Que dire ? Si j'avais plus de temps, je parlerais longuement des conditions d'examen de ce texte, un PLF qu'on nous a d'abord présenté comme aussi fin que du fil dentaire, pendant qu'en parallèle le Gouvernement continuait d'annoncer chaque matin de nouvelles dépenses non budgétées.
Résultat : un budget dont la sincérité ne peut être évaluée, et – tenez-vous bien – 149 amendements du Gouvernement pour compléter les trous de ce parcours de golf. En faisant un peu d'archéologie parlementaire, nous avons découvert, en remontant aussi loin que possible dans les archives, que ce chiffre, 149, constituait un record. C'est par exemple deux fois plus que pour le dernier budget du quinquennat précédent mais aussi presque la moitié des 304 amendements – hors rédactionnels – adoptés cette année. En comparaison, les quarante-deux amendements adoptés provenant de toutes les oppositions réunies, dont quatorze de notre groupe, semblent peu de chose. Vous gouvernez seuls.
Vous avez battu un autre record, celui de l'amendement le plus cher de l'histoire, 34 milliards d'euros – un détail, pour un amendement qui ne contient justement aucun détail. Il a été déposé entre la poire et le fromage, sans étude d'impact, sans justification au premier euro, sans indicateur de performance, sans rien. Rien qui permette au Parlement d'exercer correctement son rôle de contrôle. Où va-t-on ?
Heureusement, ce quinquennat touche à sa fin, parce que sinon, à ce rythme, pour le budget 2030, vous auriez mis – je le crains – 10 milliards dans le PLF et 600 milliards par amendement.
C'est dommage car, sur le fond, nous aurions envie de saluer ces 34 milliards d'euros parce qu'il semble que vous nous ayez enfin écoutés. Nous reprochions aux 100 milliards du plan de relance d'être un saupoudrage chaotique sans effet d'entraînement. Or il semblerait que nous ayons cette fois enfin droit à un plan d'investissement cohérent et ciblé sur quelques secteurs porteurs. C'est un début.
Toutefois c'est insuffisant. Ce budget perpétue les erreurs des années précédentes. Comme ce quinquennat, il ne repose que sur une jambe, celle du soutien immodéré aux entreprises et aux très, très fortunés, avec 25 milliards d'euros de baisse d'impôts chaque année, essentiellement pour les plus riches, notamment avec la baisse des impôts de production et de l'impôt sur les sociétés, la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), et l'instauration de la flat tax – prélèvement forfaitaire unique.
Vous pouvez appeler ça « compter sur les premiers de cordée » mais personne n'est dupe. Tout le monde sait que, sous ce maquillage, se cache la fameuse, la fumeuse théorie du ruissellement.
Je sais, vous allez me dire que la croissance est repartie, preuve du succès de votre politique. Je vous invite donc à consulter les tableaux qui figurent aux pages 59 et 216 du rapport économique, social et financier. Ils indiquent la croissance du PIB entre 2019 et 2022. Pour le monde entier comme pour les États-Unis, elle est de 7,1 %. Pour la zone euro hors France, elle s'élève à 2,6 %. Pour la France, elle est seulement de 1,5 %.