Intervention de Jean-Bernard Sempastous

Séance en hémicycle du lundi 8 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Agriculture alimentation forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

J'ai l'honneur de vous présenter l'avis rendu au nom de la commission des affaires économiques sur la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" . L'année 2021, avec son lot de catastrophes climatiques, a rappelé avec force les défis que doit relever notre modèle agricole. Nos priorités sont claires : assurer la souveraineté et la sécurité alimentaires du pays ; soutenir la transition agroécologique ; garantir le renouvellement des générations et offrir des revenus décents aux agriculteurs. Ces défis, le Parlement comme le Gouvernement en ont pleinement conscience. Nous n'avons pas ménagé nos efforts, ces quatre dernières années, et nous pouvons être fiers du travail déjà accompli. La loi EGALIM, bien sûr, a permis des avancées considérables. Je pense aussi aux nombreuses initiatives parlementaires, dont la très récente loi visant à protéger les revenus des agriculteurs.

L'avenir de l'agriculture française se joue aussi à Bruxelles. Je salue l'engagement et le travail du Président de la République et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, Julien Denormandie, qui ont obtenu de longue lutte le maintien du budget de la politique agricole commune (PAC). Le travail législatif n'est pas fini, il se poursuivra dans les prochains mois. Je pense à la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dont je suis le rapporteur ; la commission mixte paritaire (CMP) doit se réunir dans quelques semaines. Je pense aussi au projet de loi sur la gestion des risques climatiques en agriculture, très attendu par le monde agricole.

Le budget pour 2022 traduit l'engagement du Gouvernement et de la majorité de soutenir le monde agricole. Les crédits de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" sont consolidés par rapport à l'année dernière, avec 3,03 milliards d'euros en autorisations d'engagement. S'y ajoutent les investissements inédits que le plan de relance a rendus possibles, ainsi que les nouveaux financements annoncés dans le cadre du plan France relance 2030.

Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ont dressé un panorama général de la répartition des crédits et je partage globalement leur analyse. Le budget traduit nos grandes priorités : 1,7 milliard d'euros pour les actions visant à renforcer la compétitivité et la durabilité du secteur ; 614 millions d'euros pour la sécurité et la qualité sanitaire des aliments ; 641 millions d'euros pour la conduite et le pilotage de l'agriculture.

Le budget appelle l'attention sur certains points. Je partage les interrogations des rapporteurs spéciaux de la commission concernant le financement du compte d'affectation spéciale "Développement agricole et rural" (CASDAR). Nous savons tous à quel point cet outil est essentiel au monde agricole.

Dans le cadre de l'avis de la commission des affaires économiques, j'ai étudié le développement du travail à façon en agriculture. Nous avons réalisé une dizaine d'auditions et un déplacement sur le terrain, afin de dresser un état des lieux de ce phénomène et de dégager des pistes d'action pour les pouvoirs publics.

Le travail à façon consiste à faire appel à un prestataire de services pour réaliser tout ou partie des travaux agricoles. Depuis le milieu des années 1990, le travail délégué se développe fortement et change de nature. En particulier, le travail à façon intégral prend de l'ampleur ; il s'agit de déléguer la gestion d'une exploitation agricole de A à Z. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : environ 60 % des exploitations agricoles françaises ont recours au travail à façon, et un peu plus de 7 % de manière intégrale. Pour les grandes cultures, le taux de délégation intégrale dépasse même 12 %.

Si le travail à façon ne doit pas être condamné en tant que tel, le développement de sa forme intégrale suscite des craintes légitimes. Le travail à façon pose des difficultés juridiques : utilisé comme un outil de contournement des règles du droit rural, il constitue un problème supplémentaire dans le domaine du foncier agricole car il accroît le risque de concentration des terres et de difficultés de renouvellement des générations.

Le travail à façon soulève aussi des craintes de nature sociale. Il permet à l'exploitant de conserver son statut et ses droits, tout en abandonnant son métier et en vivant dans un lieu éloigné ; il met donc en cause les structures sociales du monde agricole et éveille le spectre d'une agriculture sans agriculteurs. Il constitue une menace forte pour notre modèle agricole et la vitalité des territoires ruraux. Monsieur le ministre, quel regard portez-vous sur ce phénomène ? Quelles évolutions vous paraissent nécessaires ?

Je propose dans mon rapport plusieurs pistes d'action. Selon moi, il faut améliorer la transparence et le suivi du travail à façon, approfondir la réflexion sur la définition de l'agriculteur actif et poser les fondements d'une réforme du statut du fermage. Les mois et années à venir nécessiteront une réflexion d'ampleur sur ces questions. En outre, nous devons poursuivre le travail législatif sur la question du foncier agricole.

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