Monsieur le président de l'Assemblée, à mon tour de vous remercier de présider cette séance importante pour nos concitoyens d'outre-mer. Je salue M. le rapporteur spécial, le président Serva, le rapporteur Naillet et l'ensemble des parlementaires. Pour la deuxième année consécutive, je me réjouis de vous présenter les crédits de la mission "Outre-mer" . Merci par ailleurs pour les mots personnels que, les uns et les autres, vous avez bien voulu m'adresser.
C'est un budget résolument tourné vers le quotidien de nos concitoyens ultramarins – c'est tout de même bien ainsi qu'ils sont désignés –, malheureusement bouleversé par la crise sanitaire. Je veux ici avoir une pensée pour les victimes, leurs familles endeuillées et remercier les soignants venus en renfort par les trois océans. L'État a été et sera aux côtés des outre-mer face à cette crise, tant sur le plan sanitaire qu'économique. Nous l'avons collectivement prouvé.
Comme l'année dernière, je commencerai par un rappel général. Le budget de l'État dédié aux outre-mer est bien plus large que la seule mission Outre-mer que nous examinons ce soir. En effet, le budget de l'outre-mer s'étend sur 32 missions et 94 programmes et, en additionnant les dépenses budgétaires et fiscales, l'État y consacre près de 26 milliards d'euros en AE et 27,6 milliards d'euros en CP. À cela s'ajoutent les crédits outre-mer du plan de relance, dont la moitié est déjà territorialisée et constitue une véritable réponse sur le volet économique.
Au-delà de la mission "Outre-mer" , trois autres missions dépassent le milliard d'euros : Relations avec les collectivités territoriales, Écologie, développement et mobilité durables et Solidarité, insertion et égalité des chances. La mission Travail et emploi, quant à elle, frôle le milliard, avec une hausse des crédits de près de 345 millions d'euros, ce qui est inédit. Par ailleurs, deux missions consacrent des dépenses de personnel importantes à l'outre-mer : près de 5,3 milliards d'euros pour les agents de l'éducation nationale, contre 4,7 milliards l'année dernière, et un peu plus de 1,1 milliard pour les forces de sécurité intérieure.
Des investissements de taille sont à noter. Les territoires d'outre-mer bénéficient ainsi d'investissements fondamentaux comme partout ailleurs dans la République en termes de justice, de sécurité, d'éducation, d'enseignement supérieur, d'insertion, d'infrastructures structurantes, de transition écologique, de prévention des risques. J'en citerai quelques-uns pour rendre mon propos concret : en Guadeloupe, la rénovation et l'extension du palais de justice de Basse-Terre et le développement des énergies renouvelables ; en Martinique, la livraison d'un nouvel hôtel de police à Fort-de-France pour 37 millions d'euros et la construction du pôle universitaire de santé pour 2 millions d'euros ; en Guyane, le doublement du pont du Larivot pour 97 millions d'euros – un projet ancien et attendu –, la construction d'un nouvel hôtel de police à Cayenne pour près de 50 millions d'euros, ou encore la création d'un foyer de jeunes travailleurs de 240 places ; à la Réunion, la réhabilitation des locaux de l'université et la construction de nouveaux logements du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), pour laquelle la plupart des parlementaires du territoire s'étaient mobilisés ; à Mayotte, la création de 500 classes, la rénovation de 500 autres et la construction de réfectoires, et le développement d'un système d'alerte et d'information des populations à la suite de la découverte d'un volcan sous-marin ; en Polynésie française, des panneaux photovoltaïques dans les casernes de Faaa, la poursuite de la construction de la cité judiciaire de Papeete pour plus de 30 millions d'euros ; en Nouvelle-Calédonie, la construction d'un centre de détention à Koné ; à Wallis-et-Futuna, des investissements de l'Agence de santé ; à Saint-Pierre-et-Miquelon, l'achèvement du quai de croisière. Ce sont là autant de projets qui se veulent concrets.
Je ne peux pas évoquer ce budget sans parler de la crise sanitaire, des aides d'urgence, mais aussi de la relance. Depuis le début de la crise, le Gouvernement est mobilisé pour soutenir toutes les entreprises en difficultés avec des aides adaptées aux situations locales. Elles représentent plus de 6 milliards d'euros en outre-mer, dont 3,5 milliards de prêts garantis par l'État, 1,1 milliard du fonds de solidarité, 830 millions d'euros de reports de charges et 650 millions d'euros d'activité partielle. Vous conviendrez, mesdames, messieurs les députés, qu'il serait délicat de balayer ces chiffres d'un revers de main.
Je rappelle aussi que depuis le 1er octobre, les territoires ultramarins soumis à des restrictions d'activité sont les seuls en France à bénéficier du fonds de solidarité ainsi que de l'activité partielle. Les collectivités ont été également aidées et continueront de l'être : je pense à la subvention exceptionnelle de 82 millions d'euros en faveur de la Nouvelle-Calédonie, liée aux dépenses de la crise sanitaire, qui a été complétée hier par 40 millions d'euros. Nous avons reçu une nouvelle demande de prêt garanti par l'État de la part du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie : elle sera examinée très prochainement. Enfin, une aide complémentaire au fonds de solidarité va être mise en place tout prochainement pour répondre à la situation de certaines TPE et PME ultramarines, notamment polynésiennes, qui, bien que très touchées par les mesures de restriction, ne pouvaient prétendre actuellement au fonds de solidarité – je sais, madame Sage, que vous vous étiez mobilisée avec le président Fritch pour faire évoluer les choses sur ce point. Cette aide sera automatique et ne concernera que l'outre-mer.
Un mot sur le plan de relance. Sur les 100 milliards d'euros de France relance, plus de 1,5 milliard d'euros sont dédiés aux outre-mer, avec 669 millions pour la transition écologique, 566 millions pour la cohésion sociale et territoriale et 316 millions pour la compétitivité des entreprises en outre-mer. Les bénéficiaires de ces crédits sont des collectivités, des entreprises, des associations, des ménages, des jeunes en recherche d'emploi : personne n'en est exclu. Les COM du Pacifique bénéficient, comme les DROM, de certaines des mesures de France relance, dans le respect de leurs compétences propres et parfois au-delà, en lien et en accord avec les gouvernements locaux.
S'agissant de la mission "Outre-mer" elle-même et de ses deux programmes, elle présente une légère baisse des AE. Ces dernières s'élèvent à 2,57 milliards d'euros, contre 2,65 l'année précédente, ce qui s'explique par la baisse des exonérations consenties dans le cadre des dispositions de la loi pour le développement économique des outre-mer, dite LODEOM. Il faut par ailleurs se réjouir d'une hausse des CP sur l'intégralité de la mission. Surtout, je note une accélération des paiements sur les projets d'investissement dans le logement et les infrastructures publiques, ce qui est une bonne nouvelle pour nos concitoyens et tout le tissu économique ultramarin. Le député Lorion y est revenu. Nous étions dans un creux ; il y a un redémarrage cette année et quelque chose me dit que l'année prochaine sera aussi une bonne année en matière d'investissements, donc en termes d'argent réellement dépensé. Nous le savons tous, l'enjeu de cette mission n'est pas seulement d'inscrire des sommes en AE, mais de les consommer en CP.
En ce qui concerne le programme 138, il est évidemment touché par la baisse mécanique des exonérations dites LODEOM. Cela n'enlève rien au soutien apporté par le Gouvernement à nos entreprises ultramarines, d'autant moins que le dispositif est cette année étendu au secteur de l'aéronautique, ce qui était une demande de nombre d'entre vous.
Une nouvelle mesure importante de ce PLF est portée par ce programme : l'ouverture d'une nouvelle compagnie du service militaire adapté à Mayotte. Les élus du territoire s'étaient mobilisés pour cela, et nous l'avions visitée avec le député Kamardine. Cette compagnie, c'est 9,7 millions d'euros et 175 ETP. Une expérimentation permettra notamment d'allonger la durée moyenne de l'accueil, de mettre en place le permis pour tous et d'accueillir des mères célibataires : ça aussi, c'est du concret.
Cela me permet d'évoquer l'amendement par lequel le Gouvernement proposera la création d'une nouvelle compagnie de SMA à Hao, dans les Tuamotu, conformément à un engagement pris par le Président de la République lors de son dernier déplacement officiel, effectué en juillet dernier. Nous portons plusieurs ambitions sur ce projet : redynamiser l'économie de l'atoll, notamment après la fin du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) ; porter des filières d'avenir – autosubsistance, énergies vertes, tourisme, communication – ; respecter une faible empreinte écologique. Vous l'aurez compris, c'est aussi un peu le régiment du service militaire adapté (RSMA) de demain que nous souhaitons construire. Nous devrions accueillir les premiers stagiaires dès l'automne 2022, dans un calendrier à ce point resserré qu'il en constitue un record. L'amendement propose d'ouvrir près de 7 millions d'euros en AE et plus de 5,5 millions d'euros en CP.
S'agissant du programme 123 relatif aux conditions de vie outre-mer, les CP augmentent de 64 millions d'euros. Le logement figure parmi les priorités. Un mouvement vers la réhabilitation est enclenché : cette nouvelle doctrine, qui n'envisage plus seulement la construction de neuf, en particulier aux Antilles et à La Réunion, favorise la consommation des crédits. En début d'année, on a observé une augmentation de 146 % du nombre de projets.
Sur le volet fiscal, ce PLF pour 2022 porte la reconduction du dispositif de l'outre-mer de 2022 à 2027. Cette reconduction a été validée par l'Union européenne en juin dernier et il importait de la transcrire dans notre droit avant la fin de l'année, avec des modifications de seuil en faveur de nos TPE et PME.
Plus globalement, ce sujet de l'outre-mer me permet d'évoquer le sujet de la vie chère, comme je l'ai fait cet après-midi lors des questions au Gouvernement. Nous en connaissons les causes : d'abord la fiscalité locale, à savoir l'octroi de mer, qui est à l'origine une barrière douanière, mais qui a aussi indéniablement un impact sur le coût de la vie qui n'est pas toujours compris aujourd'hui ; des monopoles et positions dominantes qui empêchent de faire jouer la concurrence ; l'éloignement et la dépendance vis-à-vis des importations, principalement en provenance de l'Hexagone, faute de filières locales structurées, qui engendrent des coûts de transport supérieurs à ceux de l'Hexagone. C'est incontestablement le dossier majeur des mois et des années qui viennent. Il faut en parler sans tabou et j'espère que la période électorale à venir nous permettra de le faire.
Cette mission, mesdames et messieurs les députés, s'attache à la vie quotidienne de nos concitoyens. J'entends les prises de parole des uns et des autres, et je n'ignore pas les prochaines échéances électorales. Néanmoins, ce budget a le mérite d'être sincère et de correspondre aux attentes des territoires. En tout cas, je vous le présente avec sincérité et beaucoup d'enthousiasme – et, si vous me le permettez, beaucoup de cœur.