« Faites-moi de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances », affirmait un ministre des finances des deux Restaurations et de la monarchie de Juillet. Deux siècles plus tard, l'inverse de ce paradigme du Baron Louis est aussi vrai : nous avons à cœur de faire de bonnes finances pour pouvoir mettre en œuvre de bonnes politiques. C'est justement ces « bonnes finances » qui nous permettent d'affronter un contexte soudain et inédit de crise sanitaire mondiale aux conséquences massives et durables.
Si les apports de nos dernières lois organiques sont indéniables, elles génèrent aussi leurs propres limites. Le bilan du pilotage pluriannuel est considéré par la Cour des comptes comme « décevant », dans la mesure où les objectifs fixés par les lois de programmation ont rarement été atteints. Les comparaisons internationales montrent pourtant les bénéfices d'un cadre pluriannuel solide qui s'appuie sur un engagement politique fort, prévoit des cibles de dépenses crédibles, souples et stables, et un encadrement de l'évolution des recettes.
Par ailleurs, le cadre fragmenté de notre dépense publique n'est pas propice à la bonne prise de décision et à la bonne compréhension de l'usage des deniers publics. Pour mieux lire les choix publics, il faut donc mettre en place des dispositifs à même de garantir une vision globale de l'action des différentes administrations publiques.
Le budget de l'État a, enfin, tendance à s'émietter ce qui a pour conséquence de déroger aux principes d'unité, d'universalité et d'efficience ! Bref, « peut mieux faire » !
C'est bien pour cela que nous sommes réunis ce matin, au terme d'un très long et constructif travail que je veux saluer, notamment celui du président et du rapporteur général de la commission. Le groupe Agir ensemble adhère en tout point aux objectifs que la proposition de loi organique s'est assignés : renforcement de la pluriannualité du pilotage des finances publiques, amélioration de la lisibilité budgétaire, rationalisation de la procédure d'examen parlementaire.
La pluriannualité est une vision du temps long indispensable à ceux qui veulent conduire des politiques publiques de qualité. La loi de programmation des finances publiques devra désormais déterminer, pour chaque année de la programmation, un objectif de croissance de la dépense publique en volume ainsi qu'une prévision de dépenses exprimée en milliards d'euros courants. C'est un pas important vers une meilleure anticipation et une approche plus compréhensible et parlante de la dépense publique.
La transparence des finances publiques est améliorée, par la modification de la structure du projet de loi de finances, la clarification du cadre applicable aux taxes affectées et aux prélèvements sur recettes, la modification de la nomenclature des lois de finances : une meilleure présentation des dépenses de l'État distinguant mieux l'investissement et le fonctionnement, ce qui ne doit pas être pour déplaire à notre président de commission.
Enfin, l'information et les droits du Parlement sont renforcés. La LOLF consacre le Printemps de l'évaluation, c'est-à-dire le chaînage vertueux entre, d'une part, les missions de contrôle et, d'autre part, l'autorisation budgétaire et le vote des crédits. Cette initiative n'avait pas pour but que notre commission empile rapports sur rapports mais visait à donner aux rapporteurs le temps et les moyens suffisants pour nouer un dialogue constructif avec les administrations qu'ils contrôlent et pour peser sur les évolutions des budgets qu'ils évaluent.
En tant que rapporteur spécial des crédits du ministère des affaires étrangères, j'ai pu mesurer les points forts de l'exercice, ayant la satisfaction de voir des PLF ou des PLFR traduire en acte certaines de mes préconisations du Printemps, par exemple en 2019 et 2020 en ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger ou cette année les bourses aux étudiants internationaux. La PPLO elle-même reprend, pour les établissements à autonomie financière des services culturels des ambassades, ma proposition de sécurisation de leurs ressources propres, formulée en 2018 dès le tout premier Printemps.
Je sais que nombre de mes collègues rapporteurs spéciaux ont pu éprouver des satisfactions similaires, même si beaucoup peut encore être fait pour améliorer l'exercice. Lors de la prochaine législature, nous pourrons sans aucun doute donner plus de visibilité aux travaux des rapporteurs spéciaux et mieux organiser les échanges en commission avec les ministres ou les responsables de programmes.
Le groupe Agir ensemble votera bien sûr en faveur de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et de la proposition de loi ordinaire qui lui est liée. Ces textes sont à la hauteur des enjeux et permettront de moderniser notre constitution des finances publiques.