utilisation pour ceux qui y ont recours comme on prendrait le métro ?
S'agissant de l'énergie, doit-on s'interroger sur la production nucléaire de proximité ou, en premier lieu, sur les moyens permettant d'économiser de l'énergie dans les domaines du logement, du chauffage ou des transports ? Pour le monde agricole, après la chimisation et la mécanisation, l'avenir est-il dans la génétique, la robotique et le numérique ou, au contraire, dans une agriculture de proximité ? En matière de santé, va-t-on s'en sortir en investissant dans des technologies de rupture ou, plus simplement, dans des lits et en recrutant les infirmières et les soignants dont on aurait déjà tant besoin aujourd'hui ?
Voilà qui mérite un grand débat ; mais celui-ci n'a pas lieu, que ce soit ici ou ailleurs : c'est le Président de la République qui a imposé ce que devra être la France de 2030. Il est assez incroyable d'examiner tous ces enjeux à la six-quatre-deux, au détour d'un petit bout d'après-midi.
Et mon collègue Coquerel n'a pas eu de réponse à une question qui était précise.
L'amendement n° 2388 , sous-amendé, est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l'amendement n° 1159 .
Tout à l'heure, nous avons discuté d'un amendement à 34 milliards d'euros. Malheureusement, je doute que la presse s'occupe beaucoup de nos débats ; c'est dommage. Les journalistes ne l'auront donc pas relevé, madame la ministre déléguée : à deux reprises, je vous ai demandé un bilan détaillé au sujet du dernier plan d'investissement annoncé en 2017 par le Président de la République, et je n'ai pas eu de réponse.
J'en reviens à l'amendement : il vise à conditionner les aides de la mission "Investissements d'avenir" à l'absence de versements de dividendes ou de licenciements non justifiés par la crise. Tout à l'heure, j'entendais parler de l'importance du plan France 2030, notamment pour le secteur aérospatial et les technologies d'avenir. Je vais vous parler de l'entreprise PGE, dont les salariés ont saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, pour demander la suspension du plan social annoncé il y a quelques mois. Cette entreprise fabrique du mastic de haute technologie. Cela suppose une grande technicité : elle est la seule en France à produire ce type de mastic pour le secteur aérospatial ; ses clients sont Dassault et Aérospatiale.
Il y a cinq ans, l'entreprise a été rachetée par un fonds de pension américain. Celui-ci a profité du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), du crédit d'impôt recherche et, évidemment, des aides mises en place pendant la crise du covid-19. Bilan : cinq ans plus tard, il décide de délocaliser PGE en emportant les brevets – ce qui interdira toute reprise en France –, tout en conservant, évidemment, les clients français d'une entreprise qui faisait des bénéfices. À l'avenir, nous ne souhaitons plus que d'autres entreprises subissent le même sort que PGE.
Il n'est pas normal que des entreprises du CAC40 – qui ont touché des milliards d'euros d'aides publiques pendant la crise du covid-19 – distribuent 51 milliards d'euros de dividendes en 2021 et que, dans le même temps, elles annoncent le licenciement de 30 000 personnes en France.
C'est quelque chose d'insupportable. Chacun devrait comprendre que l'argent public ne peut servir à licencier, en tout cas à procéder à des licenciements sans légitimité économique, qui ne visent qu'à augmenter les profits et les dividendes.
Mon avis vaudra pour les trois amendements n° 1159 , 1158 et 1157 .
Je suis pour ma part opposé au principe de conditionnalité des aides, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, le PIA et France 2030 visent à aider des entreprises innovantes pour préparer le pays aux défis économiques de demain. Subordonner le versement des aides à de multiples critères ne permettrait pas de sélectionner les meilleurs projets, les projets les plus innovants.
Ensuite, nos entreprises sortent à peine d'une crise économique sans précédent, et ajouter de la complexité administrative, alors que les procédures d'octroi des fonds PIA sont déjà très encadrées, me paraît inopportun.
Enfin, vous souhaitez conditionner le versement des aides à des engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre, mais je vous rappelle que la décarbonation de l'économie est justement un des principaux objectifs de France 2030 : 50 % des crédits ouverts dans ce cadre y sont consacrés.
Je vous invite donc une fois de plus à veiller, ce qui est notre rôle de parlementaires, au contrôle de l'action du Gouvernement afin de vérifier que ces objectifs soient atteints. Avis défavorable.
Monsieur Coquerel, puisque vous avez absolument besoin d'un retour sur le plan d'investissement, annoncé en 2017, je rappelle qu'il existait l'an dernier un jaune budgétaire vous donnant tous les détails de ce plan, qui regroupe du PIA, sur lequel vous avez tous les éléments, le plan d'investissement dans les compétences, sur lequel vous avez également tous les éléments de reporting, ainsi que les actions de la Banque des territoires et de la Caisse des dépôts et consignations, notamment dans les infrastructures. Cette information a été rendue disponible. On peut la ressortir, faire de l'archéologie ,
M. Éric Coquerel rit
mais cela ne révélerait aucune nouveauté.
Vous l'avez compris, il ne s'agit pas tout à fait de la même logique de plan puisque nous parlons, dans France 2030, de la partie innovation et industrialisation. Les autres sujets mentionnés par M. Ruffin, la santé, les lits et l'équipement des hôpitaux, les recrutements, sont traités dans d'autres plans et par des moyens sans égal avec ce qui existait lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement.
Nous savons de quoi est faite la France de 2030 : c'est la vision d'une France décarbonée, qui associe tous les Français et fait en sorte qu'ils vivent mieux, dans un pays plus autonome stratégiquement, et qu'ils puissent voir grandir leurs enfants dans de meilleures conditions.
Avis défavorable sur l'amendement. Vous avez voulu parler, je pense, de l'entreprise PPG Industries et non PGE. Cette société n'est d'ailleurs pas détenue par des fonds de pension mais par un industriel américain, ce qui n'empêche en rien le suivi que nous menons avec la députée Fiona Lazaar.
C'est M. Ruffin qui s'exprimera sur ces deux amendements relatifs aux conditionnalités écologiques. Je souhaite quant à moi réagir à ce qui vient d'être répondu.
Oui, madame la ministre déléguée, je demande le bilan : c'est mon droit de parlementaire. Puisque vous me parlez du jaune, cela vaut réponse. Le jaune n'indique que 10 milliards de crédits nouveaux alors que 57 milliards avaient été annoncés. Nous avons donc la réponse du Gouvernement : il n'y a rien eu de nouveau. Aujourd'hui, et c'est évidemment lié à ce que je viens de relever, vous nous annoncez une enveloppe de 34 milliards d'euros, dont 30 milliards en autorisations d'engagement et non en crédits de paiement. Chat échaudé craint l'eau froide : on peut ici augurer le même avenir que pour le GPI ou les trois PIA, avec, sur 60 milliards annoncés, seulement 30 milliards décaissés.
Vous avez raison sur le nom de PPG, et je sais que vos services travaillent sur ce dossier ; mais vous vous êtes contentée d'accompagner le plan social. Une entreprise touche des fonds publics, licencie en France, prend les brevets et les exporte ailleurs avec des clients français : je le dis pour répondre aussi à M. Brun, que j'ai connu plus social. Si vous pensez que cet exemple, qui n'est pas unique, est normal, nous n'avons pas la même conception des choses. Je considère que, comme le souligne le troisième rapport de France Stratégie, de l'argent donné aux entreprises sans contreparties ne nourrit ni l'investissement, ni les salaires, ni l'emploi.
Notre collègue Brun, quand il siège de l'autre côté de l'hémicycle, est plutôt sympathique et efficace dans son opposition.
Là, dans le rôle de commissaire suppléant, il vient d'enfiler son costard libéral. Il est complètement idiot, pardon de le dire avec cette franchise, de se déclarer contre la conditionnalité des aides !
M. François Ruffin applaudit.
Lorsqu'il s'agit d'aider les pauvres, on va toujours regarder quelles contreparties il faut prévoir et de quels détournements ils sont capables pour survivre. L'objet de France 2030 est la souveraineté industrielle. Après la crise que nous venons de traverser, ce n'est pas une mince affaire ! Savoir si l'innovation sera au service de la protection de la planète, ce n'est pas non plus une question complètement stupide, ni si cela nous permettra de recréer de l'emploi dans nos territoires !
Si nous ne sommes pas au service de l'emploi dans nos territoires, d'une innovation qui permette de recouvrer une souveraineté industrielle, dans le respect de la planète et des hommes et femmes qui y vivent, je ne sais pas à quoi nous servons. Même les gens du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), de France Stratégie, les gens de droite, disent aujourd'hui qu'il n'est pas complètement idiot de vouloir que les aides publiques soient efficaces, opérantes et servent leur objectif.
Il y a un malentendu. Ces aides sont conditionnées par la réalisation du programme. Les entreprises perçoivent des avances mais doivent ensuite justifier de l'utilisation des crédits, sur la base des factures. Dans les dispositifs industriels prévus dans le cadre de France relance, par exemple, les aides sont conditionnées à la présentation des factures, lesquelles correspondent à des éléments de programme d'investissement dans des sites. J'imagine qu'il peut y avoir des abus, comme toujours, mais je vois difficilement comment on peut à la fois financer d'autres dépenses et la machine à commande numérique qui figure dans votre plan d'investissement. Ce que vous dites n'est donc pas vrai.
Je voudrais aussi que l'on sorte de la caricature. PPG est un exemple. J'entends que l'accompagnement social ne soit pas satisfaisant mais, soyons clairs, 85 % des bénéficiaires du plan de relance sont des PME et des ETI qui produisent en France, non des entreprises du CAC40 qui financeraient leurs projets en Inde. C'est complètement à côté de la plaque, pardonnez-moi !
Les entreprises du CAC40 reçoivent quand même beaucoup d'argent public !
L'amendement n° 1159 n'est pas adopté.
Comment se fait-il que, quand il s'agit de donner des centaines d'euros aux gens, tout est très conditionné, surveillé, contrôlé, mais quand il s'agit de millions, de centaines de millions ou de milliards versés aux entreprises, là, tout est beaucoup moins contrôlé et fléché ? Nous souhaitons conditionner les aides à l'absence de licenciements, ce que n'induit pas la réalisation d'un projet, et celle-ci n'empêche pas non plus les entreprises bénéficiaires de frauder le fisc en transférant leurs comptes dans certains pays. J'ai ainsi cité l'enquête OpenLux à la tribune : elle a révélé que trente-sept des cinquante plus grandes fortunes françaises ont des comptes au Luxembourg. Même si la majorité des fonds vont à des PME, de grands groupes peuvent en percevoir ; dans ce cas, acceptez-vous que ce soient des groupes ayant des comptes au Luxembourg ou ailleurs ? Nous souhaitons enfin des mesures permettant de garantir que le dispositif sera bénéfique, et non nuisible à l'écologie.
De manière plus globale, vous posez une relation de synonymie entre innovation technologique et progrès humain. Cela a pu être vrai pendant des décennies, dans l'esprit des gens, mais il s'est produit une rupture, avec Hiroshima, Fukushima, Bhopal, l'Erika, le réchauffement climatique ou le recul de la biodiversité. Je ne dis pas que l'innovation technologique produit automatiquement des catastrophes, mais il n'y a plus de relation d'équivalence entre innovation technologique et progrès humain. Cela signifie qu'il faut opérer un tri entre les technologies que nous voulons développer et les autres. Or le tri ne se fera pas ici, démocratiquement : il est laissé aux bons soins du marché et du Président de la République.
M. Éric Coquerel applaudit.
J'appelle les crédits du compte de concours financier "Accords monétaires internationaux" , inscrits à l'état D.
Les crédits du compte de concours financier "Accords monétaires internationaux" sont adoptés.
J'appelle les crédits du compte de concours financier "Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés" , inscrits à l'état D.
Les crédits du compte de concours financiers "Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés" sont adoptés.
J'appelle les crédits de la mission "Engagements financiers de l'État" , inscrits à l'état B.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 2708 .
Il procède à une augmentation de 1,133 milliard d'euros, en AE et en CP, du programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l'État. Cette révision à la hausse de la charge de la dette en 2022 s'explique d'abord par un effet de 0,8 milliard dû à une révision à la hausse des prévisions d'inflation en zone euro – sur ce point, nous avons pris en compte l'avis du Haut Conseil des finances publiques –, ensuite par un effet de + 0,3 milliard d'euros lié à l'intégration des émissions de dette et des taux effectivement constatés entre début septembre, date de la prévision pour le PLF 2022, et mi-octobre, qui ont un effet sur la ventilation du programme d'émissions futures.
La parole est à Mme Bénédicte Peyrol, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Cet amendement n'ayant pas été examiné en commission, je donnerai un avis personnel sur cet ajustement des indicateurs macroéconomiques, à propos desquels Mme la ministre déléguée a rappelé l'avis du HCFP. J'y suis favorable. Pour l'information de la représentation nationale, environ 10 % du programme des émissions de dette sont indexés sur l'inflation. Cette indexation partielle est importante car elle correspond à une demande des investisseurs, qui ont une appétence pour de tels titres.
L'amendement n° 2708 est adopté.
Cet amendement vise à dénoncer l'ineptie de la politique de cantonnement de la dette que vous avez décidée, à savoir l'idée de réserver une partie des recettes de l'État au remboursement de la dette covid, un peu sur le modèle de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) s'agissant du budget de la sécurité sociale. Cela explique très certainement pourquoi vous avez annoncé que, d'ici à 2027, les crédits, si M. Macron est réélu, ne connaîtraient qu'une augmentation de 0,7 % chaque année, ce qui serait une baisse historique, que je dénonce, par rapport aux besoins de la population.
Il est dommage que nous ne puissions pas présenter de graphiques dans cet hémicycle, car vous nous en montrez souvent un pour véhiculer l'idée que nous avons retrouvé le niveau de croissance d'avant la crise. Sauf que, sur ce graphique, on voit entre les deux une sorte d'entonnoir indiquant ce que nous avons perdu comme production de richesse. Si l'activité a pu redémarrer, c'est justement parce que la dette covid a été mise au service de l'activité économique et des entreprises.
Or, ce que vous nous dites, c'est que nous allons nous traîner cette dette pendent des années, en remboursant non seulement les intérêts mais aussi le stock, ce qui est particulièrement stupide. Et si vous refusez de l'annuler, faites-la au moins rouler de manière perpétuelle à taux d'intérêt nul, comme nous le faisons très souvent. Cela nous permettrait de ne pas pénaliser notre développement économique dans les années à venir par ce poids que nous aurions à porter.
Je le répète, nous sommes pour l'annulation de la dette liée au covid-19 ou, à défaut, pour la faire courir dans le temps avec un taux d'intérêt nul, ce qui aurait pour effet, à terme, de l'éteindre. Surtout, ne pénalisez pas l'économie et n'entravez pas les dépenses publiques avec un remboursement inepte de la dette dans les années à venir.
Ma réponse sera d'abord politique, puis technique.
Premièrement, par cet amendement, vous sous-entendez que nous appauvririons les Français et porterions atteinte à l'économie en remboursant la dette et ses intérêts. Je ne partage pas du tout cette vision : au contraire, nous protégeons les Français et renforçons notre souveraineté en agissant de la sorte car, vous le savez, une partie de notre dette est détenue par des créanciers étrangers.
Deuxièmement, d'un point de vue technique, sachez qu'il ne s'agit pas d'un cantonnement, mais d'un isolement comptable de la dette liée au covid-19 : nous continuons bien de la faire rouler. En revanche, par souci de transparence vis-à-vis de nos concitoyens, du marché et de la représentation nationale, nous ne ponctionnons pas, contrairement à la CADES, une fraction spécifique des recettes de l'État pour l'honorer, mais une fraction évolutive, équivalant à 6 % du surplus de recettes fiscales que l'État percevra à partir de 2022 par rapport au niveau de 2020.
Avis défavorable, donc.
Il est également défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées par Mme la rapporteure spéciale.
Puisque vous voulez entrer dans la technique, vous savez aussi bien que moi que la particularité de la dette liée au covid-19 est d'avoir été rachetée par la Banque centrale européenne, pour un montant total de 700 milliards d'euros. Elle appartient donc, de fait, aux banques centrales respectives des pays de l'Union, donc pour partie à la Banque de France. Par choix, vous n'avez pas contracté le montant maximal qu'autorisait la Banque centrale européenne, vous contentant d'environ 166 milliards d'euros.
Quoi qu'il en soit, cette dette a la particularité de ne pas être détenue par les marchés, par la finance : nous avons donc déjà la possibilité de décider souverainement de ce que nous en faisons. Si nous ne remboursons pas les intérêts de la dette, nous ne pénalisons que nous-mêmes : nous ne récupérons pas d'intérêts sur une dette que nous possédons déjà par l'intermédiaire de la Banque de France.
En ce qui nous concerne, nous estimons que cela vaut largement le coup, car nous n'aurions donc pas ce poids à supporter dans les années à venir, ni à réduire nos dépenses publiques, ce qui est, au fond, votre but. Au nom du remboursement de cette dette, vous souhaitez menez des réformes structurelles, dont celle des retraites : la rengaine habituelle, en somme.
J'insiste, pour le bien de l'activité économique et des services publics et pour un juste partage des richesses, nous affirmons qu'il faut annuler la dette liée au covid-19.
L'amendement n° 1168 n'est pas adopté.
Les crédits de la mission "Engagements financiers de l'État" , modifiés, sont adoptés.
J'appelle les crédits du compte d'affectation spéciale "Participation de la France au désendettement de la Grèce" , inscrits à l'état D.
Les crédits du compte d'affectation spéciale "Participation de la France au désendettement de la Grèce " sont adoptés.
J'appelle les crédits du compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État" , inscrits à l'état D.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 2710 .
Il tend à allouer des crédits supplémentaires au compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État " à hauteur de 660 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Ces crédits doivent permettre d'exécuter, en 2022, les dépenses en fonds propres prévues dans le cadre du plan France 2030, qui transiteront par le compte d'affectation spéciale et qui s'ajoutent aux dépenses budgétaires.
Ces fonds additionnels serviront à soutenir l'accélération de la croissance des start-up pour un montant de 450 millions d'euros, l'accélération des implantations de start-up industrielles pour 150 millions d'euros et l'investissement dans des entreprises porteuses de projets agricoles d'avenir pour 60 millions d'euros.
Il y a le fond et la forme. Sur le fond, nous sommes évidemment favorables à la prise de participations dans des entreprises grâce au plan France 2030 : nous l'avons dit tout à l'heure.
Cela étant, s'agissant de la forme, j'ai listé ce matin les sept éléments qui ne fonctionnent plus du tout dans ce compte d'affectation spéciale. Or, madame la ministre déléguée, vous cherchez ici à y ajouter une nouvelle fonctionnalité, indiquant en l'occurrence que des fonds « transiteront » par ce canal. Mais le compte d'affectation spéciale ne peut pas servir de transition à tout, du remboursement de la dette covid au financement des start-up ! En agissant de la sorte, vous le dénaturez et lui faites perdre en lisibilité. Il ne faudra pas vous étonner que l'action publique ne soit pas comprise par nos concitoyens.
Je le répète, si nous sommes d'accord sur le fond, il conviendra de remettre à plat le compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État " au cours du prochain quinquennat, car il est devenu illisible. Il est même devenu une véritable caverne d'Ali Baba ! On s'en sert aussi bien pour rembourser une partie de la dette que pour prendre des participations dans des entreprises, mais sans percevoir de dividendes en retour : franchement, on n'y comprend plus rien !
La commission n'ayant pas examiné l'amendement, j'émettrai un avis de sagesse mais, sur la forme, il faut cesser d'utiliser ce compte d'affectation spéciale pour tout, car on n'y comprend plus rien.
L'amendement n° 2710 est adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1181 .
Il s'agit ici de reprendre le contrôle des autoroutes, dont la privatisation s'est déroulée dans des conditions aberrantes. En effet, d'après la Cour des comptes, alors que leur valeur était estimée à 27 milliards d'euros, elles ont été vendues pour 17 milliards, ce qui constitue un gros cadeau de 10 milliards d'euros directement adressé à Vinci, Eiffage et Albertis Infraestructuras.
À cet égard, les dividendes que versent ces entreprises à leurs actionnaires ne cessent d'augmenter, étant passées de 950 millions à 4,7 milliards d'euros, soit une multiplication par cinq. Il faut d'ailleurs savoir que sur chaque euro payé par un automobiliste au péage, 50 centimes, soit la moitié, atterrissent directement dans la poche des actionnaires de ces sociétés. À ce stade, ce n'est plus d'une poule aux œufs d'or dont il s'agit, mais d'une oie ou d'un faisan géant en or !
Il est donc nécessaire que l'État reprenne le contrôle, à la fois pour récupérer ce qui est aujourd'hui versé en dividendes et pour contrôler les hausses de tarifs aux péages qui sont appliquées. Entre 2011 et 2018, sur 116 tronçons, les prix ont en effet progressé de 12 %, soit une augmentation largement supérieure à celle de l'inflation – la moitié étant allée, je le répète, dans la poche des actionnaires.
Je me souviens que nous avions adopté un amendement pour demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le bilan de la privatisation des autoroutes. Je ne crois pas que ce rapport ait été rendu, mais le Sénat a conduit une commission d'enquête l'an dernier sur les moyens juridiques dont dispose l'État pour réguler les concessions autoroutières.
Je n'ai plus en tête toutes les recommandations qui avaient été formulées, mais je sais que certaines pourraient être rapidement mises à profit. Je sais également que ma collègue Christine Pires Beaune envisage de saisir le Conseil d'État pour obtenir une lecture juridique sur l'ensemble des concessions qui ont été accordées.
Dans la mesure où la commission, que je représente au banc, n'a pas examiné cet amendement, je lui donne, comme au précédent, un avis de sagesse.
Il ne m'appartient pas de commenter une privatisation décidée en 2006 : cette date est ancienne et nous n'avons plus en tête tous les tenants et aboutissants. En tout état de cause, l'État actionnaire n'a pas vocation à revenir sur les concessions autoroutières, un telle renationalisation étant estimée par les experts à 45 milliards d'euros – j'insiste sur ce chiffre. Les concessions arrivant à échéance au cours des dix prochaines années, nous pourrons les récupérer gratuitement.
Les choses me paraissent donc assez claires, même si j'entends le questionnement de Mme la rapporteure spéciale sur les voies et moyens pour contrôler de plus près ces concessions. Des travaux avaient été conduits en la matière dans le cadre des réflexions sur la privation d'ADP : nous avions envisagé une concession glissante, afin de conserver des leviers d'intervention et ainsi de nous assurer de l'équilibre des contrats.
L'amendement n° 1181 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 2669 .
S'il aurait pour conséquence de faire bouger des crédits d'une ligne à l'autre, son objet est bien de supprimer le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII), anciennement appelé Fonds pour l'innovation de rupture. Depuis quatre ans, je dénonce en effet l'usine à gaz que représente ce fonds, dans lequel vous transférez des actifs de l'Agence des participations de l'État, lesquels produisent des intérêts censés être ensuite investis dans l'innovation de rupture.
La Cour des comptes a dénoncé la « complexité » inutile d'un tel circuit dans son rapport, estimant que cette complexité constitue un frein à la réalisation de l'objectif que le Gouvernement souhaite atteindre. Résultat des courses : après quatre ans, nous nous apercevons que moins du tiers des crédits alloués au Fonds ont été investis dans des entreprises innovantes.
J'estime donc que le Gouvernement aurait intérêt à revenir à davantage de lisibilité et de simplicité, à renoncer à cette usine à gaz, à supprimer le Fonds et à réaliser ses investissements soit par l'intermédiaire du PIA 4, soit directement depuis le budget général de l'État.
La commission n'ayant pas examiné cet amendement, je m'en tiendrai à nouveau à un avis de sagesse.
Je ne partage pas votre point de vue sur l'efficacité du FII, madame la rapporteure spéciale. Sur la période 2018-2021, les programmations d'engagements de ce fonds s'établissent à 1 milliard d'euros : 277 millions en 2018, 260 millions en 2019, 125 millions en 2020 et 330 millions en 2021. Cela nous a permis d'accompagner des entreprises dans des innovations pour un montant total de 800 millions d'euros : 230 millions en 2018 et en 2019, 160 millions en 2020 et 180 millions en 2021. Sur cette somme, 400 millions d'euros ont jusqu'ici été décaissés, ce qui est normal s'agissant de projets innovants car, dans ce domaine, nous savons que la courbe de consommation des crédits est exponentielle.
Ce qui compte, c'est que chaque projet bénéficie d'une programmation et d'engagements pluriannuels. C'est ce que nous faisons et cela a par exemple permis de financer des projets liés au diagnostic médical, en lien avec l'intelligence artificielle.
S'il est toujours possible de discuter d'une simplification générale de la maquette budgétaire s'agissant de l'innovation, le FII a bien répondu aux objectifs que nous lui avions assignés.
Je ne partage pas l'avis de Mme la ministre déléguée. S'il est question de 1 million d'euros dans mon amendement, c'est parce que c'est le montant qui a été fléché vers ce Fonds pour l'innovation et l'industrie, dont tout le monde, de la Cour des comptes aux industriels, estime que c'est une usine à gaz. Vous avez le droit de penser le contraire et de considérer que la matière budgétaire doit être complexe pour être efficace, nous pensons exactement le contraire !
Vous pouvez dire que 400 millions sur plus de 1 milliard d'euros censés être injectés à l'origine, c'est bien ; nous disons, nous, que ce n'est pas bien : il n'y a qu'à regarder notre manque de réactivité par rapport à d'autres pays – je ne reviendrai pas sur l'épisode de septembre 2020, lorsque Mme Merkel a immédiatement investi 750 millions d'euros dans trois entreprises, dont la moitié dans BioNTech, ce qui lui permet aujourd'hui de récupérer pour 20 milliards de dividendes grâce au vaccin développé par BioNTech.
Cette réactivité, nous ne l'avons pas. Plus grave, plutôt que de créer des choses simples, vous créez des usines à gaz, ce dont convient la Cour des comptes en parlant, plus poliment que moi, d'une complexité inutile.
L'amendement n° 2669 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 2671 .
Par cet amendement j'entends interpeller le Gouvernement sur le fait que l'Agence des participations de l'État (APE) n'a aucun objectif assigné. Ainsi, dans son portefeuille, valorisé à 125 milliards d'euros, vous ne trouverez pas un seul euro investi dans le secteur de la santé, ce qui est quand même extrêmement regrettable, d'autant que, parallèlement, la France est le seul pays membre permanent du Conseil de sécurité qui n'a pas trouvé de vaccin, alors même que, en 1961, la technologie de l'ARN messager a été découverte en France par le professeur Monod.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de dégager d'ores et déjà 1 milliard d'euros pour les entreprises de santé. La commission n'ayant pas examiné cet amendement, j'émettrai, en son nom, un avis de sagesse.
Avis défavorable. Je veux d'abord rappeler que l'Agence des participations de l'État et l'État sont actionnaires du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), qui est un des acteurs majeurs en matière de produits sanguins et de produits à base de plasma.
Ensuite, le soutien public au capital des entreprises de santé se matérialise notamment au travers de la Caisse des dépôts et de BPIFrance, sachant que BPIFrance est détenue à 50 % par l'APE. Ce sont autant d'acteurs publics qui participent à la mise en œuvre de notre politique économique. À titre d'exemple, les fonds santé levés par la Caisse des dépôts et les assureurs en décembre 2020, sous notre impulsion, pour soutenir en capital et en dette la relocalisation de laboratoires de recherche ou d'unités de production de médicaments, le développement de services médicaux innovants ou encore la recherche, l'innovation et le développement de médicaments ont permis de soutenir la société Fareva, l'un de nos façonniers pharmaceutiques de pointe.
En ce qui concerne BPIFrance, c'est l'un des principaux acteurs du financement du secteur de la santé. J'ai moi-même été à l'initiative du fond InnoBio, créé en 2009, et qui, depuis, a eu un petit frère, le fonds InnoBio 2. Ce sont ainsi 1,3 milliard d'euros qui ont été investis en 2019 dans les entreprises de santé. L'État investit donc clairement dans le secteur de la santé.
Pour conclure, s'agissant des vaccins, la France a en effet – et croyez bien que je le regrette – mis un peu du temps pour en découvrir, mais vous savez comme moi que des laboratoires sont en train de finaliser leurs essais et que cela sera bien utile pour vacciner l'ensemble de la planète.
Je vous remercie, madame la ministre déléguée, mais vous avez cité la Caisse des dépôts et BPIFrance : moi, je vous parle des participations de l'État, c'est-à-dire de vos participations. La Caisse des dépôts, je vous le rappelle, est sous contrôle du Parlement, pas sous le vôtre.
Et l'APE ? et le FII ?
L'Agence des participations de l'État, c'est vous ! Et, sur les 125 milliards, vous ne trouverez pas 1 euro pour les entreprises de santé ; vous pouvez bien tourner autour du pot, il n'y a pas 1 euro d'investi. Quant au Laboratoire de fractionnement, vous savez parfaitement, madame la ministre déléguée, que son capital appartient pour partie à la Caisse des dépôts.
Ce que je cherche à vous dire, c'est qu'aujourd'hui le portefeuille de l'Agence des participations de l'État ne fait l'objet d'aucune politique stratégique, ce qui n'est le cas ni de la Caisse des dépôts ni de BPIFrance, qui ont toutes deux une stratégie. Et puisque pas 1 euro n'est fléché vers les entreprises de santé, cet amendement tend à créer une ligne budgétaire à cet effet.
L'amendement n° 2671 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1193 .
La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, prévoyait la privatisation du groupe ADP, détenu à 50,63 % par l'État. Le projet a finalement été reporté – ou annulé ? –, sans qu'on sache véritablement si cela est lié au fait que 1 million de personnes ont signé contre cette privatisation ou à la crise du covid.
L'objet de cet amendement est d'obtenir des informations sur le sort que vous comptez réserver à ADP, ce « bijou de famille » qui pourrait être un outil utile pour réorganiser le trafic aérien en France dans le cadre de la transition écologique. Comptez-vous reprendre cette privatisation ou est-elle définitivement annulée ?
Je soutiens pour ma part cet amendement puisque, avec 247 autres parlementaires, nous sommes à l'initiative du référendum d'initiative partagée et avons empêché, grâce à la signature de 1,2 million de Français, la privatisation des aéroports de Paris. D'ailleurs, s'ils avaient, en 2020, figuré au bilan d'une entreprise privée, je pense que cette entreprise privée aurait eu du mal à survivre.
À titre personnel, je donne donc évidemment un avis favorable à cet amendement.
La position du Gouvernement est connue. Les conditions de privatisation d'ADP ne sont pas réunies aujourd'hui, mais rien n'empêche de maintenir cette perspective, le cas échéant. À ce stade, quoi qu'il en soit, il n'y a pas lieu de modifier la loi. Avis défavorable.
Nous avons là une illustration supplémentaire du fait que le Gouvernement ne tire aucun enseignement de la crise que nous venons de traverser.
Un État souverain, un État qui prend soin de ses habitants et de ses territoires, c'est un État qui considère qu'un certain nombre d'outils stratégiques sont nécessaires pour accomplir une politique publique. Or, si la crise ne vous a pas permis de constater que les aéroports faisaient partie des outils essentiels pour assurer la souveraineté de la France, je ne sais pas de quoi on cause !
En tout cas, pour ce qui nous occupe ici, c'est contre-productif. C'est non seulement contraire à ce que souhaitent nos concitoyens, mais c'est aussi contraire aux intérêts de la France et contraire au bon sens, parce que, si ADP avait été privatisé, nos aéroports seraient en banqueroute à cause de la crise et nous aurions vu s'effondrer un outil stratégique majeur.
Vous ne tirez aucun enseignement de rien, vous avez raison tout seuls ; plutôt, le Président de la République a raison sur tout, et tout seul. C'est préoccupant pour la santé de la France.
Madame la ministre déléguée, vous nous dites que les conditions de la privatisation ne sont pas réunies. En d'autres termes, cela signifie que, comme aujourd'hui ADP est dans le rouge et fait des pertes, il doit rester dans le giron de l'État et que ce sont les Français qui doivent payer avec leurs impôts ; en revanche, lorsque nous serons sortis de la crise et que le groupe fera à nouveau des bénéfices, alors il pourra rejoindre le secteur privé, pour que Vinci empoche les gains ! Sinon, quelles sont ces conditions dont vous parlez ?
Je rappelle, comme l'ont fait Valérie Rabault et Sébastien Jumel, qu'à droite comme à gauche l'opposition était unanime sur le refus de céder ce bijou de famille qu'est ADP, comme on avait cédé les autoroutes. C'est la même problématique, la même politique qui se perpétue, alors même qu'il est clair qu'elle bénéficie à Vinci mais pas aux Français.
L'amendement n° 1193 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1194 .
Dans le prolongement du précédent, cet amendement porte sur les aéroports de Toulouse-Blagnac ou de Lyon-Saint-Exupéry. Nous nous opposons à la privatisation des aéroports à Paris, mais également en province.
La commission n'ayant pas examiné cet amendement, c'est à titre personnel que j'émets un avis favorable. Il est clair, en effet, que la privatisation de l'aéroport de Toulouse est l'exemple à la fois d'un non-sens économique et d'un gâchis financier, puisque, au bout du compte, le repreneur chinois le revend avec une belle plus-value réalisée au détriment des sociétés françaises.
L'amendement n° 1194 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1189 .
Gaz de France, puis GDF-Suez, est devenu Engie, cependant que la part de l'État dans le capital passait de 70 % à 23 %. Les dividendes versés par Engie à ses actionnaires depuis 2009 ont représenté plus de trois fois le montant des bénéfices, c'est-à-dire qu'Engie consacre tout, tout, tout à ses actionnaires ; c'est même plus que tout puisque, même ce qu'il n'a pas, il le donne à ses actionnaires, dans une forme d'auto-vampirisation de l'entreprise.
Cela se répercute sur les abonnements et les factures des Français, lesquelles ont explosé, tandis que nous nous privons d'un instrument qui non seulement pourrait nous permettre de lutter contre la flambée des coûts de l'énergie mais qui aurait également pu nous aider dans la transition écologique.
L'une des rares PDG à avoir une vision de ce que pouvait être une industrie au service de l'écologie était Isabelle Kocher : elle a été démise de ses fonctions par les actionnaires qui, eux, n'avaient aucune vision stratégique pour Engie mais se demandaient quelle serait la rentabilité d'Engie et ce qui retomberait dans leurs poches. L'État, alors, n'a pas joué son rôle pour empêcher ça, pas plus qu'il ne le joue aujourd'hui au sein du conseil d'administration.
Les deux principaux actionnaires d'Engie sont l'État et la Caisse des dépôts, et l'on peut en effet s'interroger sur le pouvoir réel qu'ils ont au sein du conseil d'administration. On en a eu un exemple avec la vente de la participation d'Engie dans Suez, où la puissance publique a semblé plutôt spectatrice qu'actrice. Cela porte à s'interroger, sinon sur qui prend les décisions, du moins sur la manière dont elles sont prises, laquelle ne semble pas toujours en harmonie avec les choix de l'État.
J'émettrai donc, à titre personnel, un avis favorable à cet amendement.
Avis défavorable : la discussion a déjà eu lieu sur ces bancs au cours des trois dernières années, et notre appréciation n'a pas connu de modification sensible depuis. L'État joue un rôle d'actionnaire important au sein d'Engie dont il détient 33,56 % des droits de vote. Je rappelle qu'Engie est la combinaison d'une société privée et d'une société publique. S'il est vrai que Gaz de France était une entreprise publique à 100 %, Suez était une société essentiellement privée ; l'acteur étant plus important, la capacité d'intervention de l'État est plus grande qu'elle ne l'était par le passé. Par ailleurs, Engie est encore un acteur de pointe et sa nouvelle directrice générale, Catherine MacGregor, a présenté un plan stratégique en faveur la décarbonation ; je ne me permettrai pas de considérer que sa vision est en deçà de celle de sa prédécesseure.
Quand Bruno Le Maire, qui est brillant – « le meilleur d'entre nous », dirait l'autre – parle de souveraineté industrielle, de made in France et d'État stratège, on a envie de lui donner le bon Dieu sans confession et, avec beaucoup de naïveté, on pourrait boire son engagement volontariste. Mais force est de constater que, lorsque l'État a les moyens, en tant qu'actionnaire, d'influencer une stratégie industrielle – car c'est cela qui nous occupe depuis le début de l'après-midi : comment retrouver des éléments de souveraineté ? –, comme c'est le cas avec Engie et avec Naval Group, il regarde passer les trains, laisse les actionnaires se nourrir de dividendes, autorise la casse de l'emploi et renonce à la préservation des savoir-faire. Vous me regardez en fronçant les sourcils, madame la ministre déléguée, mais l'État, y compris quand il est actionnaire, est dans le laisser-faire et le laissez-passer ; il renonce à influer sur les secteurs stratégiques qui posent des questions de souveraineté.
Il faudra peut-être un jour organiser un débat sur l'État actionnaire, car il ne s'agit pas simplement de mettre du fric pour en gagner ou en perdre. L'État est actionnaire de secteurs qu'il considère stratégiques – en tout cas, c'était l'esprit du général de Gaulle : je le dis en regardant le seul élu de droite présent dans l'hémicycle – pour influencer leur déclinaison territoriale et politique. À cela aussi, vous avez renoncé. C'est la raison pour laquelle je souscris à l'amendement du copain Ruffin sur Engie.
Madame la ministre déléguée, vous parlez de modification : la modification, c'est l'augmentation de plus de 57 % sur un an du prix du gaz, même s'il baisse un peu en ce moment. Nous devons disposer d'un outil qui soit pleinement entre nos mains pour peser sur les cours et pour éviter que le gaz dont ont besoin les Français ne soit strictement laissé à la logique du marché. Voilà ce qui justifie une montée en puissance de l'État actionnaire, un État actionnaire qui – en cela, je souscris aux propos de mes collègues Jumel et Rabault – ne soit pas spectateur, mais acteur.
Vous avez attendu France 2030 pour avoir une stratégie. Or, normalement, l'État stratège, c'est aussi l'État actionnaire stratège qui doit peser à l'intérieur des conseils d'administration pour dire ce qu'il veut : par exemple, Endel, la partie d'Engie qui traite des questions thermiques dans l'industrie, devrait être un outil pour la transition écologique ; pourtant l'État ne dit rien, et Endel, avec ses milliers de salariés, est traité comme un petit bout au milieu, avec lequel on jongle, et que l'on vend sans se demander à quoi il pourrait être utile au pays. L'État est spectateur de l'avenir d'Endel.
L'amendement n° 1189 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement n° 1183 .
Dans la même logique, nous pensons que l'État devrait reprendre le contrôle sur la Française des jeux pour renforcer l'intervention de la puissance publique dans le domaine des jeux d'argent. Plusieurs rapports indiquent une addiction croissante des jeunes aux paris ; dans ce contexte, la privatisation de la Française des jeux apparaît dangereuse. En 2014, celle-ci avait arrêté volontairement le Rapido, qui était pourtant l'un de ses jeux les plus rentables, mais aussi l'un des plus addictifs. Ferait-elle le même arbitrage aujourd'hui qu'elle est aux mains d'investisseurs privés, seuls maîtres à bord ?
Avis défavorable. Premièrement, l'État est toujours actionnaire des entreprises dont nous parlons. Il siège au conseil d'administration et, à ce titre, il peut intervenir. Deuxièmement, il existe d'autres outils de régulation – je pense notamment aux concessions. Il me semble que l'on confond la répartition du capital et la manière dont l'État peut jouer son rôle de régulateur : fort heureusement, l'État régule des services publics qui sont privés depuis longtemps, et la qualité de service est restée au niveau. Ne confondons pas la propriété de l'actionnariat et l'efficacité du service public.
S'agissant de la Française des jeux, nous avons mis en place une Autorité nationale des jeux dont le travail est justement d'intervenir dans ce type de situation. La Française des jeux vendait des jeux lorsqu'elle était publique ; depuis, nous avons même renforcé la régulation des jeux. La relation de cause à effet que vous établissez avec sa privatisation est surprenante, d'autant que le problème d'addiction des jeunes que vous mentionnez concerne des jeux qui ne sont pas pilotés par la Française des jeux.
Notre collègue Ruffin fait référence à la structure capitalistique et au rôle que joue l'État en tant qu'actionnaire. Ces dernières années, de nombreux exemples ont montré que l'État était plus spectateur qu'acteur, y compris depuis que vous êtes aux responsabilités. Vous savez que les rapporteurs spéciaux ont le pouvoir de contrôler certains documents à Bercy ; si nous vous disons que l'État est plus spectateur qu'acteur, c'est parce qu'il l'est dans de nombreux cas.
L'amendement n° 1183 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 2673 .
Cet amendement à 1 euro vise, comme les deux suivants, à obtenir une réponse du Gouvernement. Jusqu'à présent, depuis la création du compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État" , il y a toujours eu une ligne budgétaire permettant à l'Agence des participations de l'État de verser des commissions de rémunération à des banquiers d'affaires qui effectuaient certaines transactions. Depuis le PLF pour 2021, et encore cette année, cette ligne est à zéro. Confirmez-vous qu'il n'y aura pas de versement de commission en 2022 ?
Le budget est ainsi construit car il n'est pas envisagé de conduire d'opération à ce titre en 2022, donc de d'inscrire des crédits sur la ligne correspondante.
L'amendement n° 2673 est retiré.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 2676 .
Il vise à demander au Gouvernement des précisions sur le sixième versement de 10 millions d'euros prévu au capital du fonds Definvest qui, créé en 2018 et géré par BPIFrance, investit dans les PME et les ETI technologiques d'intérêt pour la défense. Je souhaiterais que le Gouvernement nous précise le nombre d'entreprises qui ont fait l'objet d'un investissement à travers ce fonds, la répartition géographique sur le territoire national de ces PME et ETI et le montant moyen investi par entreprise.
Avis défavorable sur cet amendement d'appel. Sur les 40 millions d'euros déjà appelés, les investissements s'élèvent à près de 25 millions d'euros et continuent leur montée en charge. Onze investissements ont eu lieu jusqu'à présent pour un montant qui varie de quelques centaines de milliers d'euros à 5 millions d'euros ; il n'est donc pas pertinent de faire une moyenne, mais cela vous donne une idée de l'écart entre les différents dossiers. La répartition géographique est la suivante : trois investissements en Bretagne, trois en Île-de-France, deux en Auvergne-Rhône-Alpes, un en Occitanie, un en Bourgogne, un en Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA).
L'amendement n° 2676 est retiré.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 2684 .
Parmi les crédits que vous demandez à l'Assemblée nationale de voter, 5,1 milliards concernent des opérations d'augmentation de capital, de dotation en fonds propres, d'avances d'actionnaire ou de prêts assimilés. Lorsqu'on retranche les opérations déjà identifiées, on obtient 2,8 milliards d'euros : 1,5 milliard pour les ressources des entreprises stratégiques et 1,3 milliard pour des opérations en capital dans le domaine de la défense. Des enjeux de confidentialité se posent sur les nouvelles opérations susceptibles d'être menées en 2022, j'entends bien, mais il serait souhaitable que nous connaissions les critères retenus par le Gouvernement pour réaliser ces opérations : tel est l'objectif de ce nouvel amendement à 1 euro.
Avis défavorable sur cet amendement d'appel. Il me semble qu'une réponse avait déjà été donnée au banc l'année dernière : l'Agence des participations de l'État, en lien avec la direction générale des entreprises et la direction générale du Trésor, a établi, au début du mois d'avril 2020, une liste des entreprises françaises particulièrement exposées à la crise parmi les entreprises à participation publique – APE ou BPIFrance – et les entreprises privées dans le périmètre du SBF 120. Ont été retenues une vingtaine de grandes entreprises cotées, non financières et stratégiques dans les domaines suivants : transport aérien, transport automobile et équipementiers, industries extractives et distribution. La liste a fait l'objet d'une actualisation au début du mois de septembre 2020, puis au mois de décembre 2020, à la suite des publications des résultats du troisième trimestre 2020 et à la mise à jour par les entreprises de leurs prévisions financières ; elle n'a pas fait l'objet d'une nouvelle mise à jour depuis.
À travers le compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État" , l'objectif de l'État est d'intervenir en tant qu'investisseur avisé de long terme auprès des entreprises dont le poids de la dette empêcherait un financement par les marchés et auprès des entreprises stratégiques que leur dégradation de capitalisation boursière rend vulnérables à des prises de participation hostiles, ce que le renforcement de l'État au capital cherche à éviter.
L'examen des crédits touche à sa fin ; il y a eu des amendements à 1 euro, mais aussi d'autres amendements à 500 millions, voire à 3,2 milliards d'euros. Je note avec satisfaction qu'un grand quotidien, Le Monde, écrit ce soir que les parlementaires ont été amenés à voter un projet dans le flou le plus complet. Il explique, de manière très saine pour la démocratie, ce que nous avons dénoncé tout l'après-midi, à savoir que les arbitrages ont été réalisés dans la solitude la plus complète du pouvoir : les cabinets ministériels se sont vidés, les membres des commissions compétentes ont appris les arbitrages une fois les crédits observés. Pour prendre connaissance des crédits destinés à la jeunesse, il a même fallu se connecter sur Facebook pour savoir quel était l'arbitrage du prince et apprendre sa non-volonté de prendre en compte la misère de la jeunesse, pourtant révélée aux yeux du pays.
Il est bon que cela soit dit maintenant. Vous répétez souvent que ce budget constitue « une première », que vous êtes « extraordinaires », que le plan sera « le plus magique », « le plus important » ou « le plus stratégique ». Mais, pour nous, c'est surtout la première fois, au cours de ce quinquennat, que vous niez avec autant de force le rôle du Parlement dans l'élaboration, la discussion et le vote du budget – et même dans l'appréciation de sa réalité. Le Haut Conseil des finances publiques s'en est lui-même ému, c'est dire comme tout est flou !
Je remercie Mme la ministre déléguée pour ces précisions. Néanmoins, j'observe qu'en France, contrairement à d'autres pays, l'État n'est monté au capital que de trois entreprises depuis un an – je ne citerai pas de nouveau le cas de l'Allemagne, qui a fait preuve d'une réactivité impressionnante, il faut bien le dire.
Par ailleurs, comme je l'ai dit ce matin, il est extraordinaire que le tableau des objectifs de performance ne soit même pas rempli pour les Participations financières de l'État, alors que c'est obligatoire, aux termes de la LOLF – loi organique relative aux lois de finances – et que des milliards sont en jeu.
Enfin, vous avez créé des programmes sans indiquer d'objectif de performance – il n'est donc même pas question d'en remplir les tableaux. Je rejoins le propos de notre collègue Jumel : la situation nous interpelle. Comment voter des milliards d'euros de crédits sans connaître les objectifs de performance ni savoir dans quels secteurs vous comptez intervenir ?
Vous le dites vous-même : la dernière revue des sociétés potentiellement stratégique date de décembre 2020. Cela fait quasiment un an qu'elle n'a pas été actualisée. Pourtant il s'en est passé des choses, en un an !
Je souhaite que, lors du prochain quinquennat, il soit possible de remettre les choses à plat, car l'État doit exercer une vraie responsabilité dans ce domaine.
L'amendement n° 2684 n'est pas adopté.
Les crédits du compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État" , modifiés, sont adoptés.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement n° 2685 , portant article additionnel après l'article 48.
Comme vous le savez, l'Agence des participations de l'État ne reçoit pas les dividendes des titres qu'elle détient ; ceux-ci sont versés directement au budget général de l'État. Depuis la création de l'Agence des participations de l'État en 2006, 89 milliards d'euros ont ainsi été versés.
Je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d'information sur la politique de dividende de l'État actionnaire. Je maintiens qu'il faudrait que les dividendes soient versés à l'Agence des participations de l'État et qu'une fois par an, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, les parlementaires décident du montant que cette agence conserve et de celui qu'il convient de reverser au budget général de l'État. Cela permettrait de mener une vraie politique et d'éviter de reléguer le Parlement au rang de spectateur car, en la matière, il l'est vraiment.
Avis défavorable. Madame la rapporteure spéciale, je comprends votre souhait d'anticipation et de prévision, et je dois reconnaître qu'il est constant au fil des années. Néanmoins, nous avons chaque année essayé de faciliter l'examen et de clarifier la maquette budgétaire. Nous sommes également à la disposition du Parlement pour rendre compte de la politique de l'État actionnaire. J'ai entendu les critiques à cet égard ; nous pouvons donc en discuter ; les membres du Gouvernement concernés peuvent être convoqués.
Les entreprises que nous accompagnons sont dans une situation incertaine et soumises aux fluctuations du marché. Certaines informations doivent donc rester confidentielles, non pour le plaisir de vous les masquer, mais pour protéger ces sociétés de la prédation d'acteurs qui ne partageraient pas nos objectifs de souveraineté.
Il paraît ainsi difficile d'offrir le niveau de granularité de l'information que vous demandez. Toutefois, des réponses très explicites peuvent vous être apportées, concernant le rôle d'actionnaire de l'État, question qui irrigue les débats du Parlement depuis une grosse quarantaine d'années.
Bilan de l'après-midi : nous avons examiné un amendement du Gouvernement qui coûte plusieurs milliards d'euros – voire, nous dit-on, plusieurs dizaines de milliards. J'étais également présent dans l'hémicycle, lors de la présentation de l'amendement créant le contrat d'engagement jeune. Il est arrivé comme un cheveu sur la soupe, sans avoir été débattu en commission. Ainsi, vous avez utilité des raccourcis pour présenter directement les deux plus gros dossiers de cette séquence budgétaire en séance. Apparemment, les commissions, vous vous en fichez.
Et puis, manifestement, ces mesures ont surtout une valeur publicitaire. Le contrat d'engagement jeune n'est pas du tout à la hauteur des annonces d'Emmanuel Macron. Alors que 1 million de jeunes devaient être suivis, ils ne seront finalement que 500 000 ; parmi ceux-ci, 400 000 sont déjà pris en charge par les missions locales ou par Pôle emploi.
De même, vous annoncez un plan de dizaines de milliards d'euros, mais en fait, celui-ci reprend des plans d'investissement existants ; on ne sait pas non plus quelle sera sa réalité.
Notre groupe a été l'un des deux seuls à voter contre le plan France 2030, car nous sommes opposés à ses finalités. Et nous ne savons même pas s'il recouvre une quelconque réalité. Cela ressemble davantage à une annonce de campagne qu'à une annonce pour l'avenir de la France !
L'amendement n° 2685 n'est pas adopté.
J'appelle les crédits du compte de concours financiers "Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics" , inscrits à l'état D.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 2731 du Gouvernement.
Le présent amendement a pour objet de traduire dans le projet de loi de finances pour 2022 les engagements pris par le Président de la République en matière de développement des mobilités lors de l'annonce du plan Marseille en grand, le 2 septembre dernier.
Vous le savez, le volet transport du plan mobilise 1 milliard d'euros pour soutenir les projets d'infrastructure de transport collectif du quotidien, qui sont prioritaires pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Comme l'a indiqué le Président de la République, nul ne doit être assigné à résidence faute d'offre de transport. C'est trop souvent le cas, malheureusement, dans la deuxième plus grande ville de notre territoire.
Le Gouvernement s'engage donc résolument auprès de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, avec un effort financier exceptionnel de rattrapage de 1 milliard d'euros. Ce soutien est constitué d'une enveloppe de 256 millions d'euros de subventions, qui permettra le financement du plan dans la durée, dans le cadre du budget de l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. S'y ajoute une enveloppe de 744 millions d'euros d'avances remboursables.
Le plan Marseille en grand, annoncé par le Président de la République, aurait pu trouver sa place dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2022. Pourquoi l'introduire bout par bout, dans un tel patchwork d'amendements ?
Par ailleurs, vous annoncez un plan de 1 milliard d'euros, mais ce n'est pas tout à fait de l'argent sonnant et trébuchant. Sur cette somme, 256 millions sont des subventions, mais le reste, ce sont des avances remboursables, qui, comme leur nom l'indique, devront être remboursées.
J'insiste : les sommes prévues dans cet amendement – 744 millions en autorisations d'engagement et 100 millions en crédits de paiement – ne seront pas données à la métropole de Marseille : elles devront être remboursées. Nous ne sommes donc pas tout à fait à 1 milliard !
J'émettrai un avis favorable à cette mesure, car tout le monde a envie de soutenir la métropole de Marseille, mais tout de même, vous aviez largement le temps d'inclure cette mesure dans la version initiale du projet de loi, ce qui aurait permis une vraie discussion en commission des finances – mais enfin, je ne vais pas reprendre le couplet habituel.
Surtout, vous n'accordez ici que des avances remboursables. Le reste, sans doute, ce sera pour plus tard !
Députée d'Aix-en-Provence et conseillère métropolitaine – madame la rapporteure spéciale, la métropole se nomme « Aix-Marseille-Provence », car elle regroupe quatre-vingt-douze communes –, je tiens à m'exprimer sur cet amendement, d'abord pour me réjouir de cette ouverture de crédits qui concrétise un engagement pris il y a un mois et demi à peine, après un an de longues discussions avec la présidente de la métropole, mais aussi avec les maires de la métropole, dont celui de Marseille.
Le Président de la République, dans son discours au palais du Pharo le 2 septembre, a rappelé que Marseille avait des occasions à saisir et des défis à relever. C'est une ville pauvre, mais c'est aussi la deuxième ville de France et la ville centre d'une métropole de presque 2 millions d'habitants, la plus grande de France, avec, je le rappelle, une superficie équivalente au double du grand Londres. Oui, cet espace polycentrique rencontre des défis énormes et des difficultés en matière de transports.
Cet amendement complète l'engagement d'accorder 256 millions d'euros de subventions, dont 32 millions en crédits de paiement en 2022, aux termes de la mesure votée le 5 novembre ; il prévoit des avances remboursables, pour 744 millions en d'autorisations d'engagements et pour 100 millions en crédits de paiement, qui permettront de commencer certaines constructions et de réaliser des projets dès 2022. Aurait-il été possible de dépenser tout de suite 1 milliard d'euros ? Non ; les choses se feront au fur et à mesure, de façon concertée avec les élus et la présidente de la métropole.
Différents projets d'infrastructure seront ainsi financés : l'automatisation du métro, l'ouverture de quatre lignes de tramway et de cinq lignes de bus à haut niveau de service, dont une pour Aix-en-Provence, la ville dont M. Laqhila et moi-même sommes députés.
Voilà qui est exceptionnel, pour Marseille et pour Aix-Marseille-Provence, car cette métropole de taille exceptionnelle rencontre des défis eux-mêmes exceptionnels. On ne peut plus laisser seule, face à ses difficultés, la métropole de l'ouverture vers la mer Méditerranée.
Je signalerai un seul point de vigilance, à l'attention des élus locaux, concernant les mobilités : il faut aussi penser au train !
L'État a de très grandes ambitions pour la métropole Aix-Marseille-Provence. Je souhaite maintenant que les élus locaux sachent saisir cette chance.
Il ne s'agit pas de débattre pour savoir si Marseille a besoin de ces crédits. À l'évidence, oui ! Que cette métropole bénéficie d'un effort de la solidarité nationale, compte tenu de ses besoins et de ses caractéristiques, oui ! Mais ce n'est pas le débat.
Nous débattons depuis ce matin à neuf heures du PLF pour 2022 ; il est dix-huit heures quinze. Cet amendement est le dernier de la présente discussion budgétaire. Or il est tellement révélateur de ce qu'est ce PLF !
M. François Ruffin applaudit.
Comme l'a dit à juste titre Mme la rapporteure spéciale, il aurait pu faire l'objet d'un examen législatif plus sérieux, plus important. Ajouter des crédits comme cela, ce n'est pas possible ! Cela montre que la dénonciation du caractère incomplet du projet de budget initial était fondée !
Par ailleurs, nous sommes à deux doigts d'un abus ; c'est presque de la fausse monnaie. Le président Macron a fait la une de toute la presse en annonçant un plan de 1 milliard d'euros. Or, aujourd'hui, concrètement, cela se traduit par une ligne de 100 millions de crédits et remboursables, a fortiori ! Ce n'est pas sérieux, c'est se moquer des collectivités territoriales !
Et je ne parle pas ici du niveau de l'aide à apporter à Marseille, mais de la façon dont l'État se dérobe après un effet d'annonce électoral, à quelques mois d'une échéance présidentielle. Oui, cet amendement est révélateur de ce qu'est le macronisme en matière budgétaire.
C'est un problème démocratique : il est chaque jour un peu plus clair que le Président de la République est en campagne, le carnet de chèques ouvert, à multiplier les promesses.
Je remercie la rapporteure spéciale Valérie Rabault : en nous apportant son expertise sur l'amendement, elle nous explique comment la sardine a bloqué le port de Marseille, comment le milliard d'euros promis se transforme, au bout du compte, en avance remboursable d'un montant bien moindre, sans préjuger de l'avis qu'on a sur la manière dont la métropole marseillaise est accompagnée. Cela parfait la lecture critique que nous avons du budget.
Par ailleurs, la députée du coin profite de l'amendement pour donner des leçons aux élus. À la veille du congrès des maires et des présidents d'intercommunalité, des élus macronistes, chaque jour un peu plus hors-sol, mettent des coups de pied dans le contrôle du Parlement et enfoncent des coins dans le principe de libre administration des collectivités territoriales, ce qui est très préoccupant pour la démocratie.
Je voulais vous remercier, madame la ministre déléguée : à la faveur de cet amendement de campagne, vous nous permettez de révéler au grand jour votre manière de traiter le Parlement et les collectivités territoriales, et de tromper l'opinion publique.
Pour la petite anecdote, je tiens à rendre hommage à notre collaborateur parlementaire. Vous savez comment cela fonctionne : on reçoit des télégrammes, et ainsi de suite. Réagissant à la remarque de notre collègue Jumel disant que le candidat Macron fait campagne avec un carnet de chèques, notre collaborateur ajoute : « Avec un carnet de chèques en bois ! »
Sur le milliard d'euros annoncé pour Marseille, on se retrouve avec 100 millions ; le contrat pour la jeunesse, qui devait concerner un million de jeunes, en touchera 100 000 au maximum ; quant au plan France 2030, annoncé avec des dizaines de milliards d'euros, on voit que les investissements d'avenir n'ont pas augmenté ! Nous avons affaire à un bricolage de dernière minute : tout cela n'existait pas en commission ! Le programme présidentiel pour le second mandat se bricole au jour le jour et nous est présenté ici par amendements successifs.
Ce n'est pas pour défendre le Parlement – on voit bien qu'on est un paillasson, une chambre d'enregistrement des désirs du Président –, mais est-ce l'endroit pour examiner régulièrement des amendements publicitaires ?
Je ne souhaite pas intervenir dans le débat, mais comme c'est le dernier budget dont je suis rapporteure spéciale, je profite du dernier amendement pour remercier les administrateurs de la commission des finances. Cela a été dit précédemment : ils nous accompagnent énormément, surtout lorsqu'il y a des amendements de dernière minute du Gouvernement et en particulier lorsqu'ils sont importants.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – Mme Sylvia Pinel applaudit également.
Je tiens à faire part d'une forme d'étonnement. J'entends que personne ne conteste le bien-fondé des mesures prises, à peu de chose près.
Peut-être à peine et sans le faire de manière très étayée. Le monde que nous voulons bâtir est un monde décarboné, un monde permettant à chacun de manger, de se loger, de se déplacer avec des moyens accessibles et en cohérence avec planète.
Ce n'est pas une course à la technologie.
Il s'agit simplement de prendre en compte la manière dont le progrès technique peut nous aider à atteindre cet objectif. C'est d'ailleurs une stratégie de bon sens assez partagée en Europe et dans le monde. Reste que nous accélérons, nous sommes au rendez-vous et nous avons déployé rapidement cette stratégie.
Pour ce qui est de Marseille, c'est pareil. Tout le monde, sur ces bancs, dit que c'est une très bonne mesure. Toutefois, au prétexte qu'elle est prise quelques mois avant l'élection présidentielle, elle est critiquée ; mais chaque année, le budget est examiné quelques mois avant une élection !
J'entends ça à chaque PLF : c'est quelques mois avant une élection. Nous n'allons pas nous arrêter de travailler pour cette raison !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. François Ruffin proteste.
Nous sommes là pour répondre aux problèmes des Français et pour trouver des solutions, tout simplement. Il n'y a pas d'autre boussole, parce que c'est cette boussole-là qui nous rend crédibles aux yeux des Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
L'amendement n° 2731 est adopté.
Les crédits du compte de concours financiers "Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics" , modifiés, sont adoptés.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" et au compte d'affectation spéciale "Développement agricole et rural" (n° 4524, annexe 4 ; n° 4527, tome II.)
La parole est à Mme Anne-Laure Cattelot, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
C'est avec le sens du devoir accompli, mais aussi la conscience du travail restant à mener, que j'ai l'honneur d'examiner avec notre collègue Hervé Pellois les crédits de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales " pour la dernière fois de la législature.
Pour l'année 2022, 3,1 milliards d'euros de crédits de paiement sont alloués à la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" . Ce budget doit être appréhendé dans sa globalité, les crédits proposés ne reflétant qu'une partie de l'effort engagé pour l'agriculture, la forêt et l'alimentation. En effet, le plan de relance consacre 1,2 milliard d'euros au service des agriculteurs, des forestiers et des consommateurs pour 2021. Les objectifs sont simples et multiples : renforcement de la souveraineté alimentaire, accélération de la transition agroécologique, modernisation des exploitations agricoles et soutien aux filières les plus en difficulté. Ce plan est l'occasion de construire l'agriculture de demain, une agriculture plus résiliente aux aléas climatiques. Les premiers acteurs se sont lancés dans la relance dès 2021 ; d'autres suivront avec l'ouverture de nouvelles enveloppes en 2022.
Conformément à la volonté du Président de la République, le volet agricole du plan France 2030 soutiendra – à hauteur de 2 milliards d'euros – la troisième révolution agricole avec, entre autres, le numérique et la robotique. Nous avons des défis à relever et un cap à franchir et nous y consacrons des moyens importants.
Si l'on s'arrête un instant sur le volet agricole, je constate qu'entre 2017 et 2021, la progression du bio a été la plus forte de notre histoire, même si elle a été freinée par la crise du covid-19. Mais je me réjouis que le Gouvernement ait pris ce sujet à bras-le-corps et consacre, dans le programme 149, 121 millions d'euros aux mesures agroenvironnementales et climatiques, ainsi qu'à l'aide à la conversion vers l'agriculture biologique. L'agriculture biologique et la haute valeur environnementale bénéficieront de 114 millions d'euros d'allègements fiscaux et le Fonds avenir bio de 8 millions d'euros.
Je tiens à saluer les efforts des agriculteurs qui ont franchi le cap du bio mais aussi le Gouvernement qui s'est appuyé sur la restauration hors domicile pour atteindre les objectifs fixés par la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM 1. Plusieurs accords volume-prix ont déjà été passés dans certaines filières, puisqu'il n'y a pas que le bio qui est concerné, mais aussi les produits sous signe de qualité et les produits locaux. Je pense au contrat entre Auchan, Bigard et Cevinor dans ma circonscription : signé fin 2020, il porte sur la contractualisation de gros bovins de boucherie sous label rouge. C'est un exemple concret de réussite, un contrat soutenant le revenu des éleveurs et la qualité.
Outre la loi EGALIM votée en 2018, le travail législatif dans le domaine de l'agriculture a été riche sous cette législature. Je pense au texte défendu par notre collègue Besson-Moreau qui va permettre d'assurer à tous les agriculteurs un revenu plus proportionné à l'intensité du travail qu'ils fournissent quotidiennement pour nous nourrir. Je pense également aux travaux de nos collègues Chassaigne et Damaisin pour la revalorisation des pensions des retraites agricoles les plus faibles, mais aussi à ceux de Jean-Bernard Sempastous concernant le foncier agricole. Enfin, je me réjouis des propositions de Frédéric Descrozaille pour instaurer un mécanisme assurantiel de gestion des risques climatiques. Cette réforme, qui sera débattue début 2022, est indispensable tant les filières ont souffert des effets du changement climatique ces dernières années, qui sont à la fois plus récurrents et plus durs, même dans des territoires qui étaient jusqu'alors épargnés.
Pour ce qui est du volet forestier, qui me tient particulièrement à cœur, vous le savez, je tiens à saluer les efforts proposés dans le plan de relance pour 2021, avec 200 millions d'euros consacrés exclusivement à la forêt et l'annonce du Premier ministre, en juillet 2021, en votre présence monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, de 100 millions d'euros supplémentaires. À titre d'exemple, 22 millions d'euros seront alloués au développement de la couverture LIDAR HD – détection à haute densité de point –, une technologie qui permet d'analyser les couches forestières par satellite ; nous avons tant besoin de mieux connaître les forêts. Chers collègues, c'est par la connaissance, le partage des données et la confiance mutuelle que nous trouverons des solutions pour mieux comprendre, préparer l'avenir des forêts et agir.
Nous resterons toutefois vigilants quant à la soutenabilité des efforts demandés à l'Office national des forêts (ONF). Cet établissement est fondamental pour la réussite de la stratégie forestière nationale car il fournit la plus grande part de l'effort forestier nécessaire pour approvisionner en bois d'œuvre les scieurs français. Je suis également satisfaite de constater que 500 millions d'euros seront affectés à la forêt et au bois dans le cadre du plan France 2030, sans compter le volet décarbonation de l'industrie. Ces moyens, consacrés à la création de nouveaux débouchés pour les filières, au renforcement et à la modernisation de l'appareil de production, sont fondamentaux. Nous devons accroître les efforts pour construire ensemble la forêt qui nous préserve, la forêt qui nous permet de compenser 20 % des émissions de CO
À ce sujet, monsieur le ministre, nous avons des échanges riches avec les acteurs de la filière, dans le cadre des assises de la forêt et du bois que vous avez ouvertes avec les ministres déléguées Agnès Pannier-Runacher et Emmanuelle Wargon, ainsi qu'avec la secrétaire d'État Bérangère Abba. Nous vous proposerons dans quelques semaines des solutions concrètes pour renforcer le rôle de la forêt et du bois dans l'atteinte des objectifs de neutralité carbone, là encore avec de nouveaux crédits à la clé.
C'est un budget agricole consolidé et fort, au bénéfice des agriculteurs, des consommateurs et des forestiers, entre autres, que je vous invite à voter.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Hervé Pellois, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, et M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, applaudissent également.
La parole est à M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
J'ai l'honneur de vous présenter l'avis rendu au nom de la commission des affaires économiques sur la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" . L'année 2021, avec son lot de catastrophes climatiques, a rappelé avec force les défis que doit relever notre modèle agricole. Nos priorités sont claires : assurer la souveraineté et la sécurité alimentaires du pays ; soutenir la transition agroécologique ; garantir le renouvellement des générations et offrir des revenus décents aux agriculteurs. Ces défis, le Parlement comme le Gouvernement en ont pleinement conscience. Nous n'avons pas ménagé nos efforts, ces quatre dernières années, et nous pouvons être fiers du travail déjà accompli. La loi EGALIM, bien sûr, a permis des avancées considérables. Je pense aussi aux nombreuses initiatives parlementaires, dont la très récente loi visant à protéger les revenus des agriculteurs.
L'avenir de l'agriculture française se joue aussi à Bruxelles. Je salue l'engagement et le travail du Président de la République et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, Julien Denormandie, qui ont obtenu de longue lutte le maintien du budget de la politique agricole commune (PAC). Le travail législatif n'est pas fini, il se poursuivra dans les prochains mois. Je pense à la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dont je suis le rapporteur ; la commission mixte paritaire (CMP) doit se réunir dans quelques semaines. Je pense aussi au projet de loi sur la gestion des risques climatiques en agriculture, très attendu par le monde agricole.
Le budget pour 2022 traduit l'engagement du Gouvernement et de la majorité de soutenir le monde agricole. Les crédits de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" sont consolidés par rapport à l'année dernière, avec 3,03 milliards d'euros en autorisations d'engagement. S'y ajoutent les investissements inédits que le plan de relance a rendus possibles, ainsi que les nouveaux financements annoncés dans le cadre du plan France relance 2030.
Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ont dressé un panorama général de la répartition des crédits et je partage globalement leur analyse. Le budget traduit nos grandes priorités : 1,7 milliard d'euros pour les actions visant à renforcer la compétitivité et la durabilité du secteur ; 614 millions d'euros pour la sécurité et la qualité sanitaire des aliments ; 641 millions d'euros pour la conduite et le pilotage de l'agriculture.
Le budget appelle l'attention sur certains points. Je partage les interrogations des rapporteurs spéciaux de la commission concernant le financement du compte d'affectation spéciale "Développement agricole et rural" (CASDAR). Nous savons tous à quel point cet outil est essentiel au monde agricole.
Dans le cadre de l'avis de la commission des affaires économiques, j'ai étudié le développement du travail à façon en agriculture. Nous avons réalisé une dizaine d'auditions et un déplacement sur le terrain, afin de dresser un état des lieux de ce phénomène et de dégager des pistes d'action pour les pouvoirs publics.
Le travail à façon consiste à faire appel à un prestataire de services pour réaliser tout ou partie des travaux agricoles. Depuis le milieu des années 1990, le travail délégué se développe fortement et change de nature. En particulier, le travail à façon intégral prend de l'ampleur ; il s'agit de déléguer la gestion d'une exploitation agricole de A à Z. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : environ 60 % des exploitations agricoles françaises ont recours au travail à façon, et un peu plus de 7 % de manière intégrale. Pour les grandes cultures, le taux de délégation intégrale dépasse même 12 %.
Si le travail à façon ne doit pas être condamné en tant que tel, le développement de sa forme intégrale suscite des craintes légitimes. Le travail à façon pose des difficultés juridiques : utilisé comme un outil de contournement des règles du droit rural, il constitue un problème supplémentaire dans le domaine du foncier agricole car il accroît le risque de concentration des terres et de difficultés de renouvellement des générations.
Le travail à façon soulève aussi des craintes de nature sociale. Il permet à l'exploitant de conserver son statut et ses droits, tout en abandonnant son métier et en vivant dans un lieu éloigné ; il met donc en cause les structures sociales du monde agricole et éveille le spectre d'une agriculture sans agriculteurs. Il constitue une menace forte pour notre modèle agricole et la vitalité des territoires ruraux. Monsieur le ministre, quel regard portez-vous sur ce phénomène ? Quelles évolutions vous paraissent nécessaires ?
Je propose dans mon rapport plusieurs pistes d'action. Selon moi, il faut améliorer la transparence et le suivi du travail à façon, approfondir la réflexion sur la définition de l'agriculteur actif et poser les fondements d'une réforme du statut du fermage. Les mois et années à venir nécessiteront une réflexion d'ampleur sur ces questions. En outre, nous devons poursuivre le travail législatif sur la question du foncier agricole.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – Mme Anne-Laure Cattelot, rapporteure spéciale, applaudit également.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Guillaume Garot.
Chaque année, il y a les intentions du budget, et il y a la réalité d'une politique. Chaque année, nous nous éloignons un peu plus des objectifs que vous avez vous-même définis : augmenter le revenu des agriculteurs et diminuer l'utilisation des phytosanitaires. Finalement, la déception l'emporte, chez beaucoup d'agriculteurs et de responsables agricoles. Ce budget n'est pas à la hauteur des attentes.
Le Gouvernement fait valoir une hausse de 26 millions d'euros des crédits de paiement pour l'ensemble du budget alloué au ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Bien. Je ne m'étends sur le manque de clarté de ce budget puisque les crédits de paiement de la mission que nous examinons sont, eux, en baisse d'un peu plus de 32 millions d'euros. Admettons que les crédits augmentent, même s'ils augmentent de moins de 1 %. Cette hausse suffira-t-elle pour relever les défis que nous devons relever ? Manifestement non.
Ainsi, le plan Protéines végétales va dans le bon sens – d'ailleurs le groupe socialiste l'avait créé avec Stéphane Le Foll, alors ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Mais nous avons besoin d'accélérer pour garantir notre souveraineté alimentaire, retrouver des marges économiques et diminuer l'incidence environnementale. Or, malgré l'effet d'annonce du budget, avec le doublement d'aides dédiées à horizon de six ans, l'effort est trop modéré au regard de l'enjeu.
Autre exemple : l'agroécologie est le signe le plus patent du manque d'ambition du budget ; on le voit avec le plan stratégique national (PSN), qui décline la PAC en France. Un vrai virage était possible, mais nous repartons pour six ans de quasi-sur place.
Le cœur du problème est l'accompagnement des éleveurs, des agriculteurs dans la transition écologique. On ne peut pas considérer que celle-ci se fera toute seule, ou d'un coup de baguette magique, par le miracle des nouvelles technologies. Rien ne sera possible – je le dis très sincèrement –, sans accompagner ni former tous les producteurs, afin qu'ils changent de modèles et de façons de produire. Nous devrons par exemple consentir un véritable effort de suivi humain, qui parte de la situation réelle des éleveurs et agriculteurs, pour nous libérer de la dépendance aux pesticides.
Il faut allouer des moyens à la formation, outre ceux des régions. Par exemple, trouver un vacher pour remplacer l'éleveur à la traite, pendant le temps de sa formation, suppose des moyens. De ce point de vue, le budget n'est pas à la hauteur du défi de formation que nous devons relever.
Enfin, la déception se mesure au regard des attentes que vous avez suscitées chez les agriculteurs, et plus généralement chez les citoyens. Tous les ans, on nous dit que cette fois, c'est la bonne. On nous promet pêle-mêle le tournant agroécologique, l'amélioration du revenu des agriculteurs, des coups de règle sur les doigts de la grande distribution, comme il se doit, le chèque alimentaire durable… Finalement, c'est une succession de rendez-vous manqués.
C'est incroyable, de tenir de tels propos !
D'ailleurs, nous attendons toujours le rapport de M. Mahjoubi sur le chèque alimentaire durable.
La réalité, c'est que, depuis cinq ans, la loi EGALIM n'a pas tenu ses promesses sur le revenu des agriculteurs, et que nous allons tout droit vers une agriculture qui produira avec de moins en moins d'agriculteurs, et qui hésite trop souvent face à l'ambition agroécologique. Oui, nous avons besoin d'un nouveau cap. Oui, notre pays a besoin d'une vraie politique d'agroécologie. Oui, nos territoires ont besoin de davantage de producteurs qui puissent vivre de leur travail, et qui produisent une alimentation bonne pour la santé et bonne pour la planète. Tels seront les objectifs que nous viserons en défendant nos amendements.
Je sais, monsieur le ministre, chers collègues, que vous êtes prêts à en débattre. J'espère que vous aurez aussi la volonté et le courage de les soutenir.
Je ne parlerai pas des rendez-vous manqués, mais des réussites. Monsieur le ministre, je salue votre réactivité vis-à-vis du risque de grippe aviaire, laquelle touche plusieurs pays voisins. Les mesures annoncées, courageuses et difficiles à appliquer pour les éleveurs, permettront, nous l'espérons, d'épargner la production de volailles française, à quelques semaines des fêtes de fin d'année.
La politique agricole commune est l'objet d'une autre réussite. Il s'agit d'un dossier de long cours, que vous avez défendu pendant plusieurs mois, en parfaite concertation avec le Parlement – c'est une première, je suis bien placé pour en parler. Vous avez constamment partagé les difficultés et les informations avec les parlementaires, et c'est tout à votre honneur. Je souhaite que le déploiement de la PAC à partir de l'an prochain accélère la transition agroécologique ; les aides à la reconversion en agriculture biologique, notamment, ainsi cofinancées, permettront d'atteindre les objectifs du plan Ambition bio 2022.
Le plan France relance a permis de soutenir plus de 25 000 projets agricoles en un an, qui sont autant d'arguments pour accélérer la transition vers une agriculture encore plus respectueuse de l'environnement.
L'examen du budget offre l'occasion de mettre en lumière quelques morceaux choisis. Les rapporteurs ont fait un tour d'horizon ; à la suite de Mme Cattelot, je souligne le renforcement bienvenu du soutien à la filière bois. J'ai mené des travaux sur les filières en tension et les sujets qui nous préoccupent, dans le cadre d'échanges internationaux : celle du bois en fait partie. Il faut en relocaliser la valeur ajoutée ; la politique du bois que ce budget soutiendra va tout à fait dans cette direction.
Nous saluons le maintien des crédits du CASDAR pour 2022 ; la recherche appliquée est essentielle pour accompagner les efforts des agriculteurs. Souvent, les éprouvettes contiennent des solutions, mais avant que celles-ci soient efficaces dans les exploitations, un travail d'adaptation aux particularités des terroirs est nécessaire.
Le groupe Agir ensemble votera les crédits de la présente mission. À la transition écologique, s'ajoute un autre défi majeur selon nous : le renouvellement des générations. J'espère que le plan France 2030 contribuera à les relever.
L'examen du budget offre également l'occasion de vous poser des questions. À Corbières-en-Provence, à l'occasion des Terres de Jim, le Président de la République a annoncé deux projets législatifs pour la fin de la législature. L'un concerne l'assurance contre les risques climatiques ; l'autre, dans la continuité de la proposition de loi de M. Sempastous, tendrait à généraliser le portage foncier au profit des jeunes agriculteurs. Pouvez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement pour le début de 2022 ?
Vous venez d'annoncer un nouveau plan Semences et plants pour une agriculture durable. Selon vos déclarations il doit en particulier contribuer à la réussite du plan Protéines végétales, que nous avons abondamment évoqué dans ces murs. Reste cependant la question du statut juridique des NBT (new breeding technologies, nouvelles techniques de sélection végétale) : comment comptez-vous résoudre le problème ?
Autre sujet : les néonicotinoïdes. Une première campagne betteravière s'est écoulée depuis que le Parlement a voté une dérogation de trois ans, assortie de conditions strictes, pour lutter contre les pucerons vecteurs de jaunisse. Après une séquence de gel printanier et une mésaventure phytosanitaire, qui a contraint à la destruction de 6 000 hectares, la question des néonicotinoïdes est quelque peu passée sous le radar. Pouvez-vous nous dresser un premier bilan ?
Ensuite, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, il est beaucoup question des clauses miroir – votre collègue Franck Riester a également évoqué ce sujet. Pouvez-vous nous en dire plus ? S'agit-il de faire entériner le principe à Bruxelles pour les négociations futures ? Est-il envisageable d'amender les accords existants ?
Enfin, à partir de janvier, puis dans un second temps en été, de nouvelles règles de contrôle sanitaire et phytosanitaire entreront en vigueur à la suite du Brexit : disposez-vous des moyens nécessaires pour faire y face ? Telles sont les questions que je souhaitais soulever, en vous réitérant le soutien du groupe Agir ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens. – Mme Anne-Laure Cattelot, rapporteure spéciale, M. Hervé Pellois, rapporteur spécial et M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis, applaudissent également.
Ce quinquennat aura été, pour nos agriculteurs, celui des espoirs déçus.
La loi EGALIM, qui devait leur garantir un meilleur partage de la valeur ajoutée, n'a pas eu les effets escomptés. Le grand texte sur le foncier agricole a été réduit à peau de chagrin. Quant à l'assurance récolte, elle ne se matérialisera pas avant la prochaine législature.
Notre agriculture souffre, hélas, toujours des mêmes maux. Premier écueil : trop peu est fait pour renouveler l'attractivité du métier agricole auprès des jeunes générations. Dans dix ans, un agriculteur sur deux sera en âge de partir à la retraite. Une grande partie des exploitations ne trouvera pas repreneur, à moins de susciter de nouvelles vocations.
Sur ce point, j'ai de réelles inquiétudes : vous prévoyez, monsieur le ministre, pour la troisième année consécutive, la suppression de postes au sein de l'enseignement technique agricole. La formation des jeunes est pourtant indispensable au renouvellement des générations. De même, je constate, avec regret, une stagnation des crédits attribués aux stages à l'installation et une diminution de la contribution nationale à la dotation aux jeunes agriculteurs. Je suis, au contraire, convaincue que ces aides auraient dû être revalorisées pour attirer de nouveaux candidats.
La gestion de l'aléa climatique me semble elle aussi perfectible. L'épisode de gel particulièrement dévastateur, qui a durement frappé nos exploitations en avril dernier, nous rappelle qu'il faut adapter notre agriculture au changement climatique. Dans le cadre du plan Gel, vous avez, certes, prévu le doublement des crédits dédiés à l'acquisition d'équipements de protection contre les aléas climatiques mais, là aussi, cela risque d'être insuffisant. L'année dernière l'enveloppe avait été épuisée en quelques semaines seulement. Quant au reste à charge, il demeure trop élevé pour une majorité d'agriculteurs, en difficulté financière.
Par ailleurs, pour faire face au réchauffement climatique, et réduire l'utilisation de produits phytosanitaires, nous aurons besoin d'accentuer la recherche dans les innovations variétales. Aussi, je me réjouis que le plan France 2030 ait fait de la sélection variétale l'une de ses priorités.
L'annonce d'une réforme de l'assurance récolte est, elle aussi, une bonne nouvelle. Je milite de longue date pour une refonte du dispositif des calamités agricoles. J'avais d'ailleurs déposé, dès 2008, une proposition de loi visant à généraliser l'assurance à l'ensemble des exploitations. Nous le savons, les conséquences du changement climatique sont de plus en plus graves et récurrentes sur nos cultures : il est indispensable d'offrir aux agriculteurs un dispositif assurantiel renforcé et adapté aux réalités actuelles. Le calendrier retenu tempère toutefois mon enthousiasme. Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer l'examen d'un projet de loi – et son achèvement – avant la fin de la session parlementaire ?
Nous le savons, les crédits que nous examinons aujourd'hui ne constituent qu'une petite partie des moyens alloués à notre système agricole. La majorité du budget est déterminée au niveau européen par la politique agricole commune. À cet égard, la France devrait présenter, avant la fin de l'année, son plan stratégique national et assurer ainsi la déclinaison, dans nos territoires, des grandes orientations fixées au niveau communautaire. Nous serons particulièrement vigilants à ce que les choix faits au niveau national ne soient pas synonymes de distorsions de concurrence avec nos voisins européens.
Toutefois, cette crainte légitime ne doit pas signifier le renoncement à nos ambitions environnementales. L'avis très critique, rendu en octobre dernier par l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), nous laisse craindre que l'impératif de transition agroécologique ait été abandonné.
Garantir l'attractivité de nos produits agricoles, c'est également maintenir la compétitivité de nos filières. À ce titre, nous nous réjouissons du maintien du dispositif pour l'emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi agricoles (TODE) jusqu'au 1er janvier 2023 : il est indispensable pour les activités fortement mobilisatrices de main-d'œuvre telles que l'arboriculture, comme c'est le cas dans mon département. Nous appelons d'ailleurs à le prolonger au-delà de cette date.
Nous aurions aimé qu'à l'issue de ce quinquennat, notre modèle agricole soit plus résilient et respectueux de l'environnement. Nous aurions voulu que la ferme France soit confortée dans son rôle de grenier de l'Europe. Nous aurions souhaité que ceux qui ont choisi pour métier de nourrir les autres puissent aborder les lendemains avec plus de sérénité. Mais ces objectifs n'ont pas été atteints. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires, dans sa majorité, ne votera pas en faveur des crédits de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" .
M. Michel Castellani applaudit.
Le groupe UDI et indépendants votera pour sa part en faveur des crédits de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" . Je me retrouve globalement assez bien, monsieur le ministre, dans votre action depuis un an, quatre mois et deux jours.
Sourires.
Votre problème est que vous n'exercez cette fonction que depuis un an,…
Et quatre mois et deux jours !
…quatre mois et deux jours – je plaisante. Je le dis souvent à mes concitoyens : l'un des problèmes de nos institutions est que les ministres passent vite. Or, les questions agricoles nécessitent un temps long.
Les missions dévolues à nos agriculteurs sont multiples. La première d'entre elles est nourricière : nourrir naturellement les Français, contribuer aussi à nourrir une partie des populations à travers le monde. La deuxième mission est environnementale : préserver la ressource en eau et la biodiversité, sans compter toutes les questions qui ont trait aux aménagements des paysages. Enfin, troisième mission, récente – oui et non car, il y a des siècles, le cheval de trait était une source d'énergie – est tout ce qui tourne autour de l'énergie, parce que l'agriculture est susceptible d'être vecteur et source d'énergie.
Je vous encourage à continuer dans votre action : depuis plusieurs années, vous avez actionné plusieurs leviers. Les états généraux de l'alimentation n'ont pas produit les effets escomptés – les débats menés alors se sont davantage concentrés sur le contenu de nos assiettes, sur la production agricole, plutôt que la question du revenu agricole.
Avec EGALIM 2 – issue de la proposition de loi de notre collègue Grégory Besson-Moreau – et grâce à votre soutien actif, nous nous sommes concentrés sur un meilleur partage de la valeur, de la terre à l'assiette, c'est-à-dire du producteur au consommateur, en travaillant sur la question des négociations commerciales, dont nous espérons que celles qui vont s'engager cet hiver et s'achever au printemps permettront de constater les premiers effets de cette loi.
Soyons particulièrement vigilants sur la question de l'employabilité de la main-d'œuvre agricole. Vous avez décidé de maintenir le dispositif TODE : un travail de fond est nécessaire sur la question de l'employabilité en agriculture, qui correspond à de la main-d'œuvre en circuit local, ne nécessitant pas forcément beaucoup de formation puisqu'il est possible de se former sur place. Il est dommage que ce sujet ait été oublié depuis de nombreuses années.
Autre sujet qui me tient à cœur : travailler à un bon renouvellement des générations, Sylvia Pinel vient de l'évoquer. Cela permettrait de cesser la course à l'agrandissement des exploitations des agriculteurs, en particulier des éleveurs. Il n'est pas possible de poursuivre et d'encourager impunément l'agrandissement des exploitations, les agriculteurs ayant des semaines de travail très chargées pour un revenu qui n'est pas à la hauteur de leurs efforts.
La question du nombre d'agriculteurs concerne aussi la vie dans les territoires ruraux :…
…des familles d'agriculteurs, dans nos campagnes, dans nos localités, ce sont des enfants et des familles qui font vivre les écoles, les commerces et la vie associative. C'est aussi cela, l'agriculture de demain.
Enfin, nous ne saurions parler d'agriculture en France – la mission dont nous débattons représente 3 milliards d'euros – sans parler de la politique agricole commune. Je salue à cet égard votre travail au niveau de l'Union européenne, tout en mettant l'accent sur l'indépendance protéinique. Pour conclure, je vous invite à continuer de traiter avec une grande fermeté la question des produits phytosanitaires et à poursuivre la forte réduction de l'empreinte carbone agricole.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – Mme Anne-Laure Cattelot, rapporteure spéciale, M. Hervé Pellois, rapporteur spécial et M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis, applaudissent également.
Notre modèle de production alimentaire est à bout de souffle : ses limites sont atteintes pour les consommateurs et pour les producteurs. Malgré cette situation, votre budget est à l'image de votre politique : sclérosée, suivant de vieilles recettes libérales qui ne cessent de démontrer leur incapacité à produire une alimentation saine et locale en quantité, à assurer un revenu décent aux agriculteurs et aux agricultrices, et, de fait, à enrayer la disparition continue de dizaines de milliers de paysans.
Ni les agriculteurs ni nos concitoyens ne s'y retrouvent, et chaque année qui passe est une année perdue pour nos écosystèmes qui se meurent, pour la santé publique qui se dégrade, pour notre agriculture qui agonise.
La question du revenu de nos agriculteurs est centrale, dans ce secteur où le fossé se creuse, entre les mégaexploitations qui se portent bien en produisant de manière industrielle et en captant l'argent public, et les petits producteurs qui peinent à dégager un salaire, quand ils ne creusent pas, année après année, leur déficit, à force de produire à perte.
Le débat budgétaire est le moment où nous pouvons réorienter et renforcer notre soutien à un secteur ô combien stratégique. Mais vous ne faites rien. Rien, hormis distribuer cette année plus de 500 millions d'euros aux assureurs privés, pour essayer de compenser les dégâts du changement climatique, que vous provoquez. Rien pour protéger nos agriculteurs en sortant de vos traités de libre-échange, sinon nous chanter la ritournelle des avantages comparatifs de votre petit manuel obsolète d'économie libérale. Rien non plus sur l'incroyable régime fiscal d'exception dont bénéficient les coopératives agricoles.
Ce régime fiscal, créé alors que les coopératives étaient des outils de solidarité entre paysans, ne colle plus à la réalité – des multinationales, dont 3 % s'approprient désormais plus de 85 % de la production agricole. Elles sont dirigées par des cadres sortant des plus grandes écoles de commerce, et elles essorent les agriculteurs, leur dictant ce qu'ils doivent produire, comment et à quel prix ils seront – mal – payés. Ce sont des rouages à part entière de l'économie libérale, cherchant la performance à n'importe quel prix, et les producteurs ne sont alors plus que leurs esclaves, enchaînés à des monopoles de filière. Que faites-vous contre cela ? Où est votre amendement visant à revenir sur cet avantage fiscal indu ? Je le cherche encore.
Rien non plus pour sortir de la situation financière intenable où, quand ce ne sont pas ces mégacoopératives, ce sont les banquiers qui décident de la stratégie de nos paysans, aliénés à leur dette, dans une fuite en avant trop souvent fatale – je le dis avec gravité – au sens propre comme au sens figuré.
Je cherche toujours les actions que vous avez menées pour sortir de la spirale dette, emprunt, agrandissement, intérêts ou de la spirale dette, emprunt, spécialisation, intérêts, etc. En n'aidant à aucun moment le monde agricole à sortir de cette spirale infernale, vous êtes finalement le ministre d'une agriculture du passé : celle qui continue à épandre massivement des pesticides qui tuent les agriculteurs et la biodiversité – glyphosate et néonicotinoïdes en tête ; celle qui négocie avec la multinationale des engrais chimiques Yara les approvisionnements d'engrais de synthèse dont la fabrication et l'usage sont terriblement climaticides et dont le stockage est particulièrement dangereux ; celle qui pompe dans les nappes phréatiques ou construit en douce des barrages pour accaparer l'eau, notre bien commun, et la stocker dans des mégaretenues au service de quelques-uns et surtout au mépris de tous ; celle qui laisse disparaître les agriculteurs – dans dix ans, 50 % d'entre eux auront disparu si on vous laisse faire – et nos collègues l'ont rappelé, rien n'est planifié en matière de formation ou même de soutien à l'enseignement public agricole ; celle qui plonge dans le mirage de la fuite en avant technobéate avec la robotique ou encore les NBT, nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM) tout droit sortis des laboratoires ; celle qui est incapable de décider de prix plancher rémunérateurs pour nos agriculteurs ; en somme, une stratégie agricole qui nous condamne, celle qui a déjà perdu et dont il est prouvé qu'elle ne permettra pas de nourrir sainement le pays.
Vos orientations politiques pour l'agriculture sont les mêmes que celles des années 1960, les mêmes qui nous ont menés dans l'impasse dans laquelle nous sommes aujourd'hui et que, pourtant, vous continuez d'appliquer. Alors que la situation impose d'opérer une bifurcation complète, vous foncez allègrement vers le précipice. Ainsi, vivement 2022, que les Français vous retirent le volant, mais aussi le permis de conduire de notre agriculture.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Il existe parfois quelques éclaircies. Après cinq années d'une politique qui a fait défaut pour défendre une agriculture et une alimentation souveraines ou encore pour protéger la rémunération de nos producteurs avec l'échec, notamment, de la loi EGALIM 1, et la promesse de la loi EGALIM 2, une bonne nouvelle, que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a obtenu de haute lutte, marquera enfin l'année 2022 : l'augmentation des petites pensions de retraite et ce, depuis le 1er novembre 2021. La retraite de 210 000 anciens exploitants, très souvent inférieure au seuil de pauvreté, va ainsi augmenter d'environ 100 euros – ce n'est pas rien. Il s'agit d'une mesure de dignité, je le dis devant M. Chassaigne, président de notre groupe, dans un océan de politiques de reculs et de manque d'ambition.
Alors, on a un ministre sympa,
M. le ministre sourit
à l'écoute et respectueux du Parlement – ce qui est suffisamment rare pour être souligné –, intelligent, connaissant les dossiers ; c'est bien. Néanmoins, l'ambition du budget pour 2022 n'est pas sur le tracteur, mais à la remorque,
Sourires
dans le tombereau avec la future PAC. L'agriculture manque toujours d'une véritable stratégie pour garantir à nouveau notre souveraineté alimentaire, enjeu que la crise sanitaire a révélé comme essentiel. La nouvelle PAC et ses écorégimes sans sel, sans saveur et sans volonté ne changeront pas grand-chose à un modèle qui ne permet pas le renouvellement des générations, ni le maintien des fermes à taille humaine, ni la préservation de l'élevage laitier – en déclin dans nos campagnes. Je pense évidemment à mon pays de Bray, où la concentration des exploitations XXL ne tient pas compte du critère des emplois agricoles et conforte les inégalités puisque 80 % des fonds de l'Union européenne ne vont qu'à 20 % de bénéficiaires.
C'est également un budget à trous, qui fait l'impasse sur certains besoins essentiels. Où est passé le chèque alimentaire annoncé en 2020 par le Président de la République ? Il est reporté à 2022, alors que la crise a fait exploser la pauvreté et que le Secours catholique estime que 8 millions de personnes ont besoin de cette aide.
Le budget de l'agriculture n'est pas à la hauteur non plus pour la pêche, percutée par le Brexit et dont nos licences sont suspendues au bon vouloir des autorités britanniques qui peuvent se dire : « Macron, même pas peur. » Un peu comme les gamins qui ont fait une connerie, auxquels on dit « Attention ! Attention ! Attention ! » et pour lesquels il ne se passe jamais rien. J'entends nos collègues de droite converser et le collègue rapporteur est bavard. Madame la présidente, je ne m'entends pas parler.
Mea culpa !
Pardonnez-moi, en raison de mon petit esprit, je n'arrive pas à faire plusieurs choses à la fois. Je disais, chers collègues – en plus, cela vous intéressera
M. Thierry Benoit rit
–, que la pêche est fragilisée par le Brexit et que la question des artisans, affaiblis par la surpêche des navires à capitaux européens qui siphonnent nos droits de pêche, reste d'une profonde actualité. Où sont les moyens humains pour contrôler systématiquement, dans nos ports, la débarque de ces chalutiers XXL dont la pêche, sitôt sur le quai, file en camion dans la nuit vers les Pays-Bas ? Où sont les moyens humains renforcés au service d'une ambition maritime retrouvée ? J'ai bien peur que le pédalo du précédent quinquennat n'ait pas largué les amarres de l'Élysée.
Que dire par ailleurs de notre enseignement public agricole dont le détricotage se poursuit depuis le début de cette législature ? Un récent rapport du Sénat a pointé le caractère essentiel de cet enseignement afin de garantir à la fois le renouvellement des générations et le développement de certaines filières plus fragiles. Depuis 2019, la fauche à la serpe de nombreux emplois a placé certains établissements dans la situation de ne plus pouvoir remplir des missions qui leur sont dévolues. En trois ans, vous avez coupé, fané 190 équivalents temps plein (ETP) dans les lycées agricoles : cinquante en 2019, soixante en 2020, quatre-vingts en 2021. Vous avez donc considérablement affaibli l'enseignement public agricole : les moyens manquent pour engager un effort indispensable de renouvellement des générations, même si j'ai noté la volonté d'inverser un peu la tendance dans le budget pour 2022.
Depuis cinq ans, la forêt connaît le même destin. Si tout le monde connaît et reconnaît le rôle de l'ONF dans la gestion durable de la forêt française, indispensable pour nous préserver des conséquences du réchauffement climatique, la privatisation rampante de l'Office continue. Depuis sa création en 1964, il a perdu 6 000 agents. Le Gouvernement n'a cessé d'affaiblir cet établissement qui gère notre bien commun et qui, si on n'inverse pas la tendance, risque d'être réduit au rôle d'agence à produire des planches pour les palettes, à moins que ce ne soit pour son propre cercueil. En 2021, suppression de 95 équivalents temps plein ; en 2022, rebelote, vous poursuivez les coupes à blanc dans les effectifs au même rythme, avec la suppression, de nouveau, de 95 ETP. C'est un scandale !
Mme la présidente fait signe à l'orateur qu'il a épuisé son temps de parole.
Je termine, madame la présidente. En fait, j'ai additionné les trente-sept secondes qui m'ont été amputées.
M. le ministre rit.
Le sort réservé à l'ONF est, disais-je, un véritable scandale : le passage d'Emmanuel Macron ressemble à un paysage de forêts après la tempête du siècle.
M. André Chassaigne applaudit.
Nul besoin de s'étendre longuement sur le rôle de clé de voûte que joue notre agriculture, non seulement pour notre système alimentaire, mais également pour l'organisation du territoire. En nous donnant les moyens d'avoir une agriculture souveraine, dignement rémunérée et porteuse de sens, nous donnons les moyens aux zones rurales de faire de cet entreprenariat du vivant, un vecteur d'attractivité et de dynamisme durable.
L'agriculture, c'est donc plus qu'un simple secteur d'activité économique. La ferme France et les filières alimentaires sont également un fleuron français infiniment précieux, qui représentent, de la ferme à la fourchette, 16 % de l'économie française incluant la restauration.
Comme dans de nombreux domaines politiques, l'appréciation des ressources financières allouées à l'agriculture et à l'alimentation va au-delà de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" . Nos collègues rapporteurs spéciaux ainsi que notre collègue rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques l'ont rappelé : ce sont plus de 3 milliards d'euros supplémentaires qui sont consacrés à ces sujets dans le cadre du plan de relance et du plan d'investissement France 2030. Alors qu'il détaillait les moyens que nous allons nous donner pour réussir la troisième révolution agricole, le Président de la République l'a redit : le paradoxe de notre modèle agricole est bien que nous attendions toujours plus de notre agriculture, alors même que sa place dans le budget des ménages a diminué. Cette exigence du « manger mieux » est légitime, mais elle a un coût. Depuis le début de cette législature, en investissant massivement dans la transition écologique, l'État en prend pleinement la mesure.
D'un point de vue structurel, il m'importe bien sûr de mentionner les lois que nous avons votées puisqu'il s'agit du dernier budget du mandat : EGALIM 1 et 2, loi relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires, loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer. Je mentionne également les initiatives parlementaires dont nous souhaitons l'aboutissement prochain, comme la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes et la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires. J'ajoute le projet de loi relatif à la réforme de l'assurance agricole ou la mission d'information sur le modèle coopératif agricole. Nous avons eu à cœur sur ces bancs de mener des réflexions de fond au-delà du corporatisme et des facilités.
Le budget pour 2022 traduit des engagements que vous-même, monsieur le ministre – ainsi que vos prédécesseurs, et je pense évidemment à notre collègue de la commission des affaires économiques, Stéphane Travert – avez tenus depuis le début de la législature. Ce budget favorise une agriculture résiliente et compétitive qui innove, forme les producteurs de demain, entretient notre patrimoine végétal, structure des filières de qualité, notamment grâce aux signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO), une agriculture qui réduit son effet sur l'environnement, qui est pleinement en mesure de s'adapter aux aléas climatiques, enfin qui, forte d'une envergure réaffirmée, bénéficie d'aides de la politique agricole commune.
Ce budget encourage également, puisque l'un ne va pas sans l'autre, une alimentation faite au maximum de produits frais et locaux qui nourrissent, comportent un vrai goût, présentent une vraie couleur et se vendent à un juste prix – j'y tiens, en ma qualité de corapporteure de la mission d'information sur les sels nitrités dans l'industrie agroalimentaire. À ce titre, je ne peux que regretter que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) n'ait toujours pas remis son rapport sur les sels nitrités qui nous avait été promis, d'abord au mois de février puis au mois de juin – je sais, monsieur le ministre, que vous l'attendez également.
Enfin, je me permets de mentionner un sujet connexe qui, du fait de son caractère transversal, n'est pas abordé lors de la discussion budgétaire, alors qu'il est pourtant indissociable de l'agriculture et de l'alimentation : la gastronomie. Ce matin, lors de l'examen de la mission "Économie" , la ministre déléguée chargée de l'industrie a confirmé l'allocation de 5 millions d'euros à l'année de la gastronomie pour la période 2021-2022, afin notamment de préfigurer un « Clairefontaine de la gastronomie », annoncé par le Président de la République. Monsieur le ministre, vous savez combien les enjeux sont grands puisque l'excellence tire tout un écosystème vers le haut. Nous serons à vos côtés pour mener à bien ce chantier qui doit s'inscrire dans la durée, afin que la gastronomie ne soit pas qu'un enjeu élitiste, mais bien, au quotidien, une réalité pour nos agriculteurs et dans nos cantines.
Pour que ces crédits servent, en toute cohérence, notre ambition – qui, nous le savons, est aussi la vôtre –, le groupe La République en marche, évidemment, les votera.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM et sur les bancs des commissions.
C'est un plaisir pour le fils de paysan et le technicien agricole de formation de débattre avec vous de cette mission budgétaire, chère à notre collègue Jérôme Nury, qui conjugue agriculture et alimentation. Les trois fonctions indissociables de l'alimentation – je ne vous apprends rien, monsieur le ministre –, sont de se restaurer, de se réjouir et de se réunir. Tout un programme dont nous avons bien besoin par les temps qui courent, dans une ambiance conviviale chère aux Ardéchois.
Pour en revenir au budget, même si nous partageons vos objectifs, comment pourrait-il être suffisant, ne serait-ce qu'au regard des enjeux de souveraineté alimentaire que la crise sanitaire, si besoin était, a révélés ? En effet, il faut savoir si demain on veut manger français, brésilien ou ukrainien. C'est aussi à la lumière de cet enjeu de souveraineté qu'on mesure l'importance d'un budget qui est, rappelons-le, issu des aides publiques gérées par Bruxelles pour les trois quarts. À cet égard, nous nous réjouissons du maintien du budget de la PAC, même si, par exemple, s'agissant des mesures agroenvironnementales pour la châtaigneraie – vous savez que j'y tiens particulièrement –, nous attendons un engagement personnel plus fort de votre part, monsieur le ministre.
Nous saluons à notre tour la revalorisation de la retraite agricole au 1er novembre 2021, à la suite de l'adoption unanime de la proposition de loi Chassaigne. Nous l'avons votée, et nous en oublierions presque le coup de force du Gouvernement qui avait torpillé cette disposition au Sénat au printemps 2018. Trois années ont été perdues ; il ne faudra pas laisser au bord du chemin les aides familiaux, les travailleurs aux carrières incomplètes et les conjoints d'exploitants qui ont d'abord été oubliés.
Cependant c'est une juste reconnaissance du travail accompli par les agriculteurs, à mettre en perspective avec les enjeux de renouvellement des générations et d'installation des jeunes. Si la dotation jeunes agriculteurs (DJA) est maintenue, il faut aller plus loin pour rendre la profession plus attractive – et là, monsieur le ministre, vous nous laissez un peu sur notre faim. Je pense en particulier à la formation technique à l'agriculture dont je suis issu, aux services de remplacement et aux coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) qui méritent un soutien plus puissant de l'État.
Les aides à la modernisation agricole poursuivent leur baisse : elles s'élèvent à 43,4 millions d'euros, soit 13,2 millions de moins que l'an dernier.
Vous me répondrez certainement que les aides sont dans le plan de relance mais, en 2021, les crédits du plan de relance agricole destinés à l'aide à la conversion des agroéquipements vers des modèles permettant de réduire les intrants ont été épuisés en vingt-trois jours. Ouvert le 4 janvier 2021, le dispositif a été clôturé le 27 janvier en raison d'un nombre trop important de candidatures et de dossiers. Il faut donc plus de moyens pour soutenir ces changements.
La ferme France est au cœur de toutes les transitions : économique, sanitaire et climatique. À cet égard, le stockage hivernal de l'eau, grâce aux retenues collinaires, s'avère souvent déterminant. On constate encore trop d'écart entre les discours tenus au niveau national, et les instructions données par vos services sur le terrain. Et que dire des saccages de retenues d'eau qui ont eu lieu le week-end dernier dans les Deux-Sèvres et en Charente-Maritime ? C'est inacceptable !
Le seul budget qui nous intéresse vraiment, monsieur le ministre, c'est la somme qui reste à la fin du mois dans la poche du paysan. D'après le panorama publié par l'INSEE le 11 octobre dernier, 50 % des agriculteurs ont un niveau de vie inférieur au revenu moyen des Français, alors qu'ils travaillent dur, comme des dingues !, et 20 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. C'est la preuve que la loi EGALIM est un échec ; souhaitons un meilleur sort à EGALIM 2.
Mais il est un chemin sur lequel nous pouvons nous retrouver, celui de la sécurisation du revenu des agriculteurs face à la récurrence des aléas climatiques. Je vous adresserai donc deux questions sur l'assurance récolte. L'Assemblée sera-t-elle saisie dès le mois de janvier 2022 d'un projet de loi pour traduire les promesses du Président de la République ? Comment seront ventilés les 600 millions d'euros qu'il a annoncés, avec le talent de communicant qu'on lui connaît, comme une enveloppe nouvelle ?
Quand on regarde de près les chiffres qui circulent, ça sent le tour de passe-passe… Mais peut-être nous expliquerez-vous ces chiffres.
M. Julien Denormandie acquiesce.
En réalité, ces 600 millions d'euros semblent être composés de 150 millions de l'ancien fonds des calamités ainsi recyclés ; de 150 millions venant de la profession ; de 186 millions venant de l'Union européenne. De sorte que, pour arriver aux 600 millions promis par le Président, il suffirait d'ajouter un peu plus de 100 millions de crédits nouveaux de l'État. Cela me semble bien peu, au vu des enjeux que soulèvent ces aléas climatiques récurrents. Monsieur le ministre, pouvez-vous apporter des précisions sur ces chiffres à la représentation nationale ?
À la veille de cette dernière année du quinquennat, nous nous réjouissons, avec mes collègues du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, de constater que les crédits de cette mission ont augmenté de 10 % depuis la loi de finances initiale de 2017.
Avec plus de 3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et tout autant en crédits de paiement, cette mission est, une fois de plus, à la hauteur du soutien que nous nous devons d'apporter aux agriculteurs. Ce budget permet de répondre aux nombreux défis que nous nous sommes fixés depuis 2017, à savoir l'amélioration des revenus des agriculteurs, le soutien à la transformation agroécologique, le renforcement de la compétitivité des exploitations, la valorisation de nos forêts pourvoyeuses d'atouts pour répondre à de multiples enjeux, parmi lesquels les enjeux climatiques.
Pour ce qui est de l'amélioration des revenus, nous ne pouvons que saluer les différentes avancées que nous venons de voter. Plusieurs d'entre elles seront mises en œuvre dès 2022. Grâce au rééquilibrage des relations commerciales entre les différents maillons de la chaîne agroalimentaire, les agriculteurs ne seront plus la variable d'ajustement de la guerre des prix entre grande distribution et industriels. Nous veillerons bien évidemment à la bonne application de la loi.
À l'occasion du PLF pour 2021, notre groupe avait alerté sur les difficultés de recrutement et de compétitivité que rencontraient nos exploitations, notamment celles des cultures spécialisées de fruits et légumes.
En ce qui concerne les difficultés de recrutement, nous avions appelé de nos vœux la pérennisation du dispositif TODE. Nous sommes donc satisfaits de voir qu'il est reconduit en 2022, ce qui traduit la volonté du Gouvernement de soutenir les filières concernées.
Pour ce qui est de la compétitivité des prix, la mise en place d'une expérimentation spécifique dans la filière fruits et légumes est à saluer ; elle permet à l'interprofession de bénéficier d'une dérogation temporaire pour mesurer les effets de l'application de la majoration de 10 % du seuil de revente à perte.
Étant donné notre volonté de garantir un haut niveau de prévention et de réactivité, nous ne pouvons qu'encourager la poursuite des mesures permettant d'accompagner le Brexit et le rétablissement des contrôles aux frontières. Plus de 450 postes ont déjà été créés depuis 2019. Les entreprises de la filière pêche qui subissent les effets du Brexit bénéficient aussi d'aides depuis le début de l'année 2021. Nous devons poursuivre ces efforts.
En outre, nous saluons la poursuite et le renforcement de l'accompagnement à la transition agroécologique en 2022. En effet, les moyens dédiés aux aides à la conversion à l'agriculture biologique sont accrus afin d'atteindre les objectifs du plan Ambition bio 2022.
Bien évidemment, aux crédits de la présente mission, s'ajoutent 1,2 milliard d'euros du plan de relance destinés au volet agricole. Plus de la moitié des crédits est dédiée à l'adaptation au changement climatique. Nous saluons à ce titre le haut niveau de prévention des risques maintenu par le Gouvernement, notamment à l'occasion du plan Gel venu en aide aux agriculteurs touchés par cette exceptionnalité climatique.
Les différentes aides d'État en faveur de la modernisation des abattoirs sont également un bon signal, d'abord en direction de nos producteurs locaux ; puis pour l'attractivité des territoires où ils se trouvent, qui sont souvent ruraux ; enfin pour les Français, de plus en plus exigeants quant à la qualité et à l'origine locale des produits qu'ils consomment.
Je souhaite également mettre l'accent sur l'enseignement agricole que nous devons valoriser, tant ce secteur a à offrir aux jeunes générations. Au cours des dix années à venir, un agriculteur sur deux partira à la retraite. Nous avons le devoir de former les agriculteurs de demain, en enseignant les nouvelles techniques agricoles respectueuses de l'environnement.
Les crédits de la mission sont également dédiés aux forêts. À ce titre, nous saluons la subvention exceptionnelle de 60 millions d'euros sur trois ans à destination de l'Office national des forêts, qui vise à renforcer la résilience des forêts face au changement climatique.
Enfin, nous saluons l'engagement du Président de la République et du ministre Julien Denormandie afin de préserver les moyens alloués aux agriculteurs français lors des négociations du nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027 de la PAC. La nouvelle politique agricole commune doit s'appliquer en 2023, concomitamment au nouveau système d'assurance récolte que nous examinerons au cours des prochaines semaines.
Un geste important a été fait en faveur des retraités agricoles. Tous l'attendaient sur le terrain et il faut poursuivre dans cette voie.
Depuis 2017, la boussole de notre action est l'émergence d'un modèle agricole plus juste et durable. Une fois de plus, les crédits de cette mission pour 2022 vont dans ce sens, c'est pourquoi le groupe Dem les votera.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs des commissions.
J'ai l'honneur de venir à nouveau devant vous pour présenter les crédits de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" .
Je commencerai par rappeler quelques chiffres pour remettre ce budget en perspective : si on additionne le budget de la PAC, qui s'élève à 10 milliards d'euros environ, les taxes affectées, qui s'élèvent à 400 millions environ, et les exonérations fiscales et sociales qui représentent environ 7,5 milliards, c'est un total de plus de 22 milliards d'euros qui est affecté à l'agriculture chaque année. Sur ces 22 milliards, plus de 5 milliards sont ouverts pour le budget du ministère dans le présent projet de loi de finances.
Comme l'a dit Mme la rapporteure spéciale, ce budget est en hausse de près de 70 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 26 millions d'euros en crédits de paiement. En réalité, l'augmentation est encore plus significative étant donné que le budget inclut l'extinction d'un dispositif exceptionnel d'exonération que vous aviez voté pour la seule année 2021. Si on compare les budgets à périmètre constant, les crédits augmentent de 150 millions en AE et de 106 millions en CP.
Surtout, s'ajoutent à ces 22 milliards des moyens également très importants débloqués par le Gouvernement à titre exceptionnel : pour la relance à hauteur de 1,4 milliard d'euros, puis pour faire face aux crises sanitaires et climatiques auxquelles le pays a été confronté depuis 2020, telles que la crise du gel ou l'influenza aviaire, et enfin, à travers le quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA4) et du plan d'investissements France 2030, à hauteur de 2,8 milliards d'euros.
Quand j'entends certains dire que ce ministère ne fait pas preuve d'ambition, que l'État n'investit pas dans les transitions, les bras m'en tombent !
Monsieur Garot, j'aurais aimé, pendant le quinquennat précédent, lorsque vous étiez ministre, vous voir mettre sur la table une telle somme !
M. Garot proteste.
Les plans France relance et France 2030 nous permettent d'investir 4,2 milliards d'euros dans l'agriculture. C'est trop facile, ensuite, de dire « yaka fokon » !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
J'en profite pour saluer les équipes de mon ministère, à Paris comme sur le terrain, dans les services déconcentrés ou dans l'enseignement agricole, ou par le biais de nos opérateurs, au service de nos agriculteurs. La mobilisation de ces moyens exceptionnels se traduit dans les cours de ferme grâce à leur engagement sans faille, notamment dans le cadre du plan de relance, pour accompagner les agriculteurs.
Ces moyens importants montrent que la politique agricole, alimentaire et forestière du Gouvernement se traduit bien en actes, et en premier lieu dans le budget de manière générale. Ces moyens sont indispensables : si on veut faire des transitions, il faut investir, telle est ma doctrine. Et pour investir, il faut accompagner nos agriculteurs.
J'évoquerai brièvement plusieurs questions auxquelles je sais que le Parlement est très sensible et qui ont donc constitué pour moi des priorités.
Nous avons prolongé le dispositif TODE l'année dernière, il est maintenu cette année encore.
C'est un outil essentiel pour la compétitivité de notre agriculture.
J'ai également voulu maintenir le budget des chambres d'agriculture, dont je tiens à saluer l'action. Nous terminons actuellement les échanges avec elles sur le contrat d'objectifs et de performance (COP), dans un climat très constructif. Je tiens à rendre hommage aux agents des chambres d'agriculture qui sont vraiment des agents du dernier kilomètre.
J'en viens au CASDAR qui, contrairement à ce que craignaient de nombreux acteurs, est préservé dans ce budget. Nous proposons même de le renforcer à hauteur de 10 millions d'euros complémentaires dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d'année présenté en conseil des ministres le 3 novembre dernier.
Enfin, nous avons consolidé les crédits dédiés au comité interministériel des outre-mer (CIOM) et le budget européen dans le cadre du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) est préservé, grâce à la bataille qu'ont livrée les parlementaires européens, notamment des eurodéputés de la délégation Renaissance, et les membres du Gouvernement. Nous maintenons également les aides à la filière sucre des départements d'outre-mer.
Permettez-moi désormais de vous présenter l'esprit dans lequel je défends les crédits de mon ministère. Depuis que j'ai l'honneur d'être à la tête de ce beau ministère, j'ai toujours été guidé par un principe cardinal : la souveraineté. C'est la clé de voûte de notre politique agricole et alimentaire.
Comment le budget traduit-il cette volonté politique ? Être souverain, c'est d'abord permettre à nos agriculteurs de vivre de leur travail. C'est pour cela que nous avons remis l'ouvrage sur le métier avec la loi EGALIM 2. Je salue les travaux de M. Grégory Besson-Moreau ainsi que de Thierry Benoit qui présidait la mission d'évaluation de la loi EGALIM 1.
L'enjeu de la rémunération est également au cœur des préoccupations concernant les aides de la politique agricole commune. Certains ne cessent de critiquer la PAC, mais cela me fait sourire, car ils sont très éloignés du soutien concret aux agriculteurs, de la consolidation de leurs revenus au titre de la PAC. Je ne connais pas un Français qui va voir son banquier en lui disant : « Je veux investir mais je n'ai plus de revenus. » Ça ne marche pas comme ça, dans la vraie vie !
La mise en place de cette PAC qui arrive en 2023 représente pour mon ministère un énorme défi opérationnel. Nous nous mettons en ordre de bataille, en recrutant plus de 200 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et en donnant les moyens à l'Agence de services et de paiement de revoir entièrement son système informatique, afin d'améliorer toujours davantage l'efficacité des procédures.
L'enjeu de la rémunération, c'est-à-dire de la reconnaissance du travail fourni par les agriculteurs, nous l'appréhendons également, avec vous, après sa carrière, grâce à la première revalorisation des retraites agricoles que vous avez votée. Je salue la proposition de loi du président Chassaigne, soutenue par la majorité présidentielle, entrée en vigueur le 1er novembre, comme l'a dit M. Jumel.
Je tiens aussi à saluer l'action de la Mutualité sociale agricole (MSA), qui travaille énormément sur ce sujet et qui versera également l'indemnité inflation de 100 euros que le Gouvernement a instaurée.
Être souverain, c'est aussi être plus résilient face aux risques, dans un contexte où les crises exogènes se multiplient. Je pense évidemment d'abord aux aléas climatiques. Nous investissons massivement dans le cadre du plan de relance, avec plus de 100 millions d'euros. Les travaux du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique se poursuivent : c'est là un sujet essentiel à mes yeux, qui nécessite que nous avancions avec détermination.
Antoine Herth et Fabrice Brun ont mentionné l'assurance récolte. Je présenterai en conseil des ministres le 1er décembre un projet de loi relatif à ce système ; il sera débattu à l'Assemblée à la mi-janvier et au Sénat à la fin du mois de janvier. Oui, nous voulons le voir aboutir avant la fin de la législature.
Monsieur Brun, s'agissant des sommes consacrées à cette assurance récolte, le Président de la République a été très clair : aujourd'hui, c'est 300 millions d'euros entre la PAC, la profession et le budget national ; l'objectif est de passer à 600 millions, grâce à l'apport de la solidarité nationale. J'en profite pour saluer les travaux de Frédéric Descrozaille sur ce système d'assurance récolte.
Pour ce qui est de la résilience, je pense également aux aléas sanitaires, qu'ils affectent l'humain, avec la crise de la covid-19, ou les animaux et végétaux, dans la logique One Health. Pour préserver la santé de nos élevages et la sécurité sanitaire de notre alimentation, le budget augmente de 2,6 %.
Les crédits alloués au bien-être animal – c'est la même ligne budgétaire – augmentent également. Je pense au renforcement des ETP, à la création d'une brigade nationale d'intervention rapide, et au plan Abattoirs.
Être souverain, c'est aussi sortir de nos dépendances, et d'abord de notre dépendance aux importations, par exemple de protéines végétales.
Monsieur Garot, je vous ai écouté avec énormément de plaisir dire qu'il faudrait peut-être faire un plan protéines : eh bien, non seulement nous l'avons annoncé, après un travail avec les filières, mais nous avons mis 120 millions d'euros sur la table ! Mais là aussi, continuons à dire que ce n'est jamais assez. Nous mettons, je le redis, 120 millions sur la table : au bout d'un moment, il faut arrêter les postures et regarder la réalité de notre action !
D'autres nous disent que nous n'irions pas assez loin sur le chemin de l'agroécologie. Quid du plan de relance ? Quid de France 2030 ? Quid du crédit d'impôt « bio » que nous allons allonger, grâce à des amendements très intéressants allant en ce sens ? Quid du crédit d'impôt HVE – haute valeur environnementale –, instauré par la majorité ? Quid du crédit d'impôt glyphosate, instauré par cette majorité ? Quid du programme « plantons des haies », doté de 50 millions d'euros ? Quid du plan Protéines végétales, doté, je le redis, de 120 millions d'euros ?
Deux anciens ministres, appartenant à la majorité précédente, ont critiqué ce bilan. Mais je rappelle que, depuis 2017, le bio a doublé dans notre pays. En trois ans, les surfaces HVE ont été multipliées par vingt. Depuis 2016, l'usage des substances CMR – cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction – de catégorie 1 a été réduit de 93 %, et celui des substances CMR 2 de 40 % depuis 2017.
Et il y a encore des gens pour nous dire que ce serait bien que nous nous saisissions du sujet ! Excusez-moi de vous le dire, mais c'est absolument insupportable.
Et vous discréditez le monde agricole ! Pour eux aussi, c'est insupportable !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis, applaudit également.
Être souverain, c'est aussi répondre au défi démographique, alors que près de la moitié de nos exploitations agricoles verront bientôt leur chef d'exploitation partir à la retraite. Voilà pourquoi il faut augmenter les crédits alloués à la DJA. J'y suis très attentif.
Il faut également travailler sur le portage foncier, dans le sens proposé par M. Sempastous dans la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.
Je suis très attaché à l'enseignement agricole. Les budgets sont en augmentation, et pour la première année depuis bien longtemps, le nombre d'apprenants est en hausse. C'est une très bonne nouvelle.
Enfin, pour être souverain et préparer l'avenir, nous devons mener cette troisième révolution agricole que j'appelle de mes vœux. La première, ce fut celle du machinisme ; la deuxième, celle de l'agrochimie. Depuis, nous nous enfermons dans des impasses car notre vision se limite à réduire les conséquences de la deuxième révolution. J'en suis moi-même un pur produit : on m'a enseigné l'agriculture raisonnée.
Aujourd'hui, la nouvelle génération apprend l'agroécologie.
Il s'agit de concilier trois défis : celui de la nutrition, celui de l'environnement, celui de la productivité et de la compétitivité, car il ne faut pas oublier le rôle nourricier de l'agriculture. Ces trois défis sont immensément importants. Le gros défaut de ce que nous faisons depuis trente ans, c'est de choisir entre ces trois défis.
Nous avons cessé d'augmenter les importations de fruits et légumes, et nous avons cessé d'empêcher un certain nombre de productions.
Cette troisième révolution agricole, c'est celle du vivant et de la connaissance : c'est comme cela que nous pourrons relever les trois défis en même temps. Cela passe par le numérique, par l'agrorobotique, par la génétique, par le biocontrôle.
Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.
En effet, les clauses miroirs sont indispensables. L'accord avec le MERCOSUR – Marché commun du Sud –, c'est non, non et archinon.
Nous finançons massivement ces mouvements de la troisième révolution agricole pour sortir des impasses dans lesquelles nous nous étions enfermés. Nous allons continuer en ce sens.
Nous allons continuer d'investir en faveur de la transition environnementale, dans le cadre des mesures agroenvironnementales et des mesures en faveur du bio – avec le crédit d'impôt bio, notamment, dont je rappelle qu'il est très intéressant et qu'il sera débattu au cours de la discussion des articles non rattachés, vendredi 12.
Je souhaite terminer mon propos par un sujet essentiel : la forêt.
Très rapidement. Dans le budget du ministère pour 2022, les crédits de la forêt augmentent de 12 % pour atteindre près de 277 millions d'euros. C'est notamment la traduction du soutien à l'ONF, qui se poursuit en 2022, après 2021, par une subvention exceptionnelle et la revalorisation de ses missions d'intérêt général. C'est aussi la hausse des ressources du Fonds stratégique de la forêt et du bois, pour prolonger l'aide à l'exploitation et à la commercialisation des bois scolytés.
Les crédits du plan de relance dédiés à la forêt, initialement de 200 millions d'euros, ont été portés à 300 millions ; nous ajoutons 500 millions dans le cadre de France 2030. Je fais miennes nombre de recommandations de l'excellent rapport de Mme Cattelot.
J'ai été un peu long, mais je souhaitais rappeler l'ensemble des défis et les moyens que nous dégageons pour les relever. Nutrition, agriculture, alimentation, forêt : ce sont là des sujets stratégiques. Nous devons préserver nos modèles, nos offices, nos agents, nos agriculteurs, nos forestiers, nos pisciculteurs, nos pêcheurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions comme des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à M. André Chassaigne.
Réaffirmons-le clairement : le développement de l'agriculture biologique en France est un levier essentiel non seulement pour répondre aux fortes attentes des consommateurs en faveur de produits nationaux de qualité, mais aussi pour engager une transformation agroécologique globale.
Or si la part des superficies cultivées ou conduites en agriculture biologique a notablement progressé ces dernières années, nous restons très en deçà des objectifs initialement retenus dans le Plan Ambition bio et repris dans la loi EGALIM. Au risque de vous agacer, je relève ainsi que la cible inscrite dans la préparation budgétaire pour 2022 ne correspond plus aux objectifs que vous avez semble-t-il retenus dans le prochain plan stratégique national. Non seulement nous serons très loin d'atteindre les 15 % de surfaces agricoles utiles (SAU) en bio en 2022, avec seulement 9,5 % à la fin de l'année 2020, mais les 18 % de SAU visés initialement pour 2023 semblent désormais reportés à 2027.
Serait-ce là un lapsus budgétaire révélateur d'une navigation à contre-courant ?
Or, vous le savez, pour atteindre nos objectifs en matière d'agriculture biologique, il faut d'abord un soutien budgétaire et financier durable, ce qui donne de la visibilité et des revenus à ce mode de production.
À juste titre, les producteurs de bio et leurs fédérations dénoncent clairement les arbitrages de la PAC 2023-2027 et votre abandon de l'aide au maintien. Ils vous demandent de vous engager dès maintenant à reconduire et à renforcer, au-delà de 2022, le crédit d'impôt bio, seul dispositif à même de limiter les conséquences de la baisse envisagée des soutiens.
Monsieur le ministre, renforcer les soutiens à la conversion et à l'installation, c'est bien, mais il faut aussi conforter les structures existantes, en particulier les plus petites. Êtes-vous prêt à vous engager en ce sens devant la représentation nationale ?
MM. Pierre Dharréville et Sébastien Jumel applaudissent.
Sur les objectifs, soyons clairs : nous estimons que, dans le courant de l'année 2022, lors de la prochaine évaluation, nous aurons doublé la surface cultivée en bio par rapport à 2017. C'est la dynamique actuelle.
Forts de celle-ci, nous avons fixé, notamment dans le plan stratégique national, à la suite de nombreuses concertations avec les acteurs, un objectif de 18 % de surface agricole utile en bio en 2027.
En ce qui concerne le soutien à l'agriculture bio, je suis favorable au crédit d'impôt, qui me paraît un bon outil. Vous en discuterez vendredi.
Enfin, vous l'avez vous-même montré dans les détours qu'a empruntés votre question : il est normal que la PAC investisse massivement dans la conversion, afin précisément d'augmenter les surfaces en bio. Nous en avons débattu pendant des semaines : quelle doit être la nature des soutiens qu'apporte la PAC au bio ? C'est vrai qu'elle met le paquet sur la conversion. Mais il faut aussi noter que la ligne budgétaire passe de 250 à 340 millions d'euros par an, soit une augmentation d'un tiers.
Je pose cette question pour Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, qui a été obligée de s'absenter et qui vous prie de l'en excuser.
Le 12 octobre dernier, le Président de la République présentait le grand plan d'investissement France 2030. Le sixième objectif de ce plan d'avenir prévoit un investissement direct de 2 milliards d'euros en faveur d'une alimentation saine, durable et traçable.
Le secteur agricole est par ailleurs le premier concerné et le premier sollicité pour répondre, avant 2030, aux enjeux d'écologie et de santé alimentaire. La loi EGALIM ou encore le plan stratégique national, élaboré dans le cadre de la PAC, sur la sécurité alimentaire et la décarbonation agricole s'inscrivent dans notre volonté de transformer le modèle de production agricole afin de surmonter, avec réactivité et pragmatisme, des obstacles imminents.
La conjoncture actuelle nous invite à envisager un bouleversement des rouages du monde agricole et agroalimentaire. Nous devons en effet répondre tout à la fois aux enjeux écologiques, démographiques et économiques. À l'heure où le déficit démographique est perceptible, à l'heure où les professions agricoles ne sont plus attractives pour les jeunes, nous devons rendre effective notre souveraineté alimentaire. À l'heure où il nous faut nourrir de plus en plus de personnes dans le monde, nous devons décarboner nos productions agricoles. À l'heure où nous devons maintenir la quantité de production, nous sommes contraints d'avoir recours à des travailleurs saisonniers étrangers. À l'heure où nous devons revaloriser les revenus de nos agriculteurs, nous devons garantir la qualité des productions.
Nous disposons d'outils technologiques, numériques et mécaniques. Ils doivent être les piliers de cette transition agricole et alimentaire qui est au cœur du plan d'investissement pour la France de 2030.
Monsieur le ministre, quelle est votre vision de cette troisième révolution agricole dont vous avez parlé ? Quels moyens se donne le Gouvernement pour aider les agriculteurs à engager cette transformation indispensable ?
Je vous remercie, madame David, et à travers vous, madame Verdier-Jouclas, pour votre question. Je crois profondément en la troisième révolution agricole. L'un de mes vœux les plus chers est que nous la défendions tous, de manière collégiale. Je pourrais prendre de nombreux exemples. Comme je le disais tout à l'heure, notre principale difficulté, dans l'agriculture, tient à la multitude des défis, tous aussi importants les uns que les autres, qu'il s'agisse de la nutrition, de la protection de l'environnement ou de la capacité à produire.
Nous devons avoir l'humilité de reconnaître que notre approche a conduit à des impasses, d'ailleurs relevées par la Commission européenne dans sa dernière étude sur le Green Deal – le pacte vert pour l'Europe. Cette étude souligne que l'Union européenne va, dans le même temps, réduire de 13 % sa production agricole et augmenter de 20 % ses importations agricoles à l'horizon 2030. Voilà la réalité, alors que certains continuent de nous reprocher de ne pas aller assez loin ! Nous marchons tout simplement sur la tête ! Faut-il rappeler que la mission première de l'agriculture est de nourrir ?
M. Guillaume Larrivé applaudit.
Ce n'est pas vrai, monsieur Garot ! Quand les conclusions d'une étude ne vous arrangent pas, elle n'est pas bonne, c'est trop facile, et quand elles vont dans votre sens, vous n'hésitez pas à l'utiliser. C'est toujours la même chose, avec vous !
Prenons un exemple concret, qui rappellera des débats que vous avez pu avoir dans cette enceinte. Aujourd'hui, le secteur agricole est confronté au défi de la décarbonation – je salue d'ailleurs l'initiative « 4 pour 1000 », lancée par Sébastien Le Foll lorsqu'il était ministre de l'agriculture. Je rappelle qu'on capte plus de carbone dans le sol agricole que partout ailleurs, y compris dans la forêt, mais que pour capter le carbone dans le sol, il ne faut pas labourer. Or pour planter sans labourer, il faut désherber. Comment faites-vous alors ? Vous êtes obligé d'utiliser un désherbant…
Voilà typiquement un cas dans lequel deux objectifs environnementaux se percutent ! Quelle solution avons-nous, dans une telle situation, si ce n'est de développer l'agrorobotique, la génétique et le biocontrôle ? C'est la raison pour laquelle nous devons investir massivement dans ces secteurs. Le monde agricole ne nous a d'ailleurs pas attendus pour le faire ; mais nous avons aujourd'hui la responsabilité de le soutenir dans cet effort en investissant massivement dans la troisième révolution agricole. Nous avons déjà mis 2,8 milliards d'euros sur la table !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'appeler votre attention sur les difficultés rencontrées par les ostréiculteurs du bassin de Marennes-Oléron et plus largement de la Charente-Maritime – vous connaissez bien cette profession et ce département. Rappelons que l'activité des ostréiculteurs augmente considérablement en fin d'année puisqu'ils réalisent près de 70 % de leur chiffre d'affaires annuel à cette période. Les huîtres sont en effet un plat de fête, même si l'on peut en consommer toute l'année.
Pour faire travailler leurs salariés au-delà des limites légales par semaine, ainsi que durant les dimanches, les exploitants doivent demander une dérogation à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREEST). Or il semble qu'il y ait des disparités dans l'octroi de ces dérogations selon les bassins de production. On m'a ainsi rapporté qu'en Bretagne et en Normandie, les dérogations accordées atteignent 66 heures par semaine alors qu'elles sont limitées à 60 heures dans les bassins de la Charente-Maritime. Il serait évidemment équitable d'accorder une même durée hebdomadaire maximale aux ostréiculteurs de la Charente-Maritime.
Par ailleurs, certains professionnels connaissent des problèmes pour l'expédition des huîtres à l'exportation en raison des contraintes lourdes liées aux modalités d'enregistrement des certificats d'exportation. Ils souhaitent donc une dématérialisation de cette procédure.
Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour remédier, dans les toutes prochaines semaines – le coup de feu de décembre approche –, à ces deux difficultés majeures pour les ostréiculteurs de la Charente-Maritime ?
Permettez-moi de saluer, avant les fêtes, les ostréiculteurs de Charente-Maritime et d'ailleurs, que j'apprécie tant !
En ce qui concerne les dérogations de temps de travail, il s'agit d'un dossier compliqué, que nous connaissons bien, qui fait actuellement l'objet de discussions avec le ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, dont ces dérogations relèvent plus directement. Nous souhaitons bien entendu une harmonisation entre les bassins ostréicoles et surtout que l'intense activité qui précède les fêtes de fin d'année puisse être absorbée. Je me suis d'ailleurs rendu récemment dans le bassin Marennes-Oléron, où j'ai rencontré les professionnels.
Ensuite, pour ce qui est des autorisations d'exportation et leur numérisation, le sujet ne relève pas uniquement de nous. Afin de faciliter la procédure pour les exportateurs français, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a autorisé la dématérialisation des certificats d'export dans le cadre du dispositif Expadon, dont la deuxième version est en cours de modernisation et qui est financé par le plan de relance. Reste que la nature des documents exigés, dématérialisés ou non, ne dépend pas de la réglementation française mais de la réglementation du pays importateur. Or chaque pays ne demande pas les mêmes documents, ce qui explique que les certificats numérisés ne soient pas toujours acceptés. Notre rôle est bien évidemment de simplifier les formalités des producteurs exportateurs et c'est pourquoi nous investissons dans de nouveaux outils, mais il est des contraintes que nous ne maîtrisons pas, celles fixées par les pays importateurs.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur une question que nous avons évoquée ensemble au mois de mai : le prix du lait. Comme tous nos collègues, je vais dès que je le peux à la rencontre des éleveurs de vaches laitières de ma circonscription. J'étais ainsi, il y a quelques jours, à la Ferté-Loupière, dans l'Aillantais, où une dame m'a demandé : « Comment fait-on pour vivre lorsque le prix du lait de vache conventionnel se situe autour de 35 centimes par litre ? » Pour être très précis, il était ce matin, dans l'Yonne, de 34,4 centimes ou 35,8 centimes par litre selon le cas. Faut-il le rappeler, nous assistons parallèlement à une augmentation considérable du prix des intrants – matières premières, énergie etc. – de la filière laitière, qui a augmenté de 9 % en un an, d'où un effet de ciseaux ?
La réponse technique, je la connais, nous en avons suffisamment débattu ici, c'est la contractualisation prévue par les lois EGALIM 1 et 2. J'ai également conscience des contraintes pesant sur le marché du fait de son caractère mondial, en partie, s'agissant notamment de la poudre de lait. Je constate, enfin, que des initiatives positives se développent sur le terrain, parmi lesquelles l'initiative « C'est qui le patron ? ! », qui a permis aux producteurs de l'Yonne de vendre ce matin leur lait au prix de 36,9 centimes, soit 2 ou 3 centimes de plus que le prix standard du lait.
Tout cela, je le vois bien, monsieur le ministre, mais, pardon d'être très direct, il nous reste désormais cinq mois de législature. Quels seront les leviers concrets qui nous permettront, vous en tant que ministre, nous en tant que députés, de regarder, les yeux dans les yeux, les éleveurs de vaches laitières qui sont en train de crever – il n'y a pas d'autre mot ! – parce que le prix du lait ne récompense évidemment pas leurs efforts ? C'est ce qui est dramatique : on voit des personnes très engagées, passionnés, volontaires, qui ont énormément de mal à vivre de leur travail. Il est nécessaire que le Parlement et le Gouvernement agissent – peut-être sur la structure du marché – pour leur venir en aide.
M. Fabrice Brun applaudit.
Je partage votre constat, monsieur Larrivé. La première chose que nous devons faire est de nous assurer que, dans la chaîne qui va de la production à la vente de la brique de lait dans le supermarché, aucun des acteurs ne capte la valeur au détriment des autres. Nous avons été aussi loin que nous le pouvions avec la loi EGALIM 2, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Le seul domaine dans lequel nous ne sommes pas intervenus est celui de l'administration des prix – chacun sait pourquoi –, mais nous avons instauré un dispositif de régulation des prix. Le ministère va multiplier par quatre le nombre de contrôles auprès de la grande distribution et des industriels pour s'assurer que ce dispositif est respecté. Nous envisageons, en outre, dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, de prendre des dispositions qui permettront, dans de très nombreux territoires, de renforcer les élevages laitiers – je n'entre pas dans le détail.
Toutefois, à la fin des fins, le donneur d'ordre reste le consommateur. Je vous remercie donc d'avoir cité l'initiative « C'est qui le Patron ? ! ». Je ne l'ai pas dit à M. Chassaigne, faute de temps, mais…
…la situation du lait bio, en France, est très révélatrice. Pendant des années, on a entendu qu'il fallait développer le lait bio, mais demandez à n'importe quel Français s'il préfère boire du lait bio ou du lait conventionnel ! Il vous dira que c'est mieux de produire du lait bio mais il n'en achètera pas ou pas assez.
C'est ce qui explique que du lait bio soit parfois déclassé et vendu au prix du lait conventionnel. Sur la question du prix du lait, nous devons avant tout faire preuve de courage politique et agir auprès des consommateurs, notamment grâce à l'indication, par étiquetage, de l'origine géographique du lait. Vous connaissez la position que j'ai prise à l'égard d'un grand groupe français qui avait saisi le Conseil d'État sur ce point.
Lactalis, en effet, pour ne pas le nommer. Une initiative telle que « C'est qui le Patron ? ! » mérite donc d'être reproduite. Tels sont, pour conclure, les trois axes qui me paraissent structurants.
Monsieur le ministre, vous avez terminé votre intervention liminaire en évoquant les forêts françaises, publiques et privées, et les exploitants forestiers. J'associe à ma question Annie Genevard, notre présidente de séance, qui partage mes préoccupations.
Depuis trois ans, nos forêts ont souffert de plusieurs crises : la sécheresse, tout d'abord, qui a engendré un déficit hydrique, mais aussi des canicules et des attaques d'insectes, les scolytes. Le constat est simple : une perte de bois, de matière et de valeur ; une déstabilisation générale de la filière et de ses acteurs.
Un phénomène insupportable est actuellement observé par les maires des communes forestières : le bois est vendu à des prix ridicules alors qu'il est valorisé ensuite à des prix élevés. Dans ces communes, les maires ont la mission de préserver et de valoriser le patrimoine forestier. Nous n'aurons sans doute pas le temps d'en débattre, mais la question de l'avenir de l'ONF est aujourd'hui posée. Ses relations avec les communes forestières suscitent également des interrogations alors qu'une nouvelle taxe serait envisagée. La situation financière des communes forestières pourrait être menacée. Rappelons que, dans certains départements, quasiment toutes sont forestières. La faiblesse des crédits consacrés à la forêt et le coût net que représente la forêt pour les communes les placent souvent au bord de l'asphyxie budgétaire.
Monsieur le ministre, qu'en est-il de la mission conjointe de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et du Conseil général des eaux et forêts (CGER) que vous avez lancée pour évaluer les pertes financières des communes forestières dues aux crises conjoncturelles que j'ai évoquées ? Où en est, par ailleurs, le repeuplement forestier ? Les maires s'interrogent sur les essences qu'ils doivent choisir. Nous reviendrons tout à l'heure, lors de la discussion des amendements, sur la forte consommation des crédits alloués au repeuplement des forêts en 2021. En ce qui concerne les crédits consacrés à la recherche sur les essences à planter, où en sont les études sur la résilience des arbres et les essences résistantes ? Il faut en effet pouvoir guider les acteurs publics et privés dans leur choix. Quid, enfin, des recherches sur les scolytes et les attaques des chenilles processionnaires ?
Un dernier point pour finir. Les exploitants forestiers pâtissent actuellement des dispositions de la nouvelle stratégie de l'Union européenne sur les forêts, dispositions qui s'opposent à leur activité. Il est important que l'État français agisse au niveau européen pour les soutenir.
M. Guillaume Larrivé applaudit.
Si vous le voulez bien, je commencerai par répondre à votre dernière remarque. Vous avez sans doute eu connaissance de ma position concernant ce texte européen, elle est très claire : la forêt doit être protégée, mais aussi cultivée. L'exploitation de la forêt a une triple fonction : protection environnementale, développement économique – on ne peut pas se plaindre d'un manque de bois de construction alors qu'on ne peut pas prélever un stère de bois dans la forêt – et rôle sociétal. J'ai toujours défendu cette position, y compris au niveau européen.
En ce qui concerne les scolytes, les conclusions de la mission interministérielle qui y a été consacrée ont été rendues. Un amendement a bien été adopté, comme nous nous y étions engagés, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission "Cohésion des territoires" , afin de permettre un abondement supplémentaire en faveur des communes scolytées, selon un processus prévu par la mission. Nous allons aussi prolonger l'application du dispositif « scolytes » jusque dans le courant de l'année 2022, respectant là encore un engagement que nous avions pris.
Enfin, la question de savoir quelles essences doivent être privilégiées est probablement la plus difficile à résoudre : même si j'avais dix minutes plutôt que deux, je serais bien en peine de vous répondre. J'ai pourtant reçu une formation en la matière, puisque c'était ma spécialité lorsque j'étais à l'École nationale du génie rural, des eaux et des forêts (ENGREF) – mais c'est vraiment un problème très difficile. Prenons par exemple la hêtraie de Lyons-la-Forêt : on est en train de se demander s'il ne faudrait pas arrêter d'y planter des hêtres. Vous imaginez ne plus pouvoir mettre de hêtres dans une hêtraie – ou au moins dans une partie d'une hêtraie – multicentenaire ? C'est une sacrée responsabilité. L'un des groupes de travail réunis dans le cadre des Assises de la forêt et du bois, que nous avons lancées il y a maintenant un mois et demi, est spécifiquement dédié à cette question ; si vous voulez vous y associer, vos collègues Rémy Rebeyrotte et Anne-Laure Cattelot, notamment, y participent.
Et vous en êtes ? C'est parfait. Pour ce qui est des communes forestières, j'ai encore rencontré Dominique Jarlier ce matin, afin que nous avancions de manière constructive sur le sujet.
Nous en avons terminé avec les questions.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 :
Suite de l'examen des crédits de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" .
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra