Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du jeudi 18 novembre 2021 à 9h00
Modernisation de la gestion des finances publiques - haut conseil des finances publiques — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

À l'occasion de l'examen et du vote définitif de la réforme de la fameuse LOLF, je voudrais, comme Mme Poueyto, saluer les pères fondateurs de la loi organique adoptée en 2001, qui fut une petite révolution et que nous utilisons chaque jour, à l'Assemblée nationale et au Sénat, lors de l'examen des textes budgétaires. Je regrette toutefois que nous ayons perdu en cours de route la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) : sans doute viendra-t-elle plus tard, mais un tout eut été plus cohérent.

Commençons par les points positifs, car ces textes en contiennent. Vous avez souhaité rendre la procédure budgétaire plus fluide et lisible : nous soutenons tous cet objectif. Vous proposez par exemple de réorganiser la discussion budgétaire afin d'éviter les répétitions et l'examen de mesures quasi identiques en première et en deuxième lecture ; tout cela va dans le bon sens, de même que l'avancement du délai de dépôt des annexes générales ou encore la création de nouvelles annexes budgétaires visant à clarifier les choses, sur le modèle d'une phrase simple sujet-verbe-complément – du moins je l'espère.

J'émets toutefois plusieurs réserves sur la proposition de loi organique, comme je l'ai indiqué lors de la réunion de la CMP lundi soir. La première porte sur l'article 11, dans lequel vous mélangez les données statistiques et les données fiscales. J'évoquerai les unes et les autres séparément, même si elles figurent dans le même article.

Les données fiscales, tout d'abord : les rapporteurs généraux et les présidents des deux commissions des finances pourront désormais autoriser des agents à recueillir des données fiscales personnelles à leur place. Je pense que c'est dangereux, comme je l'ai dit en CMP. Actuellement, le secret fiscal est préservé – je le rappelle d'autant plus que, lorsque j'étais rapporteure générale du budget, je me suis rendue à Bercy dans le cadre des évaluations qu'il revient au Parlement de conduire, pour consulter les données fiscales d'entreprises, mais je me suis toujours interdit de consulter celles de particuliers. Encore une fois, il me semble dangereux de déléguer ce droit à des agents qui n'ont pas les mêmes responsabilités. Je le dis solennellement : l'article 11 menace la confidentialité des données – du moins est-ce la lecture que j'en fais ; j'espère me tromper, mais c'est bien ce qui figure dans le texte. Vous auriez pu soumettre ces agents à la procédure applicable aux chercheurs, et les habiliter au secret statistique et au secret fiscal. Vous ne l'avez pas souhaité, préférant leur donner une délégation simple ; selon moi, cela ne suffit pas pour sécuriser la procédure.

Les données statistiques, ensuite, auquel l'article 11 donne au Parlement la possibilité d'accéder. Là encore, je vous invite à faire preuve de la plus grande attention, car les données statistiques englobent des données médicales. Or pendant la crise de la covid-19, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et d'autres organes établissent des statistiques à partir de données provenant du circuit médical – j'ai vérifié ce point depuis la CMP de lundi. Vous auriez pu prévoir une procédure sécurisée passant par le comité du secret statistique afin d'assurer une réelle protection du secret des données, y compris le secret médical.

Ces deux points me semblent fondamentaux. Dans sa rédaction actuelle, l'article 11 ne préserve pas les garanties que la Constitution assure pourtant à chacun de nos concitoyens. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous ne voterons pas en faveur de ce texte – à regret, parce qu'il faut une procédure qui permette des avancées et une meilleure lisibilité, mais l'article 11 comporte trop de risques pour la protection des libertés que nous devons aux citoyens.

Enfin, je regrette que ces propositions de loi ne soient pas allées plus loin concernant la réorganisation de la discussion budgétaire. Je répète qu'il est indispensable d'aborder en même temps les recettes de l'État et celles de la sécurité sociale, car elles sont reliées par un tuyau de taille : la TVA. Je regrette également que la proposition de loi organique ne contienne aucune mesure destinée à renforcer l'évaluation financière des amendements du Gouvernement déposés en cours de discussion – rappelons que cette année, l'Assemblée nationale a adopté l'amendement gouvernemental le plus cher de l'histoire de la Ve République. Ces amendements devraient donner lieu à une évaluation financière sérieuse.

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