Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du lundi 8 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Agriculture alimentation forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

La loi EGALIM, qui devait leur garantir un meilleur partage de la valeur ajoutée, n'a pas eu les effets escomptés. Le grand texte sur le foncier agricole a été réduit à peau de chagrin. Quant à l'assurance récolte, elle ne se matérialisera pas avant la prochaine législature.

Notre agriculture souffre, hélas, toujours des mêmes maux. Premier écueil : trop peu est fait pour renouveler l'attractivité du métier agricole auprès des jeunes générations. Dans dix ans, un agriculteur sur deux sera en âge de partir à la retraite. Une grande partie des exploitations ne trouvera pas repreneur, à moins de susciter de nouvelles vocations.

Sur ce point, j'ai de réelles inquiétudes : vous prévoyez, monsieur le ministre, pour la troisième année consécutive, la suppression de postes au sein de l'enseignement technique agricole. La formation des jeunes est pourtant indispensable au renouvellement des générations. De même, je constate, avec regret, une stagnation des crédits attribués aux stages à l'installation et une diminution de la contribution nationale à la dotation aux jeunes agriculteurs. Je suis, au contraire, convaincue que ces aides auraient dû être revalorisées pour attirer de nouveaux candidats.

La gestion de l'aléa climatique me semble elle aussi perfectible. L'épisode de gel particulièrement dévastateur, qui a durement frappé nos exploitations en avril dernier, nous rappelle qu'il faut adapter notre agriculture au changement climatique. Dans le cadre du plan Gel, vous avez, certes, prévu le doublement des crédits dédiés à l'acquisition d'équipements de protection contre les aléas climatiques mais, là aussi, cela risque d'être insuffisant. L'année dernière l'enveloppe avait été épuisée en quelques semaines seulement. Quant au reste à charge, il demeure trop élevé pour une majorité d'agriculteurs, en difficulté financière.

Par ailleurs, pour faire face au réchauffement climatique, et réduire l'utilisation de produits phytosanitaires, nous aurons besoin d'accentuer la recherche dans les innovations variétales. Aussi, je me réjouis que le plan France 2030 ait fait de la sélection variétale l'une de ses priorités.

L'annonce d'une réforme de l'assurance récolte est, elle aussi, une bonne nouvelle. Je milite de longue date pour une refonte du dispositif des calamités agricoles. J'avais d'ailleurs déposé, dès 2008, une proposition de loi visant à généraliser l'assurance à l'ensemble des exploitations. Nous le savons, les conséquences du changement climatique sont de plus en plus graves et récurrentes sur nos cultures : il est indispensable d'offrir aux agriculteurs un dispositif assurantiel renforcé et adapté aux réalités actuelles. Le calendrier retenu tempère toutefois mon enthousiasme. Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer l'examen d'un projet de loi – et son achèvement – avant la fin de la session parlementaire ?

Nous le savons, les crédits que nous examinons aujourd'hui ne constituent qu'une petite partie des moyens alloués à notre système agricole. La majorité du budget est déterminée au niveau européen par la politique agricole commune. À cet égard, la France devrait présenter, avant la fin de l'année, son plan stratégique national et assurer ainsi la déclinaison, dans nos territoires, des grandes orientations fixées au niveau communautaire. Nous serons particulièrement vigilants à ce que les choix faits au niveau national ne soient pas synonymes de distorsions de concurrence avec nos voisins européens.

Toutefois, cette crainte légitime ne doit pas signifier le renoncement à nos ambitions environnementales. L'avis très critique, rendu en octobre dernier par l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), nous laisse craindre que l'impératif de transition agroécologique ait été abandonné.

Garantir l'attractivité de nos produits agricoles, c'est également maintenir la compétitivité de nos filières. À ce titre, nous nous réjouissons du maintien du dispositif pour l'emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi agricoles (TODE) jusqu'au 1er janvier 2023 : il est indispensable pour les activités fortement mobilisatrices de main-d'œuvre telles que l'arboriculture, comme c'est le cas dans mon département. Nous appelons d'ailleurs à le prolonger au-delà de cette date.

Nous aurions aimé qu'à l'issue de ce quinquennat, notre modèle agricole soit plus résilient et respectueux de l'environnement. Nous aurions voulu que la ferme France soit confortée dans son rôle de grenier de l'Europe. Nous aurions souhaité que ceux qui ont choisi pour métier de nourrir les autres puissent aborder les lendemains avec plus de sérénité. Mais ces objectifs n'ont pas été atteints. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires, dans sa majorité, ne votera pas en faveur des crédits de la mission "Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales" .

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