Madame la ministre de la culture, par une opération sans précédent dans l'histoire de l'audiovisuel français, les deux chaînes les plus importantes de la télévision privée de notre pays, TF1 et M6, ont lancé il y a quelques mois un projet de fusion. Celui-ci suscite légitimement de grandes inquiétudes chez les différents acteurs de l'audiovisuel, alors que le Gouvernement a déjà laissé entendre sa grande bienveillance à son égard.
Pourtant, si ce mariage aboutissait, il donnerait naissance à un groupe en situation de quasi-monopole pour l'information par les journaux du matin, du midi et du soir, pour les parts d'audience qui atteindraient 42 % contre 28 % à France Télévisions, mais aussi pour la publicité – avec près de 75 % du marché, selon les estimations – et enfin pour la production des contenus audiovisuels, alors que celle-ci touche directement à notre patrimoine et à notre souveraineté.
La stratégie consistant à soutenir un champion capable de concurrencer Netflix interroge lorsque l'on compare les chiffres. La plateforme américaine a investi 19 milliards d'euros ; c'est quarante fois plus que ce qui est prévu pour ce nouveau géant ! Alors, à quoi bon ? Quel intérêt y a-t-il à prendre le risque de l'ultraconcentration, de la domination du marché ?
Les mesures anticoncentration en vigueur depuis 1986 prévoient que des autorités administratives indépendantes délivrent les autorisations de diffusion, mais elles sont tellement indépendantes que nous avons appris que la présidente de l'Autorité de la concurrence a été remerciée par le Président de la République en pleins travaux !
Comble du cynisme, au même moment, le président du CSA – Conseil supérieur de l'audiovisuel – nous annonçait un renforcement des aides anticoncentration dans la future ARCOM – Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Madame la ministre, la pluralité de l'information, de l'expression des contenus et de la production est indispensable aux démocraties. Nous avons depuis des mois un exemple trop grave de la capacité de certains médias à participer à des dérives populistes pour ne pas réagir. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un soutien sans faille à l'audiovisuel public et non d'une trajectoire financière à la baisse depuis trois ans. Surtout, nous avons besoin de l'indépendance des autorités administratives qui sont les garantes du pluralisme.
Face à ceux pour qui les citoyens ne sont que du temps de cerveau disponible, n'est-il pas de la responsabilité du Gouvernement de s'opposer à de telles manœuvres monopolistiques ?