La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, depuis quelques jours, partout en France, des infirmières et infirmiers anesthésistes font grève : c'est l'arrêt des blocs opératoires et la déprogrammation de nombreuses opérations. Plus généralement, dans les hôpitaux, le manque de reconnaissance, le rythme infernal, la dégradation des conditions de travail, l'épuisement et la démotivation provoquent la multiplication des arrêts maladies et des démissions : l'absentéisme est important et beaucoup de postes sont vacants.
Les soignants – que je salue – ont été mis à rude épreuve pendant la crise sanitaire, qui a contribué à accélérer cette dégradation, mais n'est pas responsable de tous les maux. Déjà en 2019, un agent hospitalier sur deux ne souhaitait plus exercer jusqu'à la retraite. Ainsi, faute de personnel, les services et les lits sont réduits, des services d'urgences opèrent un tri des patients et vont jusqu'à fermer leurs portes, dans plusieurs régions. Le Conseil scientifique évalue à 20 % le nombre de lits d'hôpitaux fermés, notamment en raison de l'épuisement des soignants : 13 000 lits ont été supprimés en cinq ans.
Pourquoi le Ségur de la santé n'a-t-il pas résolu ces difficultés structurelles et stoppé l'hémorragie d'absentéisme ? Les accords de revalorisation, sans amélioration des conditions de travail, sont-ils à la hauteur des enjeux ?
Pensez-vous qu'il soit suffisant, face à une situation devenue très inquiétante, de prendre des mesures d'urgence, dans l'urgence, sans engager une véritable réforme de notre système de santé ? Une énième enquête sur les difficultés des hôpitaux et des soignants – bien connues, depuis des années – ne peut remplacer une vision stratégique, prenant en compte les besoins en personnel, les attentes des soignants, mais aussi les réalités territoriales, les déserts médicaux, l'accès aux soins rendu difficile au point d'aller jusqu'à une perte de chance pour les patients, et, bien évidemment, la nécessité d'une gestion moins technocratique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous savez pertinemment, avec l'expérience parlementaire qui est la vôtre, que les difficultés rencontrées par les hôpitaux, notamment dans la période automnale, à la faveur des épidémies, ne sont pas nouvelles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous avez aussi un esprit suffisamment acéré pour distinguer le bon grain de l'ivraie. La donnée des 20 % de lits fermés que vous mentionnez a été confrontée à la réalité – 6 % de lits fermés –, chiffre mentionné dans une publication de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui a été comparée aux études qui sont conduites :…
…celles-ci démontrent qu'il n'y a pas plus d'absentéisme et pas plus de lits fermés qu'en 2019 à la même période, ce qui ne signifie pas que des tensions et des situations complexes n'existent pas,…
…notamment dans les services d'urgences ou pour certains blocs opératoires.
Je me suis rendu ce matin au salon de la FHF, Santexpo,…
…où j'ai fait un discours…
…et rencontré les acteurs. Dans le secteur privé lucratif, l'activité chirurgicale est plus importante qu'en 2019 à la même période. Dans les centres de lutte contre le cancer, les reprogrammations sont reparties et l'activité est dynamique. Certaines difficultés sont structurelles, d'autres conjoncturelles, et concernent notamment les hôpitaux d'Île-de-France.
Vous me demandez des solutions, monsieur le député. Plus de soignants : nous avons supprimé le numerus clausus ;…
…par rapport à l'année dernière, 2 000 médecins supplémentaires sont inscrits en première année de médecine cette année ; nous avons augmenté de 6 000 le nombre d'infirmières et d'aides-soignantes en formation.
Nous avons relevé – excusez du peu – de 10 milliards d'euros les rémunérations des soignants dans les hôpitaux et dans les EHPAD.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous avons simplifié les modalités de gouvernance au sein des hôpitaux, pour permettre aux usagers et aux soignants en blouse blanche d'avoir enfin leur mot à dire. Nous avons simplifié le sacro-saint code de santé publique, pour donner plus de flexibilité et de modernité aux hôpitaux.
Avec le Premier ministre et d'autres collègues, nous faisons actuellement le tour de France pour annoncer – encore une fois, excusez du peu – 19 milliards d'euros destinés à moderniser…
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
…et à construire des hôpitaux et des EHPAD – 3 000 établissements au total. Venez avec moi, : je vous invite à participer à mon prochain déplacement. Vous verrez que les soignants sont courageux et attendent de nous, non pas des mots et des plaintes, mais des moyens !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Madame la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, à deux jours de la commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918, je voudrais, au nom du groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés, rendre hommage aux poilus et, plus globalement, à l'ensemble des anciens combattants et résistants qui ont porté les armes ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem et sur quelques bancs du groupe SOC
qui ont été blessés ou qui ont perdu la vie sur les champs de bataille. Permettez-moi aussi de saluer la mémoire du général de Gaulle, alors que nous célébrons aujourd'hui le cinquante-et-unième anniversaire de sa mort, sans oublier de citer Hubert Germain ,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
le dernier Compagnon de la Libération, qui nous a quittés récemment, à 101 ans.
Mêmes mouvements. – Brouhaha sur divers bancs.
Notre devoir de mémoire est essentiel. Il est d'autant plus important que la grande histoire et l'actualité ne cessent, de nos jours encore, de marquer notre pays. Vous avez, madame la ministre déléguée, soutenu ce travail mémoriel avec une grande force depuis votre arrivée au Gouvernement.
Permettez-moi de vous rendre hommage pour l'action menée, en faveur non seulement du monde combattant, mais aussi du lien armée-nation auquel nous sommes très attachés.
À vos côtés, la majorité poursuit d'ailleurs cette tâche, avec, suite à l'intervention du Président de la République du 20 septembre dernier, l'examen du projet de loi portant reconnaissance de la nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles, du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français. C'est un grand pas, un pas historique pour passer du pardon à la justice. L'attente qu'il suscite est déjà palpable.
Cependant, une fois l'écriture législative accomplie, la page sera-t-elle concrètement tournée ? Ne faudra-t-il pas également envisager d'organiser, avec l'appui de l'État, la diffusion d'une mémoire savante, construite par les universitaires et destinée à animer, dans notre vie culturelle, au bénéfice des nouvelles générations, toute la vérité sur la question harkie et ainsi accomplir et perpétuer notre devoir de mémoire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, je vous fais remarquer, pour calmer l'agitation, que chacun d'entre vous doit comprendre que le masque doit être porté dans l'hémicycle : seul l'orateur qui s'exprime a le droit de le retirer, ce qui est valable pour tous les groupes !
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Je vous remercie pour votre question, à la veille du 11 novembre, date importante pour l'hommage de la nation à tous les morts pour la France, dans des conflits anciens ou contemporains. Ce jour nous rappelle que nombre d'hommes et de femmes se sont battus pour la liberté de notre pays, pour la démocratie et pour la République.
Vous l'avez évoqué, le Président de la République a entamé un nouveau chemin sur la mémoire des harkis
Exclamations sur les bancs du groupe GDR
– non pas nouveau, car il était ouvert depuis fort longtemps, y compris par les précédents présidents de la République – et a fait le choix d'un discours de rupture le 20 septembre dernier, demandant pardon. Ce pardon – qui se traduira par la reconnaissance et par la réparation – fera l'objet d'une loi, que j'aurai l'honneur de vous présenter et dont nous aurons le privilège de débattre.
Cependant, cette loi de reconnaissance et de réparation ne fera pas tout, car, en définitive, la reconnaissance implique la connaissance. La mémoire doit, plus que jamais, être amplifiée – par les historiens, par les témoignages des anciens harkis et de leurs enfants –, notamment eu égard aux harkis, sujet mal connu des Français. Mon ministère sera chargé de mettre cela en œuvre, grâce à des actions, des expositions, des films, des livres. Nous comptons également beaucoup sur les professeurs de l'éducation nationale pour nous aider à effectuer cette transmission mémorielle. Tel est notre devoir : savoir d'où l'on vient, c'est aussi savoir où l'on va dans notre société.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, depuis fin octobre, à Laval – ville de plus de 50 000 habitants –, les urgences ferment à dix-huit heures trente. Dans le Tarn-et-Garonne, les effectifs des hôpitaux de Montauban et de Moissac sont passés, au cours de la dernière année, de quarante à vingt-cinq médecins urgentistes : une réflexion est en cours pour une fermeture temporaire du service des urgences de l'hôpital de Moissac – je salue à cet égard l'action de ma collègue Sylvia Pinel – de vingt heures à huit heures. Ailleurs en France, à Draguignan, à Bastia et dans d'autres villes, les services des urgences sont contraints de fermer.
Un grand pays comme le nôtre peut-il accepter, monsieur le Premier ministre, que certains de nos concitoyens ne puissent pas avoir accès aux urgences la nuit ? Le ministre des solidarités et de la santé vient d'indiquer que les difficultés ne sont pas nouvelles et nous en sommes d'accord. Cependant, pour la première fois, les urgences sont fermées la nuit dans des territoires entiers. Concrètement, que faites-vous, monsieur le Premier ministre ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, extrêmement préoccupant, qui concerne l'ensemble du territoire et de nos concitoyens. Effectivement, notre pays subit depuis de très longs mois une crise sanitaire sans précédent – du moins depuis des décennies –, qui a fortement touché l'hôpital et les établissements de santé. Les soignants sont fatigués – épuisés pour certains –,…
…ce qui a pour conséquence une augmentation de l'absentéisme, parfois même des démissions.
Vous avez, madame la présidente Rabault, évoqué la couverture médicale dans certains services, notamment ceux des urgences : on pourrait y ajouter la pédiatrie et certains services d'anesthésie-réanimation. À ces raisons conjoncturelles – vous le savez toutes et tous – s'ajoutent des causes structurelles et de fond, sur lesquelles nous nous sommes fortement exprimés. Je vous rappelle qu'au début du présent quinquennat, le numerus clausus était inférieur à ce qu'il était en 1972 lors de sa création, alors que la population a augmenté et vieilli.
Protestations sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Cette majorité a pris le mal à la racine ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem
a fait tomber le numerus clausus ! Alors que sous le précédent quinquennat, 600 médecins supplémentaires avaient été formés ,
Exclamations sur les bancs du groupe GDR
ils seront 10 000 de plus dans les cinq ans à venir : nous avons complètement changé de braquet !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mais, le ministre l'a dit, 1 000 d'entre eux sont en formation depuis l'année dernière, et il faut des années pour former un médecin,…
…ce qui explique qu'ils ne soient pas encore dans les établissements.
Nous prenons, avec les agences régionales de santé (ARS), toutes les mesures que nous pouvons : meilleure coopération avec le secteur privé, revalorisation des heures supplémentaires, appel à la réserve sanitaire à chaque fois que cela est possible. Ces problèmes existent et nous avons l'impérieux devoir de mieux les quantifier – sur ce point aussi, j'ai entendu des chiffres qui sont manifestement excessifs.
Nous avons revalorisé comme jamais l'attractivité des métiers médicaux et paramédicaux. Hier encore, j'ai annoncé étendre les revalorisations salariales
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Alain Bruneel s'exclame
accordées lors du Ségur de la santé à des soignants du secteur médico-social – les difficultés ne concernent pas que l'hôpital. Nous rattrapons un retard considérable, aggravé par la crise sanitaire. J'ai confiance en nos professionnels de santé et en nos établissements de soins, pour faire face à la situation incontestablement difficile que nous traversons.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est à vous que j'ai posé cette question car mon collègue Guillaume Garot a écrit aux ARS : personne n'a répondu, ce qui n'est pas acceptable alors qu'un service des urgences ferme la nuit dans un territoire de plus de 50 000 habitants.
La réserve sanitaire doit être mobilisée au maximum mais elle a été déclenchée tardivement : une personne arrivera cette semaine à l'hôpital de Laval. Elle doit également être mobilisée partout. La solidarité doit aussi exister entre les régions, notamment avec des grands centres hospitaliers universitaires (CHU), pour que les hôpitaux des plus petites communes puissent disposer d'un médecin urgentiste de nuit, avec des gardes.
Au-delà, il y aurait des changements structurels importants à apporter. Une proposition serait d'instaurer des passerelles entre les diplômes d'études spécialisées – DES – de médecine d'urgence et d'autres spécialités, afin de ne pas être médecin urgentiste toute sa vie, ce qui est épuisant, notamment pour la vie personnelle. Une autre serait de protéger le risque juridique pour éviter que les médecins le supportent en intégralité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.
Monsieur le ministre des outre-mer, conformément aux dispositions de l'accord de Nouméa, un référendum d'autodétermination doit être organisé le 12 décembre prochain. Hélas, le virus s'est invité en Nouvelle-Calédonie et les indépendantistes ont indiqué qu'ils ne participeraient pas à cette consultation et qu'ils demandaient son report au mois de septembre 2022. De leur côté, Les non-indépendantistes ont souhaité qu'il soit maintenu à la date prévue.
En ce qui nous concerne, nous avions posé le principe suivant : la consultation devait se tenir dès lors que les conditions sanitaires le permettaient. Or les indicateurs sont en nette amélioration : le taux d'incidence est passé de 1 200 à 120 pour 100 000 habitants ; le nombre de malades hospitalisés ou en réanimation est en constante régression ; enfin, le taux de vaccination de la population calédonienne est de 76 %, le plus élevé de tout l'outre-mer.
Pourtant, on ne peut pas nier que les conditions sanitaires contribueront à altérer le processus démocratique engagé,…
…d'une part, du fait du nombre de décès qui a affecté très lourdement notre petite société insulaire, notamment les petites populations océaniennes qui ont été gravement touchées ; d'autre part, car la campagne électorale se tiendra dans des conditions très dégradées, faute de pouvoir réunir plus de quinze personnes et étant donné que le week-end, nous sommes soumis à un strict confinement.
Pourtant, nous sommes intimement persuadés que si les réticences indépendantistes peuvent se comprendre, il nous faut absolument sortir le plus rapidement possible du tunnel référendaire dans lequel nous sommes engagés depuis trop longtemps, dont les conséquences sur la vie économique et la concorde sociale sont mortifères.
Les accords de Matignon et l'accord de Nouméa ont fait l'honneur de la France, nous espérons que nous n'en sortirons pas par la petite porte de l'histoire. Pouvez-vous nous indiquer les intentions du Gouvernement s'agissant du référendum d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LT.
Permettez-moi d'abord d'avoir une pensée fraternelle et émue pour l'ensemble de nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie qui souffrent ou qui ont souffert de la covid-19 et de saluer l'élan et la solidarité nationale qui se sont manifestés à cette occasion, notamment par l'arrivée de renforts sanitaires.
Votre question fixe déjà le cadre. Il y a un préalable sanitaire à la tenue du référendum du 12 décembre, je l'avais dit : si l'épidémie était hors de contrôle, ce référendum ne pourrait se tenir. On constate que la situation redevient satisfaisante et nous serons amenés, dans les heures ou les jours qui viennent, à préciser sans tarder la tenue du référendum.
M. Vincent Bru applaudit.
Enfin, au-delà des questions sanitaires, des considérations de politique intérieure s'invitent de nouveau s'agissant du choix de cette date. J'appelle l'ensemble des formations politiques nationales à ne pas formuler des idées trop simples sur la Nouvelle-Calédonie. Les formations politiques indépendantistes, qui se battent depuis des années pour ce référendum et qui l'ont demandé au Congrès de la Nouvelle-Calédonie en avril dernier, ne veulent plus s'y rendre le 12 décembre, là où des formations politiques qui ne l'ont pas demandé, dont la vôtre, souhaitent qu'il se tienne bien le 12 décembre. Cela en dit long sur la complexité du dossier.
Cette date n'est pas consensuelle ; la précédente ne l'était pas non plus. Mais sa détermination relève de la compétence de l'État afin qu'elle soit conforme à l'intérêt général. L'année 2022, elle peut être très difficile pour la Nouvelle-Calédonie : la situation industrielle s'agissant du nickel ; la situation des finances publiques calédoniennes – le président Mapou vient d'adresser au Premier ministre une demande d'aides supplémentaires pour réussir à terminer l'année 2021 ; la situation sanitaire ; la situation internationale. Le choix du 12 décembre se justifie car nous avons imaginé une période de transition.
En un mot, dans les jours qui viendront, il nous faudra nous parler. Le dialogue, ce n'est pas un ultimatum, comme je peux le lire dans la presse, mais, au contraire, c'est la capacité à se retrouver pour être à la hauteur de l'accord.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, ma question concerne le projet de Grande sécu, ourdi en sous-main pour ne pas dire en sous-marin. Au lieu de la prise en charge de 80 % des soins, la Grande sécu assumerait la totalité. Mais il est certain que la sécurité sociale n'en sortira pas grandie.
Vous transférez vers la sécurité sociale le rôle joué aujourd'hui par les organismes complémentaires. Hier, vous étiez le rapporteur général du budget de la sécurité sociale de Mme Touraine.
À l'époque, vous prétendiez que les complémentaires avaient leur rôle à jouer. Aujourd'hui, ministre des solidarités et de la santé, vous partez à l'assaut des mutuelles et des assurances complémentaires. Ce numéro d'illusionniste n'est pas au point : vous prétextez d'une réduction des frais de gestion de deux entités pour transférer 39 milliards par an de cotisations, auxquels s'ajoutent 5 milliards collectés en vue de financer la complémentaire santé solidaire.
Alors, qui paiera ?
Qui paiera les forfaits médecin traitant pris en charge par les organismes complémentaires d'assurance maladie – OCAM ?
Qui paiera les taxes imposées chaque année aux complémentaires dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS ? Vous augmenterez les cotisations sociales alors que nous subissons déjà un record de prélèvements obligatoires. Dans les années à venir, vous augmenterez également la contribution sociale généralisée – CSG.
Ce qui se trame, c'est un système nationalisé dans lequel l'administration déciderait de tout et les professionnels de santé seraient des quasi-salariés. Ce qui se trame, c'est un système de santé à deux vitesses, dans lequel des entreprises auront les moyens de financer les surcomplémentaires quand d'autres ne le pourront pas.
Les Français soutiennent la répartition égalitaire entre la sécurité sociale et les complémentaires de santé. Que deviendront les emplois des organismes complémentaires ? Ma question est simple : comment et à quel prix comptez-vous étatiser la sécurité sociale ?
Pardonnez-moi, mais votre première phrase commence par « votre projet […] en sous-main ». J'ai envie de vous dire : non et non ! Il ne s'agit pas d'un projet gouvernemental et il n'est pas ourdi en sous-main non plus. Il s'agit d'une mission confiée au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie – HCAM –, qui est une instance de réflexion et de propositions,…
…composée d'experts, de partenaires sociaux, qui n'est pas à la main du Gouvernement et qui a été chargée, comme chaque année, de réfléchir à l'évolution de notre modèle social, notamment de la sécurité sociale. Vous transformez une réflexion du Haut Conseil. Je l'ai dit à Bernard Perrut, je le répète : vous avez trop d'expérience, monsieur le député, pour vous tromper en la matière et vous savez que je vous respecte énormément.
Dans le cadre de la mission confiée au HCAM, il lui a été demandé de réfléchir à plusieurs éléments : la crise covid a-t-elle changé la donne en matière d'organisation de la protection sociale ? Qui paie quoi en matière de santé ? Je vous donne deux exemples. Avez-vous été choqué que, depuis le début, l'assurance maladie paie à 100 % la télémédecine ? Non, et c'est pour cette raison que nous sommes passés de 10 000 à 1 million de téléconsultations par semaine.
Vous n'avez pas déposé d'amendements pour que les complémentaires participent au paiement des vaccins et des tests.
Forts de cela, on se demande quels sont le rôle et la place de chacun des acteurs. Cela ne veut pas du tout dire que nous aurions décidé d'un projet gouvernemental en sous-main. Il n'y a pas de projet, mais une réflexion – et c'est très sain de réfléchir.
Par ailleurs, l'augmentation chaque année du coût des complémentaires, notamment du fait d'importants frais de gestion,…
…est un enjeu ; je ne m'en cache pas et vous partagez cette préoccupation. Elle pèse sur le budget des ménages, notamment des retraités.
Or je crois savoir que vous êtes sensible à leur pouvoir d'achat. Laissez donc les instances travailler, formulez des propositions, interpellez. Elles ont été créées dans ce but. Je parle à l'un des fondateurs du HCAM – je ne crois pas me tromper –, donc laissez le HCAM conduire les missions pour lesquelles vous l'avez vous-même mandaté.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Lundi, le Premier ministre a annoncé l'extension des revalorisations salariales du Ségur de la santé à 20 000 nouveaux soignants salariés des établissements pour personnes handicapées financés par les départements. Cette revalorisation, attendue depuis de longues années, est l'une des composantes nécessaires du travail réalisé par le Gouvernement avec les acteurs du secteur en matière de formations, de passerelles, de reconnaissance, de financement, de qualité des conditions de travail.
Notre majorité parlementaire sera fière d'adopter définitivement le PLFSS pour 2022, intégrant ces revalorisations pour les professionnels du handicap. Notre majorité est fière du travail effectué pour favoriser l'inclusion des personnes en situation de handicap dans les domaines du travail, de l'éducation, du logement, en matière de soins et dans la citoyenneté.
Et d'ailleurs, j'invite tous mes collègues à s'impliquer le jeudi 18 novembre lors des DuoDay, grande mobilisation en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Aussi, madame la secrétaire d'État, pourriez-vous revenir sur la feuille de route du Gouvernement…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Oui, les professionnels qui accompagnent les personnes en situation de handicap font un travail extraordinaire. Oui, nous leur devons toute notre reconnaissance. Pas plus tard qu'hier, nous sommes allés avec le Premier ministre dans la maison d'accueil spécialisée de Châtenay-Malabry pour rencontrer ces professionnels, discuter avec les familles…
…et les associations gestionnaires. Aujourd'hui, nous annonçons que nous sommes en avance dans l'application du Ségur : plus de 100 000 professionnels profiteront de l'avance de 183 euros net, budgétée initialement au 1er janvier 2022. En effet, nous avons entendu leur difficulté à recruter, qui est une réalité. Nous allons au-delà puisque nous accompagnerons également les 20 000 professionnels qui dépendent des foyers des départements afin que, dans le respect de la justice sociale, chaque professionnel qui exerce ces métiers, où qu'il soit, touche la même augmentation.
Alors, il nous faut encore travailler sur l'attractivité des métiers. Afin d'apporter une réponse urgente, nous mobilisons les plateformes de ressources humaines des ARS,…
…nous déployons une grande campagne de communication avec Pôle emploi pour rendre ces métiers attractifs. Cela a fonctionné pour les EHPAD,…
…nous le faisons également pour les établissements pour les personnes handicapées.
Mais, au-delà de ces mesures, nous devons également travailler avec les départements sur l'attractivité des métiers d'éducateurs, que nous devons encore renforcer. Le Premier ministre a annoncé une grande conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social qui se tiendra d'ici le 15 janvier. Je suis en relation avec les présidents des départements,…
…le président de l'Assemblée des départements de France – ADF – et les fédérations d'employeurs pour qu'ensemble nous travaillions enfin à l'attractivité et à la revalorisation des métiers, afin que tout un chacun bénéficie de la juste reconnaissance de son expérience et de son expertise auprès des personnes en situation de handicap.
Nous travaillerons avec tout le monde. L'État sera encore aux côtés des départements et des fédérations d'employeurs, à la hauteur des engagements que tout le monde prendra, en responsabilité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
et la conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social que vous organisez. En effet, le chantier de l'attractivité des métiers passe par des perspectives de carrière et de rémunération. Ce gouvernement s'y engage et je le salue. Les acteurs du secteur le saluent également : hier encore, je les rencontrais en Meurthe-et-Moselle
Exclamations sur les bancs du groupe LR
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Madame la ministre déléguée chargée du logement, demain, à l'appel de plus de 200 élus d'Île-de-France, un rassemblement aura lieu devant votre ministère.
Depuis le début du quinquennat, votre gouvernement et votre majorité font fausse route sur le logement : fausse route sur les aides personnelles au logement – APL –, fausse route en affaiblissant les organismes HLM et en rompant l'équilibre entre intervention publique et initiative privée.
C'est fort d'un bilan aussi désolant que vous avez pris un décret interdisant aux villes qui comptent plus de 40 % de logements HLM d'en construire.
Une sorte de loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) inversée, la revanche du vice sur la vertu, l'exact contraire de la promesse du discours d'Emmanuel Macron, aux Mureaux, sur le séparatisme social.
Pour des millions de nos concitoyens, améliorer ses conditions de vie et ne pas se sentir relégué, cela passe d'abord par l'obtention d'un logement décent et à loyer modéré. Or, dans les zones tendues, les familles doivent attendre dix ans pour une HLM. Dix ans, c'est long, surtout pour une femme battue qui veut se mettre à l'abri, pour une famille mal-logée ou encore pour un jeune qui veut s'autonomiser.
Madame la ministre, vous semblez confondre causes et conséquences. Ce qui crée les ghettos, ce n'est pas un nombre prétendument excessif de logements HLM, mais leur pénurie qui nourrit la flambée des prix de l'immobilier.
Le logement HLM est celui du plus grand nombre : 70 % des salariés y sont éligibles, ceux-là mêmes qui ont de moins en moins les moyens de se soumettre aux prix du marché. Comment considérer alors que 40 % puisse être un maximum ?
Pour répondre à l'exigence de mixité sociale, ne serait-il pas plus utile de renforcer la loi SRU plutôt que de l'affaiblir ? Ne faudrait-il pas contraindre davantage les villes qui contournent la loi et qui cultivent l'entre-soi ?
M. Jean-Louis Bricout applaudit.
Ne serait-il pas plus efficace de relever les plafonds de ressources pour accéder aux HLM et d'appliquer la loi qui prévoit la réquisition des logements vacants, notamment dans les beaux quartiers ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Vous m'avertissez d'une mobilisation des maires d'Île-de-France, demain, devant mon ministère. J'attends cette mobilisation des maires d'Île-de-France – et d'ailleurs – pour le logement, aux côtés du Gouvernement !
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
En effet, c'est ce gouvernement qui a lancé une mobilisation générale en proposant de construire 250 000 logements sociaux en deux ans. C'est ce gouvernement qui, pour la première fois, aura compensé l'exonération de taxe sur le foncier bâti pour les communes qui construisent des logements sociaux, ce qui était fortement attendu. C'est ce gouvernement qui propose aux maires des contrats locaux pour le logement, avec des aides financières à la clé. C'est ce gouvernement qui propose aux maires d'Île-de-France d'aménager les quartiers des gares du Grand Paris et d'y construire des logements, comme nous l'avons annoncé hier avec le Premier ministre. Le Gouvernement prend ses responsabilités et j'espère que les élus feront de même.
Nous avons simplement, avec Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville, signé une circulaire qui demande, là où il existe déjà plus de 40 % de logements sociaux, de diversifier l'offre de logement social en construisant des résidences pour les seniors ou pour les jeunes, en recourant à des prêts locatifs sociaux (PLS), pour garantir une vraie mixité sociale.
C'est ce gouvernement qui reviendra devant le Parlement pour la prolongation de la loi SRU.
Dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, le projet de loi « 3DS », qui sera examiné par le Parlement à partir du 6 décembre 2021, nous prenons nos responsabilités. J'espère que vous prendrez les vôtres en votant cette prolongation de la loi SRU qui la rendrait permanente !
Exclamations sur les bancs du groupe GDR.
Vous m'interpellez au sujet de la loi SRU ; c'est ce gouvernement qui propose d'aller plus loin, en étant ferme à l'égard des communes pour que cette loi soit réellement appliquée.
Oui, si la mobilisation doit avoir lieu, c'est à nos côtés !
Protestations sur les bancs du groupe GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse au Premier ministre.
Depuis une semaine, les dirigeants du monde entier sont réunis à Glasgow, avec un objectif affiché : sauver le climat. Comme de coutume, les engagements se multiplient : baisser de 30 % les émissions de méthane, enrayer la déforestation, ou contribuer davantage à l'adaptation des pays pauvres. Mais, au fond, la question reste la même : ces promesses rejoindront-elles la longue liste des attentes déçues ?
À ce rythme, une augmentation des températures de trois, voire de quatre degrés, est à prévoir, avant la fin du siècle. Face à ce péril, je veux rendre hommage aux jeunes du monde entier. Ils ont réussi à se mobiliser partout et ils ont raison de nous presser à agir !
Notre pays doit être à l'avant-garde climatique. Il n'y est malheureusement pas ; rappelons qu'il a été condamné à deux reprises pour son inaction climatique. La trajectoire choisie par le Gouvernement ne nous permettra pas de tenir nos engagements internationaux.
Enfin, le 4 novembre 2021, vingt pays et cinq institutions se sont engagés à arrêter de financer les énergies fossiles à l'international, dès 2022. La France ne figure pas parmi eux, mais maintient son objectif qui consiste à arrêter ces financements en 2025 pour le pétrole et en 2035 pour le gaz. Les soutiens publics aux énergies fossiles ont augmenté de près de 24 % en France entre 2015 et 2019. Il nous faut pourtant redoubler d'efforts, non en 2025, mais maintenant !
Je crois en une écologie humaniste et positive pour mobiliser nos concitoyens. Nous savons ce qu'il faut faire : généraliser le principe du pollueur-payeur, accélérer vraiment la rénovation des bâtiments et investir dans les transports propres. Cela permet de créer massivement des emplois qui ne peuvent pas être délocalisés et du pouvoir d'achat. Le succès passe aussi par un mouvement de décentralisation de nos politiques environnementales, afin de les rendre plus efficaces.
Ma question est donc la suivante : alors que le Haut Conseil pour le climat critique la trajectoire française de réduction des émissions de gaz à effets de serre, comment comptez-vous faire pour que la France soit réellement à l'avant-garde climatique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et parmi les députés non inscrits.
Merci de me donner une nouvelle fois l'occasion de m'exprimer sur un sujet d'une grande importance, pour lequel les ambitions de la France sont extrêmement fortes. En effet, les dispositions que vous avez adoptées sont très ambitieuses.
Au moment où se déroulent à Glasgow les très importantes négociations vers lesquelles toute la jeunesse du monde a les yeux tournés, comme nous tous, notre mobilisation est entière. Depuis 2020, nous avons dépassé nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, puisqu'elles ont chuté de près de 2 %.
La France est le seul pays industrialisé à avoir mis un terme à l'exploitation des hydrocarbures sur son sol, par une disposition que vous avez votée.
Protestations sur les bancs du groupe SOC.
Les condamnations auxquelles vous faites référence avec exactitude ont été prononcées par des juridictions d'ordre interne et elles portent sur des données antérieures à deux événements majeurs et récents dont cette majorité, mais aussi le Parlement dans son ensemble, peut s'enorgueillir. D'abord, le vote, après une commission mixte paritaire conclusive, de la loi « climat et résilience », qui comprend beaucoup de dispositions concrètes sur le logement et sur les transports. J'ai lancé un appel à projet permettant de débloquer 900 millions d'euros pour les transports en site propre dans les grandes agglomérations. En ce qui concerne le logement, MaPrimeRénov' rencontre un succès considérable partout sur le territoire.
Ensuite, environ le tiers des crédits du plan de relance de 100 milliards d'euros est consacré au bénéfice d'une transition écologique accompagnée, volontaire et responsable. Nous partageons les mêmes objectifs : concilier la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la croissance économique.
Enfin, je rappelle à l'Assemblée nationale que, pour réduire de 40 % nos émissions, ce qui reste notre objectif, la France est aussi pilote en Europe, avec les mesures présentées par la Commission européenne en juillet 2021, mesures que nous allons négocier pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne à partir du 1er janvier 2022. J'espère que nous pourrons dépasser cet objectif et le porter à 55 %, ce qui, comme vous le savez, est l'un des objectifs les plus ambitieux du monde.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. M. Benoit Simian applaudit également.
À partir du 1er janvier 2022, la France présidera le Conseil de l'Union européenne. Les attentes sont multiples, aussi bien dans les domaines économique, social ou sanitaire, que dans celui de la lutte contre le réchauffement climatique et, bien évidemment, dans celui des migrations.
Avec l'ouverture prochaine de la cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, en tant que secrétaire général parlementaire de l'assemblée parlementaire de la francophonie qui regroupe quatre-vingt-dix parlements dans le monde, je veux rappeler l'enjeu essentiel de l'usage du français au sein des instances européennes.
Que constate-t-on ? Le français et le plurilinguisme sont malmenés à Bruxelles depuis quinze ans. Comment accepter que le projet européen post-Brexit puisse continuer de s'écrire en anglais ? Comment admettre l'hégémonie d'une langue au détriment des vingt-quatre autres langues européennes ?
L'usage intensif de l'anglais met en péril nos langues et la diversité culturelle chère à Jean de La Fontaine, qui est né à Château-Thierry. Nous ne devons pas oublier que la langue française est notre identité, mais aussi un enjeu d'influence en Europe et dans le monde ! La discrimination linguistique au sein de l'Union européenne n'a que trop duré ! Il faut qu'elle cesse. Monsieur le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, vous avez déclaré : « La présidence française de l'Union européenne est une opportunité historique pour la francophonie. » Nous le pensons aussi.
Comment agirez-vous pour favoriser le français, le multilinguisme et respecter ainsi l'identité de chaque pays membre à travers sa langue ? Comment faire vivre cette affirmation d'Umberto Eco : « la langue de l'Europe, c'est la traduction. » ?
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Vous avez raison : lire, parler, comprendre, être compris dans sa langue maternelle, est un droit élémentaire pour tout Européen, un droit consubstantiel à la démocratie européenne. C'est si vrai que le premier acte juridique de la Communauté économique européenne, en 1958, avait trait au régime linguistique et à la diversité linguistique. Si nous défendons l'Europe, nous devons défendre cette diversité linguistique et culturelle. C'est pourquoi, avec Clément Beaune, nous avons missionné un groupe d'une quinzaine de personnalités européennes, des praticiens de la langue et de l'Europe, qui nous ont remis un rapport sous l'autorité du professeur Christian Lequesne. Ils ont fait dix-huit recommandations très concrètes sur lesquelles nous travaillons pour établir une feuille de route qui fasse bouger les lignes.
Peut-on se satisfaire du fait que 95 % des documents émis par le Secrétariat général du Conseil soient écrits en langue anglaise ? Assurément non. Peut-on se satisfaire du fait que 90 % des documents issus de la Commission européenne soient rédigés en langue anglaise ? Assurément, non. C'est pourquoi nous travaillons à cette feuille de route ambitieuse, qui reflète le souhait du Président de la République de promouvoir la langue française et le multilinguisme.
L'une des recommandations du rapport sur la diversité linguistique et la langue française en Europe me paraît particulièrement intéressante : limiter à 50 % le nombre de documents émis dans une seule langue, car cela permettra une vraie diversité linguistique.
Nous souhaitons des budgets plus importants pour la formation, pour l'interprétation et pour la traduction.
Il faut mener un combat pour instaurer dans tous les pays européens une deuxième langue vivante. Seuls huit États sur vingt-sept en proposent une ; or on sait que le français est souvent choisi lorsque cette possibilité est offerte.
Das ist genug ! Ça suffit ! Basta ! Et maintenant on passe à l'action !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Un prix littéraire vient de couronner un livre magnifique intitulé S'adapter qui a pour sujet le handicap. Son auteur, Clara Dupont-Monod, a voulu dédier son prix « à tous les êtres différents, qui sont quand même 12 millions en France, à leurs fratries et à tous ceux qui s'en occupent ». Elle ajoute : « quand un jury dit : on va s'adapter à un inadapté, eh bien on se dit que c'est presque gagné ».
Si « c'est presque gagné » côté livre, côté vraie vie, ce n'est pas encore gagné ! Que de retard pris, notamment en ce qui concerne la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui est demandée par toutes les associations et que vous vous obstinez à refuser.
Le manque d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) est toujours criant, particulièrement pour les enfants différents qui vivent en milieu rural et qui doivent en permanence s'adapter plutôt qu'on ne s'adapte à eux.
Un exemple parmi tant d'autres, celui d'Hélène, âgée de quinze ans, atteinte de trisomie 21 et présente dans notre hémicycle avec ses parents. Pourquoi, se demandent-ils, n'est-ce pas l'école qui s'adapte à elle ? Pourquoi les programmes ne s'adaptent-ils pas à son rythme ? Pourquoi leur dit-on « elle n'a pas le niveau » plutôt que « nous allons tout faire pour nous mettre à son niveau » ? Hélène a l'âge de faire des stages. Ceux-ci ne sont pas faciles à trouver, surtout à la campagne. Quand les petites et moyennes entreprises (PME) ou les très petites entreprises (TPE) s'ouvrent, les personnes handicapées accueillies s'y retrouvent souvent très seules, sans encadrement adapté.
Pour pallier ces défaillances, les parents d'Hélène ont fait venir à leurs frais sa psychologue et son ergothérapeute dans l'entreprise où elle a été stagiaire. Est-ce normal ?
Vous avez sans doute entendu parler du documentaire projeté à l'Assemblée nationale en octobre, Hymne à l'inclusion, qui évoque l'intégration de quatre adultes autistes dans le monde professionnel et permet de découvrir comment quatre entreprises ont progressivement façonné leur modèle inclusif et en ont tiré de multiples bienfaits. Comment le Gouvernement peut-il accompagner et développer de telles initiatives ? L'initiative DuoDay est certes un premier pas, mais c'est insuffisant.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour que cette fameuse inclusion ne reste pas un vain mot, pour aider concrètement l'école, comme l'entreprise, à s'adapter ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Permettez-moi à mon tour de saluer le livre de Clara Dupont-Monod, S'adapter, récit qui met en lumière ce que vit une fratrie avec l'arrivée d'un enfant handicapé dans une famille.
Cela étant, je voudrais rapidement vous informer de ce que nous faisons. En matière d'emploi, d'abord, nous proposons, dans le cadre du plan de relance, une aide à l'embauche de 4 000 euros, qui s'est traduite par 22 000 contrats signés dont 70 % en CDI.
La même dynamique d'incitation vaut pour l'apprentissage et les centres de formation d'apprentis (CFA), et je m'adresse ici tout particulièrement à la jeune femme qui nous écoute depuis les tribunes. Avec un référent handicap dans chaque CFA, le nombre de contrats signés par des apprentis en situation de handicap a bondi de 170 %.
L'apprentissage est un vrai levier d'acculturation à la différence et ce, quel que soit l'âge de la personne handicapée ; n'oublions pas qu'il peut être un outil de reconversion professionnelle, quand 80 % des handicaps découlent d'accidents de la vie.
Nous devons aussi travailler sur la scolarisation avec le ministre de l'éducation nationale : c'est tout l'enjeu de l'école inclusive. Il est clair qu'il faut aller plus vite dans la collaboration médico-sociale et ouvrir largement les portes des écoles aux professionnels, dont les domaines d'expertise sont complémentaires. Nous sommes engagés dans cette voie avec, le 22 novembre prochain, la tenue du comité de pilotage de l'école inclusive, qui sera l'occasion d'aborder les pistes d'accélération : les équipes mobiles d'appui à la scolarisation, ainsi que toutes les adaptations nécessaires et suffisantes. À cet égard, il faut citer Cap école inclusive, cette grande plate-forme qui propose des ressources d'adaptation.
Oui, il faut installer partout les plans inclinés du savoir, dans l'école, dans la formation, dans l'insertion professionnelle. Mais, vous le voyez, nous ne sommes pas inactifs, et je vous remercie d'avoir évoqué le DuoDay, pour lequel nous avons aujourd'hui 23 000 offres d'employeurs.
C'est ensemble que nous devons agir. Il y va du changement de regard sur le handicap et de la capacité de ceux qui en sont atteints d'aller vers l'emploi, d'oser l'emploi ; car je pense que nul n'est inemployable quand il est bien accompagné.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Patrick Mignola applaudit également.
Le général de Gaulle disait : « Les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts. » Aujourd'hui, la France et l'Angleterre défendent chacune leurs intérêts dans la Manche, et ce sont nos pêcheurs qui sont en première ligne.
Depuis plusieurs mois, la France demande simplement le respect de l'accord, et uniquement cela, pour permettre à nos pêcheurs de Bretagne, de Normandie et des Hauts-de-France de vivre de leur travail, ceci en accédant aux eaux britanniques ; avec la même réciprocité pour nos cousins anglais.
Il aura fallu d'ultimes menaces et la pression de l'exécutif, il y a dix jours, pour rouvrir des négociations et débloquer le dialogue, jeudi dernier, entre le ministre Clément Beaune et son homologue anglais.
Mais est-ce un dialogue de façade ou est-il bien réel – puisqu'il a été dit que les désaccords n'avaient pas été résolus et que le dialogue n'était peut-être pas sincère ?
De quels désaccords parle-t-on ? Et pourquoi parler de désaccord, alors que nous attendons simplement que soit appliqué un accord déjà conclu !
Dans le Calvados, de Ouistreham à Honfleur en passant par Villers-sur-Mer, j'ai rencontré de nombreux pécheurs lors des fêtes de la coquille Saint-Jacques. Ils saluent la fermeté de la France, mais ils attendent aussi qu'elle soit suivie d'effets pour marquer la force de notre détermination. Même si la coquille ne fait pas partie des accords, ne minimisons pas la solidarité et la détermination des pécheurs normands, si rien n'évolue, quand les premiers bateaux anglais entreront en baie de Seine.
Alors qu'en est-il de ces discussions ? Où en est-on dans le nombre de licences obtenues ? Combien de licences sont encore en attente ? Où en est-on au sujet des bateaux de remplacement ? Faut-il de nouveau appliquer des mesures de pression ? Quelle est la stratégie du Gouvernement pour défendre nos intérêts tout en retrouvant nos amis anglais ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Vous soulignez à juste titre la solidarité qui existe entre pêcheurs ; le sujet qui nous occupe ici est une question de solidarité nationale et d'intérêt national.
De quoi s'agit-il en quelques mots ? Un accord a été négocié jusqu'aux dernières heures de l'année 2020 : nous demandons simplement et strictement son application.
Cet accord comporte déjà des compromis et exige de notre part des efforts ; nous ne pouvons pas en faire davantage, et le Gouvernement n'a qu'une seule ligne de conduite : la défense de cet accord et des intérêts de nos pêcheurs. Je crois que cela nous réunit aujourd'hui, toutes sensibilités politiques confondues, aux côtés des professionnels, qui se sont montrés particulièrement responsables depuis le début de l'année. J'ai eu l'occasion de me rendre, avec Annick Girardin, dans votre département, et nous continuerons à vous apporter ce soutien sans faille.
Dix mois de discussions ont heureusement permis d'obtenir un certain nombre de licences : l'intégralité de celles qui sont concernées par la zone économique exclusive (ZEE) et un peu plus de la moitié dans deux autres zones très sensibles, celles de la bande dite des 6-12 milles, qui concerne plutôt les Hauts-de-France, et celle des îles Anglo-normandes, qui concerne plus directement la Normandie.
Nous avons avancé mais les progrès sont trop lents, d'autant que nous nous sommes aperçus que les Britanniques ajoutaient des critères qui n'étaient pas prévus dans l'accord. C'est la raison pour laquelle, soutenus par le Premier ministre, Annick Girardin et moi-même avons haussé le ton.
Cela a permis, à la suite d'un entretien entre le Président de la République et le Premier ministre Johnson, de réengager une discussion avec les Britanniques.
J'ai reçu, la semaine dernière, mon homologue David Frost, visite que je prends, sans naïveté aucune, comme un signe d'ouverture prudent ; ce matin, je me suis de nouveau entretenu avec lui : le compte n'y est pas encore.
Il reste encore 200 licences pour lesquelles nous attendons soit leur transformation en licences définitives, soit leur octroi pur et simple.
Nous continuerons cette discussion dans les jours qui viennent, avec – soyons francs – de faibles espoirs de succès. Quoi qu'il en soit, nous soutiendrons les pêcheurs, quitte à prendre rapidement des mesures, si cela est nécessaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Monsieur le Premier ministre, cela fait maintenant quarante-cinq jours que le préfet de police Lallement a installé 150 consommateurs de crack porte de la Villette, à proximité immédiate d'Aubervilliers et de Pantin. Le ministre Darmanin affirmait ici-même, le 28 septembre, que la « situation ne pouvait être que temporaire, pour quelques heures, quelques jours ». Mais rien ne change, tout empire. Les riverains subissent les nuisances et l'insécurité, qui s'ajoutent aux difficultés de longue date du quartier : habitat insalubre, pauvreté, précarité, trafics.
Les consommateurs de drogue sont abandonnés, dans des conditions indignes et inhumaines. Le 28 octobre, le corps d'une jeune femme, morte d'une overdose a été retrouvé ; elle s'appelait Emma, elle n'avait que 28 ans. Voilà où conduit votre inaction criminelle !
Vous ignorez les habitants comme les élus. Le ministre de la santé ne fait rien. Votre seule réponse ? Un mur ! Entre Paris et la Seine-Saint-Denis ! Pire, des poursuites en justice contre les riverains. N'avez-vous pas honte ?
Les solutions sont pourtant connues : dans l'immédiat, des moyens pour la sécurité des riverains et la mise à l'abri des consommateurs de drogue, pour soulager des quartiers qui n'en peuvent plus ; à long terme, une politique globale de lutte contre les trafics, des campagnes de prévention et une prise en charge sociale et sanitaire des consommateurs.
La sixième puissance mondiale serait incapable de venir en aide à 150 personnes ? Maintenant qu'elles ont été déplacées, vers le périphérique et la Seine-Saint-Denis, vous vous en moquez ! Messieurs Darmanin et Lallement osent même prétendre qu'il n'y aurait « pas de riverains ». Vous méprisez tellement ce département et les classes populaires que, pour vous, ses habitants sont invisibles.
Alors, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous mettre un terme à ce scandale ? Quand allez-vous cesser d'ignorer les appels à l'aide des habitants d'Aubervilliers et Pantin ?
Quand on parle de crack, on doit d'abord s'intéresser aux enjeux humains. Les consommateurs de crack sont souvent des gens qui ont été victimes de grandes violences pour en arriver à cette addiction à une drogue extrêmement violente, pour laquelle les solutions de sevrage existent mais sont d'une grande complexité.
Au-delà du parcours de ces usagers, il y a certes les riverains. Ils sont épuisés et il faut les écouter, entendre leur détresse et leur volonté que les choses changent. Il y a également les forces de l'ordre, qui luttent sans relâche contre le trafic de crack, ce qui est sans doute plus compliqué encore que pour d'autres types de trafic. Il y a enfin les soignants et les travailleurs sociaux, qui parfois s'épuisent sur le terrain, en ayant l'impression de porter chaque jour sur leurs épaules le poids du rocher de Sisyphe, pour le retrouver le lendemain matin à son endroit d'origine.
Je suis sûr d'une chose en tout cas : il n'y a pas de solution miraculeuse en la matière, mais il existe des solutions. De même, connaissant très précisément ce dossier parisien, je suis certain d'une autre chose : depuis le premier jour, la démagogie pollue sa bonne gestion.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Car la démagogie ne nous permet pas d'établir la totalité du dispositif qui existe dans le plan « crack » élaboré par ce gouvernement pour proposer des solutions comme de l'aide au repos, des parcours d'accompagnement renforcé, de l'aide au sevrage, des prises en charge médico-sociales, des maraudes, etc.
Je le redis, le Gouvernement continue de tendre la main aux collectivités concernées par ce problème à la fois sanitaire, médico-social et sécuritaire. Le ministre de l'intérieur fait totalement son travail en sécurisant les lieux et en permettant aux riverains de retrouver l'apaisement. Le ministère de la santé, quant à lui, est prêt à se mettre autour de la table avec la mairie de Paris, pour qu'elle nous fasse des propositions pouvant faire l'objet de financements par l'État. Notre main est tendue, et il faut enfin en finir avec cette situation. Nous avons trouvé des solutions dans d'autres collectivités, il n'y a pas de raison que l'on n'y arrive pas à Paris.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Un sujet s'impose, tout particulièrement à l'approche de l'hiver, c'est celui du pouvoir d'achat. Les chiffres disent tout : une hausse de 8,7 % du prix du gaz au 1er septembre et une hausse probable de 10 % en février prochain des tarifs de l'électricité, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ; un carburant à des prix délirants, des hausses de loyer de plus 2 % sur ces cinq dernières années, selon l'INSEE ; des abonnements téléphoniques qui explosent, le prix du timbre qui s'envole et, toujours selon l'INSEE, une hausse du prix des produits alimentaires – particulièrement sensible sur les produits de base comme les pâtes, les œufs, l'huile ou le lait –, qui fait qu'en France la vie est 15 % plus chère que dans les autres pays européen. À cela s'ajoute une taxe foncière qui flambe, elle aussi, et une révision inédite de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) : c'est le cas dans ma circonscription, et les élus de la commune d'Hérin peuvent en témoigner.
Tout cela parce que l'État assèche les collectivités. Vos décisions pèsent désormais sur toutes les catégories d'âge, toutes les classes sociales, tous les foyers.
Après la décision de supprimer la demi-part fiscale pour les veuves et les veufs sous Nicolas Sarkozy, son application sous François Hollande, en refusant, vous, de la rétablir, vous poursuivez finalement la même politique que vos prédécesseurs, et plongez nos retraités dans des difficultés supplémentaires : après le gel des retraites en 2020, vous piétinez la règle de leur indexation sur l'inflation en limitant leur augmentation à 1 % !
Votre quinquennat aura donc été marqué par des attaques incessantes contre le pouvoir d'achat des Français et par un bricolage permanent : aujourd'hui, c'est le chèque pour payer des taxes – bravo, les économistes !
Ma question est simple : comptez-vous un jour prendre au sérieux les problèmes de pouvoir d'achat des Français ? Comptez-vous rétablir la demi-part des veufs et veuves et baisser la TVA à 5,5 % sur les énergies ?
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
J'ai écouté attentivement votre question et constaté une nouvelle fois qu'il n'y avait pas le début d'une proposition pour les Français. Vous passez votre temps à critiquer. Vous dénoncez certaines situations et certaines hausses de prix – sur ce point, nous pourrions nous rejoindre, mais encore faudrait-il que vous fassiez des propositions pour améliorer le quotidien des Français.
Nous, nous faisons plus que des propositions, nous agissons : Je ne vous ai pas entendu parler de la suppression de la taxe d'habitation, dont bénéficient déjà 80 % des Français et, bientôt, la totalité d'entre eux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je ne vous ai pas entendu parler de la prime d'activité, de la défiscalisation des heures supplémentaires, de l'exonération des cotisations sociales.
Je ne vous ai pas entendu parler du reste à charge zéro pour les lunettes, les audioprothèses et le dentaire. Ce sont autant d'actions concrètes. Nous étions la semaine dernière dans le Tarn, avec Amélie de Montchalin, les députés Marie-Christine Verdier-Jouclas, Jean Terlier et Muriel Roques-Etienne…
…et je peux vous dire que, sur le terrain, quand vous échangez avec des Français qui viennent se faire faire des lunettes sans frais, c'est très concret et ça leur change la vie. Quand vous échangez avec des Français qui ont pu changer de voiture grâce au dispositif de soutien financier institué par ce Gouvernement, c'est très concret. Quand vous rencontrez des fonctionnaires de catégorie C, l'augmentation de leur rémunération est très concrète, et le sera encore plus en janvier, quand la mesure entrera en vigueur.
Les actes sont là ; les chiffres aussi. La réalité, c'est que le pouvoir d'achat a davantage progressé sous ce quinquennat que sous les quinquennats précédents.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Puisque vous avez abondamment cité l'INSEE, je regrette que vous n'ayez pas mis en avant sa dernière étude, qui montre que, contrairement à ce qui a été dit, la pauvreté n'a pas augmenté dans notre pays pendant la crise sanitaire, grâce au « quoi qu'il en coûte » et grâce à l'accompagnement social des Français dans cette crise. Peu de pays peuvent se prévaloir d'une telle situation.
Il reste évidemment des difficultés et des Français à accompagner. Croyez bien que nous sommes déterminés à le faire mais, en écoutant votre question, on saisit bien que c'est nous qui avons les solutions, pas vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le garde des sceaux, « parlons justice » ! C'est le nom de la nouvelle concertation que le Président de la République et vous-même venez de lancer, qui s'inscrit dans la lignée de ces débats et chantiers qu'à six mois de la fin de la législature, le Gouvernement semble découvrir.
Parlons, parlons encore, parlons toujours ! Mais au fond, où est l'action ? Elle paraît bien modeste eu égard à l'urgence et à son acuité en matière pénitentiaire.
J'en veux pour preuve les 15 000 places de prison supplémentaires promises par le Président de la République et abandonnées dans des cartons déposés au ban des promesses non tenues.
Ainsi, au-delà de vos habituels éléments de langage sur un budget que vous qualifiez d'historique,…
…comment garantissez-vous l'exécution des peines ? Pour enfin redonner tout son sens à la peine d'emprisonnement, celle-ci doit être réelle et démarrer dans de courts délais.
Pourquoi n'envisagez-vous pas de placer dans des établissements fermés les personnes sous bracelet électronique – ceux-là mêmes que vous renvoyez aujourd'hui dans les quartiers…
…où ils ont commis leurs méfaits et où leurs victimes tentent de continuer à vivre ?
Quels chantiers allez-vous entreprendre pour la réinsertion, que ce soit au travers de la formation, du travail des personnes détenues ou de la revalorisation du métier d'enseignant en milieu pénitentiaire ?
Enfin, comment comptez-vous assurer la sécurisation des établissements et des personnels de l'administration pénitentiaire, de manière à éviter qu'un individu puisse aisément, comme cela s'est produit il y a quelques jours à Lyon, s'introduire dans le périmètre d'une prison ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Ce sont en réalité quatre questions en une que vous me posez : j'essaierai de répondre à toutes.
S'agissant d'abord de la sécurisation des établissements pénitentiaires, le budget pour 2022 prévoit 100 millions d'euros de crédits supplémentaires. Ils permettront d'installer des filins, de sécuriser les parkings ou encore de doter les agents de l'administration pénitentiaire de tenues anti-lames. Dans votre circonscription, à Dijon, le filin va coûter un demi-million d'euros.
Pour la réinsertion également, nous faisons beaucoup de choses, avec entre autres, le contrat du détenu travailleur et davantage d'enseignement et de formation. Nous avons déjà obtenu des résultats.
Quant aux établissements pénitentiaires eux-mêmes, pardonnez-moi, mais nous consacrons 636 millions d'euros à la construction et à la rénovation de bâtiments. Dans les jours qui viennent, la prison de Lutterbach, qui est sortie de terre, recevra 350 détenus. Au total, 2 000 places sont d'ores et déjà construites et 4 000 autres sont engagées – les chantiers sont en cours.
En décembre, nous donnerons les premiers coups de pelleteuse pour la construction de 1 000 autres places, sachant que j'ai aussi retenu des terrains sur lesquels seront créées les 8 000 places restantes – ils ne se trouvent d'ailleurs pas tous dans des circonscriptions détenues par des députés de votre famille politique. En effet, vous réclamez des prisons, mais rarement chez vous !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
J'écoutais hier l'expression de vos ténors, qui parlaient de la construction de préfabriqués et du placement de détenus dans des lieux fantômes désoccupés. Je préfère ce que nous faisons à ce que vous prévoyez de faire !
Enfin, en ce qui concerne l'exécution des peines, ça suffit avec les contre-vérités ! Quatre-vingt-dix pour cent des peines prononcées dans notre pays sont exécutées.
Il y a néanmoins un problème dans les délais d'exécution, parce qu'une personne condamnée qui ne faisait pas l'objet d'un mandat de dépôt doit être retrouvée. Cette question avait d'ailleurs fait l'objet d'un rapport rédigé par M. Ciotti, qui préconisait de supprimer la réduction automatique des peines. Il se trouve que c'est moi qui l'ai fait !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, je regrette les nouveaux faits de violence qui sont venus perturber l'environnement de nos élèves à Mayotte. Hier, nous avons bien failli perdre un autre de nos élèves, âgé de 11 ans, qui a été poignardé par un camarade de 12 ans dans l'enceinte de leur établissement scolaire.
Nous ne pouvons pas faire comme si le seuil de l'acceptable en matière de violence et d'insécurité à Mayotte n'avait pas été dépassé. Il l'est tous les jours et nous puisons dans nos réserves.
Vous nous communiquez régulièrement des données chiffrées, témoignant des efforts financiers réalisés par le Gouvernement en matière de sécurité. Je m'interroge toutefois sur la politique menée dans le domaine de la lutte contre la délinquance et la criminalité juvéniles.
Je représente un territoire au sein duquel 50 % de la population est mineure. Son avenir se décide maintenant et sans attendre qu'une nouvelle mission soit dépêchée sur place ou l'élaboration d'un projet de loi.
J'en profite pour réitérer la demande de mes compatriotes travaillant dans l'Hexagone – des policiers, des gendarmes, des surveillants – et désireux de rentrer chez eux pour rejoindre les rangs de ceux qui combattent le fléau de la violence et de l'insécurité.
Ces fonctionnaires maîtrisent les langues régionales ainsi que les données sociales et comportementales, et inspirent traditionnellement de la crainte à une jeunesse en proie à un encadrement défaillant. Ainsi, la création d'une police départementale apparaît plus que souhaitable.
Que proposez-vous aux Mahorais à court terme pour sortir la jeunesse de cette spirale de violence infernale et garantir à tous plus de sécurité ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. David Lorion applaudit aussi.
La situation sécuritaire à Mayotte fait l'objet d'une attention…
…constante de la part du Gouvernement…
…et je souhaite vous détailler les mesures que nous avons prises.
Je rappelle d'abord que les ministres de l'intérieur et des outre-mer se sont rendus ensemble à Mayotte fin août, afin d'échanger sur le projet de loi dédié à ce territoire qui est actuellement en cours de préparation et qui vise à mieux tenir compte de ses spécificités et à accélérer son développement.
Cela étant, vous avez raison : il faut assurer la sécurité de nos concitoyens avec encore plus de force, en mobilisant des renforts. C'est pourquoi, depuis le début du quinquennat, près de 400 policiers et gendarmes sont venus s'ajouter aux forces déjà présentes ;…
…1 million d'euros supplémentaires ont également été mis à la disposition des collectivités territoriales dans ce domaine.
S'agissant plus spécifiquement de la jeunesse mahoraise, nous travaillons activement avec les mairies et les associations. 10 millions d'euros seront ainsi consacrés à la jeunesse de Mayotte, aussi bien pour l'accompagnement des jeunes en déshérence que pour la création d'une nouvelle compagnie au sein du régiment de service militaire adapté, afin que davantage de jeunes bénéficient d'une formation et d'un socle de valeurs républicaines.
Enfin, nous sommes vigilants en ce qui concerne les violences commises dans les établissements et les transports scolaires. À la demande de Jean-Michel Blanquer et de Gérald Darmanin, le préfet de Mayotte mobilise à cet effet les forces de gendarmerie et de police depuis plus d'un an. Plus de 200 effectifs, composés de policiers, de gendarmes, de services civiques et de membres de groupes de médiation citoyenne, assurent des patrouilles de sécurisation des itinéraires, procèdent à des fouilles de sacs et sont présents devant les établissements sensibles.
Vous voyez donc que nous sommes pleinement mobilisés pour qu'à Mayotte, comme partout ailleurs, la promesse républicaine se réalise.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des outre-mer, nous le savons tous ici, la vie est plus chère outre-mer qu'elle ne l'est en France hexagonale et la dépendance aux importations représente un handicap perpétuel. Les causes sont structurelles, mais aussi conjoncturelles.
Douze ans après les mouvements sociaux de 2009 en Martinique et en Guadeloupe, qui dénonçaient la vie chère, et malgré la loi du 20 novembre 2012 destinée à réguler les rapports économiques en outre-mer et à dynamiser la concurrence, le différentiel de prix en défaveur des outre-mer persiste.
Pire, il se creuse ! J'en veux pour preuve les prix confiscatoires des carburants et du gaz domestique dans nos territoires, ou encore les prix aberrants des services, des biens d'équipement, des matériaux et des produits alimentaires.
Tous les acteurs économiques insistent actuellement sur l'explosion des coûts du fret, multipliés par quatre et devenus insoutenables pour les importateurs et les clients, sur lesquels ils reposent en bout de chaîne. Jusqu'à présent, le tissu économique ultramarin, majoritairement composé de TPE – très petites entreprises – et de PME – petites et moyennes entreprises – a tant bien que mal tenu le choc de la crise du covid-19. Cependant, la hausse du coût du fret aérien et maritime, qui s'ajoute à des écarts de niveau de vie et de pauvreté importants avec la France hexagonale, pourrait précipiter son délitement.
Cela étant, dans ce contexte moribond, j'entrevois une éclaircie : le souhait de plus en plus clair des jeunes ultramarins de favoriser l'essor et la diversification économique de leur territoire d'origine en se réinstallant sur place ou en finançant des activités nouvelles, créatrices d'emplois, de valeur ajoutée et davantage concurrentielles.
Quelles mesures spécifiques le Gouvernement prévoit-il de prendre afin de préserver le pouvoir d'achat des populations ultramarines et de faire des jeunes actifs de ces territoires les protagonistes durables d'un essor économique tant espéré ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu applaudit aussi.
Merci pour votre question. Depuis 2009, du chemin a été parcouru, notamment grâce à la loi votée sous l'ancienne législature, et Gabriel Attal a rappelé tout à l'heure l'ensemble des dispositions prises par le Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat sur le plan conjoncturel, lesquelles s'appliquent bien sûr aux DROM – départements et régions d'outre-mer.
Cela étant, vous nous interrogez sur les réformes structurelles à mener, introduisant en cela nos conversations à venir sur les crédits de la mission "Outre-mer " du projet de loi de finances (PLF) pour 2022. À cet égard, je vois cinq chantiers principaux.
Le premier, que vous avez évoqué, porte évidemment sur le fret. Nous y reviendrons ce soir, mais l'aide au fret constitue un dossier sensible et important. Nous voyons bien que nous sommes au bout d'une logique et qu'il va nous falloir réfléchir à une réforme.
Le deuxième chantier concerne la fiscalité locale, car désormais, nous le savons, l'octroi de mer est parfois incompris par le citoyen-consommateur ultramarin. Pour prendre l'exemple du carburant, que vous avez aussi utilisé, l'État ne perçoit plus un euro de taxe sur le carburant en outre-mer, car ce sont les collectivités territoriales qui bénéficient de cette recette fiscale, par l'intermédiaire de l'octroi de mer ou de la TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Nous devons mener une réflexion dans ce domaine, et ce, bien sûr, en concertation avec les élus locaux et non contre eux.
Le troisième chantier est celui des dépendances, qui s'est présenté à nous avec acuité lors des confinements successifs, notamment en ce qui concerne les matières premières agricoles. Dans ce domaine, nous voyons néanmoins que le plan de relance produit ses effets : Julien Denormandie pourrait vous le dire, que ce soit à La Réunion ou dans votre département, nous développons des modèles qui doivent nous permettre de réduire les prix.
Les monopoles – quatrième chantier – constituent une autre question sensible qu'il faut regarder en face. Je le dis sans ambages, la covid-19 nous a fait prendre du retard dans ce domaine et il va nous falloir le rattraper : il s'agit presque d'un sujet de campagne présidentielle.
Enfin, la cinquième et dernière bataille, que nous mènerons avec Élisabeth Borne, est celle de l'emploi, notamment des jeunes, car l'amélioration du pouvoir d'achat passe aussi par le travail que l'on donne à notre jeunesse. De cela aussi, nous serons amenés à discuter tout à l'heure.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Monsieur le Premier ministre, vous perdez le contrôle de la situation migratoire à Calais ! Jamais, depuis le démantèlement de la jungle en 2016, les habitants de ma circonscription n'ont eu autant à subir les conséquences de l'incurie de votre action et la faiblesse de vos gesticulations.
Les barrages érigés par les clandestins sur la rocade portuaire réapparaissent. Nous assistons de nouveau à des caillassages de véhicules personnels. Les intrusions violentes à bord des camions à destination du Royaume-Uni s'intensifient. Et, dans la nuit de mardi à mercredi derniers, 762 migrants ont été sauvés de la noyade par les sauveteurs en mer, dont je tiens à saluer l'action exemplaire, ainsi que celle des forces de l'ordre et des pompiers.
Ces actions salvatrices ne doivent cependant pas masquer la réalité. Il est intolérable que des migrants errent à Calais par centaines, incités par des associations No Border qui se font les complices objectifs des marchands de mort en leur demandant de rester dans la boue et le froid, aux mains des passeurs et à la merci des flots, plutôt que d'accepter les solutions d'hébergement offertes par l'État loin de Calais.
Il est également intolérable que des pseudo-associations …
Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR
…créent un point de fixation à quelques mètres des voies ferrées, des parkings poids lourds et des habitations de riverains. La conséquence, ce sont des décès de migrants, percutés par des camions à Transmarck, écrasés par un TER ou noyés dans la Manche.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Le résultat de votre politique, ce sont des migrants qui trouvent la mort à Calais et des riverains qui vivent à nouveau dans la peur, partagés entre la compassion et le sentiment légitime d'abandon. Le destin de ces migrants n'est pas de mourir à Calais, mais d'être accueillis en France ou au Royaume-Uni ou, dans le cas contraire, pour une majorité d'entre eux, d'être renvoyés dans leur pays.
Avec la détérioration des conditions météorologiques, les traversées vont devenir de plus en plus périlleuses et le nombre de migrants présents à Calais va mécaniquement augmenter, tout comme les tensions entre eux, la population et les forces de l'ordre.
Les habitants de ma circonscription ne sont pas des sous-citoyens ! Nous aussi, nous avons droit à la tranquillité et à la sécurité. Quand nous offrirez-vous enfin ce dont vous êtes censé être le garant ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je vous réponds au nom de M. le ministre de l'intérieur, qui est en déplacement : non, l'État ne perd pas le contrôle de la situation à Calais, bien au contraire.
« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Les services de l'État sont à pied d'œuvre. Je salue le travail effectué par les forces de sécurité intérieure, les services de l'État et les associations partenaires et opératrices de l'État, qui sont mobilisés tous les jours sur le terrain. Affirmer que l'État perd le contrôle de la situation comme vous venez de le faire, c'est manquer de respect à leur travail quotidien.
Depuis l'an dernier, des moyens supplémentaires substantiels…
…ont été déployés à Calais : doublement du nombre de réservistes affectés au contrôle de la côte, renfort des effectifs du commissariat, nouvelle unité de forces mobiles…
En cinq ans, le nombre de migrants a été divisé par quinze et le nombre d'intrusions dans le port et dans le tunnel a diminué de 90 %, grâce à la technique de contrôle en profondeur sur les axes routiers menant au Calaisis et au renfort des contrôles sur les côtes au mois de septembre. C'est la réalité du terrain.
Près de 12 000 migrants ont été mis à l'abri depuis le début de l'année de l'année 2021, dont 2 440 mineurs…
…qui ont été pris en charge immédiatement par les maraudes de l'association France terre d'asile, dont je salue l'engagement. Des dispositifs de douche et d'accès aux soins sont déployés, et 2 200 repas sont servis quotidiennement à Calais pour un montant annuel de 4 millions d'euros intégralement pris en charge par l'État.
J'insiste comme vous sur l'importance de renforcer la capacité d'hébergement de longue durée proposée aux migrants hors de Calais. Plusieurs centres permettront l'accueil des personnes isolées et de leurs familles. Dans l'attente de leur ouverture, un sas de 300 places sera ouvert pour assurer une mise à l'abri de nuit. Un comité réunissant les services de l'État et les partenaires associatifs sera constitué…
…et il se réunira une fois par mois pour coordonner l'action sur le terrain.
Ma question s'adresse à Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Contre certains discours défaitistes et déclinistes satisfaits que la France soit le pays où tout se passe ailleurs, contre les dealers d'émotion et d'opinion qui font de la peur un fonds de commerce, notre majorité défend et défendra toujours une vision de la France conquérante, prenant en main son destin pour répondre aux défis de son temps. Nous le démontrons encore une fois en amorçant la deuxième phase de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle, qui ambitionne de faire monter en compétences toute la nation. Rappelons-le, le développement raisonné de l'intelligence artificielle, c'est 38 millions de nouveaux emplois pour l'économie mondiale et une réduction de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2030.
Je l'ai toujours répété : ne pas former chaque citoyen aux nouvelles technologies, c'est de la non-assistance à avenir en danger, de la non-assistance à démocratie en danger. Je me réjouis que nous misions sur le potentiel humain et la régulation pour réussir l'une des plus grandes révolutions à l'œuvre. Par nos actions, nous participons à une France qui prône et fait rayonner son modèle d'exception jusque dans les nouvelles technologies, que cela passe par le fait de repenser la fiscalité des géants du numérique ou par la volonté farouche de mettre les nouvelles technologies au service du vivant et des dix-sept objectifs de développement durable.
Néanmoins, l'accélération technologique ne doit pas s'affranchir d'impératifs éthiques. L'UNESCO travaille d'ailleurs à l'élaboration d'un instrument normatif mondial pour une base éthique de l'intelligence artificielle. Les révélations de la lanceuse d'alerte Frances Haugen ou des docteurs Kosinski et Yves Citton nous mettent face à nos manquements quant aux dérives de l'économie de l'attention, et les travaux des docteurs Aurélie Jean, Cathy O'Neil, Gérald Bronner, Cédric Villani ainsi que votre serviteur vous alertent continuellement sur les dangers des biais algorithmiques qui rendent l'homo réseaux socius esclave de l'alliance des technologies non régulées et du capitalisme non raisonné.
Le monde politique doit réagir avant que les lieux de pouvoir n'aient plus celui de garantir l'épanouissement intellectuel des futures générations. Monsieur le secrétaire d'État, à quelques heures du sommet dédié au partenariat mondial sur l'intelligence artificielle, comment comptez-vous réguler les géants du numérique, les plateformes et les nouvelles technologies ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Je vous remercie de citer la lanceuse d'alerte Frances Haugen, que l'Assemblée nationale entendra demain et que je recevrai moi-même après-demain pour parler de la régulation du numérique en règle générale. La question qui se pose à nous est celle des valeurs démocratiques et humanistes que nous voulons faire prévaloir dans le domaine du numérique, de la même manière qu'elles se sont imposées dans la vie réelle dans l'enceinte de la démocratie.
Je citerai trois initiatives françaises essentielles qui, dans les semaines et les mois à venir, porteront la question de la régulation au niveau international, car le bon niveau d'action est là. La première, c'est le partenariat mondial pour l'intelligence artificielle qui se réunira ce vendredi au siège de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – à l'initiative de la France et du Canada. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'un nouveau GIEC – groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – visant à transposer ce qui a été fait dans le domaine de l'environnement à celui de l'intelligence artificielle : nous devons, entre scientifiques et responsables politiques, déterminer quelles attentes et quelles limites nous voulons fixer à l'intelligence artificielle. Les deux autres, ce sont les deux textes de l'Union européenne, le Digital Services Act et le Digital Market Act, qui ont été qualifiés par Frances Haugen d'occasion historique : en matière de régulation des contenus comme de régulation économique, il s'agit des deux textes les plus importants de ces dernières années dans la sphère du numérique. Soyez assuré que nous les ferons aboutir dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, dont ils constituent une priorité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Monsieur le Premier ministre, la Corse est sous tension économique, sociale, culturelle. Les bases même d'une société longtemps préservée par l'insularité et l'attachement des Corses sont bousculées. Nous ne cessons d'appeler votre attention sur l'impérieuse nécessité de trouver des solutions adaptées. Pour l'heure, les réponses négatives du Gouvernement créent une situation de blocage concernant la lutte contre la spéculation, les écoles immersives, le rapprochement des prisonniers, le statut fiscal, l'aide au règlement de l'amende Corsica Ferries, le nouvel hôpital de Bastia, les moyens de précaution environnementale dans le canal de Corse. Autant de dossiers, autant de réponses négatives ou insuffisantes.
Monsieur le Premier ministre, je connais la situation de la France et les difficultés qui sont les vôtres, mais vous ne pouvez continuer à pratiquer une politique fermée aux besoins de la Corse et aux solutions préconisées par la majorité territoriale, confirmées de façon répétée par le suffrage universel. La Corse a fait historiquement vivre sa personnalité, et a pu ainsi chaque jour voir des femmes et des hommes se fondre dans sa communauté. Au-delà des différences individuelles, elle entend préserver ce sentiment d'appartenance sans lequel une société n'est qu'un agrégat d'individus. La Corse a besoin de disposer de moyens spécifiques, non par souci d'escalade institutionnelle, mais pour tenter de répondre à d'immenses défis, améliorer sa vie sociale et préserver sa personnalité. Y êtes-vous prêt ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Vous savez combien le Gouvernement est attentif à la situation de la Corse. Certains sujets engagent son avenir en matière d'infrastructures et de développement : c'est le cas pour l'avenir énergétique de l'île, avec la nouvelle centrale électrique du Ricanto-Vazzio, par exemple. De plus, le plan de transformation et d'investissement pour la Corse, le PTIC, sera doté de 500 millions d'euros par l'État, avec des opérations financées jusqu'à 80 % ; le Premier ministre a indiqué récemment au président Simeoni que le Gouvernement était prêt à affiner les conditions de gouvernance entre l'État et la collectivité de Corse. Tout aussi primordiale est la question des liaisons maritimes avec le continent, car la Corse a besoin de liaisons viables toute l'année pour le fret maritime.
Je sais l'inquiétude suscitée par la décision de la justice administrative qui oblige la collectivité de Corse à verser 83 millions d'euros à la société Corsica Ferries. Le Premier ministre a d'ores et déjà indiqué au président Simeoni que l'État accepterait un étalement de charges pour le paiement de cette amende. Nous savons que la collectivité de Corse attend davantage ; les discussions continuent sur le sujet, mais il faut que l'état d'esprit de chacune des parties soit constructif.
Nous travaillerons également avec les députés de Corse sur la pression foncière qui pèse sur la collectivité de Corse dans le cadre du projet de loi dit 3DS – relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale –, qui sera bientôt discuté à l'Assemblée nationale. La Corse a bénéficié de 2,2 milliards d'euros d'aides depuis le début de la crise sanitaire. C'est dans cet esprit que, conformément au souhait du Président de la République, nous avons apporté cette aide considérable de solidarité nationale et que nous continuerons à travailler.
M. Philippe Berta applaudit.
Il faut certainement réfléchir en France à une évolution des compétences respectives de l'État et des territoires, mais la question corse ne se résume pas à une succession de solutions techniques telles que vous venez de les évoquer ; elle est de nature profondément politique. Vous aurez sûrement l'occasion d'en prendre conscience si vous venez chez nous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.
Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Dimanche prochain, nous fêterons la journée internationale du diabète. C'est une date anniversaire particulière : il y a cent ans, deux chercheurs géniaux découvraient l'insuline, cette substance si précieuse pour des millions de nos concitoyens qui, dans les territoires, sont atteints de cette maladie chronique extrêmement invalidante. Je rends hommage à la recherche française qui est dans l'excellence, aux soignants et à toutes les associations qui, dans nos communes, permettent de mieux vivre avec son diabète.
Ma question est double. La première indique un axe de progrès pour la France qui sera présenté lors de la niche parlementaire du groupe Agir ensemble par Agnès Firmin Le Bodo : comment accéder au marché de l'emploi et à la formation professionnelle de manière plus fluide ? En levant certaines restrictions qui obstruent cet accès pour certains de nos concitoyens atteints de maladies chroniques. La deuxième élargit la question à l'international : comment rendre l'insuline accessible à tous, en tout point de la planète ? Savez-vous que seules la moitié des personnes atteintes de diabète ont aujourd'hui accès à l'insuline, alors que le brevet de l'insuline a été vendu, à l'époque, pour 3 dollars symboliques ?
Le monde a deux histoires : l'histoire de ses actes, qui est gravée dans le marbre, et l'histoire de ses paroles. J'ai la faiblesse de penser que le Gouvernement inscrira le diabète dans l'histoire des actes en soutenant le nouveau pacte mondial de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Il y aurait beaucoup à dire sur le diabète, qui est une lutte de chaque jour pour les millions de malades qui en sont atteints dans le monde. Je rappelle que les maladies non transmissibles constituent la première cause de mortalité en Afrique subsaharienne, ce que beaucoup de gens ignorent. C'est la raison pour laquelle la France, sur la décision du Président de la République et à la suite de différents rapports, notamment celui de votre collègue Hervé Berville, a renforcé les moyens de l'Agence française de développement pour permettre à chacun de se soigner dans les meilleures conditions.
Vous appelez la France à se prononcer sur le nouveau pacte mondial de l'OMS, qui vise à favoriser l'accès à l'insuline à moindre coût par une meilleure transparence des prix. C'est un travail que nous menons, car nous sommes déterminés à permettre à l'ensemble de la population mondiale atteinte de diabète de se soigner contre une maladie qui, si l'on ne peut pas la guérir, peut être soignée au quotidien pour éviter à des enfants, des adultes et des personnes âgées de souffrir de conséquences graves pouvant aller jusqu'au décès. L'arrivée de biosimilaires de l'insuline devrait favoriser un accès partout dans le monde. Il faut souligner que la France est une terre d'industrie dynamique pour la production d'insuline, ce dont nous pouvons être fiers, car il s'agit d'une question de santé publique pour notre pays et pour le monde.
Vous évoquez le sujet fondamental des restrictions d'accès à l'emploi. Le 25 novembre 2020, une ordonnance a été prise sur la limitation de l'accès à l'emploi pour les personnes atteintes de maladies chroniques. J'avais rencontré cet adolescent formidable qui parcourt la France et dont le nom m'échappe,…
…Hakaroa Vallée, qui m'avait sensibilisé à cette question fondamentale. C'est la raison pour laquelle une mission de l'inspection générale des affaires sociales travaille actuellement sur les restrictions d'accès à l'emploi des personnes atteintes de maladies chroniques. Il est clair que nous pouvons encore améliorer les choses, car certaines restrictions d'accès à l'emploi ne sont pas conformes aux données de la science. Merci pour votre engagement ; nous y arriverons.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des outre-mer, conformément aux recommandations du Livre bleu des outre-mer, l'article 17 de la loi de finances pour 2019 a supprimé le dispositif de la TVA non perçue récupérable – TVA NPR. L'État s'était alors engagé à redéployer la totalité des 100 millions d'euros de cette dépense fiscale au bénéfice du financement de l'économie. De sérieux doutes subsistent aujourd'hui quant au respect de cet engagement.
En effet, l'action 04 du programme 138 Emploi outre-mer n'est dotée que de 24 millions d'euros, bien loin des 100 millions d'euros prévus ; il faut par ailleurs retrancher à cette somme les 8 millions d'euros d'aide au fret qui étaient inscrits avant 2019 à l'action 01 du même programme. Dès lors, il manque 84 millions d'euros.
Dans nos territoires, l'une des conséquences les plus dommageables de la crise sanitaire est l'accélération de l'inflation et sa généralisation, qui grève le pouvoir d'achat des consommateurs. Les prix ont augmenté de 68 % pour le pain, de 75 % pour le contreplaqué, de 67 %, en deux ans, pour les bouteilles de gaz domestique, de 30 % pour le fret maritime en provenance de l'Europe ; quant au fret en provenance de l'Asie, son coût a été multiplié par 2,5. La vie chère a ainsi laissé place à la vie extrêmement chère, encore plus chère, d'où une nette paupérisation. À l'agonie des entreprises, au chômage endémique, aux salaires de misère, aux retraites indignes s'ajoute maintenant le risque d'accroissement de la précarité pour des milliers de personnels soignants que vous vous apprêtez à suspendre quoi qu'il en coûte.
Monsieur le ministre, à quand la création d'un véritable observatoire des coûts du fret vers nos territoires ? Quid de l'utilisation effective des 84 millions d'euros manquants ? Je propose que cette enveloppe soit affectée à la lutte contre la vie chère afin de contenir une déflagration sociale imminente. Qu'en pensez-vous ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. – M. Ugo Bernalicis applaudit également.
Vous posez plusieurs questions en une. La première porte sur la TVA NPR et j'y ai déjà répondu en commission. Comme je vous le démontrerai tout à l'heure, le montant de cette taxe avait été estimé entre 20 et 100 millions d'euros lors de sa suppression, et comme cela avait été prévu, 100 millions d'euros ont été redéployés dans le budget de la mission "Outre-mer" . Simplement, chaque année, en fonction des choix politiques, cette somme est attribuée à des actions différentes. Pour prendre un exemple que vous n'avez pas cité, ce projet de budget prévoit 25 millions d'euros pour les contrats de convergence et de transformation, outil que les élus locaux d'outre-mer connaissent bien. Nous aurons tout à l'heure l'occasion d'y revenir autant que de besoin.
Vous m'interrogez par ailleurs sur la vie chère, complétant efficacement la question posée par votre collègue Josette Manin tout à l'heure. Le vrai sujet, ce sont les cinq chantiers que j'ai identifiés tout à l'heure, sur lesquels nous pouvons avancer vite. Il faut transformer l'économie, lutter contre les monopoles et contre certaines dépendances vis-à-vis de l'Hexagone – ou d'autres pays, d'ailleurs. Le covid ayant changé la donne, je pense que nous pourrons avancer vite.
Puisque nous examinerons les crédits de la mission "Outre-mer" tout à l'heure, parlons aussi de l'octroi de mer. Nous avons de nouveau notifié à l'Union européenne la prolongation de cette disposition fiscale bien connue. Il est clair que l'acceptabilité de cet impôt par nos concitoyens d'outre-mer ne cesse de s'éroder – pour le dire de manière diplomate. C'est une réalité.
Cette barrière douanière était destinée à protéger, or on voit bien que les équipements médicaux que nous avons envoyés récemment dans les territoires d'outre-mer ont failli être soumis à cette taxation. Une barrière douanière ne devrait pas exister dans ce cas ! Il faut donc reprendre la question, car c'est évidemment l'une des causes de la vie chère.
Je vous l'ai dit, je pense que nous pouvons avancer vite sur ces questions après cette année et demie de crise du covid qui nous a beaucoup ralentis. Ce sera également l'un des thèmes de campagne pour les élections présidentielles et législatives. Ce sujet est ancien, il est connu : il mérite un véritable débat démocratique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre déléguée chargée de l'industrie, pas une semaine ne passe sans que vous ne fassiez preuve d'autosatisfaction sur la reprise industrielle. Cela ne peut pourtant masquer vos échecs cuisants dans certains territoires, notamment dans le département des Ardennes.
Après l'échec de l'implantation de Cevital à Charleville-Mézières, alors qu'Emmanuel Macron s'était rendu sur place pour promettre la création de 1 000 emplois, la réimplantation des cycles Mercier dans la vallée de la Meuse a connu le même sort. Trois cents emplois devaient être créés ; ils étaient très attendus par les habitants.
Échec de votre politique industrielle, qui ne profite pas de manière équitable aux territoires ruraux ; amateurisme de vos services, qui n'ont pas vérifié la situation fiscale de l'investisseur avant que le Gouvernement s'engage sur ce projet des cycles Mercier.
Colère à Revin, à Nouzonville, à Bogny-sur-Meuse, à Fumay, où le taux de chômage oscille entre 18 et 25 %. Au début du mois d'août, après l'annonce de votre désengagement à Revin, vous nous avez dit que l'avenir du site était votre priorité. Pourtant, plus de trois mois après, vous refusez toujours, malgré mes nombreuses relances, de nous recevoir, le maire de Revin, les présidents de l'intercommunalité, du département et de la région et moi-même.
En trois mois, nous avons péniblement obtenu un appel en visioconférence avec vos collaborateurs et vous m'avez proposé de discuter trois minutes en marge des questions au Gouvernement. La détresse dans les Ardennes est immense et un tel mépris est inacceptable.
Allez-vous enfin nous proposer un rendez-vous au ministère pour évoquer ce dossier crucial pour la vallée de la Meuse, et quelles sont vos pistes pour réindustrialiser les territoires qui souffrent loin des grandes métropoles ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez raison de mentionner le rendez-vous que je vous ai proposé le 26 octobre dernier et que vous avez refusé – c'est vrai qu'il était prévu qu'il ait lieu loin des caméras de télévision !
Mme Cendra Motin et M. Erwan Balanant applaudissent. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Oui, c'est vrai !
Vous n'avez pas souvenir non plus de la réunion qui s'est tenue avec tous les élus le 8 octobre ? Nous l'avions initialement prévue pour la fin du mois d'août, mais les élus eux-mêmes nous avaient demandé de la retarder pour pouvoir travailler sur le dossier.
Le 8 octobre, en tout cas, l'ensemble des élus ont été réunis de la façon la plus pratique possible, c'est-à-dire en évitant les déplacements des uns et des autres.
Vous savez également qu'ils ont été réunis le 26 juillet. La présentation que vous faites de ce dossier est donc bien loin de la réalité.
Vous évoquez par ailleurs notre politique industrielle.
Vous vous êtes engagés ! C'est la parole du Président de la République qui est en cause !
Le plan de relance bénéficie à 85 % à des PME et à des entreprises de taille intermédiaire, à 70 % à des territoires périphériques et urbains, dont un certain nombre, à l'image des Ardennes, connaissent un niveau de chômage élevé.
Grâce à cette politique, notre industrie ne s'est pas effondrée, comme on pouvait le craindre dans le contexte de la crise sanitaire. Elle est même l'une des premières à avoir redémarré.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.
Regardons les choses en face : 624 projets de relocalisation en un an, c'est six fois ce que votre majorité avait été capable de faire en cinq ans. Voilà la réalité !
Je ne dis pas que la réindustrialisation est facile. Mais puisque vous mentionnez les deux dossiers qui, malheureusement, ont connu un échec dans votre territoire, quelles propositions avez-vous faites pour accompagner ces sites ?
N'est-ce pas le ministère de l'économie, des finances et de la relance qui a proposé aux porteurs de projet de s'intéresser à cette zone, dont vous avez raison de dire qu'elle doit être accompagnée ?
C'est ce que nous faisons et ce que nous continuerons à faire avec le président de la région Grand-Est, M. Jean Rottner.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
« Oui ! » sur les bancs du groupe LR. – M. Ugo Bernalicis applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous m'avez proposé une entrevue de trois minutes avant les questions au Gouvernement et j'ai participé à la seule visioconférence organisée.
Je vous ai demandé un rendez-vous avec les acteurs locaux ; j'attends votre réponse. C'est vous qui…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, en réponse aux sanctions de l'Union européenne, le dictateur bélarusse nous a menacés en mai dernier de nous envoyer des migrants, puis de la drogue, puis la mafia.
Comme je le dénonçais dans le cadre de la mission flash que j'ai menée en juin, la menace a été mise à exécution. Le régime s'est transformé en passeur d'État ; il a affrété des avions, est allé chercher des migrants au Proche-Orient ; il a mis à disposition les centres d'hébergement des agroturistica et accompagne les migrants jusqu'à la frontière. Les chiffres sont impressionnants. Au-delà de ceux qui sont passés, de ceux qui sont coincés, nous savons qu'il y avait la semaine dernière 15 000 candidats à la migration en attente à Minsk. Le régime joue avec ces hommes, ces femmes et ces enfants, les déplace comme des pions – c'était le cas encore la nuit dernière – et les menace avec des armes s'ils font un pas en arrière.
Il s'agit d'une guerre hybride ; ce ne sont pas la Pologne ni la Lituanie qui sont agressées, mais bien l'Union européenne. Quelle est la position du Gouvernement ? L'engagement de la France et de l'Union européenne aux côtés de la Pologne et de la Lituanie est nécessaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Vous avez raison de dénoncer une situation scandaleuse, un véritable trafic d'êtres humains organisé par le régime biélorusse. Je ne reviens pas sur les épisodes précédents ; en réponse à une fraude électorale, inacceptable, l'Union européenne avait appliqué un certain nombre de sanctions ; le régime biélorusse a alors organisé un trafic migratoire, principalement depuis le Proche-Orient, jusqu'aux frontières de l'Union européenne.
Je veux redire, comme vous l'avez fait, que c'est une crise européenne qui nécessite une réponse européenne et réaffirmer à cette occasion la solidarité de la France avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie – les trois pays directement concernés par ces pressions. Je me suis rendu moi-même dès le mois de septembre à la frontière entre la Lituanie et la Biélorussie pour apporter le soutien matériel de la France ; le soutien européen s'est poursuivi.
Nous devons répondre de manière extrêmement ferme à cette guerre hybride, qui peut donner des idées à d'autres de nos voisins. Près de 200 agents de l'agence FRONTEX – l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes – ont ainsi été déployés auprès de la Lituanie ou de la Lettonie. À ce stade, la Pologne n'a pas souhaité faire appel aux moyens européens, ce que je regrette. Toutefois, ceux-ci restent parfaitement disponibles pour appuyer sa réponse.
Nous devons répondre avec fermeté, mais aussi avec nos valeurs, dans le respect de la règle de droit. Il ne s'agit pas de pratiquer des refoulements, ni de dresser des barbelés avec des lames de rasoirs, ni d'instaurer un état d'urgence perpétuel, comme nous pouvons le déplorer actuellement en Pologne. Ne nous trompons pas d'ennemi ; il s'agit de répondre ensemble à cette provocation de la Biélorussie ; nous sommes solidaires de la Pologne, si elle a besoin des moyens européens.
Il faudra également discuter des restrictions ou des sanctions envers la Biélorussie ; ce sera l'objet de la prochaine réunion des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, qui aura lieu lundi et à laquelle participera Jean-Yves Le Drian au nom de la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.
Je vous remercie pour ces explications claires sur un sujet qui n'est pas souvent compris. J'insiste, ce qui se passe dans ces forêts et ces marais ne doit pas nous faire oublier notre objectif principal : la fin d'un régime absurde à nos frontières. C'est la seule solution pour que les murs puissent « tomber, tomber, tomber », comme le dit la chanson Mury – « les murs » – de Solidarnoœæ, reprise aujourd'hui par le peuple bélarusse.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.
Madame la ministre de la culture, par une opération sans précédent dans l'histoire de l'audiovisuel français, les deux chaînes les plus importantes de la télévision privée de notre pays, TF1 et M6, ont lancé il y a quelques mois un projet de fusion. Celui-ci suscite légitimement de grandes inquiétudes chez les différents acteurs de l'audiovisuel, alors que le Gouvernement a déjà laissé entendre sa grande bienveillance à son égard.
Pourtant, si ce mariage aboutissait, il donnerait naissance à un groupe en situation de quasi-monopole pour l'information par les journaux du matin, du midi et du soir, pour les parts d'audience qui atteindraient 42 % contre 28 % à France Télévisions, mais aussi pour la publicité – avec près de 75 % du marché, selon les estimations – et enfin pour la production des contenus audiovisuels, alors que celle-ci touche directement à notre patrimoine et à notre souveraineté.
La stratégie consistant à soutenir un champion capable de concurrencer Netflix interroge lorsque l'on compare les chiffres. La plateforme américaine a investi 19 milliards d'euros ; c'est quarante fois plus que ce qui est prévu pour ce nouveau géant ! Alors, à quoi bon ? Quel intérêt y a-t-il à prendre le risque de l'ultraconcentration, de la domination du marché ?
Les mesures anticoncentration en vigueur depuis 1986 prévoient que des autorités administratives indépendantes délivrent les autorisations de diffusion, mais elles sont tellement indépendantes que nous avons appris que la présidente de l'Autorité de la concurrence a été remerciée par le Président de la République en pleins travaux !
Comble du cynisme, au même moment, le président du CSA – Conseil supérieur de l'audiovisuel – nous annonçait un renforcement des aides anticoncentration dans la future ARCOM – Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Madame la ministre, la pluralité de l'information, de l'expression des contenus et de la production est indispensable aux démocraties. Nous avons depuis des mois un exemple trop grave de la capacité de certains médias à participer à des dérives populistes pour ne pas réagir. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un soutien sans faille à l'audiovisuel public et non d'une trajectoire financière à la baisse depuis trois ans. Surtout, nous avons besoin de l'indépendance des autorités administratives qui sont les garantes du pluralisme.
Face à ceux pour qui les citoyens ne sont que du temps de cerveau disponible, n'est-il pas de la responsabilité du Gouvernement de s'opposer à de telles manœuvres monopolistiques ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Sébastien Jumel applaudit également.
Madame Victory, je connais votre intérêt pour les questions relatives à l'audiovisuel. Nous savons depuis fort longtemps que M6 est à vendre ; TF1 s'en est porté acquéreur. Nous n'avons pas à choisir l'acheteur de M6, puisqu'il s'agit d'une transaction privée. Les différents dispositifs prévus dans le processus ont été respectés : les organisations représentatives du personnel de Bouygues, de TF1 et de M6 ont été consultées et se sont prononcées à l'unanimité pour la fusion de ces groupes. Cette fusion prendra du temps, car elle doit franchir plusieurs obstacles et faire l'objet de vérifications ; elle pourrait se concrétiser à la fin de 2022.
Le CSA est saisi et a commencé ses consultations ; il devrait rendre son avis sur le respect du pluralisme au premier semestre 2022. L'Autorité de la concurrence est également saisie ; elle rendra son étude sur l'impact des éventuelles concentrations sur le marché publicitaire à l'été 2022. Enfin, les mécanismes anticoncentration devront être respectés : on ne peut pas disposer de plus de sept chaînes sur la télévision numérique terrestre (TNT) ; le groupe éventuellement constitué devra donc en vendre trois, puisqu'il en posséderait dix.
Plusieurs textes ont été élaborés à une période où, il faut le reconnaître, les moyens de diffusion, de production et de distribution n'étaient pas ceux que nous connaissons. En particulier, des mécanismes de concentration verticale n'avaient pas été envisagés au moment de la loi du 30 septembre 1986. C'est la raison pour laquelle, avec le ministre de l'économie, des finances et de la relance, nous avons fait appel à nos inspections respectives pour une double mission, afin d'élaborer de nouveaux textes. Bien entendu, le Parlement sera également saisi de cette réflexion.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, depuis trente et un jours, à Calais, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein ont cessé de s'alimenter, avec le soutien du prêtre Philippe Demeestère, qui continue par d'autres modes d'action le combat pour le respect de la dignité et des droits des personnes exilées. Au total, 180 organisations de la société civile soutiennent leurs revendications. Quelles sont-elles ? La suspension des expulsions et des démantèlements de campements pendant la trêve hivernale ; l'arrêt des confiscations et des dégradations d'effets personnels ;
Applaudissements sur les bancs du groupe FI
l'ouverture d'un dialogue entre les autorités et les associations.
Au-delà de la situation d'urgence humanitaire, le département du Pas-de-Calais doit cesser d'être le garde-frontière du Royaume-Uni. Ces derniers jours encore, des centaines de tentatives de passage ont été constatées. La situation est intolérable pour les personnes migrantes, mais aussi pour les habitants de la région. C'est pourquoi nous dénonçons les accords du Touquet.
Monsieur le Premier ministre, les mouvements de population sont vieux comme l'histoire de l'humanité, mais désormais, un nombre toujours plus important de femmes, d'hommes et d'enfants sont victimes de migrations forcées. Dans un débat public saturé par les surenchères des différentes nuances d'extrême droite – des Le Pen à Zemmour – et d'une droite républicaine qui fait le choix de leur courir derrière,…
…les causes des mouvements de population ne sont jamais traitées. Ce sont les guerres sans fin, les accords commerciaux inégaux, le changement climatique, dont le GIEC nous annonce qu'il va contraindre 280 millions de personnes à fuir leur lieu d'habitation d'ici à 2050.
Nous devons traiter ces situations avec raison et humanité. Les annonces formulées à ce stade ne remettent aucunement en cause les traitements inhumains et dégradants infligés quotidiennement aux plus de 1 000 personnes exilées dans le Calaisis. Nous ne souhaitons pas qu'Anaïs et Ludovic mettent leurs vies en danger. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous donner suite à leurs demandes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Depuis le 11 octobre, trois militants ont en effet entamé une grève de la faim. L'un d'eux l'a arrêtée il y a cinq jours. Ils ont formulé à cette occasion des remarques et des revendications concernant la situation dans le Nord, qui reste tendue même si je tiens à rappeler que le nombre de migrants présents à Calais a fortement diminué depuis cinq ans.
Depuis le début, notre objectif a été de nouer un dialogue ; c'est la méthode du gouvernement de Jean Castex d'être dans l'écoute, la concertation et le dialogue.
Protestations sur les bancs du groupe GDR.
C'est pourquoi le ministre de l'intérieur a mandaté le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), M. le préfet Leschi, pour conduire une médiation avec les militants qui a été saluée par les acteurs du dossier.
Cette médiation avait pour but de lancer un dialogue afin d'élaborer des solutions pérennes pour améliorer la prise en charge.
Une première rencontre entre le collectif de soutien des militants, les services de l'État, la direction du Secours catholique et des responsables associatifs s'est tenue les 27 et 28 octobre, puis une seconde le 2 novembre. De ces échanges sont ressorties des propositions concrètes, articulées autour de quatre axes : modifier le cadre des mises à l'abri, avec un diagnostic social systématique et un délai de prévenance des migrants garanti ; améliorer la collecte, la conservation et la récupération – surtout – des effets personnels ;
Exclamations sur les bancs du groupe FI
renforcer les capacités d'hébergement, en proposant systématiquement des mises à l'abri en dehors du Calaisis ; fluidifier le dialogue avec les structures militantes, dans le respect des personnes exilées.
Pour améliorer le dialogue entre l'ensemble des partenaires associatifs et les services de l'État, un comité les rassemblant est créé ; il se réunira au moins une fois par mois.
Le Gouvernement prend toutes ses responsabilités…
…et invite l'ensemble des acteurs à les prendre aussi …
Protestations sur les bancs du groupe LR
…dans la droite ligne du Président de la République, en conjuguant humanité et fermeté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le secrétaire d'État chargé du tourisme, vous avez participé la semaine dernière, aux côtés du chef de l'État, au sommet « Destination France », qui a réuni à Paris une cinquantaine d'acteurs du tourisme international. Première destination touristique mondiale avant la crise sanitaire, avec un record de 90 millions de visiteurs étrangers, notre pays a enregistré en 2020 une vertigineuse chute, en tombant à 40 millions. Avant la pandémie, le secteur du tourisme représentait 7,4 % du PIB et employait 9,5 % des effectifs salariés. Les 35 000 entreprises du secteur ont été parmi les principales affectées ; un grand nombre se trouve encore dans une situation fragile.
Dans un contexte toujours incertain, vous travaillez à la définition d'un plan de reconquête, en soulignant avoir retrouvé 50 millions de visiteurs étrangers dès cette année. Je sais que vous comptez faire mieux l'an prochain, et même dès cet hiver dans les stations de ski, comme l'a annoncé le Premier ministre. Si on ne peut que saluer cette ambition et les efforts exceptionnels de l'État dans l'accompagnement du secteur pendant la crise sanitaire, elle soulève néanmoins plusieurs questions.
Nos atouts traditionnels, patrimoniaux et culturels restent-ils assez attractifs, alors que la crise a accéléré les transformations de l'offre, en mettant en avant un tourisme plus responsable et moins passif ? Dans un secteur déjà fortement digitalisé, faut-il renforcer encore le passage au numérique ? Comment développer un tourisme plus qualitatif en accompagnant, par exemple, la montée en gamme de l'hôtellerie et de la restauration ? En bref, comment allez-vous relever le défi de modernisation de la destination France pour espérer rester sur le podium mondial dans les prochaines années ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Le Président de la République et le Premier ministre ont clairement érigé le tourisme en priorité nationale. Cela signifie, dans un premier temps, un soutien à hauteur de 38 milliards d'euros pour faire face à la crise et à ses effets. Avant de penser à l'avenir du tourisme, il était nécessaire d'être présent pendant la crise. Le sommet « Destination France » a été ouvert par le Président de la République, qui a reçu les acteurs du tourisme national et international : c'était une première, et mon petit doigt me dit que ce n'était peut-être pas une dernière !
Après le soutien dans l'urgence, il faut travailler à la relance. Après un été indien et des vacances de la Toussaint qui se sont très bien déroulées – les statistiques de fréquentation ont été très bonnes –, cap sur la saison d'hiver, naturellement, avec l'augmentation des budgets de promotion pour valoriser la montagne française. Samedi dernier, en Haute-Savoie, le Premier ministre a fixé les modalités qui permettront de vivre une belle saison. Le président Castaner et tous les élus de la montagne y sont attachés.
Après le très court terme, il y a la reconquête, à moyen et long terme. Elle passe par le plan de reconquête du tourisme auquel nous travaillons avec les acteurs du secteur et que le Premier ministre présentera d'ici à la fin du mois de novembre, pour attirer toujours plus et fidéliser dans ces métiers si importants ; pour s'emparer de la dimension digitale, au profit des acteurs nationaux, en faisant en sorte que les activités de loisirs soient plus visibles et mieux mises en valeur. Cela passe aussi par des efforts en matière d'investissements : nous voulons retrouver plus que les niveaux d'avant la crise. Nous avons sauvé le tourisme tricolore et nous souhaitons maintenant le faire rebondir vite et fort.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe Dem.
Avant d'appeler la dernière question, je vous rappelle que la séance ne sera pas suspendue à l'issue des questions au Gouvernement, car je prononcerai l'éloge funèbre de notre regrettée collègue Marielle de Sarnez.
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux. Dans l'hémicycle, nous parlons souvent de la justice pénale. Je voudrais aujourd'hui vous parler de la justice civile, la justice du quotidien de nos concitoyens. Une justice de souffrance, faute de magistrats et de greffiers en nombre suffisant. Dans ma circonscription, on supprime encore des conseillers prud'homaux. Les affaires s'accumulent et les stocks de dossiers sont considérables. À ma permanence, je suis de plus en plus sollicité au sujet des délais de jugement, qui entraînent de nombreux effets en cascade et bien souvent un mal de vivre des personnes concernées.
On trouve un exemple concret de ce phénomène, dans les cas de divorce, pour la fixation de la prestation compensatoire, qui intervient souvent des mois, voire des années après une décision de séparation. Ce très long laps de temps entraîne, de bonne ou de mauvaise foi, des changements importants dans la situation patrimoniale des futurs ex-époux et un montant de prestation compensatoire en total décalage avec la situation au moment de la séparation. Le Gouvernement a réformé la procédure du divorce : pouvez-vous nous faire connaître un premier bilan de la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur en janvier dernier, et nous faire part des résultats concrets de la suppression de la phase de conciliation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de M. Dupond-Moretti, qui a dû nous quitter pour une audition au Sénat. Vous avez été reçu par son équipe au sujet des procédures de divorce,…
…car vous estimez – et nous vous rejoignons sur ce point – que ces procédures, qui peuvent durer plusieurs années, entraînent des difficultés, notamment pour les femmes – ce sont souvent des femmes –, dès lors que la prestation compensatoire n'est pas décidée au bon moment.
S'il avait été présent, le garde des sceaux vous aurait répondu qu'il partage vos préoccupations quant à ces délais, qui peuvent avoir un impact sur la vie des femmes. Il vous aurait ensuite rappelé que la jurisprudence prévoit déjà la possibilité d'adapter la date à partir de laquelle est déterminée la prestation compensatoire. Le juge peut prendre en compte de nombreux paramètres pour fixer ce montant, notamment l'évolution de la situation entre la séparation et le prononcé du divorce. Vous avez rappelé les évolutions législatives intervenues au 1er janvier 2017 et au 1er janvier dernier pour raccourcir les délais des procédures de divorce. Vous avez demandé une évaluation de la loi entrée en vigueur au 1er janvier dernier : elle est actuellement menée par le ministère de la justice. Le garde des sceaux aura l'occasion de revenir sur ce sujet devant vous.
Vous l'avez dit au début de votre intervention : c'est bien la globalité des procédures judiciaires dont il nous faut modifier la durée et les délais de jugement. C'est la raison pour laquelle nous avons augmenté sensiblement le budget de la justice : + 30 % entre le début et la fin de la législature. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé 1 000 recrutements dans le secteur de la justice, précisément pour que les procédures soient plus courtes,…
…que les choses aillent plus vite et, pour les divorces, qu'une juste prestation soit versée aux femmes concernées.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'entends votre réponse. Cette réforme est peut-être à même de réduire globalement les délais, mais j'ai bien peur qu'elle ne résolve pas la difficulté que je vous soumets. En effet, si trop de temps s'écoule entre l'assignation et le jugement de divorce, le problème reste entier.
C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi visant à calculer le montant de la prestation compensatoire durant la première phase de la procédure, et non des mois, voire des années plus tard, lors du jugement, alors que les ex-époux vivent séparément. Il s'agit d'une mesure efficace et sans incidence budgétaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI-I.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.
Il me revient le triste honneur de prendre la parole pour prononcer l'éloge funèbre de notre collègue Marielle de Sarnez, emportée au début de l'année, le 13 janvier dernier, par une leucémie foudroyante.
Prononcer son éloge peut paraître simple, car tous ici, nous connaissions ses talents, ses engagements, son dévouement au bien public et à « l'urgence européenne » – pour reprendre le titre de l'un de ses livres.
Mais prononcer un éloge « funèbre » paraît presque un non-sens, car rien n'était moins funèbre que son tempérament, son être même : femme de conviction, toujours active, toujours ardente, Marielle de Sarnez était la vitalité personnifiée, le mouvement incarné, et dix mois après sa disparition, son âme de combattante semble toujours défier la fatalité.
Fille de résistant, Marielle de Sarnez avait, chevillés au corps, le goût de la liberté, la passion du débat démocratique et la volonté de faire avancer ses idées sans jamais sacrifier au conformisme.
Elle n'était pas seulement centriste, elle était centrale : au centre de nos débats, au point nodal des préoccupations qui sont les nôtres, elle avait consacré sa vie à faire émerger un espace politique nouveau et libre, aussi légitime et reconnu que la droite et la gauche, et avec lequel droite et gauche pouvaient se rencontrer pour parler, imaginer, construire.
Oui, elle fut pionnière, en un temps où la bipolarité semblait la norme, elle qui cherchait à réunir plutôt qu'à exclure. Le centre qu'elle désirait n'était pas un moyen terme, un « marais » hésitant et ondoyant, mais une vraie cause, emportant de vrais combats. Le centre selon Marielle de Sarnez empruntait à la droite la droiture, à la gauche la générosité, au gaullisme de son père l'amour de la France et à la démocratie chrétienne l'idée européenne, synthèse audacieuse qui fut sa marque quarante ans durant.
La politique, Marielle de Sarnez l'avait connue dès l'enfance, puisque son père était le chef de cabinet de Roger Frey, ministre du général de Gaulle. Pourtant, elle ne voulut pas être une héritière. Rompant avec les traditions d'une famille issue de la noblesse d'Empire, la lycéenne s'élance dans le Paris en ébullition de Mai 68. Puis elle cherche à assurer son indépendance matérielle, en travaillant.
La politique ? Ce fut donc par la petite porte qu'elle y entra, pour un simple emploi de secrétariat. En 1973, à 22 ans, la voici au sein des Jeunes Giscardiens. Dans l'effervescence des années 1970, elle ne veut ni conservatisme ni gauchisme, mais s'enthousiasme à l'idée d'un président jeune qui modernise la France. Elle est payée de ses efforts en 1974, quand la victoire de son candidat se traduit par la création d'un secrétariat d'État à la condition féminine, le droit de vote à 18 ans ou le renforcement des droits de l'opposition, autant d'innovations qui satisfont sa quête réformatrice.
Durant cette mémorable campagne, elle rencontre François Bayrou, avec qui elle fera chemin, pour le centre, pour l'Europe, pour ces idées qu'ils ont en partage et qu'ils feront avancer ensemble. Je sais la douleur de notre ancien collègue, depuis ce « jour en trop » où son alter ego lui fut trop tôt enlevée.
Il l'a connue militante, députée européenne, élue locale, ministre, députée enfin, et d'emblée présidente de commission. Entre-temps, elle l'aura accompagné comme conseillère, puis directrice de cabinet au ministère de l'éducation nationale, de 1993 à 1997, ensuite comme secrétaire générale du groupe UDF – Union pour la démocratie française – à l'Assemblée nationale, de 1997 à 1998.
Députée européenne à partir de 1999, conseillère de Paris à partir de 2001, elle dirige la campagne présidentielle de François Bayrou en 2002, puis celles de 2007 et de 2012. Cofondatrice et vice-présidente du MODEM – Mouvement démocrate –, elle devient en 2009 la secrétaire générale du Parti démocrate européen.
Ses yeux clairs observent avec acuité un monde en pleine mutation, dans lequel les vieux clivages s'estompent et les vieilles dictatures s'effondrent. Elle qui croit en l'Europe, en la démocratie, en une paix raisonnée entre nations raisonnables, se passionne pour l'Ukraine et sa révolution orange, la couleur même du Mouvement démocrate en France.
Orange comme le soleil levant, orange comme la fusion des métaux et des idéaux, telle était sa nuance, ardeur et complexité confondues.
La recomposition politique de 2017 ne s'est pas faite sans elle. Lavant l'un de ses rares échecs, dix ans plus tôt, dans la 11
Sa connaissance des dossiers européens et internationaux la désigne tout naturellement à la présidence de notre commission des affaires étrangères, où elle brille de tous ses feux. Le drame syrien, le Brexit et bientôt la crise du coronavirus mobilisent la militante passionnée qu'elle est restée ; la crise migratoire la préoccupe et elle préside la mission d'information sur les migrations.
Surtout, cette convaincue savait aussi écouter les convictions des autres. Respectée et respectueuse, soucieuse de diriger équitablement les débats, Marielle de Sarnez fut une grande présidente de commission, unanimement appréciée pour ce mélange d'entregent et d'autorité dont elle avait le secret.
Ceux-là mêmes qui combattaient ses idées appréciaient sa personne, la dignité qui émanait d'elle, l'intégrité de sa parole. Quand elle disparut, tous lui rendirent hommage, constatant à quel point elle allait manquer à notre commission, à notre Assemblée, à la République tout entière.
C'est donc avec émotion, avec chagrin, que je salue la mémoire de la grande dame de l'Europe qui siégea parmi nous. Son exemple, son courage, sa détermination jusqu'au combat final contre la maladie, nous les saluons aussi, puisqu'ils étaient indissociables de la Marielle que nous avons connue, enthousiaste, volontaire, toujours en mouvement.
Dans nos souvenirs, dans nos cœurs, elle demeurera vivante. Dans notre hémicycle, elle nous manque et son absence nous peine autant qu'elle nous oblige. L'Assemblée nationale se souviendra d'elle, de sa loyauté et de la profondeur de son engagement.
À ses enfants, si importants pour elle et dont elle était si fière, à sa famille, que je salue, à ses amis, à ses compagnons de militantisme, à ses collaborateurs, au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, je présente mes condoléances attristées.
La parole est à M. le Premier ministre.
La disparition de Marielle de Sarnez, après un long combat contre la maladie, a suscité une émotion profonde et un hommage partagé bien au-delà de sa famille politique. En effet, elle suscitait le respect de tous. Elle ne recherchait pas la lumière mais s'affirmait naturellement, par son talent, par la force de ses convictions et de son caractère, par la cohérence de sa pensée. Elle privilégiait toujours l'engagement au service des idées et des valeurs à la recherche des postes et des honneurs. C'est ce « droit au sens », pour reprendre le titre évocateur d'un essai politique fondateur, qu'elle entendait offrir à ses concitoyens.
Attachée à convaincre, et certainement pas à plaire ou à séduire par dessus tout, Marielle de Sarnez représentait le contraire de la politique spectacle, de la quête du superficiel, de la dictature de l'immédiateté. Jamais elle n'a tutoyé la compromission ; toujours, elle a veillé à ramener les choses à l'essentiel. C'était une femme entière, qui parfois rencontrait des oppositions, mais qui toujours en imposait.
Elle n'empruntait ni les sentiers battus, ni les voies de la facilité, ce qui la rendait apte à relever tous les défis, comme celui si bien réussi de diriger le cabinet du ministre de l'éducation nationale avec le parcours si peu académique qui était le sien – formidable intuition du ministre de l'époque.
Elle savait parfaitement être une organisatrice née, soucieuse du détail et de la mise en œuvre, et en même temps porter et incarner l'idéal qui guida toute sa vie politique. Son idéal était à la fois puisé dans notre histoire et d'une profonde modernité : celui d'une force politique centrale et centriste, suffisamment puissante pour résister à l'écartèlement partisan, et suffisamment charpentée pour ne pas céder aux idées fausses des marchands de slogans et de solutions faciles, dont les dérives constituent toujours un danger pour les peuples démocratiques. Cette force politique est suffisamment consciente d'elle-même, de son identité, de sa pensée et de son implantation au cœur même de la nation pour accepter de composer des majorités d'idées par-delà les frontières partisanes et les réflexes claniques.
Depuis toujours, elle a cru viscéralement en cette force politique centrale. Très vite, en effet, elle s'est engagée derrière la candidature de Valéry Giscard d'Estaing à l'élection présidentielle de 1974. L'homme qui voulait rassembler deux Français sur trois ne pouvait qu'emporter l'adhésion et l'enthousiasme de celle qui a toujours affirmé que ce qui rapprochait nos concitoyens était bien plus fort que ce qui les divisait – message d'une étonnante modernité.
C'est donc tout naturellement qu'en 1978, elle participe à la création de l'UDF laquelle a pour vocation de rassembler les familles politiques jusque-là désunies qui se réclamaient du centre et du centre droit. Héritières d'un riche passé, toutes se reconnaissaient dans le libéralisme économique autant que dans le personnalisme de la démocratie chrétienne ou dans le projet européen des pères fondateurs. Le succès fut au rendez-vous, car ce jeune parti rassembla plus de 21 % des voix aux élections législatives de 1978, que tous les commentateurs jugeaient alors perdues pour la majorité de gouvernement. Cette leçon de sa propre vie, Marielle de Sarnez ne l'oubliera jamais, notamment aux côtés de François Bayrou, avec qui elle allait tisser un engagement politique exigeant en même temps qu'une amitié profonde et durable.
C'est avec cette même conviction que Marielle de Sarnez a participé en 1998 à la refondation de l'UDF, qui permit au centre politique d'éviter l'effacement lors des législatives de 2002 et d'obtenir près de 19 % des voix à l'élection présidentielle de 2007. À chacune de ces étapes, elle avait défendu bec et ongles l'identité, la liberté, l'indépendance de sa famille politique et de ses convictions. Afin de les renforcer encore davantage, elle participa à la fondation du MODEM, dont je tiens tout particulièrement à saluer, en cet instant de recueillement, les membres présents dans l'hémicycle. Au cours de cette législature, elle a pu déployer ses grandes qualités de parlementaire, notamment – vous l'avez dit, monsieur le président – à la tête de la commission des affaires étrangères, qu'elle a marquée de son empreinte si personnelle, qui ne laissait personne indifférent.
C'est là qu'est venue la frapper la maladie, une maladie qui ne lui a laissé aucune chance, alors même qu'elle l'affrontait avec une dignité et une force morale dont nous avons tous été ici même, mais aussi bien au-delà, les témoins émus. Marielle de Sarnez se battait pour ses enfants, Justine et Augustin, et pour ses petits-enfants – qu'elle aimait par-dessus tout, qu'elle ne croyait pas devoir quitter si tôt, qu'elle voulait surtout, en mère exemplaire, protéger des souffrances de sa propre disparition. Je veux en cet instant les saluer avec émotion, avec affection, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, tout comme François Bayrou, dont je sais l'indicible peine.
Avec Marielle de Sarnez, le centre a perdu une figure longtemps discrète, mais que chacun, d'un bout à l'autre de l'échiquier politique, a reconnue comme centrale. Plus que tout autre, Marielle aurait voulu que la vie continue, que le combat pour l'espérance, pour la justice, pour l'humanisme et pour la paix entre les peuples, notamment grâce à une Europe puissante, soit plus fort que tout. Puissent sa clairvoyance, son intégrité, son opiniâtreté et son courage nous inspirer longtemps.
En mémoire de notre collègue disparue, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, je vous demande d'observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la mission "Outre-mer" (n° 4524, tome III, annexe 30 ; n° 4527, tome XII ; n° 4525, tome V).
La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Les crédits de la mission "Outre-mer" progressent de 1,25 % en crédits de paiement (CP), mais diminuent de 2,7 % en autorisations d'engagement (AE). Ils atteignent, dans le projet de loi de finances pour 2022, 2,6 milliards d'euros en AE et 2,5 milliards d'euros en CP.
Je me réjouis de l'évolution globale des crédits de paiement, tout en restant attentif à quelques points de vigilance que je vais développer et au sujet desquels j'ai déposé des amendements.
Le programme 138 Emploi outre-mer présente certes des crédits en recul de 3,3 % en AE et en CP, mais il me semble qu'il faut remettre ces chiffres dans leur contexte et rappeler qu'une très large majorité des crédits du programme est consacrée à la compensation des exonérations de cotisations patronales spécifiques aux entreprises ultramarines. Or ces dernières ont eu recours au chômage partiel, ce qui a contribué à la diminution des remboursements. Les crédits de l'action 02 Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle progressent toutefois, du fait d'une extension du dispositif du service militaire adapté (SMA), avec une progression de 6,85 % en AE et de 7 % en CP. Le SMA est un dispositif qui a fait ses preuves et que le Gouvernement propose d'étendre en créant 202 emplois équivalent temps plein (ETP) supplémentaires et en constituant un régiment supplémentaire à Mayotte. Je me réjouis aussi de l'amendement gouvernemental ouvrant des crédits pour l'ouverture d'un régiment SMA avec 49 nouveaux ETP en Polynésie française.
J'en viens au programme 123 Conditions de vie outre-mer, dont les crédits de paiement augmentent de 15,15 % et s'adaptent à une accélération des décaissements. C'est une bonne nouvelle, car cela signifie que les programmes mis en place pour renforcer les capacités d'ingénierie administrative, financière et technique des collectivités territoriales portent leurs fruits. Il reste des difficultés, mais ce constat conforte le point de vue que j'exprime depuis plusieurs années : les spécificités ultramarines justifient réellement ces dispositifs d'aide à l'ingénierie. Il conviendrait d'ailleurs selon moi de les développer davantage, au-delà des territoires de Mayotte et de la Guyane. Les autorisations d'engagement du programme Conditions de vie outre-mer sont quant à elles en recul, en raison de leur niveau très élevé l'année dernière, qui était lié à des projets à caractère exceptionnel.
Dans le détail, la progression des crédits de l'action 01 Logement, tant en AE qu'en CP, avec des hausses respectives de 4,45 % et de 13,61 %, est une bonne chose. Je salue l'extension de l'éligibilité de l'aide à l'amélioration de l'habitat, déjà ouverte aux propriétaires très modestes, qui s'étend dorénavant aux propriétaires modestes.
J'aimerais aussi dire quelques mots au sujet de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), qui est l'unique opérateur de la mission et dont je suis les activités avec attention. Je suis heureux de voir se concrétiser en 2022 une recommandation de la Cour des comptes tendant à un rapprochement de LADOM avec Pôle emploi. Après accord des conseils d'administration en 2021, l'accord de partenariat porte principalement sur des actions de formation, sur l'indemnisation des stagiaires et sur l'accompagnement post-formation. C'est un progrès pour les populations ultramarines. Notons en premier lieu que le plan France relance, décliné sur l'ensemble du territoire national, inclut naturellement les outre-mer pour des crédits évalués, selon le ministère, à 1,5 milliard engagés de 2020 à 2022. Ajoutons, en second lieu, qu'il existe des dispositifs France relance spécifiquement fléchés vers les territoires ultramarins.
Mes chers collègues, le fait d'être satisfait de l'évolution globale des crédits de la mission n'empêche pas un regard critique. À cet égard, je souhaite évoquer avec vous trois points, dont le premier est la question des algues sargasses. Pour la première fois, le programme porte les crédits de l'État à 2,5 millions d'euros pour accompagner les collectivités confrontées à ce phénomène. Il faut s'en féliciter, mais je m'interroge sur le caractère opérationnel de cette aide. En effet, elle ne sera versée aux collectivités qu'après engagement des dépenses. Il me semble que cela ne répond pas aux nombreuses situations où les collectivités sont dépassées par l'ampleur du phénomène ; je pense par exemple à l'île de Marie-Galante. Il est essentiel que l'État prenne davantage ses responsabilités dans la gestion de ce fléau.
Ma deuxième interrogation porte sur l'action 04 Financement de l'économie du programme Emploi outre-mer. Lors de l'extinction du dispositif de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR), le Gouvernement avait promis de redéployer les 100 millions d'euros de dépenses fiscales en les inscrivant sur cette action. Or, avec 24 millions d'euros aujourd'hui, le compte n'y est vraiment pas. J'ai d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet.
Ma troisième interrogation concerne le retour des forces vives. Il est important pour moi, alors que nous discutons des crédits de la mission – et donc de la continuité territoriale – de poser à tous la question suivante : que faisons-nous concrètement pour répondre au manque de personnel qualifié dans certains secteurs en outre-mer, au vieillissement de la population et aux difficultés que rencontrent, pour rentrer au pays, certains jeunes qui ont étudié dans l'Hexagone ? Nous ne pourrons pas faire longtemps l'économie d'un débat de fond et je vous présenterai plus tard, par voie d'amendement, des mesures d'amélioration. Sous les réserves que je viens d'exprimer, je vous appelle à l'adoption des crédits de la mission "Outre-mer" .
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. Philippe Bolo, suppléant M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Je prends aujourd'hui la parole au nom de mon collègue Max Mathiasin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission "Outre-mer" , qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Même si elle représente 12 % de l'effort budgétaire de l'État en faveur des outer-mer, la hausse des moyens de la mission "Outre-mer " reste très modeste au regard des enjeux des territoires ultramarins. Les autorisations d'engagement diminuent de 2,7 %, soit 2,6 milliards d'euros, en raison de la baisse du niveau de consommation des exonérations de cotisations sociales patronales à la suite de la crise de la covid-19. Les crédits de paiement, quant à eux, sont en légère augmentation de 1,25 %, soit 2,5 milliards d'euros.
Au sein du programme 138 Emploi outre-mer, l'action Soutien aux entreprises concentre 93 % des crédits. En 2022, les entreprises ultramarines disposeront des mêmes dispositifs d'aide qu'en 2021, et même davantage puisque l'exonération de cotisations sociales sera étendue au secteur de l'aéronautique. Il convient de saluer l'importance de cette évolution. Les crédits de l'action Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle sont en hausse de 6,4 % et financeront une nouvelle dynamique de déploiement du service militaire adapté, dans le cadre du plan SMA 2025+. En revanche, Max Mathiasin regrette que les crédits consacrés aux actions Pilotage des politiques des outre-mer et Financement de l'économie n'augmentent pas. Dans le contexte actuel de flambée du coût du fret, une hausse de l'aide au transport maritime aurait été la bienvenue.
Le programme 123 Conditions de vie outre-mer enregistre une hausse de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement de l'action Logement, pour le plan logement pour l'outre-mer déployé dans les cinq départements et régions d'outre-mer (DROM) : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte. Il convient également de noter deux mesures nouvelles, visant des situations spécifiques : 2,5 millions seront mobilisés pour accompagner les collectivités territoriales antillaises dans les opérations de ramassage des sargasses et 1,4 million pour mener, dans un cadre expérimental, une action d'accompagnement global des jeunes en errance à Mayotte.
Pour toutes ces raisons, et malgré les insuffisances relevées, mon collègue Max Mathiasin se prononce en faveur de l'adoption des crédits de la mission "Outre-mer" .
J'en viens à présent à la partie thématique de l'avis budgétaire de mon collègue, qu'il a choisi de consacrer à l'autonomie alimentaire dans les outre-mer, en particulier dans les DROM. Lors d'un déplacement en octobre 2019 sur l'île de La Réunion, le Président de la République a fixé un objectif ambitieux d'autonomie alimentaire en 2030 pour les outre-mer. Comme vous le savez, le changement de modèle agricole représente un défi majeur pour les territoires ultramarins, en raison de contraintes particulières d'ordre géographique, climatique, économique, social, agronomique et politique.
Les taux de couverture alimentaire sont relativement faibles selon les territoires et les productions : pour les fruits et légumes frais, il est par exemple de 43 % en Guadeloupe et de 26 % en Martinique ; pour les viandes, La Réunion se distingue avec un taux de couverture alimentaire de 100 % pour le porc. La surface manquante pour couvrir l'ensemble des besoins en fruits et légumes frais est estimée entre 7 et 15 % de la surface agricole utile des DROM.
Si l'objectif d'autonomie alimentaire à l'horizon 2030 semble difficilement réalisable, des marges de manœuvre peuvent néanmoins être dégagées pour améliorer certains taux de couverture, notamment en fruits et légumes. Dans son avis, Max Mathiasin propose notamment un accompagnement technique et administratif des agriculteurs, la lutte contre l'artificialisation des sols afin d'augmenter la surface agricole utile et un accès facilité des producteurs et de leurs produits aux marchés publics, par exemple ceux de la restauration collective. Il plaide également en faveur du développement des pratiques agroécologiques qui permettent le maintien ou l'augmentation de la production tout en diminuant les intrants. Enfin, il appelle de ses vœux une augmentation continue et régulière des crédits relatifs à la diversification des filières animales, mais aussi et surtout végétales.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit également.
La parole est à M. Philippe Naillet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je ne reviendrai pas en détail sur les principaux chiffres du budget de la mission "Outre-mer," qui reste relativement stable par rapport aux années passées, les autorisations d'engagement s'établissant à 2,6 milliards d'euros et les crédits de paiement à 2,5 milliards. Je note néanmoins que le recul des autorisations d'engagement et des crédits de paiement du programme Emploi outre-mer, qui finance notamment le soutien aux entreprises ultramarines et l'aide à l'insertion professionnelle, est fortement lié au contexte sanitaire et économique. Souhaitons que ce mouvement ne soit que passager – du moins, je l'espère.
Le programme Conditions de vie outre-mer connaît une dynamique plus favorable. Il comprend notamment les contrats de convergence et de transformation (CCT), les crédits consacrés au logement, à la continuité territoriale ou encore aux établissements scolaires.
Ces constats dressés, je souhaite appeler l'attention de notre assemblée sur deux points importants. D'une part, le programme Conditions de vie outre-mer se signale par une baisse des crédits consacrés à la continuité territoriale et aux collectivités territoriales, qui soutiennent notamment la mobilité professionnelle et personnelle des ultramarins, ainsi que de ceux dédiés aux établissements scolaires. Je défendrai donc des amendements en faveur de leur maintien au niveau de l'année précédente. Je soutiendrai également un amendement en faveur de l'aide au fret, dont le coût connaît, comme chacun sait, une hausse exponentielle depuis le début de l'année 2021, entraînant des conséquences graves pour les entreprises ultramarines et le pouvoir d'achat de nos populations.
D'autre part, il convient de se pencher sur le taux d'exécution des crédits : ce qui compte en définitive pour les ultramarins et pour les entreprises, ce n'est pas tant les crédits ouverts que ceux qui sont effectivement consommés. Plusieurs points de vigilance méritent à cet égard d'être soulignés.
La signature des contrats de convergence et de transformation est à présent effective pour les cinq DROM, ainsi que pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna et Saint-Martin. Mais la consommation des crédits au 31 décembre 2021 reste bien inférieure aux montants contractualisés, dont elle ne représente que 18 %. Selon nos prévisions, ce chiffre devrait avoisiner les 30 % à la fin de l'année 2022. La semaine dernière, devant la commission des lois, vous avez fait part, monsieur le ministre, de votre optimisme quant aux perspectives d'exécution à venir grâce à l'effet de levier des crédits de la relance et de la fin de la crise sanitaire. Notre assemblée devra suivre attentivement ce point.
Il en est de même s'agissant du fonds exceptionnel d'investissement : la discordance entre les autorisations d'engagement de 110 millions et les crédits de paiement de 63 millions d'euros illustre l'état d'avancement des projets. Alors que les territoires ultramarins font face à des difficultés économiques et sociales importantes, que leur isolement constitue un défi économique supplémentaire et que le niveau de vie de leurs habitants est structurellement inférieur à celui de la France hexagonale, nous ne pouvons nous permettre de ne pas mobiliser pleinement les crédits votés. J'entends bien que la crise sanitaire a pu entraîner des difficultés d'exécution dans plusieurs secteurs, mais il ne faudrait pas qu'elle devienne l'arbre qui cache la forêt. Notre assemblée devra également être vigilante sur ce point.
Pour terminer, je souhaite dire un mot sur l'exécution des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) qui finance le logement dans les cinq départements et territoires d'outre-mer. Je me réjouis bien sûr que les difficultés structurelles d'exécution se résorbent progressivement depuis un an ou deux, mais regrette que cette amélioration intervienne après plusieurs années de baisse du niveau des crédits. Il faudra s'assurer que les hausses de crédits de la LBU dans le projet de loi de finances pour 2022 ne remettent pas en cause cette dynamique d'exécution favorable. Cette embellie ne doit cependant pas masquer les difficultés structurelles. Je rappelle que le nombre de logements financés et livrés n'a fait que diminuer depuis plusieurs années : on en a compté 8 164 en 2020 contre 11 292 en 2013, soit une baisse de 28 %.
Les causes de cette diminution sont connues : sans m'attarder, je citerai les problèmes de mobilisation du foncier, le coût du foncier aménagé, les paramètres de financement parfois inadaptés aux besoins et aux moyens des ménages, les complexités administratives et, enfin, un manque d'ingénierie au sein des collectivités, qui ne sont pas suffisamment accompagnées. Telles sont les principales remarques que je souhaitais formuler sur ce budget.
Mme Karine Lebon et M. Jean-Philippe Nilor applaudissent.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.
Nous examinons aujourd'hui le dernier budget de la mission "Outre-mer" du mandat d'Emmanuel Macron. C'est l'occasion de dresser un premier bilan – que vous ne partagerez sans doute pas, monsieur le ministre, mais vous êtes arrivé en cours de législature.
Sur le plan de l'emploi, le chômage de masse persiste et touche principalement les jeunes. Conclusion : Emmanuel Macron a échoué.
En ce qui concerne le logement, la fondation Abbé Pierre tire toujours la sonnette d'alarme, car la situation reste quasiment semblable, voire se dégrade par rapport à 2017.
En matière de santé, nombre de patients refusent de se faire soigner par manque de moyens et l'hôpital public répond de moins en moins à sa mission de service public – j'en profite pour souligner que l'État refuse toujours de réviser le coefficient géographique qui s'applique à nos hôpitaux.
Sur le plan du pouvoir d'achat des ultramarins, les ingrédients ayant conduit au mouvement des gilets jaunes restent très présents, voire se sont amplifiés – c'est l'échec !
Pour ce qui est de l'écologie et de l'économie de la mer, nous déplorons que vous ayez fait marche arrière sur la politique de freinage des émissions de gaz à effet de serre et sur l'usage des produits phytosanitaires dans les outre-mer. Les territoires d'outre-mer présentent pourtant des atouts considérables en matière d'économie de la mer et permettent à la France de se situer au second rang des puissances maritimes mondiales. Cet or bleu, qui aurait pu être le moteur de la transition écologique, a été totalement ignoré.
Le retour des fonctionnaires ultramarins sur leur terre d'origine par le biais du Centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) reste un problème non résolu.
Enfin, la pauvreté est toujours très présente dans nos territoires. En conclusion, le bilan est très mitigé, pour ne pas dire globalement mauvais.
Néanmoins, quelques points positifs méritent d'être soulignés. En effet, par un courrier en date du 6 juillet 2020, j'avais interpellé le Gouvernement sur la situation financière des collectivités d'outre-mer, prenant pour exemple des villes de ma circonscription, notamment celle de Saint-Benoît. J'y indiquais que lors de son discours d'investiture, le nouveau maire de la ville avait annoncé un déficit de 41 millions d'euros et j'affirmais que cette situation devait retenir toute votre attention. Vous y avez répondu favorablement, dès le mois de février 2021, à travers le contrat de redressement en outre-mer (COROM) pour Saint-Benoît, mais également grâce à un accompagnement exceptionnel des projets pour des villes de la communauté intercommunale de La Réunion Est (CIREST) et Saint-Philippe. Vous avez en outre annoncé une subvention exceptionnelle d'un montant total de 6,5 millions d'euros au titre de l'année 2021 pour les COROM, dont celui de Saint-Benoît. Ces actions concernent six villes sur sept de ma circonscription : je ne peux qu'être satisfait, je le dis très sincèrement.
Mais il faut aller plus loin, car cela reste insuffisant. L'outre-mer souffre énormément et des efforts exceptionnels doivent être consentis, notamment sur les questions de l'approvisionnement en eau et de la pauvreté.
Aussi, monsieur le ministre, sachez que j'ai abandonné tout espoir de voir sous ce quinquennat un budget qui soit à la hauteur des enjeux de l'outre-mer. Mon espoir repose désormais sur un prochain mandat et l'application du programme de la France insoumise : l'Avenir en commun.
Je forme tout de même le vœu de faire progresser ce budget pour 2022 : c'est pourquoi je présenterai plusieurs amendements visant à améliorer le cadre de vie des ultramarins, amendements qui, je l'espère, trouveront un écho favorable auprès de vous, mais aussi auprès de mes collègues députés.
Je formule cependant une première requête, que j'aimerais voir traitée le plus rapidement possible par votre ministère : il y va de la stabilité de nos entreprises et du pouvoir d'achat des ultramarins. La situation s'aggrave et il est urgent d'agir. Le coût du fret maritime explose, entraînant un affaiblissement des entreprises et une aggravation du coût de la vie. Au nom de la justice sociale, il serait légitime que l'État n'applique pas la taxation sur les surcoûts du fret. C'est pourquoi je vous demande de réviser en urgence les bases de taxation, ce qui produira un effet positif sur les entreprises et permettra un gel des prix à la consommation.
Pour conclure, monsieur le ministre, et comme je l'ai indiqué, je défendrai plusieurs amendements sur la mission "Outre-mer" . Le vote de mon groupe dépendra des réponses que vous y apporterez.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Ironie du sort, l'examen de la mission "Outre-mer" intervient dans un contexte dramatique et inédit : à la hausse du chômage et à la pauvreté galopante s'ajoute un confinement qui s'éternise, comme pour mettre nos territoires à genoux. Cette situation exige des réponses concrètes, à la hauteur des enjeux.
Les difficultés de l'emploi se sont amplifiées démesurément dans les outre-mer : l'économie est totalement à l'arrêt, les emplois sont menacés par milliers, le secteur productif agonise, la dépendance se renforce, et l'on assiste à un exode des jeunes inquiétant et mortifère pour notre avenir.
Quelle a été la traduction réelle du « quoi qu'il en coûte » dans nos territoires ? Qu'il s'agisse du chômage partiel, des prêts garantis par l'État (PGE), des exonérations de charges, de l'abaissement de seuil de perte de chiffre d'affaires à 50 % ou du fonds de solidarité, nos TPE ont été largement laissées pour compte. Combien d'entre elles ont émargé aux dispositifs de relance de l'État ? Ces outils, séduisants en théorie, se révèlent particulièrement inadaptés dans la pratique.
S'agissant des conditions de vie, le programme 123 reflète-t-il réellement le vécu des populations ultramarines ? Il est question d'une mission de sauvetage face à l'exceptionnelle flambée des prix des matières premières dans la construction, des biens d'équipement, du transport et des denrées alimentaires de première nécessité. La satisfaction des besoins primaires de nos populations – se nourrir, se loger, se déplacer, travailler – aurait dû être inscrite au cœur du budget. Or, dans sa structure comme dans son esprit, celui-ci ne diffère guère des précédents, eux-mêmes analogues aux précédents : on n'y décèle aucune salutaire prise de conscience du caractère multidimensionnel et de l'acuité de la crise sanitaire, sociale, économique, démographique et sociétale qui nous frappe durement.
La construction et la réhabilitation des logements sociaux, à la base de la dignité humaine, doivent constituer une priorité non négociable.
À la Martinique, les 600 opérations de réhabilitation programmées dans le parc privé, ainsi que les 100 opérations de construction de logements neufs, voient leur réalisation plus que compromise par des coûts supplémentaires. Leurs plans de financement ayant été figés par des arrêtés de la ligne budgétaire unique avant le phénomène inflationniste – et même surinflationniste – actuel, ces opérations vitales de réhabilitation et de construction risquent de ne jamais voir le jour. Cela remet en cause l'essence même de la politique de logement social en outre-mer, notamment en matière de sécurité, de santé publique et de maintien à domicile des personnes âgées et vulnérables.
La mission Outre-mer est donc nettement en deçà des attentes ; en l'état, elle ne répondra pas à nos besoins criants. Aussi formulons-nous trois propositions. Premièrement, nous préconisons la création d'un dispositif d'accompagnement dédié aux entreprises ultramarines, afin de prévenir la destruction massive d'emplois et d'assurer la survie de nos très petites entreprises. Deuxièmement, un fonds d'urgence devrait être créé pour faire face aux surcoûts touchant les matériaux de construction : il abonderait les financements des intercommunalités, et leur permettrait d'aider les bénéficiaires à constituer leurs apports personnels lors des opérations d'amélioration et d'accès à l'habitat. Troisièmement, la part de l'État dans le financement du logement social doit être harmonisée. Est-il normal que les taux soient différenciés selon les territoires, l'intervention de l'État s'élevant à 70 % à la Guadeloupe et à La Réunion, mais à 60 % à la Martinique et en Guyane ? Où est la logique ? Il convient d'aligner le taux sur le niveau supérieur, dont bénéficient déjà la Guadeloupe et La Réunion.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à appliquer ces mesures exceptionnelles, qui sont très attendues par nos populations – notamment les plus démunies ? Notre vote dépendra de l'ouverture d'esprit dont vous ferez preuve face à nos propositions concrètes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.
Le projet de loi de finances que nous examinons, dernier du quinquennat du Président Macron, nous offre l'occasion de dresser un bilan de la politique ultramarine du Gouvernement. Parmi ses éléments marquants, citons le lancement des assises des outre-mer : elles ont donné lieu à un Livre bleu présenté comme la feuille de route de l'action du Gouvernement en outre-mer, qui a trouvé sa première réalisation concrète dans les contrats de convergence et de transformation (CCT) signés en 2019. Le but est d'accompagner et de soutenir le développement économique et social de ces territoires qui sont parmi les plus pauvres de France – je pense surtout à la Guyane et à Mayotte.
Certes, la tâche n'est pas aisée, et la crise sanitaire a mis en lumière la fragilité des outre-mer. De manière générale, l'enveloppe budgétaire qui leur a été allouée durant le quinquennat a été constante, sans augmentation ni diminution majeure. L'effort budgétaire global de l'État envers les outre-mer est inscrit dans les documents de politique transversale ; il se décline dans 102 programmes relevant de 31 missions, auxquels s'ajoutent des prélèvements sur recettes. En 2022, l'effort total de l'État devrait s'élever à 25,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 27,2 milliards en crédits de paiement.
S'agissant plus précisément de la mission "Outre-mer" , qui ne comporte que deux programmes – le programme 138 consacré à l'emploi et le programme 123 consacré aux conditions de vie – je me concentrerai sur quelques mesures qui méritent d'être saluées. Les crédits de paiement de l'action 03 Continuité territoriale progressent de 8,6 %, pour atteindre 44,88 millions d'euros ; cette augmentation traduit l'élargissement à de nouveaux publics de certains dispositifs, notamment en matière de continuité funéraire. Les crédits alloués au service militaire adapté sont également en augmentation, afin de couvrir le lancement de l'expérimentation SMA 2025+ et la création de compagnies supplémentaires en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte en 2022. Je ne peux que m'en réjouir, surtout pour mon territoire, qui est le plus jeune de France et le plus touché par le chômage – lequel frappe majoritairement les jeunes.
Quant aux crédits de l'action 01 Logement, ils progressent de 4,45 % en autorisations d'engagement et de 13,6 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2021 : cette progression poursuit la dynamique engagée depuis la signature du plan Logement outre-mer. En matière de lutte contre l'habitat indigne et insalubre, le développement sur cinq ans d'une nouvelle offre – le logement locatif très social adapté (LLTSA) – à la Guyane et à Mayotte constitue une avancée majeure. Il est en outre prévu de construire de nouveaux établissements scolaires à la Guyane, ainsi qu'à Mayotte pour l'enseignement du premier degré.
Je persiste toutefois à nourrir des interrogations et des réserves. En matière de foncier, il reste beaucoup à faire, notamment à Mayotte. Il serait utile d'augmenter les crédits de la commission d'urgence foncière (CUF), et de prolonger sa mission. Qu'en est-il, par ailleurs, de la création d'un tribunal foncier ?
En matière de santé, la lutte contre la désertification médicale dans les outre-mer doit être renforcée, notamment à Mayotte, plus grand désert médical de France. La Guyane est également en grande souffrance. Les amendements que j'ai déposés depuis 2018 pour améliorer l'attractivité médicale, demandant en particulier l'intégration de ce secteur dans les zones franches d'activité nouvelle génération (ZFANG), ont été rejetés au motif qu'ils impliquaient une rupture d'égalité devant l'impôt entre les médecins qui étaient déjà installés et ceux qui étaient en voie d'installation. Je le comprends, mais quelles autres solutions nous proposez-vous, monsieur le ministre ?
Il convient par ailleurs de soutenir les efforts de convergence des droits sociaux, en alignant le SMIC de Mayotte sur celui du reste des outre-mer.
Enfin, il semble urgent que la mission "Outre-mer" dédie un programme à la compensation des difficultés d'accès à la ressource en eau ; entre autres illustrations, les administrés de la Guadeloupe ne peuvent plus s'entendre dire qu'il ne s'agit pas là d'une compétence étatique.
Le prochain budget doit faire cet effort moral et financier.
Je prends note des avancées réelles de la politique ultramarine du Gouvernement et de sa prise en considération des spécificités de nos territoires, dont témoigne notamment la déclinaison locale du plan de relance. Je ne le dirai jamais assez : il est urgent d'accompagner durablement la transformation des économies ultramarines : ces territoires de la République sont de véritables atouts à valoriser. Dans un contexte de contrainte budgétaire, le présent budget remporte notre adhésion, malgré quelques réserves. Aussi le groupe La République en marche le soutiendra-t-il et le votera-t-il.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues ultramarins, chers collègues de l'Hexagone – vous n'êtes guère nombreux, mais je remercie ceux qui sont présents… –, l'examen du présent budget, dernier de la législature, est l'occasion de dresser le bilan du ministère des outre-mer. Je dois d'abord saluer votre engagement personnel, monsieur le ministre, dans un ministère qui est sûrement l'un des plus difficiles qui soient : vous devez gérer tout à la fois les catastrophes naturelles, les révoltes sociales, les crises économiques et les crises institutionnelles sur presque tous les océans du globe, sur une superficie à peine moins grande que celle que couvre le président des États-Unis, mais avec le plus petit budget du Gouvernement. Vous êtes un héros national !
Sourires sur divers bancs. – Mmes Justine Benin, Maud Petit et Nicole Dubré-Chirat applaudissent.
La mission Outre-mer est divisée en deux programmes. Dans le programme 123, visant à améliorer le cadre de vie, vos engagements sont plus faibles que l'année dernière, mais les crédits de paiement augmentent. Concernant le logement, la courbe s'est certes inversée depuis votre arrivée, mais la ligne budgétaire unique reste inférieure de 40 millions d'euros à celle de 2013. Quant au programme 138, consacré à l'emploi, ses crédits reculent en raison de la crise économique. Ces deux programmes représentent un budget de 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,4 milliards en crédits de paiement.
À l'heure du bilan, la vraie question est de savoir si le budget des outre-mer a baissé ou augmenté entre 2017 et 2022. Votre budget affiche une hausse d'environ 400 millions d'euros en cinq ans, monsieur le ministre, mais cette augmentation n'est que faciale, et non sincère. Entre 2017 et 2022, en effet, le programme 123 Conditions de vie outre-mer a perdu 93 millions d'euros. Pour ce qui est du programme 138 Emploi outre-mer, l'augmentation de 500 millions d'euros en 2019 était fictive, car elle provenait de deux sources qui bénéficiaient déjà aux outre-mer : d'une part, la transformation structurelle du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en exonération de charges, d'autre part, la transformation d'une aide fiscale en soutien budgétaire. En comparant les budgets de 2017 et de 2022, on constate l'absence de réelle augmentation pour les outre-mer.
Vous me répondrez à juste titre, monsieur le ministre, que le budget des outre-mer ne représente pas la totalité du budget investi dans ces territoires, et qu'en réalité, les sommes investies sont plus proches de 19 milliards que de 2,5 milliards d'euros. C'est vrai. Toutefois, le budget retracé dans les documents de politique transversale comporte en grande partie des dépenses régaliennes de fonctionnement, plutôt qu'un effort budgétaire spécifique de rattrapage en outre-mer.
D'ailleurs pendant ces deux mandats, aucun projet de loi spécifique aux outre-mer n'est venu améliorer la vie des ultramarins. Je plaide, pour ma part, pour une vraie cohérence et un pilotage différent entre le budget des outre-mer, qui depuis 2017 n'est qu'un jeu d'écritures à somme nulle, et le budget de la politique transversale, qui n'est jamais évoqué, car notre discussion se limite souvent aux deux missions 123 et 138. Ainsi, de nombreux problèmes ultramarins ne sont jamais abordés, et c'est précisément ce que je souhaiterais faire à l'occasion de cette discussion budgétaire.
Pourquoi, monsieur le ministre de l'outre-mer chargé du logement, n'applique-t-on pas sur nos territoires l'ensemble des aides de l'ANAH, l'Agence nationale de l'habitat, comme promis par l'ancienne locataire du ministère, notamment en déployant les missions de l'Agence qui bénéficient, par exemple, aux propriétaires occupants ?
Pourquoi, monsieur le ministre de l'outre-mer chargé de l'intérieur, n'applique-t-on pas dans nos territoires la même répartition des zones police et gendarmerie ?
Mme Karine Le Bon applaudit.
Que peut-on dire aussi aux fonctionnaires ultramarins de police ou de l'administration pénitentiaire qui demandent depuis quinze années leur retour au pays ?
Mme Karine Le Bon et M. Jean-Philippe Nilor applaudissent.
Pourquoi, monsieur le ministre de l'outre-mer chargé de la santé, la santé mentale est-elle toujours le parent pauvre des hôpitaux, notamment à La Réunion, avec un nombre de lits toujours très insuffisant par rapport aux hospitalisations ? Pourquoi, après tant d'années, comme l'ont dit certains de nos collègues, le coefficient géographique, que tous les parlementaires demandent depuis cinq ans, n'est-il toujours pas modifié ?
Pourquoi, monsieur le ministre de l'outre-mer chargé de l'agriculture, devons-nous subir cette injustice consistant à nous voir imposer l'obligation d'un avis conforme de la CDPENAF, la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, différent de celui qui s'applique sur le territoire métropolitain ?
Mme Karine Le Bon applaudit.
Pourquoi, en outre-mer, les retraités agricoles qui ont travaillé toute leur vie touchent-ils en moyenne seulement 300 euros, alors que vous venez de signer un contrat d'engagement à 500 euros ?
Pourquoi, monsieur le ministre de l'outre-mer chargé des transports, n'avance-t-on pas plus vite en matière de continuité territoriale et pourquoi ne s'intéresse-t-on pas à Air Austral, qui risque de disparaître si le Gouvernement n'intervient pas fortement ?
Monsieur le ministre de l'outre-mer, votre budget affiche certes une augmentation des chiffres depuis 2017, mais il a simplement changé de périmètre entre 2017 et 2022. Nous avons évidemment bénéficié des fonds de France relance et les avons utilement utilisés. Nous avons certes vu qu'un travail a été accompli et que ce budget n'a pas baissé, mais nous n'avons pas vu de vraie ambition pour l'outre-mer – plutôt un don politique très pointu pour satisfaire l'ensemble des collectivités et de vos interlocuteurs. Chacun, au sein du groupe Les Républicains, se positionnera donc en fonction des réponses qu'il obtiendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe GDR.
Monsieur le ministre, je connais votre engagement au service de l'outre-mer, et tout particulièrement pour répondre aux problèmes du quotidien de nos concitoyens. Vous avez pris la mesure des spécificités de nos territoires, et ce budget en est l'illustration.
Les crédits de la mission "Outre-mer " pour 2022 s'élèvent à près de 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à près de 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement, qui sont en augmentation. Comme vous l'avez dit, les crédits de paiement sont un marqueur essentiel de l'activité réelle. Leur hausse est donc une bonne nouvelle pour nos territoires.
Le Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés tient à saluer la hausse de 4,45 % des crédits de la ligne budgétaire unique consacrés au logement social, dans le prolongement de l'augmentation votée l'année dernière. Il s'agit là d'une politique forte visant à lutter contre l'habitat indigne et à favoriser l'accès au logement. Vous allouez des crédits pour l'accession à la propriété, mais aussi pour l'amélioration de l'habitat privé et l'acquisition de terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique. J'y suis particulièrement sensible et je reste mobilisée depuis des lustres par ces questions récurrentes.
Je souligne également la reconduction des crédits supplémentaires en faveur de l'insertion des jeunes et le maintien, dans l'ensemble des territoires, des financements en faveur de LADOM, ainsi que les crédits de 1,4 million d'euros dégagés en faveur d'actions destinées à accompagner les mineurs en déshérence.
Il me paraît essentiel d'évaluer LADOM, afin que ce dispositif reste un véritable outil d'insertion, mais aussi d'aide au retour. Nous vivons en effet un exode de notre jeunesse de Guadeloupe, de Martinique et d'autres territoires des outre-mer. J'ai déposé, à titre individuel, un amendement en ce sens, qui vise à la remise d'un rapport gouvernemental pour évaluer l'activité d'accompagnement et d'insertion de nos jeunes ultramarins par LADOM, en particulier le dispositif du passeport pour la mobilité de la formation professionnelle, au vu du contexte d'exode massif de notre jeunesse des territoires des outre-mer.
Pour ce qui concerne l'accompagnement des collectivités locales, les 110 millions d'euros du FEI, le Fonds exceptionnel d'investissement, sont à nouveau maintenus, ce qui abondera notamment les enveloppes destinées aux contrats de convergence et de transformation.
Je tiens également à souligner la nécessité de mieux accompagner nos collectivités dans la mise en œuvre de leurs projets structurants, indispensables pour nos territoires, et dans le respect des délais fixés, en créant un pool d'ingénierie, pour la création duquel je crois utile de réfléchir à l'institution d'un fonds. Il existe certes des comités de pilotage, et les collectivités – qu'il s'agisse des maires ou des présidents des régions, des départements ou des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale – restent mobilisées, mais nous pouvons aller plus loin tous ensemble pour faire mieux, dans l'intérêt général de nos territoires et de ceux qui y vivent.
Pour revenir plus spécifiquement au projet de loi de finances pour 2022, le groupe Démocrates note deux avancées majeures. La première, qui concerne directement les collectivités locales, est la création d'une nouvelle ligne budgétaire de 2,5 millions d'euros destinée à accompagner les opérations de ramassage d'algues sargasses, cause d'un drame environnemental qui frappe nos territoires de Guadeloupe et de Martinique. Je souhaite que l'ensemble des présidents de collectivités et des maires s'emparent de ce budget – je pense au Moule, à l'Anse-Bertrand et à La Désirade, très souvent bloqués quand les bateaux ne peuvent accoster sur ces petits territoires.
La seconde avancée concerne l'augmentation des aides aux propriétaires, ciblée sur les ménages modestes et destinée à renforcer la rénovation du parc privé. Avec cette mesure nouvelle, il ne s'agit plus seulement d'accompagner les ménages très modestes, mais également les ménages modestes appartenant à la classe moyenne dans l'amélioration du logement dont ils sont propriétaires. C'est une mesure importante.
Si ce budget va dans le bon sens, je souhaite que nous prêtions également une attention toute particulière aux crédits du plan de relance pour les outre-mer. En effet, les incidences économiques de la crise sanitaire, en particulier sur nos TPE, sont lourdes et difficiles à vivre au quotidien. Nombre de secteurs essentiels sont fragilisés, même si les différentes aides ont été maintenues, et parfois renforcées, pour accompagner l'ensemble du secteur économique. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, depuis le 1er octobre, les territoires ultramarins soumis à des restrictions d'activité sont désormais les seuls en France à bénéficier du fonds de solidarité et du dispositif d'activité partielle, sans reste à charge pour les entreprises dès 60 % de perte de chiffre d'affaires. Nous souhaitons que cette approche, qui tient compte des particularités locales, puisse se poursuivre.
Pour ce qui est, enfin, de l'octroi de mer, qui a été reconduit, notre groupe salue votre décision de porter le seuil d'assujettissement des petites entreprises de 300 000 à 550 000 euros de chiffre d'affaires. Nous devrions toutefois engager une véritable réflexion sur l'octroi de mer avant l'échéance des six ans.
Mes chers collègues, comme vous l'aurez compris, le groupe Démocrates votera en faveur des crédits de cette mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Maina Sage applaudit également.
Nous voici arrivés à la discussion du dernier budget de cette législature pour les outre-mer. Affichant une relative stabilité par rapport à l'an dernier, il présente une hausse des crédits de paiement de 2,46 milliards d'euros et une baisse des autorisations d'engagement qui, à 2,63 milliards d'euros, subissent une diminution de 2,7 %. Nous sommes conscients que les crédits de cette mission ne représentent qu'une toute petite partie des crédits totaux alloués aux outre-mer et qu'une trentaine de missions incluent des financements en direction de nos territoires. Cependant, au-delà des éléments que vous nous avez donnés, notamment à propos de la crise sanitaire, notre groupe Socialistes et apparentés souhaite obtenir plus d'explications concernant les baisses de crédits que connaît cette mission.
Pour ce qui concerne, d'autre part, le programme Conditions de vie outre-mer, nous nous étonnons des diminutions opérées en autorisations d'engagement sur deux actions. D'une part, en effet, l'action 6 Collectivités territoriales perd 6,82 %. Sachant que les collectivités souffrent déjà d'une baisse de leurs dotations, nous ne nous expliquons pas les diminutions de crédits opérées, car cette action a pour objectifs de maintenir la capacité financière des collectivités territoriales ultramarines et de favoriser l'égal accès des populations aux services publics locaux, notamment en matière d'éducation, d'apporter une aide d'urgence aux collectivités frappées par des catastrophes naturelles ou autres événements dramatiques tels que ceux que nous avons connus ces derniers temps, et d'appuyer les actions en matière de sécurité et de défense civiles.
D'autre part, l'action 9 Appui à l'accès aux financements bancaires, dont le but est de favoriser les investissements des acteurs publics et d'assurer une meilleure couverture des risques au moyen d'une bonification d'intérêt aux prêts accordés aux collectivités et aux personnes publiques, perd près de 25 %.
Par ailleurs, en ce qui concerne le programme Emploi outre-mer, au vu du contexte économique, nous ne comprenons pas le manque d'investissement sur l'action 4 Financement de l'économie, qui permet de financer le développement économique et l'attractivité des territoires.
Pour remédier à ces baisses, notre groupe a proposé en commission des amendements visant à augmenter, pour les raisons évoquées, les crédits pour l'action Collectivités territoriales ; l'aide au fret, dont les coûts ont largement augmenté ; la continuité territoriale, en partant du principe que les années 2022 et 2023 verront une hausse des demandes d'aides à ce titre ; le renforcement des statistiques publiques dans les outre-mer pour améliorer le pilotage des politiques publiques ; la prorogation du dispositif de défiscalisation ; l'élargissement de la réduction d'impôt aux travaux d'amélioration des logements ; la conservation du niveau des crédits pour l'appui à l'accès aux financements bancaires ; le soutien aux entreprises et associations ultramarines ayant pour objectif d'accompagner le développement économique et l'attractivité de nos territoires ; enfin, l'obtention de moyens supplémentaires pour les structures locales d'insertion. Malheureusement, tous ces amendements ont été rejetés sans explications préalables. Nous espérons un autre regard sur les propositions que nous formulons pour les outre-mer dans cette discussion budgétaire et, en cas de rejet, que ce dernier soit au moins motivé.
Monsieur le ministre, de nombreuses voix s'élèvent pour regretter l'absence d'une vraie loi programmatique pour les outre-mer. Elles regrettent aussi la suppression de la TVA non perçue récupérable, les outils fiscaux pour les logements sociaux et les abattements à l'impôt sur le revenu, la réforme des aides économiques sans concertation ni évaluation au préalable, l'abandon de la lutte contre la vie chère et la trop forte réduction de la ligne budgétaire unique.
Toutefois, nous savons votre connaissance de nos territoires et votre attachement envers les outre-mer et nos populations, et nous savons combien de kilomètres vous avez parcourus pour venir au secours de celles-ci. Nous sommes conscients de votre attachement pour nous. Avec cette discussion en première lecture, nous pensons qu'une véritable occasion de rattrapage se présente en faveur de nos territoires ultramarins. Nous attendons donc une réelle prise en compte de l'alerte que nous lançons pour les outre-mer dans le cadre de cette discussion budgétaire.
Les membres de notre groupe se prononceront en élus responsables, mais qui se savent regardés depuis l'autre bord.
M. Philippe Naillet applaudit.
Monsieur le président de l'Assemblée nationale, je vous remercie de nous faire l'honneur de votre présence pour cette séance consacrée aux outre-mer. Nous voilà réunis pour le dernier budget de la mandature relatif aux crédits de la mission "Outre-mer" , d'un montant stable qui se situe autour de 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,4 milliards d'euros en crédits de paiement.
Comme l'ont dit mes prédécesseurs, ces crédits ne reflètent pas évidemment la totalité des engagements de l'État en faveur de nos territoires : si l'on prend toutes les missions, nous atteignons en effet quasiment 20 milliards d'euros, sans compter les crédits d'impôt.
Je veux toutefois souligner la progression des moyens sur ces cinq dernières années, qui marque la volonté de consolider le soutien de la nation à ces territoires fragiles qui doivent chaque jour relever le grand défi de leur éloignement, de leur isolement dans un contexte très varié d'une zone à l'autre, que l'on soit dans l'océan Atlantique, l'océan Indien ou l'océan Pacifique. La fin de la précédente législature – la quatorzième – avait été marquée par la fameuse loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, dite loi EROM, qui prenait en compte ces spécificités.
Partant du constat de nombreux retards structurels dans tous les territoires avec un manque de statistiques – peut-être certains avaient-ils des difficultés à bâtir des stratégies –, des besoins énormes en investissements structurels, et la nécessité de bâtir la relation de confiance avec l'État pour relever les challenges et coconstruire ensemble, cette loi EROM a posé les jalons d'une reconnaissance de ces défis et d'une « volonté » – j'emploie des guillemets car tout le monde n'aime pas ce terme – de rattrapage en se concentrant sur les plus fragiles, en allouant des moyens et en dessinant une méthode pour enclencher de grands plans de convergence, traduits en contrats sectoriels pour accélérer la reconversion économique et sociale. Il faut remercier cette majorité d'avoir entendu ce message au travers du Livre bleu lancé en 2018 et de toutes les déclinaisons des contrats de convergence.
Pour la Polynésie, ce fut un mandat qui a permis de renouveler un partenariat de confiance avec l'État. Je voudrais rappeler tout ce que nous avons pu réussir ensemble avec cette loi statutaire : la réforme foncière et, sur le plan économique, la pérennisation et la sanctuarisation de la dotation globale d'autonomie (DGA), des outils financiers de la dotation territoriale pour l'investissement des communes (DTIC) et du troisième instrument financier (3IF), des opérations que vous avez suivies lorsque vous étiez ministre chargé des collectivités territoriales.
S'agissant de la santé, la convention santé solidarité a fait régulièrement l'objet d'avenants. Pouvez-vous nous expliquer plus précisément le mode de financement du renouvellement de la convention ?
Sur le plan économique, le secteur du transport aérien a vu la défiscalisation d'Air Tahiti Nui (ATN) et d'Air Tahiti, et nous avons intégré au dispositif les bateaux de croisière. Vous le savez, pour l'instant le dispositif n'est pas pleinement opérant. Nous proposerons des amendements lors de l'examen des articles non rattachés pour élargir la base sur laquelle est calculé cet avantage fiscal.
Enfin, je vous remercie tous, très chers collègues, parce que nous avons pu ensemble maintenir le mécanisme de prêt vert, ce prêt à taux zéro exceptionnel qui permet à nos collectivités de soutenir le projet de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique. Je rappelle que ces cinq années ont été très marquées par des événements majeurs, comme l'ouragan Irma, qui ont malheureusement accentué les retards et les « difficultés » structurelles, sociales, économiques.
Derrière ces événements climatiques majeurs, on peut penser que la grande crise du covid a conduit chacun à revoir ses priorités. Il faut le dire : l'État a été au rendez-vous au moyen des PGE et du fonds de solidarité. Bien sûr, nous avons beaucoup à dire sur ces dispositifs et la façon dont ils ont pu être déployés ; on peut toujours les affiner. S'agissant de la Polynésie, on souhaite améliorer encore le fonds de solidarité, mais je tenais à saluer les efforts qui ont été réalisés, et la troisième loi de finances de l'année dernière qui a permis de soutenir jusqu'à nos médias audiovisuels.
Pour 2022, vous insistez sur la relance de nos territoires, la protection des citoyens, la formation. Là aussi, je souhaiterais que vous ouvriez la continuité territoriale aux formations qualifiantes pour les salariés.
Il convient également de poursuivre nos efforts sur l'innovation et la création d'entreprises.
En conclusion, je souhaite vous faire part de mon inquiétude liée au coût de la vie en outre-mer, accentuée par des tensions en matière d'approvisionnement auxquelles nous devrons être attentifs, car elles viennent creuser les écarts. Revenant de la COP26 à Glasgow, je peux vous dire qu'il est nécessaire de se préoccuper rapidement de l'organisation de nos territoires face à ces risques dont on sait qu'ils seront de plus en plus graves. Je vous donne rendez-vous ici pour examiner le projet de loi « 3DS » au cours duquel de nombreux sujets de cet ordre seront traités.
Nous voterons bien évidemment les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le président, permettez-moi de vous remercier de présider cette séance budgétaire consacrée aux outre-mer, conformément à la tradition républicaine. C'est toujours un honneur pour l'ensemble de nos territoires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, LR et GDR.
Ce dernier budget de la législature, qui intervient dans un contexte de crise sanitaire dans les outre-mer, offre l'opportunité de mesurer son évolution sur le quinquennat. Ainsi, entre 2018 et 2022, les autorisations d'engagement auront enregistré une hausse de 20 % et les crédits de paiement de 16 %.
Le projet de loi de finances pour 2022 s'inscrit dans la continuité de l'exercice précédent et présente une légère baisse des autorisations d'engagement de la mission de 2,7 %, en raison de la contraction des compensations aux allégements de charges sociales. Les crédits de paiement demandés sont quant à eux en augmentation de 1,25 %.
Ce budget est donc caractérisé par une certaine stabilité, tout en permettant d'apporter un soutien aux territoires qui doivent faire face à un rebond épidémique ou à l'introduction brutale du virus dans les collectivités du Pacifique. En témoigne la nouvelle garantie de l'État à un prêt de 300 millions en faveur de la Polynésie française. En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, je tiens à saluer la solidarité exceptionnelle que l'État a manifestée, tant auprès des acteurs économiques qu'au plan budgétaire par l'octroi d'un prêt garanti de 240 millions dans la loi de finances initiale pour 2021, suivi d'une subvention exceptionnelle de 82 millions dans la dernière loi de finances rectificative, à laquelle se sont ajoutés 40 millions débloqués la semaine dernière.
Nous regrettons que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'ait pu documenter suffisamment tôt ces besoins supplémentaires de soutien au travers d'un nouveau prêt garanti par l'État, mais nous comptons sur votre vigilance et celle du Gouvernement pour traiter la demande qui, si j'ai bien compris, vient d'être adressée à M. le Premier ministre.
Au-delà des chiffres, je n'oublie pas l'approvisionnement en tests et l'envoi de près de 400 000 doses de vaccins. Permettez-moi également d'adresser mes remerciements aux centaines de membres de la réserve sanitaire et à la cinquantaine de militaires qui sont venus et continuent de prêter assistance aux équipes hospitalières en première ligne face à l'épidémie.
Mme Maud Petit et M. Philippe Gomès applaudissent.
Pour revenir à la mission "Outre-mer" , stricto sensu, j'insisterai sur deux aspects positifs : en premier lieu, l'accent mis sur l'insertion socioprofessionnelle des jeunes, avec une progression des crédits de l'action 2 de 6,85 % en autorisations d'engagement et de 7 % en crédits de paiement, au profit notamment du service militaire adapté dont le travail exceptionnel doit inlassablement être salué, avec la création d'une compagnie supplémentaire à Mayotte et des dispositifs de formation tels que Cadres Avenir Nouvelle-Calédonie ; en second lieu, l'augmentation importante des crédits alloués aux actions dans le domaine de l'environnement, avec un triplement des autorisations d'engagement et un doublement des crédits de paiement pour 2022. Permettez-moi simplement, monsieur le ministre, de vous demander la part qui devrait revenir à l'initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) dans cette augmentation de crédits importante, dont nous savons tous que l'action est primordiale pour la préservation des récifs coralliens qui, pour 75 % d'entre eux, concernent la Nouvelle-Calédonie.
Depuis plusieurs années, nous demandons la création d'un fonds vert Pacifique. Monsieur le ministre, vous avez pu le constater lors de votre dernier déplacement en Nouvelle-Calédonie, notre territoire, comme ceux des autres collectivités du Pacifique, est particulièrement menacé par l'érosion du trait de côte. L'an dernier, lorsque nous vous avons interpellé sur le sujet, vous avez indiqué qu'une ligne de 1,3 million de subventions de projets permettrait de remplir la même fonction que le fonds vert. Totalement consommée en 2020, cette ligne est reconduite pour 2022. Pourriez-vous apporter des précisions sur l'utilisation et la ventilation de ces crédits entre les différents territoires ultramarins ?
Je terminerai en évoquant un sujet majeur qui ne vous surprendra pas, celui de la continuité territoriale. En 2021, ce dispositif d'aide a évolué, notamment par la fixation d'un plafond de ressources unique, d'un montant d'aide unique par territoire et l'extension des publics concernés. Ces mesures nouvelles seront financées par la hausse de 8,6 % des crédits de paiement de l'action 3.
Cette hausse des crédits est louable, mais elle ne permet pas d'obtenir les avancées que nous demandons, avec mes collègues Philippe Gomès et Nicole Sanquer : premièrement, l'extension de l'aide à la continuité territoriale pour les liaisons interîles des archipels et pour les liaisons régionales ; deuxièmement, la révision des plafonds d'éligibilité et des plafonds de prise en charge du billet, inadaptés à la vie chère et au prix du billet d'avion entre ces collectivités et la métropole – preuve en est la diminution par dix du nombre de Calédoniens bénéficiaires de la continuité territoriale sur laquelle Philippe Gomès vous interrogera tout à l'heure ; troisièmement, la prise en charge au titre de la continuité territoriale des déplacements des étudiants en ce qui concerne leur formation, mais dont les carences du système d'attribution des bourses les rendent inéligibles aux bourses, donc inéligibles au passeport mobilité. Nous devons absolument faire évoluer les critères de l'aide à la continuité territoriale, et comptons sur votre écoute pour y parvenir dans le cadre de l'examen de ce projet de loi de finances. Le groupe UDI-I votera les crédits de la mission Outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous sommes amenés à examiner les crédits de la mission "Outre-mer" . Je dois vous dire que cette expression « outre-mer » me gêne un peu car je la trouve assez inappropriée à l'égard de nos compatriotes résidant dans des territoires non européens. Le temps où l'on désignait tous ces territoires par l'expression « empire colonial » est révolu, et personne ne s'en plaindra, mais s'ils sont aujourd'hui partie prenante des territoires français, leurs habitants ne sauraient être désignés à travers un terme générique qui les regrouperait sous le seul trait commun de leur non-appartenance au continent européen.
On a trop souvent tendance à considérer les territoires à travers le prisme de la centralité, maladie bien française qui conduit à souligner la dualité entre Paris et la province : selon des définitions en creux, ou en opposition, un provincial est désigné par le fait qu'il ne réside pas à Paris et un ultramarin par le fait qu'il ne réside pas dans l'Hexagone. Pour ma part, je ne me considère pas comme un provincial : je suis tout simplement un Breton, de même que certains de nos collègues sont Martiniquais, Polynésiens, Néo-Calédoniens, etc.
Je souhaite redire ici tout le respect que notre groupe Liberté et territoires accorde à la diversité des origines de l'ensemble des concitoyens, auxquels doivent répondre des politiques publiques différenciées, définies au plus près des réalités territoriales. Je dirai que la France est diversité ; certains le nient encore et cherchent une espèce de pureté dans une francité qui n'a jamais existé et n'existera jamais – on en a quelques exemples en ce moment sur certaines chaînes de télévision.
Une fois ce propos liminaire effectué, je voudrais également avoir une pensée pour notre collègue Sylvain Brial, député de la circonscription de Wallis-et-Futuna qui ne peut siéger parmi nous depuis trop longtemps. Je ne saurais oublier également les temps difficiles que traversent plusieurs de ces territoires cette année qui connaissent une résurgence très importante de l'épidémie de covid.
Au-delà de la crise sanitaire, c'est aussi tout un pan de l'économie qui a été durement atteint – on connaît l'importance du tourisme dans ces territoires. Je tiens à ce propos à faire état de notre pleine solidarité à l'égard des populations touchées dans des territoires ayant trop souvent souffert d'un déficit de l'investissement public dans le domaine de la santé.
Je tiens aussi à faire taire une musique entendue tout au long de l'été, qui voudrait laisser croire qu'il existerait une forme de responsabilité des habitants de ces territoires en raison de leur refus – parfois réel, j'en conviens – de la vaccination. En effet, mes chers collègues, il est avant tout nécessaire de bien comprendre qu'accepter une recommandation sanitaire de cette sorte nécessite un fort lien de confiance avec l'État. Rappelez-vous que les populations de Polynésie française ont subi durant des décennies les essais nucléaires censément sans danger que la France leur a imposés. Rappelez-vous également le scandale de la chlordécone aux Antilles, face auquel les autorités sanitaires ont tardé à réagir. Face au fléau du covid, ce n'est pas de stigmatisation qu'il faut faire preuve, mais de soutien, de confiance et de pédagogie.
Je tiens à évoquer également, puisque la parole m'est confiée, le processus d'autodétermination en cours en Nouvelle-Calédonie. Aux termes des accords de Matignon, un troisième vote doit se tenir en 2022. Si la date du 12 décembre a d'ores et déjà été annoncée, celle-ci doit faire l'objet d'une confirmation dans les prochaines heures. De nombreuses voix se sont fait entendre – cet après-midi encore – concernant la tenue de ce scrutin au regard des conditions sanitaires actuellement très difficiles sur l'île. Il est peu aisé aujourd'hui de préjuger de l'organisation d'un tel scrutin et de la possibilité de mener une campagne. Ce scrutin devra avoir lieu dans de bonnes conditions sanitaires et politiques, afin d'éviter d'altérer sa sincérité.
Alors que de nouvelles mesures en matière sanitaire devraient être annoncées ce soir par le Président de la République et que les préfets commencent déjà à serrer les vis dans certains territoires, il paraît étonnant qu'un référendum aussi déterminant pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie puisse se tenir si la circulation du virus y reste très active.
Pour en revenir à l'aspect budgétaire de cette mission, notre groupe reconnaît la légère hausse du budget dédié à ces territoires concernant plusieurs axes prioritaires. Toutefois, les crédits restent relativement modestes. Il est nécessaire de terminer le déploiement du plan logement outre-mer 2019-2022 pour résorber l'habitat insalubre et améliorer les conditions de vie.
Les principaux motifs d'inquiétude résultent de l'isolement dans lequel sont plongés certains territoires éloignés et qui vont subir de plein fouet la crise des transports avec l'explosion du coût de ces derniers, pour les biens comme pour les personnes. Il en va de même pour le coût de la vie dans ces territoires, beaucoup plus élevé qu'en métropole.
Monsieur le président de l'Assemblée, à mon tour de vous remercier de présider cette séance importante pour nos concitoyens d'outre-mer. Je salue M. le rapporteur spécial, le président Serva, le rapporteur Naillet et l'ensemble des parlementaires. Pour la deuxième année consécutive, je me réjouis de vous présenter les crédits de la mission "Outre-mer" . Merci par ailleurs pour les mots personnels que, les uns et les autres, vous avez bien voulu m'adresser.
C'est un budget résolument tourné vers le quotidien de nos concitoyens ultramarins – c'est tout de même bien ainsi qu'ils sont désignés –, malheureusement bouleversé par la crise sanitaire. Je veux ici avoir une pensée pour les victimes, leurs familles endeuillées et remercier les soignants venus en renfort par les trois océans. L'État a été et sera aux côtés des outre-mer face à cette crise, tant sur le plan sanitaire qu'économique. Nous l'avons collectivement prouvé.
Comme l'année dernière, je commencerai par un rappel général. Le budget de l'État dédié aux outre-mer est bien plus large que la seule mission Outre-mer que nous examinons ce soir. En effet, le budget de l'outre-mer s'étend sur 32 missions et 94 programmes et, en additionnant les dépenses budgétaires et fiscales, l'État y consacre près de 26 milliards d'euros en AE et 27,6 milliards d'euros en CP. À cela s'ajoutent les crédits outre-mer du plan de relance, dont la moitié est déjà territorialisée et constitue une véritable réponse sur le volet économique.
Au-delà de la mission "Outre-mer" , trois autres missions dépassent le milliard d'euros : Relations avec les collectivités territoriales, Écologie, développement et mobilité durables et Solidarité, insertion et égalité des chances. La mission Travail et emploi, quant à elle, frôle le milliard, avec une hausse des crédits de près de 345 millions d'euros, ce qui est inédit. Par ailleurs, deux missions consacrent des dépenses de personnel importantes à l'outre-mer : près de 5,3 milliards d'euros pour les agents de l'éducation nationale, contre 4,7 milliards l'année dernière, et un peu plus de 1,1 milliard pour les forces de sécurité intérieure.
Des investissements de taille sont à noter. Les territoires d'outre-mer bénéficient ainsi d'investissements fondamentaux comme partout ailleurs dans la République en termes de justice, de sécurité, d'éducation, d'enseignement supérieur, d'insertion, d'infrastructures structurantes, de transition écologique, de prévention des risques. J'en citerai quelques-uns pour rendre mon propos concret : en Guadeloupe, la rénovation et l'extension du palais de justice de Basse-Terre et le développement des énergies renouvelables ; en Martinique, la livraison d'un nouvel hôtel de police à Fort-de-France pour 37 millions d'euros et la construction du pôle universitaire de santé pour 2 millions d'euros ; en Guyane, le doublement du pont du Larivot pour 97 millions d'euros – un projet ancien et attendu –, la construction d'un nouvel hôtel de police à Cayenne pour près de 50 millions d'euros, ou encore la création d'un foyer de jeunes travailleurs de 240 places ; à la Réunion, la réhabilitation des locaux de l'université et la construction de nouveaux logements du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), pour laquelle la plupart des parlementaires du territoire s'étaient mobilisés ; à Mayotte, la création de 500 classes, la rénovation de 500 autres et la construction de réfectoires, et le développement d'un système d'alerte et d'information des populations à la suite de la découverte d'un volcan sous-marin ; en Polynésie française, des panneaux photovoltaïques dans les casernes de Faaa, la poursuite de la construction de la cité judiciaire de Papeete pour plus de 30 millions d'euros ; en Nouvelle-Calédonie, la construction d'un centre de détention à Koné ; à Wallis-et-Futuna, des investissements de l'Agence de santé ; à Saint-Pierre-et-Miquelon, l'achèvement du quai de croisière. Ce sont là autant de projets qui se veulent concrets.
Je ne peux pas évoquer ce budget sans parler de la crise sanitaire, des aides d'urgence, mais aussi de la relance. Depuis le début de la crise, le Gouvernement est mobilisé pour soutenir toutes les entreprises en difficultés avec des aides adaptées aux situations locales. Elles représentent plus de 6 milliards d'euros en outre-mer, dont 3,5 milliards de prêts garantis par l'État, 1,1 milliard du fonds de solidarité, 830 millions d'euros de reports de charges et 650 millions d'euros d'activité partielle. Vous conviendrez, mesdames, messieurs les députés, qu'il serait délicat de balayer ces chiffres d'un revers de main.
Je rappelle aussi que depuis le 1er octobre, les territoires ultramarins soumis à des restrictions d'activité sont les seuls en France à bénéficier du fonds de solidarité ainsi que de l'activité partielle. Les collectivités ont été également aidées et continueront de l'être : je pense à la subvention exceptionnelle de 82 millions d'euros en faveur de la Nouvelle-Calédonie, liée aux dépenses de la crise sanitaire, qui a été complétée hier par 40 millions d'euros. Nous avons reçu une nouvelle demande de prêt garanti par l'État de la part du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie : elle sera examinée très prochainement. Enfin, une aide complémentaire au fonds de solidarité va être mise en place tout prochainement pour répondre à la situation de certaines TPE et PME ultramarines, notamment polynésiennes, qui, bien que très touchées par les mesures de restriction, ne pouvaient prétendre actuellement au fonds de solidarité – je sais, madame Sage, que vous vous étiez mobilisée avec le président Fritch pour faire évoluer les choses sur ce point. Cette aide sera automatique et ne concernera que l'outre-mer.
Un mot sur le plan de relance. Sur les 100 milliards d'euros de France relance, plus de 1,5 milliard d'euros sont dédiés aux outre-mer, avec 669 millions pour la transition écologique, 566 millions pour la cohésion sociale et territoriale et 316 millions pour la compétitivité des entreprises en outre-mer. Les bénéficiaires de ces crédits sont des collectivités, des entreprises, des associations, des ménages, des jeunes en recherche d'emploi : personne n'en est exclu. Les COM du Pacifique bénéficient, comme les DROM, de certaines des mesures de France relance, dans le respect de leurs compétences propres et parfois au-delà, en lien et en accord avec les gouvernements locaux.
S'agissant de la mission "Outre-mer" elle-même et de ses deux programmes, elle présente une légère baisse des AE. Ces dernières s'élèvent à 2,57 milliards d'euros, contre 2,65 l'année précédente, ce qui s'explique par la baisse des exonérations consenties dans le cadre des dispositions de la loi pour le développement économique des outre-mer, dite LODEOM. Il faut par ailleurs se réjouir d'une hausse des CP sur l'intégralité de la mission. Surtout, je note une accélération des paiements sur les projets d'investissement dans le logement et les infrastructures publiques, ce qui est une bonne nouvelle pour nos concitoyens et tout le tissu économique ultramarin. Le député Lorion y est revenu. Nous étions dans un creux ; il y a un redémarrage cette année et quelque chose me dit que l'année prochaine sera aussi une bonne année en matière d'investissements, donc en termes d'argent réellement dépensé. Nous le savons tous, l'enjeu de cette mission n'est pas seulement d'inscrire des sommes en AE, mais de les consommer en CP.
En ce qui concerne le programme 138, il est évidemment touché par la baisse mécanique des exonérations dites LODEOM. Cela n'enlève rien au soutien apporté par le Gouvernement à nos entreprises ultramarines, d'autant moins que le dispositif est cette année étendu au secteur de l'aéronautique, ce qui était une demande de nombre d'entre vous.
Une nouvelle mesure importante de ce PLF est portée par ce programme : l'ouverture d'une nouvelle compagnie du service militaire adapté à Mayotte. Les élus du territoire s'étaient mobilisés pour cela, et nous l'avions visitée avec le député Kamardine. Cette compagnie, c'est 9,7 millions d'euros et 175 ETP. Une expérimentation permettra notamment d'allonger la durée moyenne de l'accueil, de mettre en place le permis pour tous et d'accueillir des mères célibataires : ça aussi, c'est du concret.
Cela me permet d'évoquer l'amendement par lequel le Gouvernement proposera la création d'une nouvelle compagnie de SMA à Hao, dans les Tuamotu, conformément à un engagement pris par le Président de la République lors de son dernier déplacement officiel, effectué en juillet dernier. Nous portons plusieurs ambitions sur ce projet : redynamiser l'économie de l'atoll, notamment après la fin du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) ; porter des filières d'avenir – autosubsistance, énergies vertes, tourisme, communication – ; respecter une faible empreinte écologique. Vous l'aurez compris, c'est aussi un peu le régiment du service militaire adapté (RSMA) de demain que nous souhaitons construire. Nous devrions accueillir les premiers stagiaires dès l'automne 2022, dans un calendrier à ce point resserré qu'il en constitue un record. L'amendement propose d'ouvrir près de 7 millions d'euros en AE et plus de 5,5 millions d'euros en CP.
S'agissant du programme 123 relatif aux conditions de vie outre-mer, les CP augmentent de 64 millions d'euros. Le logement figure parmi les priorités. Un mouvement vers la réhabilitation est enclenché : cette nouvelle doctrine, qui n'envisage plus seulement la construction de neuf, en particulier aux Antilles et à La Réunion, favorise la consommation des crédits. En début d'année, on a observé une augmentation de 146 % du nombre de projets.
Sur le volet fiscal, ce PLF pour 2022 porte la reconduction du dispositif de l'outre-mer de 2022 à 2027. Cette reconduction a été validée par l'Union européenne en juin dernier et il importait de la transcrire dans notre droit avant la fin de l'année, avec des modifications de seuil en faveur de nos TPE et PME.
Plus globalement, ce sujet de l'outre-mer me permet d'évoquer le sujet de la vie chère, comme je l'ai fait cet après-midi lors des questions au Gouvernement. Nous en connaissons les causes : d'abord la fiscalité locale, à savoir l'octroi de mer, qui est à l'origine une barrière douanière, mais qui a aussi indéniablement un impact sur le coût de la vie qui n'est pas toujours compris aujourd'hui ; des monopoles et positions dominantes qui empêchent de faire jouer la concurrence ; l'éloignement et la dépendance vis-à-vis des importations, principalement en provenance de l'Hexagone, faute de filières locales structurées, qui engendrent des coûts de transport supérieurs à ceux de l'Hexagone. C'est incontestablement le dossier majeur des mois et des années qui viennent. Il faut en parler sans tabou et j'espère que la période électorale à venir nous permettra de le faire.
Cette mission, mesdames et messieurs les députés, s'attache à la vie quotidienne de nos concitoyens. J'entends les prises de parole des uns et des autres, et je n'ignore pas les prochaines échéances électorales. Néanmoins, ce budget a le mérite d'être sincère et de correspondre aux attentes des territoires. En tout cas, je vous le présente avec sincérité et beaucoup d'enthousiasme – et, si vous me le permettez, beaucoup de cœur.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, UDI-I et LT.
À dix-neuf heures dix, Mme Annie Genevard remplace M. Richard Ferrand au fauteuil de la présidence.
Nous en venons aux questions des groupes.
La parole est à Mme Maud Petit.
Monsieur le ministre, la crise covid a dramatiquement mis en lumière les problèmes structurels du système hospitalier ultramarin. Ces problèmes, notamment des infrastructures vieillissantes et un manque de moyens conséquents, ne sont pas nouveaux. Déjà dans les années 1970-1980, les ministres de la santé étaient interpellés sur ce sujet. Cette situation mérite plus que jamais notre attention. Notre système hospitalier est précieux et nous devons préserver cette chance : le droit pour chacun de recevoir des soins adéquats dans les meilleures conditions possibles.
Le rapport que mes collègues Cécile Rilhac et Josette Manin et moi-même avons présenté en 2018 au nom de la délégation aux outre-mer, soulignait les difficultés auxquelles les systèmes hospitaliers locaux faisaient face, entraînant des discriminations dans la prise en charge et la qualité des soins.
Nous évoquions par exemple le déficit en équipements. Le conseil départemental de l'Ordre des médecins de Martinique nous avait signalé des carences graves, telles que le manque de chambres stériles, l'absence de cyclotron pour le diagnostic et le suivi des cancers ou l'inexistence d'un service d'hémato-oncologie à l'hôpital. À Mayotte, le service ambulancier ne fonctionne ni la nuit ni le week-end. Notre présence sur le terrain nous avait permis de prendre la mesure de la complexité de la situation de l'hôpital, confronté par ailleurs à une affluence inédite.
Si la feuille de route de la Stratégie de santé outre-mer pour la période 2016-2023 définit déjà comme une priorité l'efficience du système de santé outre-mer, ainsi que la réduction des inégalités d'accès aux soins, l'actualité nous démontre que nous devons aller encore plus loin pour améliorer la prise en charge médicale et hospitalière de nos concitoyens ultramarins.
Monsieur le ministre, pouvez-vous rappeler ici comment l'action de l'État, au travers de ce budget mais aussi du plan de relance et du plan Ségur, soutient et accompagne le système hospitalier ultramarin ?
Vous avez raison de le souligner, madame la députée, le Gouvernement a pris des engagements forts pour améliorer la prise en charge des patients, les conditions de travail et les carrières de nos professionnels de santé, dans nos outre-mer comme dans l'Hexagone. Ces engagements prennent vie avec le Ségur : 19 milliards d'euros d'investissements dans leur système de santé. Avec le plan de relance, nous parlons de plus de 1,1 milliard d'euros d'investissements pour les outre-mer.
S'agissant des infrastructures, les territoires ultramarins bénéficient à plein de ce plan Ségur. Ce nouvel effort fait suite aux 1,3 milliard d'euros qui avaient déjà été engagés depuis 2017 lors du programme précédent de modernisation de l'offre de soins en outre-mer. Ces moyens permettront de réhabiliter des hôpitaux comme celui de La Trinité en Martinique, un dossier qui est sur la table depuis une dizaine d'années et que ce gouvernement a pris à bras-le-corps, Olivier Véran en tête. Nous mettons également en place un plan de rattrapage sur le médico-social, notamment les EHPAD – cela vaut pour les outre-mer, mais aussi pour la Corse –, qui prévoit en 2021 des AE à hauteur de 17,72 millions d'euros pour les territoires ultramarins.
Le Ségur de la santé, c'est aussi une revalorisation pour les soignants. Dans les DROM, ce sont quelque 63 500 médecins des établissements publics de santé, mais également des EHPAD, des étudiants en médecine, des internes et des étudiants paramédicaux qui ont vu leur salaire revalorisé. Après la revalorisation des salaires des médecins hospitaliers obtenue en décembre 2020 à la suite des accords du Ségur de la santé signés le 13 juillet, c'est la rémunération des personnels soignants, médico-techniques et de la rééducation de la fonction publique hospitalière qui a été revalorisée depuis le 1er octobre.
Les exemples concrets ne manquent pas. Ainsi, 590 millions d'euros ont été fléchés pour la reconstruction du CHU de Pointe-à-Pitre dévasté par un incendie – une opération qui prend malheureusement du retard à cause du covid. À Mayotte, on a eu l'occasion d'acter le principe d'un deuxième hôpital : le dossier est connu des parlementaires. Un CHU en Guyane à l'horizon 2025, des réalisations à Wallis-et-Futuna que j'ai évoquées à la tribune, un appui financier de l'État en Polynésie française : ce sont des dossiers concrets qu'il faudra faire vivre.
La réhabilitation est devenue l'un des enjeux prioritaires de la politique du logement. Elle figure parmi les objectifs du prochain plan logement outre-mer, dit PLOM, mais les difficultés rencontrées font craindre un échec alors que s'achève le deuxième PLOM.
Dans nos territoires, près de la moitié du parc locatif social a plus de vingt ans. Celui-ci se caractérise par un fort degré de vétusté qui rend nécessaires de lourdes opérations de remise aux normes.
Les besoins sont immenses et les obstacles nombreux. Je n'en mentionnerai que trois pour lesquels la solution relève directement de la volonté du Gouvernement.
Premièrement, les crédits budgétaires consacrés à la réhabilitation demeurent en deçà des besoins et leur faiblesse n'est pas compensée par les montants investis par les opérateurs.
Deuxièmement, le fait générateur de la réduction d'impôt, à savoir l'année de la fin des travaux, est financièrement contraignant et pénalise les opérations de réhabilitation. À cet égard, nous regrettons le rejet de l'amendement de notre collègue Max Mathiasin qui visait à apporter un correctif.
Troisièmement, le crédit d'impôt trouve ses limites. Si son extension aux opérations de réhabilitation a été saluée, son fléchage vers les seuls projets situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les QPV, a réduit son impact. En réalité, il s'agit même d'une double restriction car les critères liés aux QPV font déjà eux-mêmes l'objet d'une adaptation à l'outre-mer, sans laquelle tous nos territoires ou presque seraient classés en QPV.
Les opérateurs demandent unanimement un élargissement du crédit d'impôt pour réhabilitation aux immeubles situés hors QPV. Ils réclament aussi le relèvement du plafond au-delà de 50 000 euros par logement.
Ajoutons à cela les surcoûts, le désamiantage, l'intervention toujours timide de l'ANAH dans le parc privé ou encore l'absence d'une filière de formation structurée.
Nous déplorons d'autant plus ces obstacles qu'en plus d'améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, la réhabilitation limite l'étalement urbain et l'artificialisation des terres, constitue un facteur de mixité sociale et crée des emplois.
Question subsidiaire : le Gouvernement tiendra-t-il en 2022 l'engagement pris au moment de la vente des sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM) en abondant la ligne budgétaire unique avec la seconde moitié du produit de la vente ? Selon la Cour des comptes, il ne l'a pas fait en 2021 et il reste 18,7 millions d'euros à réaffecter.
Nous aurons l'occasion, madame la députée, de reparler de logement, qui est une question dont nous discutons régulièrement, que ce soit en commission ou en séance publique. Que les choses soient claires, de l'argent, il y en a : nous dégageons des moyens financiers pour le logement, dans le cadre de la LBU et en dehors.
Par ailleurs, je vous trouve pessimiste. La réhabilitation, moi, j'y crois beaucoup. Le vieillissement du parc de logements crée un mur d'investissement auquel il faudra bien s'attaquer. Nous allons y consacrer les moyens nécessaires. En Martinique et en Guadeloupe, des choix courageux ont été faits, notamment pour maintenir des personnes âgées dans des logements de centre-ville pour lesquels il va falloir intervenir.
Les activités de réhabilitation connaissent un pic. Depuis le début de l'année, l'augmentation de 146 % du nombre de projets suscite des appels de fonds importants au titre de la LBU.
Rappelons que les dispositifs de défiscalisation dans les QPV ont seulement été adoptés l'année dernière. Il est peut-être encore trop tôt pour savoir s'ils fonctionneront, mais je pense que ce sera le cas.
Les enjeux auxquels nous sommes confrontés, nous le dirons jamais assez, sont multiples : l'accès au foncier, qui rend d'autant plus intéressantes les opérations de réhabilitation du parc ancien ; la gouvernance des bailleurs sociaux – je l'évoque prudemment, notamment s'agissant de La Réunion, mais les élections municipales, départementales et régionales étant derrière nous, les maîtres d'ouvrage disposent désormais d'une visibilité de nature à les inciter à s'engager ; les surcoûts de construction, liés à la résilience climatique et à la prévention des risques naturels ou aux prix plus élevés des matériaux de construction que les crédits de la LBU permettront de les absorber.
En deux minutes, il n'est pas facile de couvrir tout ce champ mais j'ai déjà répondu au sujet du logement en commission. Je reste très optimiste s'agissant de la réhabilitation, à laquelle je crois beaucoup. Nous serons présents pour soutenir ces opérations.
Monsieur le ministre, je souhaite vous alerter sur la vie chère et l'augmentation de la pauvreté outre-mer.
Plus de dix ans après les troubles sociaux en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique, la vie chère est toujours une préoccupation majeure pour nos populations. Leurs revendications de justice sociale n'ont pas donné lieu à des changements concrets. Les écarts de prix avec la France hexagonale restent importants : s'agissant des biens et des services, ils sont de 12 % pour les Antilles et la Guyane et de 7 % pour La Réunion ; s'agissant des produits alimentaires, de 50 % en Martinique et de 40 % à La Réunion.
La régulation des prix engagée par les autorités publiques depuis 2009 peine à conduire à une baisse même si la loi du 20 novembre 2012 a donné la possibilité aux observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) et aux collectivités territoriales de saisir l'Autorité de la concurrence.
La crise sanitaire aggrave la situation économique et sociale au point de placer plusieurs territoires d'outre-mer au bord du gouffre. Il appartient au Gouvernement de déployer un effort de solidarité à la hauteur des besoins pour lutter contre la pauvreté qui touche les populations d'outre-mer. Il y va de la solidarité nationale.
Ce mois-ci encore, le prix du carburant et celui du gaz, qui atteint plus de 30 euros la bouteille, mettent de nombreux ménages en difficulté. Ce phénomène a un impact très lourd sur les budgets des familles en outre-mer.
Comment le Gouvernement compte-t-il décliner le chèque énergie en outre-mer ? Quels gestes forts envisagez-vous pour lutter contre la vie chère, monsieur le ministre ?
Vaste question là encore, sur laquelle je me suis déjà longuement exprimé. Les causes structurelles concernent aussi les collectivités. Je comprends que l'on se tourne d'abord vers le Gouvernement et Dieu sait que je prends ma part de cette question, mais il est des réflexions que nous ne pouvons mener seuls, hors-sol, comme celle sur l'octroi de mer.
Rappelons aussi que la fiscalité sur les carburants est perçue par les collectivités. Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose, mais cela implique que nous discutions avec elles. J'ai d'ailleurs cru comprendre que certains parlementaires comme le député Mathiasin, pour lequel nous avons une pensée, ont fait des propositions en ce sens. Il faut regarder tout cela avec beaucoup de tranquillité.
Le Gouvernement prend sa part, au-delà de la contractualisation autour du plan de pauvreté. Depuis 2017, il a mis en œuvre de nombreuses mesures en faveur du pouvoir d'achat. Plus personne ne parle de la suppression de la taxe d'habitation, car gâteau avalé n'a plus de goût, mais sa suppression a bénéficié dans les DROM à plusieurs centaines de milliers de foyers appartenant bien souvent aux classes moyennes. N'oublions pas non plus l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou la revalorisation du minimum vieillesse. Il faut le redire car c'est de l'argent du contribuable, même s'il est parfaitement légitime qu'il aille aux DROM.
S'agissant du chèque énergie exceptionnel de 100 euros, il sera distribué outre-mer à 280 000 foyers sur un total de 5,8 millions de ménages concernés. Ils n'auront aucune démarche à faire pour le percevoir en décembre. Je précise qu'ils pourront l'utiliser pour acheter des bouteilles de gaz, ce qui répond à certaines demandes qui nous ont été adressées.
Quelles que soient nos convictions politiques, mesdames, messieurs les députés, je pense qu'il nous faut veiller à séparer les problèmes conjoncturels de vie chère des problèmes structurels qui durent depuis des années et auxquels il faudra bien s'attaquer.
Monsieur le ministre, la population guyanaise, de plus de 284 000 habitants, a connu une augmentation de 30 % en dix ans. Si cette dernière est un signe de vitalité pour notre territoire, elle demande aux acteurs chargés d'y mener des politiques publiques un réajustement perpétuel de leurs dispositifs.
Prenons d'abord l'habitat. Il ne se passe pas un jour sans que je sois interpellé par des personnes mal logées dans ma circonscription. Selon la Fondation Abbé-Pierre, 47 % des ménages guyanais sont confrontés à un défaut grave dans leur logement. Absence d'eau ou d'électricité, surpopulation, insécurité, marginalisation sociale sont leur lot quotidien.
Force est de constater que les bailleurs sociaux sont dans l'incapacité de répondre à une demande de logements en constant accroissement. Notre territoire recense un grand nombre de sans-abri et ne dispose que de 137 places d'hébergement d'urgence, ce qui est très insuffisant.
Autre enjeu lié à la croissance démographique : le financement des structures scolaires. À Saint-Laurent-du-Maroni, dont je suis originaire, les 3 000 naissances annuelles contraignent la municipalité à construire une école par an. Précisons que le cas de cette commune n'est pas isolé. Ce rythme effréné pèse considérablement sur les finances des collectivités locales.
Monsieur le ministre, quels moyens financiers le Gouvernement déploie-t-il, tant pour remédier au mal-logement que pour soulager les collectivités locales confrontées à des dépenses accrues en matière de parc scolaire ? Qu'est-il prévu pour lutter contre l'insécurité grandissante qui règne sur ce territoire ? Rappelons que le week-end dernier, il y a eu un mort et cinq blessés par balles.
Vous avez raison d'évoquer l'insécurité qui appelle un combat de chaque instant. La Guyane bénéficie de renforts importants de policiers et de gendarmes depuis plusieurs années, notamment depuis 2017, mais aussi de renforts en matière judiciaire. Comment ne pas parler aussi de l'immigration et de la pêche illégales ou de l'orpaillage clandestin ? En deux minutes, cela semble cependant impossible.
Vous m'interrogez sur deux problèmes particulièrement marqués en Guyane.
Vous avez raison, il faut produire plus de logements. C'est la raison pour laquelle nous avons donné plus de moyens l'année dernière aux établissements publics fonciers, singulièrement en Guyane et à Mayotte. Cela a déjà conduit à quelques résultats. Cette augmentation de 18 millions d'euros est suivie cette année d'une augmentation de 10 millions d'euros ; j'ajoute que 4 millions d'euros viendront renforcer la dynamique des établissements publics fonciers et d'aménagement (EPFA) de votre territoire, mesure que je sais attendue.
En outre, il nous faut adapter les normes en prenant pleinement en compte les spécificités de la Guyane. C'est dans cet esprit que mon ministère, avec le ministère du logement, a mis en place un outil sur mesure pour offrir des solutions de logement adaptées à nos concitoyens et les sortir de ce que nous pourrions appeler trivialement des « bidonvilles ». Vous en retrouverez les détails dans la mission "Outre-mer" . Cela permettra aux préfets de prendre des mesures pour déroger à certaines normes quand cela se révèle nécessaire. Il s'agit aussi d'un dispositif dérogatoire aux règles qui régissent la LBU, je le précise à l'intention des députés de Mayotte. Je vous en dirai plus tout à l'heure.
Concernant vos interrogations sur le financement des écoles en Guyane en lien avec la forte croissance démographique, nous mettons les moyens nécessaires grâce à la dotation spéciale d'équipement scolaire en Guyane, fixée à 15 millions d'euros dans ce projet de loi de finances. Il reviendra aux collectivités locales, y compris la collectivité territoriale de Guyane, d'en faire bon usage.
À ce financement s'ajoute la dotation spéciale de construction et d'équipement des lycées et collèges en Guyane. Elle atteint un montant de 50 millions d'euros dans le présent PLF, soit 10 millions de plus que dans le précédent. Il faut maintenant que les élus locaux s'en emparent.
La parole est à Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, pour une deuxième question.
Le 9 et le 10 novembre 2020, la Martinique faisait face à des pluies exceptionnelles qui se sont surtout déversées sur sa partie Nord-Atlantique. Près de 440 sinistrés ont été recensés, principalement dans six communes. À Sainte-Marie, La Trinité, Le Robert, Gros-Morne, Le Marigot, Le Lorrain et Basse-Pointe, le patrimoine public a subi de nombreux dégâts et plusieurs axes de circulation ont été coupés.
Deux arrêtés portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ont été pris les 23 novembre et 14 décembre 2020 afin de faciliter l'indemnisation par les assurances. Les efforts consentis ont permis de reloger certaines familles et de les prendre en charge mais certaines situations demeurent difficiles.
Au-delà de la nécessité d'envisager ce phénomène récurrent de manière plus globale, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour que soit conduite une véritable campagne géotechnique qui permettra de faire face aux événements futurs en Martinique ? Cette demande locale appelle un accompagnement déterminé de la part du Gouvernement.
À question précise, réponse précise : je me suis rendu dans votre circonscription il y a un an jour pour jour, après les violentes intempéries qui ont touché la Martinique ainsi que la Guadeloupe. Où en sommes-nous ? La gouvernance, tout d'abord : un comité de suivi a été créé pour gérer les suites de ces intempéries, notamment à la demande du maire de Sainte-Marie et de la communauté d'agglomération Cap Nord. Il rassemble les maires des communes concernées, les associations de sinistrés, la collectivité territoriale de Martinique (CTM) ainsi que les assurances – qui étaient attendues – et les services de l'État.
La priorité est d'accompagner les habitants sinistrés, et tout d'abord leur relogement ; soixante-treize familles sont concernées. Sur les soixante-quatre familles qui ont déposé une demande auprès du service logement de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), soixante ont déjà été relogées : cinquante dans le parc social et dix dans le domaine privé ; quatre dossiers sont encore en cours d'instruction. Ensuite, dix demandes de remboursement de loyer provenant de personnes qui se sont relogées dans une location ont été déposées et une aide de 48 000 euros a été versée. D'autre part, neuf ménages bénéficient d'un accompagnement social renforcé dans le cadre de leur relogement.
S'agissant de l'indemnisation des sinistrés par les assureurs, j'ai écrit en début d'année à la présidente de la Fédération française de l'assurance pour demander que les dossiers fassent l'objet d'un traitement beaucoup plus rapide et simple. Dans les six communes touchées, 440 sinistrés se sont déclarés, dont 230 assurés – ce qui nous rappelle combien il faut développer la culture assurantielle dans les Antilles. Les assureurs déclarent que tous les assurés ont reçu une réponse : 170 dossiers ont été réglés ou sont en cours d'indemnisation, cinquante-trois sont clos sans indemnités et sept sont encore en cours d'instruction.
En ce qui concerne les dégâts ayant touché le patrimoine des collectivités locales, je vous confirme que le Fonds de secours pour l'outre-mer, qui dépend de mon ministère, prendra en charge près de 6 millions d'euros d'aides.
Vous m'interrogez enfin sur les campagnes géotechniques et, plus généralement, sur la prévention des risques en Martinique : il ne me reste que quelques secondes pour vous annoncer que neuf maisons ont déjà fait l'objet d'une première campagne et qu'une seconde campagne portant sur quarante et une parcelles démarrera en décembre. Je compléterai ma réponse plus tard dans le débat.
Ma question, un véritable serpent de mer – j'essaie en vain de faire évoluer la situation depuis ma première élection en 2012 – concerne l'aide à la continuité territoriale en faveur de l'ensemble des collectivités françaises du Pacifique, non pas seulement la Nouvelle-Calédonie. Le dispositif adopté dans les années 2000 sous la présidence de Jacques Chirac a mis du temps à se construire. À l'origine, la Nouvelle-Calédonie comptait 11 000 bénéficiaires de l'aide à la continuité territoriale, mais la réforme de 2011, qui s'est soldée par la révision des plafonds d'admission au bénéfice de cette aide, a eu des effets particulièrement drastiques pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française puisque le nombre de bénéficiaires est passé de 11 000 à 1 100. Qu'il faille redresser une situation et actualiser les niveaux, soit ; mais une telle division par dix, ce n'est plus une actualisation, c'est une dégringolade très douloureuse.
Nous estimons que le plafond d'admissibilité, uniformisé sous votre égide, monsieur le ministre, à la mi-2021, doit être relevé pour les collectivités françaises du Pacifique, pour deux raisons. La première tient au coût de la vie dans ces territoires : il est supérieur de 33 % en Nouvelle-Calédonie et de 39 % en Polynésie par rapport à ce qu'il est en France métropolitaine, alors que la différence n'est que de 7 à 12 % dans les autres territoires d'outre-mer. La cherté de la vie n'y est donc pas comparable, et il en résulte un reste à vivre moindre pour les ménages de ces deux territoires.
Deuxième raison : il faut avancer une partie du prix du billet d'avion, à savoir 60 % de 1 600, voire 1 800 euros, puisque le billet, par définition compte tenu de l'éloignement, est plus coûteux que pour d'autres collectivités ultramarines.
Voilà pourquoi il nous semble plus juste de réviser le plafond d'admissibilité à l'aide à la continuité territoriale pour les collectivités françaises du Pacifique.
MM. Philippe Dunoyer et David Lorion applaudissent.
J'ai découvert ce dossier grâce à vous, à l'Université de Nouméa, et j'ai entendu les fortes attentes exprimées sur le terrain. Surtout, je suis frappé par le nombre de lycéens qui s'interdisent de faire des études supérieures de peur de ne pas pouvoir en assumer la charge financière en l'absence de bourse. Hélas, certains ont du mal à comprendre cette difficulté depuis Paris, même si vous réitérez cette demande depuis le début de votre mandat, et moi depuis mon retour de Nouvelle-Calédonie. Il faut parfois faire preuve de patience pour se faire comprendre.
Je forme néanmoins le vœu que nous avancions – car cela ne dépend pas que de mon ministère. Je crois comprendre que l'amendement que vous présenterez sur le sujet est un amendement d'appel, car nul ne songe que vous souhaitiez vraiment augmenter les bourses en Nouvelle-Calédonie au prix d'une baisse de la ligne budgétaire unique…
Sourires.
Quoi qu'il en soit, nous devons trouver une solution. La première difficulté est d'ordre constitutionnel : ne modifier les critères d'éligibilité des bourses que pour deux collectivités du Pacifique entraînerait une rupture d'égalité avec tous les autres territoires. Cet écueil est avéré – je vois Mme Sage dire non de la tête, mais mes services disent le contraire ; peut-être souhaite-t-elle me présenter un constitutionnaliste qui partage son point de vue ?
D'autres solutions ne sont pas pour autant inenvisageables. Les provinces agissent déjà de leur côté, je n'y reviens pas. Je dispose quant à moi d'un budget d'aide aux associations. Je vous propose, en guise de première étape plutôt que de réponse définitive, de lancer un appel à projet – à condition que vous adoptiez les crédits du ministère ce soir – pour favoriser « l'aller vers » de sorte qu'une association puisse, avec le concours financier de l'État, entamer dès le lycée le début du commencement d'un accompagnement dit de pouvoir d'achat en faveur d'étudiants, qu'ils viennent des Îles Loyauté, du nord ou du sud de la Nouvelle-Calédonie, voire de Nouméa, car ils ont besoin de cette solution. Ce n'est qu'une première réponse ; sans doute n'est-elle pas parfaite, mais elle a au moins le mérite de faire avancer les choses.
J'appelle les crédits de la mission "Outre-mer" , inscrits à l'état B.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 2863 .
Il a déjà été bien défendu, et en détail, pendant la discussion générale.
Je me réjouis de cet amendement du Gouvernement qui permettra d'assurer en Polynésie l'insertion et la qualification des jeunes, notamment ceux qui sont sous-diplômés, grâce à l'instauration d'un service militaire adapté. Avis très favorable.
L'amendement n° 2863 est adopté.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement n° 2934 .
Cet amendement concerne la baisse de 50 millions des transferts budgétaires aux régions, dont seront notamment victimes les régions d'outre-mer. Cette baisse est d'autant plus inacceptable que les régions sont responsables du bon déroulement de la formation des jeunes, notamment au lycée.
Je saisis cette occasion pour rappeler le rapport rédigé avec les collègues Max Mathiasin, David Lorion et Cécile Rilhac sur l'enseignement – et ses difficultés – dans les territoires d'outre-mer en dépression démographique, bien que les mêmes réalités prévalent dans tous les territoires ultramarins. Au terme de nombreuses consultations, nos conclusions ont mis en relief les conditions climatiques éprouvantes, les risques naturels, les conditions matérielles déplorables de l'enseignement – notamment en ce qui concerne le bâti vétuste, voire dangereux – et les transports scolaires inadaptés. Ces conditions se traduisent par un fort taux de journées d'enseignement perdues et des difficultés à scolariser les enfants en situation de handicap. J'avais plus particulièrement travaillé sur la prévention des violences sexistes et sexuelles en milieu scolaire. Tous ces points exigent un investissement beaucoup plus important. Or, une telle baisse des dotations aux régions affaiblira les moyens consacrés à assurer une éducation de qualité dans ces territoires.
Rappelons en outre que les régions sont également chargées de définir la politique de formation sanitaire et sociale. Alors que la pandémie n'est pas finie et que les besoins sociaux des régions ultramarines sont toujours aussi immenses, il nous semble problématique de procéder comme vous l'envisagez. Nous souhaitons par cet amendement sanctuariser les transferts en direction des régions, notamment les régions d'outre-mer.
Votre préoccupation est importante : les collectivités régionales, en effet, sont souvent en difficulté, pour des raisons diverses et variées. Il semble en revanche que les crédits évoqués concernent davantage la mission "Relations avec les collectivités territoriales" , d'autant plus que vous proposez de prélever 50 millions sur des exonérations de charges déjà en baisse. Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
Oui, car vous aurez bien compris que cet amendement ne peut être que d'appel compte tenu des contraintes imposées au Parlement en matière budgétaire, qui ne nous permettent pas de dégager les ressources nécessaires. Nous reviendrons sur les exonérations de charges accordées aux entreprises, qui nous semblent problématiques à plusieurs égards, mais j'insiste ici sur les moyens nécessaires à l'éducation. Le rapport que j'ai cité ne contient pas moins de cinquante-six recommandations visant à dépasser la logique comptable dans l'enseignement, à adapter les moyens pédagogiques aux dimensions et aux réalités locales, à consacrer de réels moyens matériels à l'enseignement et à améliorer les conditions d'apprentissage, et à mieux prévenir les violences au sein de l'école. Tout cela fait aussi partie du bilan qu'évoquait M. Ratenon – de votre bilan plus que contrasté, voire négatif. Malheureusement, le budget que vous proposez n'est toujours pas à la hauteur de besoins pourtant constatés depuis de nombreuses années.
L'amendement n° 2934 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Josette Manin, pour soutenir l'amendement n° 2392 .
Il vise à rétablir les autorisations d'engagement que le Gouvernement propose au titre de l'action 06 Collectivités territoriales du programme 123 Conditions de vie outre-mer à la hauteur des crédits votés en loi de finances pour 2021, soit une hausse de 15 millions, et à augmenter d'autant les crédits de paiement.
Il est vrai que les autorisations d'engagement inscrites au titre de cette action sont en diminution mais nous nous attachons, depuis le début de la législature, à veiller à ce que les crédits de paiement de la mission "Outre-mer" soient bien consommés. En l'occurrence, ils augmentent de près de 36 % : c'est le signe positif que les territoires ultramarins sont en mesure de consommer les budgets alloués. Je vous propose donc le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Un mot en complément du propos du rapporteur spécial : pas de panique, madame la députée, les crédits de paiement sont bien là. Les autorisations d'engagement inscrites dans la loi de finances pour 2021 portaient notamment sur des projets ponctuels – comme le nouveau lycée de Wallis-et-Futuna. Il est normal que les autorisations d'engagement inscrites au titre de ce chantier disparaissent l'année suivante ; les crédits de paiement destinés à financer les travaux dudit lycée, en revanche, sont bien prévus. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement n° 2392 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 2589 .
L'amendement n° 2589 est retiré.
La parole est à M. Mansour Kamardine, pour soutenir l'amendement n° 2750 .
Dans la discussion générale, monsieur le ministre, vous avez estimé que nous devions aborder les sujets sans tabou, dans la perspective des débats importants qui, en 2022, vont mobiliser la nation tout entière. Je vous propose d'entamer dès à présent ce débat, puisque nous sommes dans l'enceinte du débat républicain.
Vous nous avez également demandé de ne pas écarter d'un revers de main les sommes mises sur la table, ce que, personnellement, je ne ferai jamais, au vu de notre niveau de développement. Je le demande à la représentation nationale : pourquoi l'outre-mer n'arrive-t-elle pas à avoir le même niveau de développement que l'ensemble de la France métropolitaine ?
En adoptant cet amendement, vous répondrez à cette question, car il vise à renforcer les dotations aux collectivités territoriales d'outre-mer et les financements adaptés à leurs spécificités – ce terme étant usité depuis une trentaine d'années, pour exclure les collectivités. Il propose d'abonder de 12 millions d'euros l'action Conditions de vie outre-mer, au profit des collectivités locales, en particulier mahoraises, en retard de développement et quant au niveau de leurs dotations : ce serait une mesure de justice, à défaut de l'équité !
Je vous invite donc à adopter cet amendement, chers collègues, afin d'apporter la réponse tant attendue par l'ensemble des territoires d'outre-mer, qui sont toujours en retard et dans une sorte de course-poursuite pour essayer de rattraper le niveau de développement des collectivités métropolitaines.
Si votre préoccupation est justifiée, cet amendement a pour conséquence une augmentation des crédits de paiement de plus de 36 % par rapport à l'année précédente, ce qui constitue un bon signal de notre capacité – y compris à Mayotte, où sont mis en place des éléments liés à l'ingénierie – à consommer le budget ultramarin et à gagner en crédibilité et en force, pour réaliser des actions arrivant rapidement à leur terme. Demande de retrait ou avis défavorable.
Merci d'avoir évoqué le sujet clef du rattrapage. J'en suis d'autant plus convaincu que, dans mes précédentes fonctions, j'ai été le ministre en charge des collectivités territoriales qui a proposé, pour la première fois, une grande réforme de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (DACOM),…
…permettant, dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement des communes (DGF), de procéder à un rattrapage, pour plus de justice envers les collectivités territoriales d'outre-mer.
Le président Cazeneuve, ici présent, est mon complice en la matière.
Sourires.
Pendant des années en effet, des défauts de calculs sont intervenus dans la manière de verser la DGF aux différentes communes et intercommunalités. Un rattrapage inédit est effectué depuis deux ans et demi, suite à un engagement du Président de la République lors du grand débat national, mis en œuvre rapidement. Il provient d'un écrêtement de la DGF dans les autres communes, telles que celles du Doubs ou de l'Eure. La solidarité nationale est ainsi à l'œuvre à l'égard des territoires d'outre-mer, et c'est une bonne chose.
Dans la mission "Relations avec les collectivités territoriales" (RCT), pilotée par Jacqueline Gourault, cet amendement est en partie satisfait, puisque la DACOM continue d'augmenter en 2022. Si vous en êtes d'accord, après les simulations de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et la direction générale des outre-mer (DGOM), nous pourrons en connaître concrètement, commune par commune, le montant, à l'exception du conseil départemental de Mayotte, qui obéit à des mécanismes de rattrapage différents, en raison de la départementalisation et de la spécificité des fonds.
Philosophiquement et politiquement, cet amendement est donc satisfait, puisqu'il s'agit d'un amendement d'appel : vous voulez retirer des crédits à l'action Emploi outre-mer, pour les déployer sur les collectivités territoriales, ce que je considère comme une invitation au débat politique global du rattrapage – rattrapage que nous continuerons également à faire pour Mayotte, dans le cadre de la loi Mayotte, à laquelle vous avez déjà largement contribué. Demande de retrait ou avis défavorable.
Malgré l'invitation insistante du ministre, je maintiens mon amendement. Si je ne nie pas que des choses soient faites, il n'est pas possible de continuer à dire que l'on va faire un effort de rattrapage, qui n'arrive pas : dans dix ou quinze ans, nous y serons encore ! Je souhaite que les choses soient fixées et je demande à la représentation nationale de permettre aux collectivités mahoraises – en retard – d'être dotées des mêmes moyens de développement que les autres collectivités locales.
L'amendement n° 2750 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 2912 .
Le Fonds exceptionnel d'investissement doit être maintenu au niveau du budget pour 2021. Il est en effet incompréhensible, alors que la pandémie de covid-19 a mis en avant les déficits d'investissements dans de nombreux secteurs, notamment sanitaires et scolaires, que le budget de cette action soit réduit de près de 4 millions d'euros. Alors que ce fonds est censé assurer la convergence des territoires ultramarins avec l'Hexagone, comment justifier une telle baisse ?
Si ce fonds doit continuer « d'accompagner les collectivités locales ultramarines dans le financement des projets structurants, avec pour perspective de favoriser et d'accélérer l'émergence des projets, dans une logique de transformations des territoires », il ne peut que faire l'unanimité.
Les territoires ultramarins sont confrontés aux conséquences du dérèglement climatique et leur transformation doit être planifiée en ce sens. En effet, la bifurcation écologique est une nécessité vitale, la planification écologique, l'outil que nous mettons en partage. L'outre-mer peut servir d'avant-poste pour une économie de la mer au service des besoins humains.
Pour ce faire, des investissements massifs sont nécessaires. C'est pourquoi nous vous proposons de ne pas baisser les crédits alloués au Fonds exceptionnel d'investissement, qui devrait, à terme, être pérennisé.
Le Fonds exceptionnel d'investissement a été doté par une réforme de l'impôt sur le revenu : je suis vigilant à ce que les 110 millions d'euros soient bien budgétisés, et c'est le cas. J'ai constaté, comme vous, une diminution des crédits de paiement de ce fonds et j'ai invité l'État et les collectivités territoriales à mieux consommer les crédits, dans l'intérêt des territoires ultramarins : ils concernent encore des investissements en ingénierie, notamment à Mayotte et en Guyane, éventuellement sur d'autres territoires. L'amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer et j'émettrai à défaut un avis défavorable.
Évitons toute forme de contresens : le FEI est bel et bien pérenne et les autorisations d'engagement s'élèvent à 110 millions d'euros, ce qui n'était pas gagné, mais c'est un engagement que le Gouvernement a pris et qui sera inscrit dans le long terme. Cet outil est pilotable et largement plébiscité par les collectivités territoriales.
Qu'en fin de législature, on confonde encore les autorisations d'engagement et les crédits de paiement m'attriste : bien évidemment, les crédits de paiement varient car ils s'adaptent à la réalité des collectivités territoriales. Les communes de votre circonscription peuvent se voir notifier une subvention par le ministre des outre-mer, dans le cadre du FEI. Si l'appel de fonds – concernant les travaux du groupe scolaire, par exemple – n'intervient qu'en 2022, les crédits de paiement ne seront versés qu'à cette date : tel a été le cas en 2021, le covid expliquant largement le retard pris dans les travaux. Des variations caractériseront toujours le versement des crédits de paiement, liés à la vie du projet sur le terrain. Demande de retrait.
Je vous rassure, monsieur le ministre, même sans être économiste ou commissaire aux finances,…
…nous savons distinguer, en cette fin de législature, les autorisations d'engagement des crédits de paiements. Nous avons relevé une baisse des crédits de paiements, les autorisations d'engagement demeurant identiques.
Vous avez vous-même souligné que les crédits sont supposés être pérennes : le FEI n'est pas abondé et, de notre point de vue, il devrait l'être, car il sert à financer des investissements d'infrastructures relatives à l'électricité ou à la gestion des déchets. Nous avons suffisamment évoqué, dans l'Hexagone, la problématique du coût de l'électricité et de ses lourdes conséquences sur les conditions de vie des ménages, pour que tout le monde comprenne que cette actualité concerne d'autant plus fortement l'outre-mer, étant donné l'état de ses infrastructures, de sa précarité générale et énergétique.
Non, il ne s'agit pas d'un budget conséquent, qui réponde aux besoins des populations. Il faut non seulement le pérenniser, mais aussi l'augmenter, pour qu'il puisse véritablement jouer son rôle d'accompagnement des populations en grande précarité.
L'amendement n° 2912 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Justine Benin, pour soutenir l'amendement n° 2107 .
Cet amendement de mon collègue Max Mathiasin pour objet d'abonder de 2 millions d'euros les crédits consacrés aux collectivités territoriales, afin de développer l'ingénierie pour leur permettre une meilleure utilisation des crédits. En effet, le manque de capacité en ingénierie a été identifié à plusieurs reprises dans les annexes budgétaires comme une cause de la sous-consommation des crédits de la mission "Outre-mer" . Il est donc nécessaire de renforcer les capacités des collectivités ultramarines dans ce domaine.
Je salue à mon tour le député Mathiasin, pour qui j'ai une pensée affectueuse. Vous avez raison, la question de l'ingénierie dans les territoires ultramarins est fondamentale. Le Gouvernement l'a d'ailleurs compris depuis plusieurs années, puisqu'il a mis en place, à Mayotte et en Guyane, des cellules spécifiques, qui fonctionnent.
Si de beaux efforts sont faits sur tous les territoires, j'aimerais – je le dis depuis longtemps – qu'il en soit fait davantage, et que sur tous les territoires ultramarins, comme à Mayotte et en Guyane, nous puissions mettre en place une telle cellule d'ingénierie, précisément afin de consommer les crédits de paiement que nous évoquons. Cela nous permettrait d'être crédibles vis-à-vis de l'État. J'émets donc un avis favorable à cet amendement.
Je n'y suis pas favorable, car il est déjà satisfait. Chaque année, nous évoquons ces questions d'ingénierie, sur lesquelles nous avons fait du chemin : l'Agence française de développement (AFD) propose des outils d'ingénierie qu'elle ne proposait pas il y a deux ans.
La chambre régionale des métiers et de l'artisanat (CRMA) vient également d'ouvrir des agences outre-mer, ce que nous demandons depuis des années. Les COROM, issus de votre rapport, monsieur le président Cazeneuve, constituent aussi une aide en ingénierie. Vous avez voté, l'année dernière, dans le budget, la capacité d'utiliser une partie de la ligne budgétaire unique pour de l'aide à l'ingénierie.
J'ai été maire et je suis élu départemental : on peut mettre des milliards d'euros sur la table pour l'ingénierie, mais ce qui compte c'est l'appel, c'est de savoir s'adapter aux besoins des élus locaux, sur le terrain. Les élus nous disent qu'il y en a dans tous les coins et qu'il faut simplifier les demandes d'ingénierie ! Je l'entends.
L'amendement consiste à augmenter l'existant d'un montant de 2 millions d'euros : il est déjà satisfait. L'enjeu est celui de la simplification du recours, de la procédure, pour le maire d'une commune de 500 ou 1 000 habitants, effectuant son premier mandat ou ayant été renouvelé dans ses fonctions par ses concitoyens. À cet égard, je demanderai aux préfets de proposer des offres d'ingénierie de plus en plus unifiées, tendant vers le « clé en main » et partant du projet de la commune, qu'il s'agisse de construire une école, des logements ou la place du village. Quoi qu'il en soit, les moyens en ingénierie sont disponibles– je parle d'argent. Demande de retrait car satisfait.
Le sujet de l'ingénierie a en effet été parfaitement identifié depuis longtemps. Les collectivités ont des difficultés pour monter des projets et pour les réaliser. Or, comme l'a évoqué le ministre, des outils multiples ont été créés, depuis quelques années, pour répondre à ces besoins, aussi bien dans la période précédant la crise sanitaire que dans le plan de relance et les moyens mis en œuvre depuis. C'est pourquoi le groupe La République en marche suivra l'avis du ministre.
L'amendement n° 2107 n'est pas adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 :
Suite de l'examen des crédits de la mission "Outre-mer" .
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra