La disparition de Marielle de Sarnez, après un long combat contre la maladie, a suscité une émotion profonde et un hommage partagé bien au-delà de sa famille politique. En effet, elle suscitait le respect de tous. Elle ne recherchait pas la lumière mais s'affirmait naturellement, par son talent, par la force de ses convictions et de son caractère, par la cohérence de sa pensée. Elle privilégiait toujours l'engagement au service des idées et des valeurs à la recherche des postes et des honneurs. C'est ce « droit au sens », pour reprendre le titre évocateur d'un essai politique fondateur, qu'elle entendait offrir à ses concitoyens.
Attachée à convaincre, et certainement pas à plaire ou à séduire par dessus tout, Marielle de Sarnez représentait le contraire de la politique spectacle, de la quête du superficiel, de la dictature de l'immédiateté. Jamais elle n'a tutoyé la compromission ; toujours, elle a veillé à ramener les choses à l'essentiel. C'était une femme entière, qui parfois rencontrait des oppositions, mais qui toujours en imposait.
Elle n'empruntait ni les sentiers battus, ni les voies de la facilité, ce qui la rendait apte à relever tous les défis, comme celui si bien réussi de diriger le cabinet du ministre de l'éducation nationale avec le parcours si peu académique qui était le sien – formidable intuition du ministre de l'époque.
Elle savait parfaitement être une organisatrice née, soucieuse du détail et de la mise en œuvre, et en même temps porter et incarner l'idéal qui guida toute sa vie politique. Son idéal était à la fois puisé dans notre histoire et d'une profonde modernité : celui d'une force politique centrale et centriste, suffisamment puissante pour résister à l'écartèlement partisan, et suffisamment charpentée pour ne pas céder aux idées fausses des marchands de slogans et de solutions faciles, dont les dérives constituent toujours un danger pour les peuples démocratiques. Cette force politique est suffisamment consciente d'elle-même, de son identité, de sa pensée et de son implantation au cœur même de la nation pour accepter de composer des majorités d'idées par-delà les frontières partisanes et les réflexes claniques.
Depuis toujours, elle a cru viscéralement en cette force politique centrale. Très vite, en effet, elle s'est engagée derrière la candidature de Valéry Giscard d'Estaing à l'élection présidentielle de 1974. L'homme qui voulait rassembler deux Français sur trois ne pouvait qu'emporter l'adhésion et l'enthousiasme de celle qui a toujours affirmé que ce qui rapprochait nos concitoyens était bien plus fort que ce qui les divisait – message d'une étonnante modernité.
C'est donc tout naturellement qu'en 1978, elle participe à la création de l'UDF laquelle a pour vocation de rassembler les familles politiques jusque-là désunies qui se réclamaient du centre et du centre droit. Héritières d'un riche passé, toutes se reconnaissaient dans le libéralisme économique autant que dans le personnalisme de la démocratie chrétienne ou dans le projet européen des pères fondateurs. Le succès fut au rendez-vous, car ce jeune parti rassembla plus de 21 % des voix aux élections législatives de 1978, que tous les commentateurs jugeaient alors perdues pour la majorité de gouvernement. Cette leçon de sa propre vie, Marielle de Sarnez ne l'oubliera jamais, notamment aux côtés de François Bayrou, avec qui elle allait tisser un engagement politique exigeant en même temps qu'une amitié profonde et durable.
C'est avec cette même conviction que Marielle de Sarnez a participé en 1998 à la refondation de l'UDF, qui permit au centre politique d'éviter l'effacement lors des législatives de 2002 et d'obtenir près de 19 % des voix à l'élection présidentielle de 2007. À chacune de ces étapes, elle avait défendu bec et ongles l'identité, la liberté, l'indépendance de sa famille politique et de ses convictions. Afin de les renforcer encore davantage, elle participa à la fondation du MODEM, dont je tiens tout particulièrement à saluer, en cet instant de recueillement, les membres présents dans l'hémicycle. Au cours de cette législature, elle a pu déployer ses grandes qualités de parlementaire, notamment – vous l'avez dit, monsieur le président – à la tête de la commission des affaires étrangères, qu'elle a marquée de son empreinte si personnelle, qui ne laissait personne indifférent.
C'est là qu'est venue la frapper la maladie, une maladie qui ne lui a laissé aucune chance, alors même qu'elle l'affrontait avec une dignité et une force morale dont nous avons tous été ici même, mais aussi bien au-delà, les témoins émus. Marielle de Sarnez se battait pour ses enfants, Justine et Augustin, et pour ses petits-enfants – qu'elle aimait par-dessus tout, qu'elle ne croyait pas devoir quitter si tôt, qu'elle voulait surtout, en mère exemplaire, protéger des souffrances de sa propre disparition. Je veux en cet instant les saluer avec émotion, avec affection, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, tout comme François Bayrou, dont je sais l'indicible peine.
Avec Marielle de Sarnez, le centre a perdu une figure longtemps discrète, mais que chacun, d'un bout à l'autre de l'échiquier politique, a reconnue comme centrale. Plus que tout autre, Marielle aurait voulu que la vie continue, que le combat pour l'espérance, pour la justice, pour l'humanisme et pour la paix entre les peuples, notamment grâce à une Europe puissante, soit plus fort que tout. Puissent sa clairvoyance, son intégrité, son opiniâtreté et son courage nous inspirer longtemps.