Intervention de Olivier Serva

Séance en hémicycle du mardi 9 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Les crédits de la mission "Outre-mer" progressent de 1,25 % en crédits de paiement (CP), mais diminuent de 2,7 % en autorisations d'engagement (AE). Ils atteignent, dans le projet de loi de finances pour 2022, 2,6 milliards d'euros en AE et 2,5 milliards d'euros en CP.

Je me réjouis de l'évolution globale des crédits de paiement, tout en restant attentif à quelques points de vigilance que je vais développer et au sujet desquels j'ai déposé des amendements.

Le programme 138 Emploi outre-mer présente certes des crédits en recul de 3,3 % en AE et en CP, mais il me semble qu'il faut remettre ces chiffres dans leur contexte et rappeler qu'une très large majorité des crédits du programme est consacrée à la compensation des exonérations de cotisations patronales spécifiques aux entreprises ultramarines. Or ces dernières ont eu recours au chômage partiel, ce qui a contribué à la diminution des remboursements. Les crédits de l'action 02 Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle progressent toutefois, du fait d'une extension du dispositif du service militaire adapté (SMA), avec une progression de 6,85 % en AE et de 7 % en CP. Le SMA est un dispositif qui a fait ses preuves et que le Gouvernement propose d'étendre en créant 202 emplois équivalent temps plein (ETP) supplémentaires et en constituant un régiment supplémentaire à Mayotte. Je me réjouis aussi de l'amendement gouvernemental ouvrant des crédits pour l'ouverture d'un régiment SMA avec 49 nouveaux ETP en Polynésie française.

J'en viens au programme 123 Conditions de vie outre-mer, dont les crédits de paiement augmentent de 15,15 % et s'adaptent à une accélération des décaissements. C'est une bonne nouvelle, car cela signifie que les programmes mis en place pour renforcer les capacités d'ingénierie administrative, financière et technique des collectivités territoriales portent leurs fruits. Il reste des difficultés, mais ce constat conforte le point de vue que j'exprime depuis plusieurs années : les spécificités ultramarines justifient réellement ces dispositifs d'aide à l'ingénierie. Il conviendrait d'ailleurs selon moi de les développer davantage, au-delà des territoires de Mayotte et de la Guyane. Les autorisations d'engagement du programme Conditions de vie outre-mer sont quant à elles en recul, en raison de leur niveau très élevé l'année dernière, qui était lié à des projets à caractère exceptionnel.

Dans le détail, la progression des crédits de l'action 01 Logement, tant en AE qu'en CP, avec des hausses respectives de 4,45 % et de 13,61 %, est une bonne chose. Je salue l'extension de l'éligibilité de l'aide à l'amélioration de l'habitat, déjà ouverte aux propriétaires très modestes, qui s'étend dorénavant aux propriétaires modestes.

J'aimerais aussi dire quelques mots au sujet de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), qui est l'unique opérateur de la mission et dont je suis les activités avec attention. Je suis heureux de voir se concrétiser en 2022 une recommandation de la Cour des comptes tendant à un rapprochement de LADOM avec Pôle emploi. Après accord des conseils d'administration en 2021, l'accord de partenariat porte principalement sur des actions de formation, sur l'indemnisation des stagiaires et sur l'accompagnement post-formation. C'est un progrès pour les populations ultramarines. Notons en premier lieu que le plan France relance, décliné sur l'ensemble du territoire national, inclut naturellement les outre-mer pour des crédits évalués, selon le ministère, à 1,5 milliard engagés de 2020 à 2022. Ajoutons, en second lieu, qu'il existe des dispositifs France relance spécifiquement fléchés vers les territoires ultramarins.

Mes chers collègues, le fait d'être satisfait de l'évolution globale des crédits de la mission n'empêche pas un regard critique. À cet égard, je souhaite évoquer avec vous trois points, dont le premier est la question des algues sargasses. Pour la première fois, le programme porte les crédits de l'État à 2,5 millions d'euros pour accompagner les collectivités confrontées à ce phénomène. Il faut s'en féliciter, mais je m'interroge sur le caractère opérationnel de cette aide. En effet, elle ne sera versée aux collectivités qu'après engagement des dépenses. Il me semble que cela ne répond pas aux nombreuses situations où les collectivités sont dépassées par l'ampleur du phénomène ; je pense par exemple à l'île de Marie-Galante. Il est essentiel que l'État prenne davantage ses responsabilités dans la gestion de ce fléau.

Ma deuxième interrogation porte sur l'action 04 Financement de l'économie du programme Emploi outre-mer. Lors de l'extinction du dispositif de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR), le Gouvernement avait promis de redéployer les 100 millions d'euros de dépenses fiscales en les inscrivant sur cette action. Or, avec 24 millions d'euros aujourd'hui, le compte n'y est vraiment pas. J'ai d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet.

Ma troisième interrogation concerne le retour des forces vives. Il est important pour moi, alors que nous discutons des crédits de la mission – et donc de la continuité territoriale – de poser à tous la question suivante : que faisons-nous concrètement pour répondre au manque de personnel qualifié dans certains secteurs en outre-mer, au vieillissement de la population et aux difficultés que rencontrent, pour rentrer au pays, certains jeunes qui ont étudié dans l'Hexagone ? Nous ne pourrons pas faire longtemps l'économie d'un débat de fond et je vous présenterai plus tard, par voie d'amendement, des mesures d'amélioration. Sous les réserves que je viens d'exprimer, je vous appelle à l'adoption des crédits de la mission "Outre-mer" .

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.