C'est avec responsabilité et gravité que je prends la parole à propos d'un texte longtemps attendu par ceux que nous appelons les harkis, mais qui sont avant tout des citoyens français – en vertu de l'ordonnance du 21 juillet 1962 – et que la République a brutalisés. C'est l'aboutissement symbolique d'un long combat, auquel je voudrais associer tous ceux qui, avant moi, n'ont jamais ménagé leur peine pour cette cause : Michèle Tabarot, Guy Teissier, Valérie Boyer, Fabrice Brun ou encore Bernard Reynès. Je le fais avec d'autant plus d'humilité que je porte à la boutonnière, depuis mes débuts en politique, cette croix de Lorraine qui fut le symbole de la Résistance puis du gaullisme, et qu'il me revient, au nom du groupe Les Républicains, de m'exprimer sur un texte qui tente de réparer un drame humain sur lequel plane l'ombre du général de Gaulle.
Comme le dit si bien le bachagha Saïd Boualam, qui fut vice-président de l'Assemblée nationale : « Les harkis […] sont les enfants de ces villages, de ces écoles détruites, les ouvriers agricoles de ces terres brûlées, les pères, les frères de ces enfants assassinés, s'organisant eux-mêmes en harkas d'auto-défense, sous l'autorité de leur caïd et des officiers français, pour que cesse le temps des assassins et que revienne la paix dans les villages. » Il dénonça au Parlement, dès mai 1962, les conditions d'accueil qui leur furent faites. Alain Peyrefitte écrira dans ses mémoires : « Dans cette affaire, le général a fait preuve d'une inutile cruauté. »
Le sort des harkis se mêla à celui des rapatriés, que Gaston Defferre, maire de Marseille, voulait « pendre, […] fusiller, […] rejeter à la mer », et que les communistes traitaient de fascistes. Reconnaissons-le avec lucidité : aucun camp politique – gaullistes, socialistes, communistes – ne s'est honoré dans la manière d'accueillir ceux qui avaient tout perdu. Voilà pourquoi j'ai toujours pensé que le temps était venu, pour notre génération, de réparer et non de se repentir. C'était le sens d'une lettre ouverte que j'avais adressée au Président de la République avec trente-deux parlementaires du groupe Les Républicains, dans laquelle nous souhaitions qu'une réparation soit instaurée pour les harkis et leurs familles.
En nous présentant ce texte, vous accomplissez une avancée symbolique très forte mais vous suscitez également beaucoup de déception, tant votre engagement est limité. Votre projet de loi ne s'adresse qu'aux harkis de seconde génération passés par les camps de transit ou les hameaux de forestage, comme si votre objectif était surtout de colmater la brèche ouverte par la condamnation de l'État au profit d'Abdelkader Tamazount, fils de harkis, en octobre 2018.
En écartant la première génération, vous occultez l'histoire des soldats ainsi que leur héritage. En triant les harkis, vous laissez de côté des milliers de cas en souffrance.