Nous sommes réunis ce matin pour examiner le projet de loi portant reconnaissance de la nation et réparation des préjudices subis par les harkis.
Le point d'étape que nous nous préparons à franchir aujourd'hui est le fruit d'un processus qui a permis l'appropriation progressive d'une page complexe de l'histoire de France. Ce processus fut engagé par le président Jacques Chirac le 26 septembre 2001 et poursuivi par ses successeurs. Plus de vingt ans après avoir reconnu la dette française envers les harkis, il nous faut désormais avancer vers encore plus de reconnaissance et de réparation, dans la foulée de la volonté exprimée par le Président de la République.
Nous avons entendu, parfois, que ce texte arrivait à un moment politique particulier. À ce soupçon, nous répondons que ce gouvernement et cette majorité se sont pleinement engagés dans une action large au profit des harkis, tout au long de la législature. Ainsi, dès 2018, les anciens harkis ont bénéficié d'une augmentation des allocations de reconnaissance et viagères, qui ont été revalorisées de près de 600 euros par an, ce qui représente l'augmentation la plus importante depuis leur création. Un fonds social de soutien a été créé pour les enfants de harkis en 2019, doté d'un montant de 13,6 millions d'euros. Près de 2 000 d'entre eux ont ainsi été aidés, pour un montant moyen d'aide de 7 600 euros. La reconnaissance et l'action au profit des harkis ont donc été une réalité du quinquennat. Madame la ministre déléguée, vous l'avez menée avec constance et détermination et nous vous en remercions.
Venons-en au fond du projet de loi, tant attendu par les associations. Lors de son discours du lundi 20 septembre 2021, le Président de la République a rappelé l'objet de ce texte : il a vocation non pas à dire ce qu'est l'histoire – c'est le rôle des historiens –, mais à souligner la singularité du drame des harkis et la part de maltraitance des familles accueillies en métropole. En retranscrivant dans la loi la responsabilité de la France dans leurs conditions d'accueil, nous passons à nouveau des paroles aux actes.
En plus de graver cette reconnaissance dans le marbre de la loi, le présent projet de loi entérine la volonté de recueillir les témoignages et de faire vivre la mémoire de ce drame, grâce à la commission instituée par l'article 3. Dans la lignée du rapport de Benjamin Stora et de celui de Vincent Duclert, la France peut être fière de son travail mémoriel. Il a fallu du courage pour faire la lumière sur les zones d'ombre de notre histoire. Nous nous tenons droits face à l'histoire, ce que peu de nations sont capables de faire.
Deuxième axe, le projet de loi conforte la réparation financière : pour la première génération de harkis, d'abord, en revalorisant les allocations des anciens combattants harkis et de leurs veuves ; pour la deuxième génération, ensuite, qui a vécu les camps, les hameaux de forestage ou les foyers dans des conditions de vie si difficiles. C'est l'objet de l'article 2, sincérisé par les articles 5 et 6 qui affranchissent la réparation budgétaire de l'assujettissement à l'impôt et des cotisations sociales.
Nos travaux en commission ont démontré l'excellent degré de coopération des groupes politiques et la convergence de nos visions sur ce sujet – même si nous ne sommes malheureusement jamais à l'abri que certains se laissent aller à des postures de circonstance. Cette convergence s'est illustrée par exemple par le dépôt d'amendements identiques proposant d'instituer dans la loi une journée nationale d'hommage aux harkis et aux autres membres des formations supplétives, dépassant ainsi le décret du 31 mars 2003 ; ou encore par ceux proposant qu'un député et un sénateur siègent au sein de la commission instituée par l'article 3, permettant ainsi au Parlement de poursuivre le travail engagé pendant la phase mémorielle.
Enfin, nous souhaitons vous remercier, madame la ministre déléguée, de votre écoute des demandes du groupe Agir ensemble, prises en considération dans le présent projet de loi. L'article 133 de la loi de finances pour 2016 avait fixé un délai de dépôt de dossier à un an à compter du décès de l'ancien harki ou au 31 décembre 2016 pour ceux décédés avant le 1er janvier 2016. Notre collègue Loïc Kervran vous avait alerté, par question écrite, sur les effets délétères de la forclusion, dans la mesure où de nombreuses familles n'avaient pas été informées à temps de ce dispositif, notamment par les services de l'ONACVG, et n'avaient donc pas pu faire la demande d'allocation. L'article 7 de ce texte répare cette injustice et nous vous en remercions.
Mes chers collègues, ce texte constitue donc une avancée mémorielle majeure et une juste réparation pour les harkis. Il permet à la France d'en sortir plus unie, plus digne et mieux préparée pour faire face à d'autres aléas de l'histoire. Le groupe Agir ensemble remercie donc tous ceux qui ont contribué à ce travail et votera en faveur du présent projet de loi.