Il y a vingt ans, la loi organique relative aux lois de finances, plus communément appelée LOLF, a renouvelé l'examen des lois de finances avec un double objectif : réformer l'État et améliorer la portée de l'autorisation budgétaire. Avant d'en venir à la proposition de réforme de ce cadre qui nous est soumise, permettez-moi de revenir sur l'adoption de cette loi fondatrice – en miroir avec l'ordonnance de 1959 qui, jusque-là, régissait la procédure budgétaire. En premier lieu, la LOLF est l'aboutissement d'un travail parlementaire de longue haleine, fruit de discussions, de débats et de délibérations – à l'opposé de l'ordonnance de 1959, à la main du gouvernement d'alors.
Je remercie Didier Migaud, le regretté Henri Emmanuelli, Alain Lambert et Michel Bouvard, tant de leur ouvrage que de leur ténacité. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que cette loi parlementaire – pléonasme qui, en l'espèce, est parfaitement approprié – ait pour objectif de rendre toute sa portée à l'autorisation parlementaire, véritable fondement démocratique. Construit de manière plus pratique, l'examen des projets de loi de finances devait s'éloigner du fameux triptyque par lequel Edgar Faure qualifiait les débats budgétaires – « litanie, liturgie, léthargie » –, pour enfin faire du Parlement un acteur à part entière de l'examen du budget.
Le deuxième objectif de ces pères fondateurs était de faire la réforme de l'État par le budget, en introduisant au premier rang de la gestion publique la notion de performance, tout en laissant aux gestionnaires une plus grande liberté d'action, dans un contexte d'augmentation de la dépense publique.
Vingt ans après, nous ne pouvons que constater que ces objectifs n'ont pas tout à fait été atteints, et le regretter. L'évaluation au fil de l'eau ne s'est pas imposée dans la gestion publique : le Parlement s'est certes affirmé dans l'examen des projets de loi de finances mais son information par le Gouvernement reste trop erratique et brouillonne – au reste, la faute est sans doute partagée ; enfin, force est de reconnaître que de nombreux efforts peuvent encore être réalisés en matière de maîtrise de la dépense publique, et notre situation budgétaire après la crise nous conduira à y faire encore plus attention.
La proposition de loi défendue par le président et le rapporteur général de la commission des finances, dans un esprit de consensus, contribue largement à renouveler l'examen parlementaire des projets de loi de finances et, ainsi, à corriger certains de ses défauts. La loi de programmation des finances publiques, et en conséquence l'article liminaire des lois de finances, sont enrichis du vote d'une norme de dépenses en valeur et en volume. L'information du Parlement est renforcée et rationalisée. Les lois de finances établiront désormais une distinction nette entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement, informant clairement parlementaires et citoyens de ce qui relève de la gestion quotidienne et de ce qui relève des dépenses d'avenir, comme le souhaitait depuis longtemps la famille démocrate, ce qu'illustre le parcours de François Bayrou. Cette séparation encourage en effet une meilleure gestion quotidienne des finances publiques, nous rappelant que l'État, dans son action budgétaire, a un véritable rôle à assumer dans la construction d'un avenir plus prospère. Enfin, les pouvoirs du Haut Conseil des finances publiques sont élargis. Il aura notamment la possibilité de s'exprimer sur l'évolution de la dette publique ou encore le réalisme – et non plus seulement la cohérence – des recettes et des dépenses inscrites en loi de finances.
Je tiens à remercier les sénateurs, en particulier le président et le rapporteur général de leur commission des finances, de leur volonté d'aboutir sur ce texte à un consensus qui rappelle un peu l'esprit de concorde de 2001. Les textes que nous examinons aujourd'hui sont largement enrichis par leurs travaux, et je salue leurs apports sur les collectivités territoriales, sur l'information du Parlement et des citoyens, sur le calendrier ou encore sur le vote des conventions financières.
Néanmoins, j'ai deux motifs de regret. Le premier est lié à la non-inscription, dans le cadre organique, du Printemps de l'évaluation, grande réussite de cette législature. Nous déplorons aussi que cette proposition ne s'attaque qu'à un seul des objectifs de la LOLF et oublie la réforme de l'État. J'espère que les sénateurs et les députés – et aussi le Gouvernement – s'en saisiront avant 2041 !
Nous soutenons tant la lettre que l'esprit de ces propositions de lois organiques et disons notre hâte de les voir appliquées, et le Parlement renforcé.