Intervention de Stéphane Mazars

Séance en hémicycle du mardi 16 novembre 2021 à 21h45
Confiance dans l'institution judiciaire — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Mazars, rapporteur des commissions mixtes paritaires :

Nous arrivons au terme de l'examen des projets de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Nous les avions adoptés en première lecture le 25 mai dernier, le Sénat avait fait de même le 29 septembre. Les commissions mixtes paritaires sont parvenues à un accord le 21 octobre. Nous approuverons, je l'espère, leurs conclusions aujourd'hui et nos collègues sénateurs après-demain.

Je dois saluer, au préalable, la volonté d'aboutir qui a prévalu dans l'ensemble de nos discussions avec mes homologues du Sénat, Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère, avec le soutien précieux des présidents de nos commissions des lois respectives.

Monsieur le garde des sceaux, les projets de loi que vous aviez présentés au Parlement étaient ambitieux : restaurer la confiance dans la justice est à la fois une tâche noble et une impérieuse nécessité. Votre sincérité a emporté l'adhésion des parlementaires car, à dire vrai, l'écrasante majorité des soixante-six articles des projets de loi a fait l'objet d'un accord immédiat entre les assemblées. Je ne parle pas ici de dispositions mineures ou sans portée, puisqu'il s'agit des audiences filmées, de la limitation de la durée des enquêtes, du recalibrage des pôles de l'instruction, du contrat d'emploi pénitentiaire, de la refonte des réductions de peine ou, encore, de la déontologie des professions du droit. Tout cela, en effet, nous a spontanément réunis.

Il y avait aussi des points de divergence plus profonds, mais nous sommes parvenus à les aplanir. Je vous présente les compromis les plus significatifs.

Sur les cours criminelles, nous partageons avec le Sénat le constat d'une expérimentation encourageante qui mérite d'être généralisée, notamment pour limiter dans le temps la coexistence des régimes de jugement de crimes. Nous avons entendu les objections des sénateurs sur une expérimentation qui n'est pas allée jusqu'à son terme et qui s'est déroulée pendant la crise sanitaire. Nous sommes donc convenus d'en acter la généralisation mais d'en reporter l'entrée en vigueur à 2023, ce qui permettra au Parlement de procéder à une évaluation détaillée, voire à des ajustements.

S'agissant de l'avocat honoraire, nous avons privilégié la proposition d'Antoine Savignat et de moi-même de limiter l'expérimentation aux cours criminelles. En effet ces cours criminelles ont besoin d'un vivier d'assesseurs et elles bénéficieront davantage du regard extérieur d'un professionnel du droit.

Sur l'exécution des peines, nous favorisons l'accompagnement des détenus en fin de peine au travers d'un mécanisme de libération sous contrainte de droit pour les personnes condamnées à moins de deux ans d'emprisonnement et dont le reliquat de peine est inférieur à trois mois.

Quant au devoir de vigilance des sociétés mères et des donneurs d'ordre, la nécessité de clarifier la question de la compétence juridictionnelle a été reconnue de tous. l'Assemblée nationale préconisait la désignation d'un ou plusieurs tribunaux judiciaires, le Sénat optant, quant à lui, pour le seul tribunal de commerce de Paris. La CMP a retenu un unique tribunal judiciaire, celui de Paris.

Je dois conclure en évoquant ce qui est, à mes yeux, la plus grande incompréhension de ces textes. Le Gouvernement comme le Parlement ont beaucoup travaillé et consulté afin de renforcer la protection des droits de la défense et du secret professionnel des avocats. Le droit actuel et la jurisprudence récente, je le rappelle, les ont bien mis à mal.

Avec l'article 3, nous avons restauré le principe du secret professionnel. Nous avons soumis au juge des libertés et de la détention (JLD) les perquisitions au cabinet et au domicile d'un avocat et conditionné ces actes à des éléments préalables sérieux. Nous avons même protégé les correspondances de l'avocat quand elles sont saisies dans un autre lieu. Nous avons soumis au même régime strict les communications de fadettes et les écoutes. Pour obtenir un accord avec le Sénat, nous avons simplement allégé le principe d'inopposabilité dans des cas très limités, touchant aux seuls conseils et à l'occasion de la commission de graves infractions économiques et fiscales, particulièrement délétères pour notre contrat social. Je le répète, dans le texte de la commission mixte paritaire, les documents non couverts par le secret sont peu nombreux, en tout cas bien moins nombreux qu'aujourd'hui : quiconque lit honnêtement le texte ne peut le nier, c'est un pas de géant dans la bonne direction. Des affaires judiciaires dans lesquelles la Cour de cassation a autorisé la surveillance d'avocats ne pourraient avoir lieu avec ces nouvelles dispositions.

Force m'est néanmoins de constater avec une grande amertume que les intentions que les professionnels prêtent encore au ministre et aux parlementaires sont exactement l'inverse. Chers collègues, mon engagement politique s'inscrit dans la recherche du bien commun. Le Conseil national des barreaux (CNB) notamment nous appelle à retirer ces dispositions : c'est inacceptable. Si les représentants des avocats souhaitent que se perpétuent la jurisprudence des fadettes et la pratique des écoutes, s'ils veulent que rien ne change dans le régime des perquisitions, eh bien, disons-le, le Parlement, lui, ne l'acceptera pas.

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